TIC? réforme? gauche? droite? Confusion surtout!

Audrey Miller nous rapporte dans l’Infobourg ses observations sur le colloque de l’Alliance des professeur(e)s de Montréal, qui se tenait la semaine dernière à Montréal. Mario se désole de ce qu’il y apprend. Moi aussi.

Il y aurait bien des choses à dire sur ce texte, en particulier en regard de la perception de la réforme dont il témoigne, mais je limiterai pour ce soir mon commentaire sur le volet technologique. Quand je lis…

« Tous formulent le v¦u unique que les jeunes, en secondaire 5, sachent lire et écrire. […] La révolution technologique est perçue par bien des enseignants comme un simple outil de plus dans leur métier.  » Il y a beau avoir des millions d’informations sur Internet, mais elles ne constituent pas le savoir « , observe Christiane Gohier, professeure au département d’éducation de l’UQÀM et co-auteure de Enseigner et libérer. Selon elle, l’important est d’apprendre aux jeunes à l’analyser et à la traiter »

…ça me rappelle qu’il y a une énorme méconnaissance de l’outil (c’est juste) informatique dans certains milieux. Ça me semble totalement contradictoire, en 2004, de (re)formuler le voeu que tous les enfants sachent lire et écrire correctement, qu’ils sachent analyser et traiter l’information et qu’il se libèrent grâce à l’école… et de condamner du même coup les technologies de l’information et de la communication. J’ai peine à y croire. Pour moi, les TIC servent précisément ces fins!

Je ne pense évidemment pas que tout doit dorénavant passer par les technologies… mais elles représentent certainement un outil privilégié pour apprendre à écrire, à lire, à traiter l’information et à devenir citoyen!

Mes amis connaissent mes opinions politiques, certainement plus à gauche qu’à droite… mais s’il y a une chose dont j’ai vraiment peur… c’est de l’attitude réactionnaire de plusieurs traditionnels porte-paroles de la gauche à l’égard des technologies. Parce que s’il est vrai que certaines technologies peuvent menacer la démocratie et la solidarité qui la rend possible… de plus en plus de nouvelles technologies, plus légères, plus souples et (surtout) plus ouvertes permettent de faire contrepoids, voire de changer les rapports de force. Je pense aux technologies collaboratives (xml-rss, entre autre chose) et au monde du logiciel à code source ouvert, notamment.

Mais c’est sûr que si, par principe, ou obnubilé par la peur de quelques méga-entreprises on préfère se fermer les yeux (cachez ces TIC que je ne saurais voir!) et se conforter dans la nostalgie de la craie et du tableau noir… eh bien on laissera le terrain libre à ceux qui veulent utiliser les TIC uniquement pour nous manipuler ou à des fins mercantiles.

C’est aux enseignants d’occuper le terrain des TIC! Les absents ont toujours tort…

Tout ça me rappelle ceci, écrit en juin 1999…

Et pendant ce temps, en Ontario, une nouvelle loi reconnaît les enseignantes et enseignants comme des professionnels, et le ministre de l’éducation affirme:

« qu’un système d’éducation qui aspire à faire réaliser à chaque élève son potentiel doit être un système qui permet au personnel enseignant et aux autres travailleuses et travailleurs éducatifs de réaliser le leur […] [et que] ce qui importe le plus, c’est que les enseignantes et enseignants obtiennent la formation et le perfectionnement dont ils ont besoin en temps opportun. »

Je crois rêver.

7 réflexions sur “TIC? réforme? gauche? droite? Confusion surtout!

  1. Mais qu’est-ce qu’on s’imaginait ? Que le changement de paradigme se ferait sans heurts ? Qu’il serait immédiat ?

    Pour ma part, je me réjouis de cette nouvelle. Elle ne fait que mettre en lumière le gouffre dans lequel des décennies d’abdication de la responsabilité professionnelle et pédagogique, au profit du manuel scolaire et de la syndicalisation, ont plongé le système scolaire.

    Le changement est perpétuel. Ce genre de manifestation (le colloque de l’Alliance des professeurs de Montréal) ne fait que révéler le désarroi du pouvoir enseignant établi et de fortifications qui s’effritent.

    P.-S. Veuillez comprendre que ma véhémence s’adresse au système scolaire, et non aux individus qui sont pris dans l’engrenage.

  2. Je crois qu’il ne faut pas penser que ceci n’est que le reflet de l’establishment syndical. Certes, ils ont choisis les panelistes, et ce choix n’est peut-être pas innocent. Mais ne perdons pas de vue que ce sont des profs ordinaires dans la salle qui applaudissent et réagissent. Et quoiqu’on en pense, les enseignants ne se laissent pas plus manipuler que le reste de la population.

