Rentrée scolaire: objectif lune

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Il devient de plus en plus évident que la rentrée scolaire ne se fera pas normalement en septembre prochain.

Les écoles de Montréal vont rester fermées d’ici-là et partout ailleurs les classes ne sont qu’à moitié pleines. Les sources d’inquiétudes se multiplient — particulièrement pour les enfants qui éprouvent des difficultés d’apprentissage, mais aussi pour la motivation de tous les enfants (et plus encore celle des ados).

Le ministre de l’Éducation dit que plusieurs scénarios sont à l’étude pour la rentrée, dont celui d’une école « en alternance »: présence des élèves par demi-journées ou en journées alternées et le reste du temps en mode « à distance ». Il s’agit d’un défi logistique colossal et un défi éducatif encore plus grand.

Or, j’ai la vive impression qu’on n’accorde pas à ce défi toute l’importance qu’il requiert. Pendant que la catastrophe qui se vit dans les CHSLD draine l’essentiel de l’attention médiatique, on gaspille de précieuses journées pour faire face à ce qui est probablement le plus grand défi éducatif auquel on fait face depuis la Révolution tranquille.

Si les élèves sont en alternance en classe, ça veut dire que les profs y seront en permanence. On ne pourra donc pas compter sur eux pour assurer l’accompagnement pour les périodes que les enfants passeront chez-eux. Comment faire alors? Quel matériel et quel accompagnement pourra alors leur être offert? Et ce matériel aura été préparé par qui? À quel moment? Avec quels budgets?

Je propose que le ministère identifie immédiatement vingt profs, parmi les meilleurs, pour chaque matières et chaque niveau scolaire (ça fait disons, combien? 1000 profs à peu près?) et disons 200 profs pionniers dans l’utilisation des ressources éducatives numériques et qu’il en fasse sa SWAT team pour la rentrée.

Cette escouade devrait se mettre au travail dès maintenant et disposer de toutes les ressources dont elle a besoin. Toutes! Il faut que tous les obstacles administratifs et techniques aux solutions qu’elle va proposer soient levés rapidement. Il faut que ça marche en septembre. Coûte que coûte.

Il faut qu’on produise sans tarder des MasterClass pour chaque matière et chaque niveau, avec tout le matériel d’accompagnement et les espaces de collaboration associés. Il faut que les profs qui seront en classe sachent qu’ils peuvent tirer profit de l’existence de ces formations et se concentrer sur l’accompagnement qui peut difficilement se faire à travers l’écran.

Il le faut, parce que les élèves ont droit à un accompagnement pédagogique à temps plein, même si la présence en classe est à mi-temps. Et qu’on sait que les moyens existent pour que ça soit possible.

Il faut immédiatement hisser la prochaine rentrée scolaire au rang de priorité nationale. Nous avons trois mois pour transformer notre système scolaire en profondeur. Il faut faire en sorte que cette corvée estivale occupe dans notre histoire une place comparable à la conquête de la lune pour les États-Unis.

Pour éviter d’avoir, en septembre, un suivi quotidien des déboires de l’école, on doit avoir dès maintenant un suivi quotidien des préparatifs de la prochaine rentrée. Le ministre doit expliquer le plan de match, la stratégie, les objectifs, identifier les obstacles et rendre compte des progrès. Il faut rendre ça motivant pour tout le monde! Ça peut même devenir une source de fierté et de confiance.

Si on n’est pas prêt à faire ça, c’est probablement parce qu’on n’a collectivement pas encore pris la mesure de la situation et qu’on n’est pas encore dans un état d’esprit qui nous permettra d’être à la hauteur.

On n’est pas forcés de passer par une catastrophe pour repenser nos institutions… il s’agit de s’y mettre à temps!

Pour l’école, je pense que ce moment est venu. Même que ça presse…

En complément:

De l’éducation au programme d’Antenne A

Au terme d’une semaine très chargée, je participais hier à une table ronde organisée dans le cadre du festival Antenne A sur le thème Mon enfant 2.0: Le point sur les technologies d’apprentissage. Les autres intervenants étaient Mario Asselin, Patrick Plante et François Guité. C’est Hélène Rioux qui dirigeait les échanges et François X Côté était le coordonnateur de l’événement.

Une table ronde sur l’éducation, un vendredi soir d’automne, sans aucune polémique préalable… et il y avait une quarantaine de personnes dans la salle! Mieux, une trentaine ont participé à distance en visionnant en direct et/ou en réagissant par l’entremise de Twitter. Vrai, vrai! Impressionnant.

