L’Infobourg a publié dans les derniers jours, sous la plume d’Audrey Miller, un texte au sujet d’un article du Christian Science Monitorintitulé Contrarian finding: Computers are a drag on learning. On suggère dans cet article que l’ordinateur pourrait « mettre un frein à l’apprentissage ». Simple sensationnalisme?
En guise de complément d’information sur le sujet, je reprends un peu plus bas les quelques commentaires que j’ai transmis un peu plus tôt cette semaine à un journaliste du Devoir qui m’interrogeait sur le même article du Christian Science Monitor.
Signalons par ailleurs que l’étude complète à laquelle fait référence le journaliste américain est accessible ici: http://econpapers.hhs.se/paper/cesceswps/_5F1321.htm
COMMENTAIRES SUR LE TEXTE DU CHRISTIAN SCIENCE MONITOR
TITRE: Contrarian finding: Computers are a drag on learning
COMMENTAIRE: Titre inutilement sensationnaliste. Clairement abusif par rapport aux conclusions de l’étude.
TEXTE: «For all the schools and parents who have together invested billions to give children a learning edge through the latest computer technology, a mammoth new study by German researchers brings some sobering news: Too much exposure to computers might spell trouble for the developing mind.»
COMMENTAIRE: C’est juste par rapport à l’étude si on ne discrimine pas l’utilisation qui est faite de
l’ordinateur. Ce qui me semble clairement une généralisation abusive. Quand on sait l’étendue des utilisations possibles… les intentions de ceux qui proposent et encadrent l’usage de l’ordinateur, etc.
Une des nuances des auteurs est justement importante à cet égard… En effet, les conclusions s’inversent quand l’ordinateur sert dans une large part à communiquer (faisant essentiellement référence dans ce cas au courriel). Même chose quand une portion du temps est consacré à des « logiciels éducatifs » (concept peu défini dans l’étude).
TEXTE: «From a sample of 175,000 15-year-old students in 31 countries, researchers at the University of Munich announced in November that performance in math and reading had suffered significantly among students who have more than one computer at home. And while students seemed to benefit from limited use of computers at school, those who used them several times per week at school saw their academic performance decline significantly as well.»
COMMENTAIRE: Bien que ces affirmations soient conforment aux observations des chercheurs, il importe de préciser que les conclusions de l’étude sont beaucoup plus nuancées. Les auteurs de l’étude attirent essentiellement l’attention des lecteurs sur le fait que les modes d’analyse traditionnels des effets de l’ordinateur sur l’apprentissage sont nettement déficientes et doivent être remplacées par l’autres, plus fines, qui tiennent compte d’une foule de facteurs ignorés même dans les plus sérieuses études au cours des dernières années. Voici un extrait de la conclusion:
« Despite the extensive use of control variables, the analysis has still been descriptive rather than causal. For a thorough analysis of causal effects of computers on student performance, we have to be sure that the variation in computer availability and use on which the analysis is based is truly exogenous to the model. […] This is still a descriptive finding, but one which we think should come much closer to any causal effect than the often presented bivariate relationship. […]
Our results also cast strong doubt on the possibility of giving a causal interpretation to bivariate results for other variables. For example, the OECD (2001) reports bivariate correlations of student performance with such features as reading interest, motivation, engagement and different teaching techniques. Our results suggest that any such finding may well be spurious, being driven by other important factors. In this sense, our exercise provides an illustration of the need for, at least, multivariate analysis. »
Le moins que l’on puisse dire c’est que les chercheurs sont plus nuancés dans leurs conclusions que ne le laisse croire l’article du Christian Science Monitor.
TEXTE: « »It seems if you overuse computers and trade them for other [types of] teaching, it actually harms the student, » says lead researcher Ludger Woessmann in a telephone interview from Munich. « At least we should be cautious in stating that increasing [access to] computers in the home and school will improve students’ math and reading performance. »»
COMMENTAIRE: L’élément de l’étude le plus intéressant à ce sujet n’a pas été retenu par le journaliste. Bien que je ne sois pas certain de suivre le raisonnement sur lequel les auteurs se basent pour affirmer ce qui suit, ça me semble offrir des pistes de réflexion (et de discussion!) des plus intéressantes:
« Having a computer at home and using it at school will almost certainly raise some computer skills. What our results suggest is only that this may come at the expense of other skills. However, the results in Borghans and ter Weel (2004) show that these other (math and writing) skills are the ones that yield significant labor-market returns, not the computer skills. »
Alors… et vous, à quelles compétences accordez-vous le plus d’importance? Et pourquoi? Et quel est le rôle de l’école dans leur développement?
