Objet trouvé — 18

C’est hier matin que j’ai trouvé cet objet sur la grève. Il a mis du temps à me dévoiler son histoire. Je m’en suis même blessé le pouce. Et ce n’est qu’en me réveillant ce matin que j’y enfin pu y voir plus clair.

J’ai d’abord cru à une pièce rouillée, vestige d’un bateau qui aurait fait naufrage il y a très longtemps.

J’ai aussi fait l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une plaque de métal comme celles qui ceinturent les coffres remplis de monnaies et de pierres précieuses (le coffre de la malédiction?).

Mais dans les deux cas, j’étais incapable d’expliquer comment cette chose, très lourde, et donc loin de flotter, avait pu s’échouer là, rapportée par les vagues.

Pendant que je le manipulais dans tous les sens, hier soir, un petit éclat de rouille est tombé, me donnant idée: et si je frappais dessus pour libérer son secret?

C’est donc à grand coup de marteau que j’ai fait tomber une bonne partie de la rouille qui se trouvait à la surface, révélant un peu plus clairement la forme de l’objet.

Il y avait dans l’atelier de la poudre noire partout. J’ai poursuivi en enduisant la pièce de Jig-a-loo avant de frapper à nouveau. J’avais les mains d’un charbonnier quand, à ma grande surprise, j’ai réussi à libérer un beau gros rivet. Du très beau travail de forge (le rivet, pas mon gâchis dans l’atelier!).

À force de grattage et de sablage, j’ai réussi à distinguer de petits tressages de fils sur les deux côtés de la pièce. Vraisemblablement des câbles métalliques.

Le soleil s’étant couché, en manque d’éclairage, je suis rentré.

Je me suis à peu près lavé les mains avant de passer deux heures à regarder des forgerons partager leurs savoir-faire sur Youtube.

J’ai ainsi pu apprendre comment on fabriquait les rivets, comment on les installait à chaud pour relier les pièces de métal d’un bateau ou d’un pont. J’ai appris que le type de rivet que j’avais devant moi a été abandonné au début du XXe siècle. Et que les câbles tressés sont devenus courants seulement à la fin du XIXe siècle. Ce qui situerait probablement la pièce retrouvée entre 1850 et 1925. Il y a plus de cent ans…

Et elle s’est retrouvée sur la grève pile au moment où je suis passé!

J’ai ensuite fait des croquis de ma compréhension de la pièce et j’ai demandé à ChatGPT de me la représenter. Ça m’a donné des illustrations imparfaites, mais que je trouve plausibles.

La conception de ces images m’a aussi éclairé sur l’usage potentiel de la pièce. Pour attacher une ancre? Pour retenir quelque chose à un bateau? Ou sur un quai? Ou une partie d’un pont suspendu?

Sauf que, même si ça s’éclaircissait peu à peu, je me butais encore et toujours à la même question: comment expliquer son arrivée sur la grève?

J’ai décidé de dormir sur ça.

Et je n’ai pas été déçu!

***

Imaginez-vous donc que j’ai rêvé qu’en frappant doucement sur l’objet, plutôt que de libérer une épaisse poussière noire, la surface se défaisait par fines couches, libérant de minces écailles verdoyantes.

Ces écailles tombant sur la table, se sont progressivement transformées en rivière, jusqu’à ce qu’il ne me reste plus entre les doigts que les arêtes d’un poisson métallique.

La voilà donc l’explication!

Il s’agit d’un vieux poisson qui a nagé jusqu’à la rive avant de s’échouer, mort de peur.

Un doré qui dérivait, et qui, malgré des nerfs d’acier, a eu la trouille.

Une réflexion sur “Objet trouvé — 18

  1. Félicitations pour la fascinante recherche sur les rivets!

    Super! Mais on entreprend sur l’élan des spéculations sur l’origine de la chose.

    Vu son poids, elle n’a pas pu flotter jusque là. Donc elle est arrivée sur ta grève attachée à quelque chose qui flotte. Vu son âge, ce n’est pas un morceau de plastique, donc un espar en bois.

    Peut-être y a-t-il eu un naufrage, en amont?

    Le naufrage du Minstrel (1841): Un brick transportant des immigrants s’est échoué sur l’Île Rouge, entraînant la mort de 150 personnes, selon Les amis des phares du Saint-Laurent.

    Le naufrage du Majestic (1835):Un navire chargé de briques a coulé après s’être échoué sur l’Île Blanche, suite à une erreur de pilotage.

    Le naufrage du Adah (1858):Un brigantin avec une cargaison de sucre et d’huile a coulé rapidement après avoir heurté les récifs de l’Île Blanche.

    Le naufrage du Montréal (1857):Un vapeur a été ravagé par un incendie au large de Québec, causant la mort de 253 personnes.

    L’épave inconnue du port de Québec:Un vapeur en bois du XIXe siècle, peut-être le Waterloo, gît sur le lit du fleuve, avec des vestiges de sa coque, de son moteur et de sa cargaison, selon le Répertoire du patrimoine culturel du Québec ?

    L’Île Blanche et l’Île Rouge ont l’air d’être en aval de chez vous.

    Donc ce serait le Waterloo ou le Montréal?

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