Toute l’information et tous les documents présentés ou évoqués au cours des échanges ont été regroupés sur cette page Flickr.

Un enregistrement vidéo de qualité sera bientôt rendu disponible sur YouTube.

Et mes collègues rendront probablement aussi compte de leur expérience sur leur blogue respectif.

Une bien belle expérience en tout cas — et merci à Antenne A et à Télé-Québec pour avoir fait une petite place à l’éducation dans leur programmation.

Au sujet des pratiques culturelles des jeunes

Le ministère de la Culture de France vient de publier un court document sur les pratiques culturelles des jeunes.

Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ? — Culture prospective, n° 1, janvier 2009, PDF, 8 p.

Si le document n’apporte rien de fondamentalement nouveau par rapport aux classiques du genre (Tapscott, Prensky, etc.), il a néanmoins le mérite de décrire efficacement le contexte dans lequel l’école et les médiateurs culturels traditionnels — ainsi que les créateurs — doivent aujourd’hui repenser leurs actions. Extraits:

la révolution numérique a bouleversé les usages et modes de consommation culturels, particulièrement auprès des jeunes générations, nées dans un univers où l’accès à l’information, au savoir et à la culture est numérique. (…)

Les mutations des modes de consommation – consommation à la demande, convergence des usages sur un même support qui facilite un temps multitâche, développement de l’éclectisme, de la curiosité et de la consommation culturelles – engendrent dans les jeunes générations une redéfinition de la labellisation au détriment de l’institution et au profit de l’individu et des réseaux.

Les instances de transmission culturelle que sont l’école et les équipements culturels sont donc confrontées à des bouleversements affectant les fondements de leur action (…) Elles sont appelées à revisiter leur modèle de médiation pour l’adapter aux jeunes générations, afin de favoriser l’émergence d’une culture de demain et pour permettre la transmission d’un patrimoine culturel, lui-même en voie de redéfinition.

Et à propos de la lecture:

Les générations successives sont de moins en moins lectrices de livres, alors que d’autres formes de lecture s’y substituent, modifiant le modèle implicite qui a été celui de la lecture linéaire, littéraire. Les formes de la lecture se modifient : dans les jeunes générations, la lecture de magazines et de presse se substitue à celle de livres, et l’on a bien du mal à prendre en compte l’ampleur croissante des lectures sur écran. Que l’on songe que les moteurs de recherche, premiers outils utilisés sur l’internet, ont remplacé dans bien des cas la consultation des encyclopédies et ouvrages thématiques, et l’on aura une idée des basculements à l’oeuvre…

Merci à François Bocquet.

Effrayant portrait d’un inconnu à partir des traces qu’il a laissées sur le Web

Un twit de Martin Lessard attire ce matin mon attention sur un texte publié dans Le Tigre qui est absolument renversant. L’auteur y fait le portrait d’un internaute inconnu, Marc L***, à partir des traces qu’il a laissées ici et là sur le Web… ouf! L’effet est effrayant.

« Bon annniversaire, Marc. Le 5 décembre 2008, tu fêteras tes vingt-neuf ans. Tu permets qu’on se tutoie, Marc ? Tu ne me connais pas, c’est vrai. Mais moi, je te connais très bien. C’est sur toi qu’est tombée la (mal)chance d’être le premier portrait Google du Tigre. Une rubrique toute simple : on prend un anonyme et on raconte sa vie grâce à toutes les traces qu’il a laissées, volontairement ou non sur Internet. (…)

Je préfère te prévenir : ce sera violemment impudique, à l’opposé de tout ce qu’on défend dans Le Tigre. Mais c’est pour la bonne cause ; et puis, après tout, c’est de ta faute : tu n’avais qu’à faire attention. »

J’y reviendrai certainement, mais il faut le lire. Et le faire lire, aux ados, dans les écoles, notamment.

Pas pour condamner; pour faire réfléchir.

L’image comme porte d’accès à la connaissance

En cette période où la tradition veut qu’on porte un regard rétrospectif sur l’année qui se termine, je me suis demandé lequel des milliers de textes que m’a rapporté mon agrégateur cette année avait le plus marqué mon imagination en ce qui concerne l’avenir du Web — et par voix de conséquence, celui de la société dans laquelle nous vivons.

