De mon point de vue, les discussions autour de la réforme prennent vraiment une tournure intéressante. Voici quelques notes à ce sujet, glanées ça et là.
D’abord, Sacco souligne en citant Dalongeville et Huber, que la réforme ne proscrit pas l’enseignement magistral mais suggère des conditions à rassembler afin de lui donner du sens:
« La situation-problème [à titre d’exemple] n’est pas l’anéantissement du cours magistral mais la mise en place d’amonts qui vont permettre le surgissement des conditions de sa réception : questions, questionnements, problématisations inachevéesŠ Ces conditions absolument nécessaires pour que le cours magistral ‹ qui ne saurait être exactement le même que celui que nous dénonçons ‹ ait du sens. »
Le même Dalongeville démystifie l’opposition entre connaissances et compétences dans un texte publié par Le Devoir:
« il faudrait dissiper la fausse opposition entre compétences et connaissances. Car a contrario de la vision réductrice des fondements de la réforme colportée par ses détracteurs, on ne peut pas être compétent et ignorant, mais on peut être connaissant et incompétent. […]
…que les enseignants se rassurent : aussi bien en histoire qu’en géographie et probablement ailleurs, il faut enseigner des savoirs de haut niveau, car il est impossible de construire des compétences à vide, sans des contenus sur lesquels travailler. En fait, plus les exigences seront élevées en termes de compétences et plus la quantité de savoirs à transmettre, effectivement transmis et véritablement maîtrisés par les élèves sera importante. »
La lecture de ce texte amène aussi à s’interroger sur les visées de la réforme. Sur les choix idéologiques sur lesquels elle s’appuie. Ce sur quoi revient aussi Sacco:
« Réfléchir à ce qu’est le rôle ou les fonctions d’un enseignant, réfléchir à ce que la société attend de nous, réfléchir à ce en quoi nous croyonsŠ La réforme permet, ce me semble, une avancée intéressante pour celui ou celle qui juge justement que son rôle ne doit se limiter à faire des « têtes bien pleines ». […] La démocratie exige que l’on donne les outils nécessaires aux citoyens pour qu’ils puissent exercer pleinement leur pouvoir. »
À ce sujet, je reprends ici ‹ pour mémoire ‹ un passage d’un commentaire que j’ai fait dans la série de commentaires à un texte de Mario Asselin:
« …ce que je voulais dire, c’est surtout que l’éducation sera toujours un vaste chantier social. C’est largement par ce moyen que les sociétés se transforment, intentionnellement ou non. Et qu’en ce sens, l’éducation est À LA FOIS quelque chose de culturel, de politique et de scientifique. Il n’est pas possible de juger de l’éducation uniquement en fonction d’une seule de ses perspectives. Pas plus à l’échelle macroscopique qu’à l’échelle de la classe. […]
La science jette un éclairage indispensable sur l’éducation, mais elle n’explique pas tout, tout le temps, à chaque instant. Le plus grand danger serait de la nier, c’est vrai, mais ce serait également un grand danger que d’abandonner tout autre point de vue sur l’éducation. Il me semble. »
Au passage, je signale aussi l’intéressant concept de Teaching as persuasion, que nous a présenté Sacco dans deux textes: ici et là.
« According to Murphy (2001), the teaching as persuasion metaphor is based on a number of central tenets. Among these are the following: (a) teachers must acknowledge that students have knowledge or beliefs that conflict with classroom content; (b) alternative points of views are worth considering; (c) messages can be structured to influence students’ understanding; and (d) learning results from a change in students’ knowledge and beliefs (Murphy, 2001). (Sinatra et Kardash, 2004) »
Le plus satisfaisant dans tous ces échanges, c’est de constater qu’ils nous font collectivement avancer, comme en témoigne d’ailleurs cette intervention de Normand Péladeau dans la liste de discussion Edu-ressources:
« Il s’est produit hier une situation bien singulière que je crois favorable soit à un rapprochement des positions, ou à tous le moins, à une meilleure compréhension du débat actuel. […] Cela soulève plusieurs questions intéressantes, la plus importante étant sans doute qu’est ce qui fait qu’un modèle est socioconstructiviste ou instructionniste? »
Et le mot de la fin? Il revient hors de tout doute à François Guité, qui guide aussi habilement que discrètement nos échanges sur le sujet depuis quelques jours:
« Évitons les querelles de clocher et reconnaissons que dans les faits, un vrai pédagogue (et non un technicien de l’enseignement) n’a que faire des positions extrémistes. Il emprunte plutôt aux uns et aux autres au gré des besoins des élèves. »
La conversation (textes et commentaires) dont est issue cette citation est d’une remarquable qualité.
Vraiment, la qualité de ce que je lis dans la carnetosphère depuis quelques jours est impressionnante. Merci à tous ceux et celles qui rendent possibles tous ces échanges.
La phrase de Dalongeville résume tout : « il faudrait dissiper la fausse opposition entre compétences et connaissances. »
Plusieurs associent la réforme à une espèce de communisme intellectuelle.
Le pragmatisme de notre enseignement s’articulera par l’intégration des compétences aux connaissances acquises et à acquérir, globalisant un sens à notre façon de « donner un cours »;)