
C’est pieds nus que j’ai parcouru la grève tout à l’heure. Le sable entre les orteils, l’humidité, la bouette — c’est la texture du sol qui guidait mes pas.
Je n’ai rien trouvé de spectaculaire à première vue. Que des fragments: de verre, de grès, de plastique. Et il y avait cet intrigant morceau de porcelaine. Ou de céramique? Ou d’autre chose?

Ce n’est qu’une heure plus tard, après l’avoir analysé sous tous les angles, que j’ai identifié le matériau.
C’est un fragment de souvenir.
Un souvenir du Camp Saint-François.
Je suis convaincu que c’est un morceau d’une assiette de mélamine de la cafétéria du Camp Saint-François, à l’Île d’Orléans, où j’ai fait deux séjours, en 1984 et 1985, je pense.
Un très beau souvenir. De très beaux souvenirs.
Les cabanes où on dormait, huit par chambre, quatre lits à deux étages, les réveils, les baignades matinales (les ours polaires), les déjeuners, les jeux dans la chapelle convertie en salle polyvalente, les sports d’équipes sur l’immense terrain, l’hébertisme, les feux de camp sur la grève. Les surprises, les mauvais coups, les animateurs, les cris de ralliement.
Ce petit morceau d’assiette est un portail temporel.
Quelques instants plus tard, j’ai trouvé des photos du Camp Saint-François tel qu’il est aujourd’hui. J’ai fait le tour du site Web. Presque tout est identique!
J’ai même retrouvé les assiettes:


J’ai zoomé, très spontanément, sur les photos, pour voir si je n’y étais pas.
Avec ce petit bout de mélamine en main, je pense que c’eut été possible.
Pas de doute: c’est un objet précieux, presque magique.