Il y en a évidemment plusieurs… mais celui qui me reste le plus durablement ancré dans les neurones, celui qui me tarabuste depuis près de deux mois, c’est Is YouTube the Next Google? Et, complémentairement, celui que Internet Actu a publié sur le même sujet quelques jours plus tard: Quand YouTube remplacera Google.

« During one of the conference breaks (…) he mentioned that his son accesses the web through YouTube (…) Whenever [he] needed any information, he would open up YouTube, type in the search term and then just watch the videos that showed up as matches. He never Googled anything; he never went to any other site; his entire web experience was confined to YouTube videos. »

Je n’avais n’avais d’abord que survolé ce texte, le jugeant un peu farfelu. Mais depuis, je constate que mes enfants aussi accèdent spontanément au Web par YouTube — avec une efficacité étonnante. Pas sur tout les sujets, bien sûr, mais avec une efficacité sûrement équivalente à celle que nous offrait les meilleurs moteurs de recherche il y a une d’années.

Qu’est-ce à dire? Qu’est-ce que cela signifie d’un point de vue éducatif et culturel? Est-il possible d’accèder à la connaissance pratiquement sans savoir écrire, uniquement par l’image? Quelles conséquences sur la construction de l’esprit humain, et sur son fonctionnement? Cela me semble extraordinaire. Cela me semble périlleux. Je ne sais trop qu’en penser.

Cela me rappelle un autre texte qui m’avait beaucoup marqué, lu en 1993 alors que j’étudiais au baccalauréat en enseignement au secondaire. C’était dans le deuxième numéro de Wired, sous la plume de Seymour Papert: Obsolete Skill Set: The 3 Rs.

« In my forthcoming book, The Children’s Machine: Rethinking School in the Age of the Computer, I use as a thematic image an encounter with a four- year-old girl who heard that I grew up in Africa and asked if I knew how giraffes sleep. I did not. But the ensuing conversation led me to pursue the question when I got home. Reference books were scattered all over my floor as I jumped from one to another in an exciting exploration of the giraffe’s world. As I enjoyed the chase I pondered the unfairness of being able to get all this fun out of the girl’s question – why couldn’t she do what I was doing?

Not long ago the answer would have been obvious: She can’t read. But today, there is no technical obstacle to creating a « Knowledge Machine » that would allow a girl of four to navigate through a virtual knowledge space where she could see for herself how giraffes live. It will take time for the vast quantities of information available in print to be recast for such a machine. But it will happen; and when it does, the Knowledge Machine (a metaphor for much more varied forms of media) will provide easier access to richer and fuller bodies of knowledge than can be offered by any printed encyclopedia.

Admitting the prospect of Knowledge Machines does not imply that people will no longer need to read. But reading will no longer be the unique primary access road to knowledge and learning, and it should therefore no longer be the dominant consideration in the design of School. »

Ce texte m’avait évidemment amené à lire The Children’s Machine: Rethinking School in the Age of the Computer. Il est vraisemblablement temps de le poser à nouveau sur ma table de chevet.

Réseaux sociaux et identité — sentiment d’urgence

Bien que je sois particulieusement silencieux ici depuis quelques temps, je reste évidemment très actif sur le Web et plus que jamais en mode exploration, découverte et réflexion sur de nouveaux usages du Web.

J’explore notamment Facebook, avec autant d’émerveillement que d’angoisse — il faut bien le dire! Et même un peu plus d’angoisse que d’émerveillement, pour tout dire.

En conséquence, je ne peux m’empêcher de relayer ici ce texte de Virginie Clayssen, qui s’appuie sur le travail toujours exceptionnel de Danah Boyd (et sur un résumé remarquable de Olivier Ertzscheid), qui résume bien tout le défi que représente « les réseaux sociaux » dans une perspective éducative.

Il m’apparaît de plus en plus évident que ce dossier de « la gestion de l’identité » sera LE chantier des prochaines années.

Sommes-nous prêt à y faire face? De toutes évidences, non…

L’école, les TIC, et la cité

Je lis ce soir avec intérêt un texte de Bruno Devauchelle qui, partant de la publication d’une étude de Jacques Piette et Al. réfléchit à la fois sur la place des TIC à l’école et sur les rapports que l’école entretient avec la société. Extrait:

Malgré toutes les bonnes intentions qui sont sous-jacentes au travail de ces personnels, il est désormais clair que le cadre de leur travail (qu’ils le construisent ou qu’ils le subissent) est un facteur qui défavorise les pratiques pédagogiques des TIC dans un contexte éducatif.