TEXTE: «[…] »You could argue that’s the big issue here: People need guidance in how to use [computers in education], » says Dr. Marcia Linn, professor of education and director of the Technology Enhanced Learning in Science Center at the University of California at Berkeley.»
COMMENTAIRE: Une évidence, non? En tous cas, moi, c’est mon quotidien!
TEXTE: «[…] In fact, the study says, « The mere availability of computers at home seems to distract students from learning. » Computers seem to serve mainly as devices for playing games.»
COMMENTAIRE: Je déteste ce genre de phrase… qui abusent du mot « learning »… Comme si
on n’apprenait rien quand l’école n’est pas en mesure de l’évaluer (ou choisis de ne pas le faire).
Alors pour que je sois d’accord avec cette affirmation il faudrait qu’on précise que ce sont des « apprentissages scolaires » que l’ordinateur peut « distraire » les enfants. Et alors, ça deviendrait indéniable.
TEXTE: «Still, there were a few exceptions: Academic performance rose among those
who routinely engaged in writing e-mail or running educational software.»
COMMENTAIRE: Encore une fois, faudrait voir ce qu’ils entendent pas « educational software »
(peut-être le précisent-ils, j’ai pas vu).
Pour ce qui est de l’importance de l’écriture, je ne peux que confirmer. Et le projet le plus intéressant et révélateur que je connais à cet effet est celui de l’Institut St-Joseph, à Québec, dont j’ai eu la chance de contribuer au démarrage. Mario Asselin, qui est directeur de cette école serait sans doute ravi de t’en parler. Tu connais sans doute le volet « petits carnetiers du Devoir » de cette expérience (qui est par ailleurs en train de « faire des petits » ici et là.)
TEXTE: «[…] As the debate continues, consensus holds that more research is needed to know exactly where computers make the most difference in an educational process.»
COMMENTAIRE: C’est la seule véritable conclusion de l’étude à mon avis. Et sur ce point, elle
marque une étape importante, c’est vrai.
TEXTE: « »There’s this sort of bizarre belief that computers cast a spell over students and teachers and schools, » says Christopher Dede, professor of learning technologies at the Harvard School of Education. « Can you imagine what would happen if you had the same in business, asking if computers were interfering with performance? It would be a big joke. » […]»
COMMENTAIRE: C’est vrai… On aime beaucoup appliquer de doubles standards aux écoles. Mais il faut apprendre à vivre avec cela et ne pas tomber dans le piège de se servir de ce constat pour éviter d’évaluer avec une rigueur croissante ce qui résulte de nos choix… entre autres par rapport à la présence de l’ordinateur à l’école.
Mais surtout… par rapport à ce qu’on en fait!
Titre sensationnaliste en effet ! Moi qui ne lis pratiquement jamais les éditoriaux de l’Infobourg, je me suis littéralement garrochée ce matin pour me dire que franchement, même si la population étudiée est vaste, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
Je commence à être un peu lasse du faux débat en ce qui concerne la présence des ordinateurs dans l’apprentissage. On ne s’arrête jamais vraiment à la véritable question soit celle qui demande à quel endroit on voit des différences significatives. Et je me demande souvent pourquoi c’est toujours l’ordinateur qui est sur la ligne de front alors que plusieurs outils utilisés dans les classes ne sont pas plus utiles à l’apprentissage si on le prend dans notre propre paradigme.
Est-ce que le double standard dont tu parles empêchera inévitablement l’école d’innover et d’être réellement un reflet de la société ?
Le superintendant du Comté de Henrico n’est pas d’accord non plus :
In addition to the qualitative information, early indicators measured in quantitative terms have provided positive momentum for the proof of concept.
At the high school level in Henrico, the share of fully accredited schools increased from 63 percent to 75 percent in the last year, and the number of graduates continuing their education rose 2.5 percent.
The most telling data, however, have been on the state¹s Standards of Learning tests. In 11 core curriculur tests, students improved on nine, remained level on one and lost two points on another. The greatest one-year gains on the end-of-course tests came in the three history subjects, reading and writing‹content areas where laptops were used the most. A 14-point increase in a course titled World History from 1000 and a whopping 20-point gain in U.S. history suggest the use of dynamic, current content accessed daily by laptop made a huge difference in student achievement in these areas. Couple the state test results with the lowest-ever dropout rate in Henrico¹s history‹1.52 percent‹and even the greatest skeptics of one-to-one laptop use take another look.
The bottom line is that our children are ready. The world is moving forward and our purpose is to do everything possible to ensure our children will thrive in that future world with the experience they receive today. The future is now. Our children can¹t wait.