    On peut ne pas être d’accord avec eux mais il reste que c’est un segment de l’opinion enseignante qui s’exprime par leurs applaudissements. Ceci devrait plutôt nous interpeller. Pourquoi n’ont-ils pas la même opinion que nous? Qu’est-ce qui, dans leur pratique quotidienne, les amène à porter ce constat? Dans la vie c’est rarement aussi tranché. D’un côté, ceux qui ont raison et de l’autre, ceux qui ont tort. Bush voit la planète ainsi et on voit ce que cela donne.

    Quand une personne ne pense pas comme nous, je crois que cela devrait nous obliger à réfléchir davantage et à essayer de comprendre le pourquoi. Tant qu’on ne comprend pas le pourquoi, on ne peut l’amener à penser autrement.

    Bref, une belle occasion de s’interroger.

    En passant, je partage tout à fait l’idée de Clément sur la méconnaissance de l’outil

  3. « Nous allons collaborer avec le personnel enseignant, ainsi qu’avec nos directions d’école, les conseils scolaires et les facultés d’éducation et nous demanderons l’apport des parents, des élèves et d’autres pour mettre au point un cadre de perfectionnement professionnel valable. »
    Gerard Kennedy, Ministre de l’Éducation Ontario

    Et ils vont s’en sortir.
    Au Québec, parcontre, les enseignants sont bien conscients du retard profond, et leur réaction d’un retour à une stabilité passée est compréhensible.
    Pour la pluspart d’entre-eux, le retard n’est plus rattrapable et ils savent très bien qu’une réforme véritable en formation ne profiterais qu’aux nouveaux enseignants. Introduire les TIC les placerait dans une situation bien inconfortable pour un enseignant, c’est à dire la peur d’être eux-mêmes les derniers de classe en cette matière.
    Ce n’est pas d’être remplacer par les TIC qu’ils craignent, mais d’être remplacer par d’autres qui les maîtrisent déjà. D’êtres considérés inefficaces.
    C’est pourquoi ils ne peuvent voir les TIC comme complément, mais comme un possible remplacement de ce qu’ils maîtrisent déjà.

    Mais le plus grand malaise qui semble ressortir des commentaires des enseignants c’est celui de ne plus avoir une idée claire du but de l’enseignement.
    C’est la politique, le patronat, les groupes de pressions et sociaux, les lobyistes, et les parents, qui préparent le menu. L’enseignant est derrière le comptoir et sert non pas un élève mais un client, et sa formation n’est pas en invention culinaire mais en manières originales de servir le menu.
    On a réussi à convaincre l’enseignant que son but est de nourrir l’élève. Que son métier est un service.
    On ne les appellent plus des « maîtres » comme autrefois, car ils ne dirigent plus ce qu’ils enseignent.

    Dans un tel contexte, l’impondérable propre aux TIC qui exige un constant effort de créativité, mais ô combien bénéfique et gratifiant, est sans-doute vu comme un obstacle à la performance et au « rendement ».

    J’ai deux fils à la maison et je les adore. Je ne peut plus supporter de les entendre me dire à chaque matin qu’ils haïssent l’école, qu’à chaque jour ils n’ont rien à me raconter de leur journée ou de ce qu’ils y ont appris.
    Pourtant, ils ne sont pas allergiques au savoir. Chaque jour ils me demandent pourquoi-çi pourquoi-ça. De questions pas faciles souvent, sur les événements du jour dans le monde, sur le sex, ou en regardant un film de science-fiction ils veulent savoir si l’anti-gravité est possible, et s’ensuit une conversation de deux heures sur la gravité.
    On discutte, on fait des recherches sur l’Internet si on sait pas quelque-chose, et on cré des jeux ou faisont des dessins sur ce qu’on a appris.
    C’est drôle, mais j’ai pas besoin de les assoir sur une chaise ou de les forcer à faire tout çà. C’est eux qui instiguent. Alors je me pose la question ; qu’est-ce qu’ils font à l’école? Pourquoi en ont-ils horreur?

    Et souvent, après une bonne discussion avec eux sur un sujet de base (sciences, histoire, arts, etc…) je me vois spontanément leur demmander ; vous ne discuttez pas de celà à l’école?

    Non papa, est toujours la réponse.

    Je commence à penser que les TIC ne sont pas au menu car justement elles risqueraient d’éveiller la curiosité et des questions chez l’élève, que beaucoup préférerait éviter.
    Surtout pour les faiseurs de menus.

  4. Pour avoir travaillé en Ontario, je mentionnerai seulement qu’il faut être très prudent en ce qui a trait à l’ordre professionnel et surtout en ce qui a trait à tout ce qui touche l’enseignement là-bas. L’ordre professionnel est très loin de faire l’unanimité auprès des enseignants et des décideurs, mais en plus les crédits de perfectionnement ne sont pas aussi performants qu’on le laisse croire. N’oublions pas qu’il y a la norme écrite et ce qui se passe dans la réalité, l’écart peut être parfois très élevé. Cessons donc de se comparer uniquement en croyant que c’est mieux ailleurs… Comparons-nous pour devenir meilleur tout court dans le respect de ce que nous sommes.

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