Faut-il lancer ici un appel à un renouvellement des conceptions de la place des TIC dans le système éducatif ? Cette question doit désormais être au centre de nos préoccupations quand de tels rapport montrent cet écart. Comment un école qui prétend préparer des jeunes aux réalités du monde peut elle être éducative si elle ne montre du monde qu’une part qui n’a rien à voir avec la réalité qui se déroule une fois la porte franchie. […] comment éduquer à la liberté si l’on ne dispose pas des outils pour le faire? […]

L’école doit être le lieu de la « distance » d’avec le quotidien. Mais qui dit distance ne dit pas ignorance ou limitation. La distance implique la pleine conscience du rapport que chacun entretient avec les objets (sociaux, matériels…) qui l’entourent.

Un document à conserver pour les prochaines réflexions sur la plac e de l’école dans une cité éducative.

Entre l’utopie et la réalité

C’est étrange.

J’ai été silencieux ici très (trop?) longtemps parce que je manque de temps pour mettre de l’ordre dans mes idées personnelles… me contentant pour le moment d’absorber, de noter, d’emmagasiner. J’en ai plein les yeux, plein le coeur, plein la tête.

Et voilà précisément que c’est cette difficulté de trouver du temps pour réfléchir qui me ramène ici.

Parce que mon blogue est le meilleur outil dont je dispose pour m’accompagner dans mes réflexions.

Parce que je l’ai modelé ainsi; parce qu’il m’est personnel… tout en me reliant à des gens qui ont manifesté de l’intérêt pour réfléchir avec moi.

Évidemment, le problème quand on reprend l’écriture après autant de temps, c’est de savoir par où commencer, parce que forcément, les sujets ne manquent pas…

Cette fois, quand je cherche un fil conducteur entre toutes les idées, embryonnaires, qui me passent par la tête depuis quelques semaines, il y a un texte qui occupe une place privilégiée. Il s’agit d’un texte de François Dubet, lu dans Libération, le 12 janvier.

Dans ce texte intitulé Redoutable égalité des chances, le sociologue aborde sans complaisance le caractère utopique (voire illusoire) du concept d’égalité des chances qu’il estime, par ailleurs, indispensable pour le bon fonctionnement (et le développement) d’une société démocratique.

Pourquoi utopique?

« …tout devrait nous conduire à être prudent en la matière car, après tout, l’ensemble des recherches sociologiques conduites en France et ailleurs montre que ni l’école ni le marché du travail ne parviennent à effacer les effets des inégalités sociales. »

« …l’égalité des chances constitue notre horizon de justice central, qu’elle est la fiction sur laquelle nous continuons à imaginer qu’il est possible de construire des inégalités justes. Un enseignant peut être révolté par les inégalités sociales qui pèsent sur les performances de ses élèves, il n’empêche qu’il est «obligé» de croire à l’égalité des chances quand il note leurs copies… »

« L’orgueil des élites issues des compétitions économiques et scolaires montre aisément que l’égalité des chances peut être, à la fois, une forme de justice et une manière de légitimer de plus grandes inégalités puisque celles-ci sont produites par un principe indiscutable. Dès lors, l’égalité se retourne contre elle-même. »

« …si nous méritons nos succès et nos échecs, nous ne méritons pas forcément les vertus et les handicaps qui nous font triompher ou échouer. »

« Même juste, l’égalité des chances implique mécaniquement qu’il y ait des vaincus… »

Pourquoi nécessaire?

« …il est évident que, dans les sociétés démocratiques affirmant l’égalité fondamentale des individus, l’égalité des chances est la seule manière de produire des inégalités justes, c’est-à-dire des inégalités tenant au mérite de chacun, à son travail, à sa vertu et à sa liberté puisque chacun doit être libre de mettre son propre mérite à l’épreuve. »

« …l’égalité des chances ne vise pas à produire une société égalitaire, mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la compétition visant à occuper des positions inégales. »

« La lutte pour l’égalité des chances ne peut pas faire l’économie du combat pour la réduction des inégalités sociales, des inégalités des positions et des ressources… [c’est] la seule façon d’offrir des garanties et une égalité sociale fondamentale à ceux qui échouent dans la compétition égalitaire, fût-elle juste. »

« Pour être juste et vivable, une société ne peut se réduire à cette sorte de compétition permanente et d’autant plus permanente qu’elle serait juste, à une société dans laquelle chacun ne serait que l’entrepreneur de lui-même. Pour cette raison, la justice ne consiste pas seulement à réduire les inégalités de position, elle conduit aussi à faire que ces positions soient les meilleures possibles en permettant à chacun de construire la vie qui lui semble bonne. »

Pourquoi avoir choisi ce texte?

