Dans le cadre des lectures nécessaires pour alimenter ma réflexion sur le blog comme l’art de la conversation, un extrait du dernier chapitre de:ZELDIN, Theodore, De la conversation, Fayard, 1999.
Comment la conversation favorise la rencontre des esprits
« … la conversation met en contact des idées aussi bien que des gens, et il n’est pas catastrophique de rester silencieux en observant la rencontre d’idées. […]
Penser, pour moi, c’est réunir des idées, des idées qui se mettent à flirter, qui apprenent à danser et à s’enlacer. J’y trouve un plaisir sensuel. […] Le cerveau regorge d’idées solitaires qui ne demandent qu’à ce qu’on leur trouve un sens, à ce qu’on reconnaissent leur intérêt. […]
Il est clair qu’une conversation ne peut être fait uniquement d’anecdote; entre les anecdotes, il faut le lien d’une pensée générale dont on puisse ensuite discuter. Il ne suffit pas que les idées se rencontrent: encore faut-il qu’elles s’enlacent. […] la conversation a besoin de temps d’arrêt, les pensées ont besoin de temps pour faire l’amour.
J’apprécie particulièrement les conversations qui se situent à la limite de ce que je comprends et de ce que je ne comprends pas, les rencontres avec des gens qui sont différents de ce que je suis.
… il est [aussi] bon de nous rappeler que ceux qui demeurent silencieux sont souvent occupés par la conversation qu’ils ont avec eux-mêmes, et que cette conversation-là peut être aussi valable et intéressante que bien d’autres. Elle signifie qu’on pense, alors que parler sans penser est vide. Que l’on change sa façon de penser, et la moitié du chemin est fait qui permettra de changer le monde. »
Il y a aussi ceux qui pensent en parlant, littéralement. On les appelle dans certaines typologies les auditifs-verbaux… Dont, dit-on, je ferais partie ;-)
Il m’arrive souvent de parler et d’émettre des idées sur lesquelles je ne m’étais jamais arrêtées auparavant. J’appelle cela «penser en parlant». Cette façon de penser est éminemment sociale puiqu’elle présuppose un interlocuteur pour penser !
Je suis de ceux qui ont besoin d’un prétexte pour penser; la lecture n’est qu’un exemple. Mais si elle n’est accompagnée d’écriture, cette pensée labile s’évapore.
D’où le problème de coordonner lire-écrire. Par quels outils ? Le commentaire interactif me semble un bon embryon semé aux quatre vents. Reste à inventorier ou même inventer d’autres outils, au besoin.