Mark Edwards is superintendent of Henrico
http://www.aasa.org/publications/sa/2003_04/edwards.htm
« Pourquoi c’est toujours l’ordinateur qui est sur la ligne de front » ?
En ce moment, l’ordinateur dérange plus qu’il ne contribue à résoudre l’équation de l’apprentissage. La grande majorité des adultes (surtout ceux qu’on rencontre dans une école) n’ont pas appris au contact de ces bibittes. Ce qui leur saute aux yeux, c’est le temps perdu devant un écran (télévision, jeux vidéos, ordinateurs) où ils ne constatent pas d’apprentissage (en tout cas aucun qu’ils peuvent nommer). De plus, ça coûte des sous ($), ça marche souvent pas à notre goût, ça corrompt (casino en ligne, porno, rencontres virtuelle, sollicitation non-désirée violence et virus) et comble de tout cela, les jeunes ont l’air d’aimer, ce qui contribue à les isoler à l’intérieur même du nid familial !
Ouf. Pourtant, comme directeur d’école, je continue de croire que l’outil est un levier puissant. Je n’ai pas besoin qu’il soit puissant. C’est qu’il me permet de réaliser tellement plus de choses à l’heure… C’est qu’il me permet de communiquer tellement mieux, tellement plus, avec des gens près et loin de moi. Et ça ne devient pas ma seule façon de communiquer pour autant. Je parle et j’écoute encore…
Je constate qu’il me facilite la vie et qu’il me permet de mieux faire mon travail. Évidemment, je m’en sert pour me grandir pas pour m’avillir. Et j’exerce une suveillance quand ce sont de jeunes doigts qui pitonnent.
Facile à comprendre qu’il soit sur la ligne de front…
Ce serait tellement plus facile s’il n’existait pas; je n’aurais pas à m’adapter pour tenir compte des immenses potentialités qu’il représente. Je n’aurais pas à transiger avec mon jeune qui est tenté par « cet aimant » qui l’attire tellement… C’est d’ailleurs suspect qu’il soit naturellement attiré tant que cela; ça confirme qu’il doit y avoir du louche là-dessous !
En terminant, voir ce billet (http://edtech.coedit.net/DebatingTechnologyInTheClassroom) qui nomme certains aspects positifs et négatifs de l’utilisation des TIC en milieu scolaire. J’ai passé près de vous décrire ce que je perçois de beau et de bon chez mes élèves au niveau des apprentissages au contact des ordinateurs… mais vous ne me croirez pas ! Je suis trop aveuglé par la coloration affective que je vois dans les yeux de ceux avec qui je vis pour être crédible sur ce sujet. Surtout que pour être valable, les apprentissages ne doivent pas engendrer d’enthousiasme et de plaisir. Cela doit obligatoirement faire mal, être souffrant ou plate… Là, on a des indices que de réels apprentissages sont au rendez-vous !!!
Ça m’avait échappé (mon agrégateur déborde!), mais André Cotte avait aussi parlé de cette étude sur son carnet, en citant la BBC au lieu du Christian Science Monitor:
Le texte d’André:
http://www.opossum.ca/cotte/archives/001055.html
Celui de la BBC (un peu les même travers que le CSMonitor):
http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/education/4032737.stm
Stéphane a ajouté son grain de sel ici:
http://carnets.ixmedia.com/stephane/archives/007094.html
Un petit commentaire supplémentaire sur ce sujet. J’ai un fils de 14 ans dont les résultats scolaires sont à la baisse depuis qu’il est en secondaire. Phénomène assez répandue chez les élèves qui réussissaient sans efforts au primaire.
Oui, mais il passe beaucoup (probablement trop) de temps sur MSN et sur les jeux en lignes… dois-je me ranger du côté des journalistes du Christian Science Monitor pour autant ;-)
Par contre, je sais qu’à l’école, l’accès aux ordis est difficile. On ne peut pas dire que la pédagogie de son école s’appuie sur les TIC.
Où se trouve la vérité? Entre les deux probablement, comme toujours ;-)
Complément d’information ici, grâce à un texte d’opinion de Stephen Downes:
http://www.downes.ca/cgi-bin/website/view.cgi?dbs=Article&key=1101829692&format=full
La conclusion:
« The population as a whole – let alone legislators – is ill served by such studies and such reporting. It is indeed hard not to conclude that the conduct of such research is intended, not to assist, but to skew public understanding of such complex subjects. Insofar as it is the purpose of the press to correct misunderstandings in the public mind (and one wonders these days) a more thorough and critical analysis of such work would be strongly recommended. »
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