Parce que d’une certaine façon, il rassemble plusieurs convictions qui me servent à articuler mes préoccupations sur la ville comme une cité éducative (plus présentes et alimentées que jamais), sur le rôle de l’école (que je découvre sous de nouveaux angles), sur la place du matériel didactique et des « technologies numériques » (plus que jamais au coeur de mon quotidien) dans un projet éducatif « libérateur et solidaire ». Il fait aussi clairement écho à plusieurs des observations (parfois étonnantes!) que je fais sur l’évolution de la situation politique à Québec, au Québec et au Canada.

En effet, quand je lis, j’entends et je vois, malgré la distance, les discours simplistes de plusieurs politiciens; quand je m’indigne (en privé, pour le moment) de plusieurs décisions qui se prennent dans ma région; quand je lis avec effroi certains discours sur la réforme scolaire; et quand je constate que la tactique fait office de valeurs pour plusieurs partis et mouvements politiques qui devraient animer l’espace public dans le but de « tirer la société vers le mieux »… je me dis que c’est très juste (et nécessaire) aujourd’hui d’affirmer, comme le fait François Dubet dans ce texte, que malgré les contraintes auxquelles la réalité nous confronte, et en dépit des résignations temporaires qu’il est parfois nécessaire d’accepter, il faut continuer d’affirmer les valeurs qui nous guident, de formuler des utopies et d’oeuvrer avec détermination à rallier les gens autour des idées qui en découlent. À défaut de le commenter de façon plus complète dès maintenant, notons que c’est également dans cette perspective que j’ai lu avec grand intérêt la récente réflexion de Philippe Meirieu sur le rôle des enseignants à l’horizon 2020.

En d’autres termes, ce qui apparaît dans un premier temps contradictoire peut n’être en fait qu’un méandre sur la trajectoire qui doit nous mener vers une destination projetée. Évidemment, il n’y a rien comme avoir clairement en tête cette destination pour accepter les détours auxquels la vie nous convie…

Il me semble qu’en cela le travail des enseignants et celui des animateurs de l’espace public se rejoignent clairement parce qu’ils impliquent dans les deux cas d’être en mesure de formuler des projets dans lesquels les gens à qui ils s’adressent pourront s’engager avec suffisamment de conviction pour accepter les efforts et les sacrifices que leur réalisation peut impliquer.

C’est aussi — dans une tout autre perspective — le défi qui se pose à moi ici pour les prochains mois. Je m’en réjouis.

Cultiver le goût d’entreprendre à l’école

Cultiver le goût d’entreprendre à l’école: c’est le thème du Forum d’automne de la Fondation de l’entrepreneurship, pour lequel j’ai accepté avec grand plaisir de prononcer la conférence inaugurale, le 20 octobre prochain.

Cultiver le goût d’entreprendre? Qu’est-ce que cela signifie?
Et le faire à l’école? Qu’est-ce que ça peut bien impliquer?
Et comment ces questions devraient nous interpeller comme éducateurs?

Parmi les pistes que je compte explorer, il y a celle du rôle (et du potentiel!) des technologies de l’information et de la communication pour développer ce goût d’entreprendre.

Parce que je crois que l’ordinateur (et les réseaux qu’il rend possible) change profondément le rapport qu’on entretient avec notre milieu… et que cela est au coeur notre capacité d’entreprendre… et peut-être aussi du goût qu’on peut avoir à le faire.

La culture du logiciel libre, par exemple, n’est-elle pas justement une invitation à voir le monde différemment, à s’y voir comme un entrepreneur plutôt que comme un consommateur?

À développer dans les prochains jours.

Lier, c’est construire

François Guité a publié plus tôt cette semaine un texte remarquable où il explore la manière dont les les blogues stimulent la pensée:

« Il s’agit, en fait, de libérer la pensée des idées préconçues. Le désordre est rapidement maîtrisé par la pensée analytique qui réorganise ensuite l’information dans une synthèse de type constructiviste. Enfin, le résultat est soumis au jugement de la communauté, dont la connectivité joue un rôle de filtre mémétique. »

Un schéma sur lequel on peut réfléchir longuement accompagne le texte.

