Il faut prendre soin de notre démocratie

On est dans une période complexe, particulièrement imprévisible — donc inquiétante. On vit un choc. On réalise que ce qu’on pensait pouvoir tenir pour acquis est soudainement remis en question. Sans savoir jusqu’où ça ira, et quand ça s’arrêtera.

Mais ce n’est pas la première fois que l’humanité passe par là. C’est le temps de revisiter l’histoire. De se rappeler des erreurs à ne pas reproduire — à commencer par laisser envahir nos esprits par le désordre et perdre de vue ce qu’on a de plus précieux.

À la suggestion d’un ami, j’ai lu dans les derniers jours L’ordre du jour, d’Éric Vuillard. C’est le récit des coulisses de la prise de contrôle de l’Autriche par l’Allemagne, en 1938. Et c’est d’une actualité saisissante. C’est effrayant, certes, mais ça aide aussi à reconnaître les patterns de l’histoire… et ça outille pour ne pas en devenir complices malgré nous.

Je ressors de cette lecture préoccupé par toute l’attention que nous accordons actuellement à l’effondrement de la démocratie états-unienne.

Il va bien sûr falloir s’adapter à une toute nouvelle réalité (défi immense s’il en est un!), mais ce n’est pas de ce qui se passe là-bas dont on devrait se préoccuper le plus, c’est plutôt de l’état de notre propre démocratie et de sa vulnérabilité. Il est indispensable de s’interroger sur les façons de la protéger.

On voit plus clairement que jamais à quel point la démocratie, et les institutions qui l’incarnent sont fragiles. Elles sont essentiellement basées sur des conventions et des normes qui ont pris forme à la fin de la Seconde Guerre mondiale et auxquelles une large majorité des dirigeants nationaux et internationaux se sont volontairement conformés dans le but de favoriser la paix et la prospérité du plus grand nombre.

Je ressors aussi de cette lecture convaincu qu’on est tous responsables de prendre soin des rouages de notre démocratie — et de celles et ceux qui la font vivre.

C’est toute une machine la démocratie. Une machine qui repose sur des institutions, des partis politiques, et plus encore sur des élu.e.s, femmes et hommes, qui ont le courage de débattrent sur la place publique, pour faire avancer les idées auxquelles ils croient. Sur des milliers de bénévoles, aussi, qui soutiennent élu.e.s et candidat.e.s d’une élection à l’autre.

Il faut chérir tout ça. Et, plus que jamais, accepter les débats, même quand ils sont particulièrement vigoureux. Il faut assumer les désaccords et accepter les décisions auxquelles on a pu s’opposer. Parce que c’est tout ça le prix de la démocratie — et que c’est toujours mieux que ce qui est en train de se passer au sud de la frontière.

Je me dis finalement que le plus important dans les prochains semaines et les prochains mois, ce sera peut-être de poser de petits gestes pour souligner ce qu’on a de plus précieux et valoriser ceux qui ont choisi le service public: les élus, de tous les paliers de gouvernements, mais aussi les gestionnaires des institutions qui nous rendent de précieux services, et les fonctionnaires en général.

On devrait prendre le temps d’écrire un mot à toutes ces personnes pour leur dire que leur travail est important, et que, même si on n’est pas toujours d’accord avec elles, on les remercie pour leur engagement en faveur du Bien commun.

Tout ce beau monde va avoir besoin de courage dans les prochaines semaines et les prochains mois. Ils et elles auront tous des décisions difficiles à prendre. Autant leur apporter notre soutien dès maintenant.

Et n’en doutez pas… ça compte, je le vois chaque jour avec les élu.e.s avec lesquels j’ai le privilège de travailler! Un message d’encouragement permet d’atténuer l’effet d’au moins dix messages négatifs, méprisants ou haineux… comme il en pullule malheureusement sur les réseaux sociaux.

Il n’y a peut-être rien de mieux qu’un message d’encouragement pour protéger la démocratie.

Photo: Otto Freundlich, Sem título, 1934 — vu à Lisbonne, février 2024.

Une réflexion sur “Il faut prendre soin de notre démocratie

  1. J’ose espérer que nous ne vivons pas un moment similaire à ce qui est décrit dans «L’ordre du jour».

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