
J’ai vécu une aventure ontologique au bord du fleuve ce matin.
C’est bien la dernière chose à laquelle je m’attendais!
J’ai d’abord cru ne rien rapporter. La marée était redescendue, puis remontée pendant mon sommeil… repartant avec une bonne partie de ce qu’elle avait pu déposer à mon intention.
***
J’ai mis mes pieds à l’eau et j’ai fixé l’horizon. Les cormorans pêchaient. J’ai essayé de ne penser à rien — de faire le vide.
Je pense que c’est à partir de là que tout s’est compliqué. C’est bien connu, la nature a horreur du vide…
En reprenant ma marche, j’ai trouvé une magnifique embarcation. Toute faite de bois de grève. Grandiose. On pouvait s’y asseoir aisément à quatre. Elle avait un moteur et une magnifique figure de proue.
Je me suis interrogé: était-ce un objet trouvé? Qu’est-ce qui définit un objet trouvé?

J’ai été sorti de mes questionnements par l’arrivée d’un matelot d’une dizaine d’années, accompagné par sa mère. On a jasé un peu. L’enfant m’a présenté son bateau avec autant de précisions que d’enthousiasme.
Au terme de la conversation, il était devenu impossible de qualifier cette œuvre d’objet trouvé.
En me retournant, j’ai vu dans le sable une petite tige de verdure triomphante à travers le sable.

Un objet trouvé? La nature peut-elle être qualifiée d’objet? Trouvé?
Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, mais je me suis penché et je l’ai cueillie.
Et j’ai été puni.
De retour au chalet, j’ai fait quelques recherches. J’ai appris qu’il s’agit d’une tige de scirpe maritime. Et on indique clairement « qu’il vaut mieux ne pas la cueillir ».
Cueillir, contradictoire de trouver?
J’ai continué à réfléchir.
***
J’ai dû me faire un deuxième café et retourner sur la grève. Et cette fois j’ai trouvé un objet. Aucun doute!
Un petit bout de plastique transparent avec un fragment d’étiquette.

Sheh, comme Sheherazad — comme une marque de tahini tunisien, dont j’ai pu trouver des images sur le Web, mais que je n’ai trouvé en vente nulle part au Québec. Aurait-il traversé l’océan pour se rendre jusqu’ici?
Sheherazad, comme dans les contes des Mille et une nuits, surtout!
« Les Mille et Une Nuits sont un exemple souvent cité du procédé de mise en abyme, car il raconte l’histoire de Shéhérazade, qui raconte l’histoire d’un personnage, qui parfois va conter quelque chose à son tour. » (source)
Comme je vous raconte des histoires d’objets trouvés, qui racontent eux-mêmes une histoire…
Décidément, tout est dans tout!