Ce texte m’a ramené à un autre, toujours de François, publié quelques jours plus tôt. Dans ce texte, il cite George Siemens pour déplorer que le monde des blogues est la source de beaucoup de connexions mais de peu de constructions et de réalisations collectives. En d’autres termes, on parlerait beaucoup, on se renverrait la balle souvent… mais bien peu de résultats ne découleraient de tout ce bruit. C’est une préoccupation que Stéphane Allaire a d’ailleurs eu maintes fois l’occasion d’exprimer. C’est une préoccupation que je ne partage pas — ou à un bien moindre degré.

J’observe bien entendu qu’il y a beaucoup de monologues dans la blogosphère. Beaucoup d’idées lancées qui ne trouvent pas de suite. Beaucoup de grands discours sans effets. Mais à mon avis, la quantité est anecdotique. Il ne faut pas se laisser distraire. Je pense que toute cette production, en apparence insignifiante, doit être vue comme le résultat des efforts de tout un chacun pour tisser des liens avec l’Autre. Ce sont des matériaux. Des ordures. D’inévitables produits d’un réseau en construction. Le fruit des tentatives de quelqu’un de se joindre à un groupe. On est dans le préalable. Le nécessaire préalable.

On n’a pas besoin que tout s’inscrive dans un ensemble cohérent pour que l’activité ait à l’occasion un sens. Et ce sont ces occasions qu’il faut rechercher. Parler beaucoup, pour maintenir et développer un réseau autour de soi. Rien que pour ça. Pour en disposer le jour où on en aura besoin. Ce n’est pas banal.

Jaser de tout, de rien et d’éducation, tous les jours, pendant des semaines, sans résultats concrets, sans construction collective, qu’importe! Si le jour où nous aurons besoin de nous concerter nous disposons de cet acquis. C’est vrai pour chacun de nous. C’est vrai pour les enfants qu’on désire initier à la culture de réseau. Je pense que c’est aussi ça le socioconstructivisme — savoir ce qu’implique le déploiement d’un réseau autour de soi.

Sans compter que je trouve injuste de laisser entendre qu’il y a peu de coconstruction, au sein de notre groupe, par exemple. Il me semble que les exemples ne manquent pas! Sur le sujet du logiciel libre (et des licences, de façon générale), par exemple, il me semble que nous avons fait beaucoup évoluer nos conceptions. Je pense que cette compréhension améliorée des enjeux, même si elle n’est pas écrite noire sur blanc à quelque part et qu’il est difficile de cerner le processus par lequel elle s’est bâtie, est le résultat d’une construction collective. La réalisation de Signets RSS et de Liens pédagogiques collectifs, pour ne nommer que ceux-là, me semble aussi des réalisations très concrètes, qui sont le fruit de nombreux échanges qui ont pu paraître bien disparates à certains moments.

Je pense que la blogosphère est une extraordinaire machine à faire des liens — entre les gens, leurs idées et leurs projets. C’est un monde extraordinairement complexe, qui ne se laisse pas aborder aussi facilement. L’origine d’une idée peut être difficile à retracer et son processus de gestation difficile à cerner… et ce n’est pas toujours le produit qu’on anticipait qui prend forme (alors, quoi observer si on désire analyser, décrire cet univers?), mais tout ça n’est pas moins vrai.

Et après tout, quand on déploie un réseau, est-ce que par définition on ne construit pas quelque chose?

Bien sûr, je me fais un peu provocateur… mais je souhaite tant que la discussion se poursuive! ;-)

L’écriture publique dans un contexte éducatif

Gilles Jobin a interpellé ses collègues du RÉCIT pour qu’ils écrivent plus sur le Web, à travers les carnets Web, en particulier. Des commentaires ont suivis. François Rivest, entre autre, y a mis un grand soin.

Pierre Lachance a relancé les échanges en s’interrogeant sur le rôle respectif des outils et de la personnalité dans la communication, sur le Web, en particulier.

Je suis intervenu sous forme de commentaires pour suggérer que tous les outils ne sont pas équivalents quand on souhaite favoriser l’expression des gens sur le Web. Et j’ai relancé Mario pour compléter mon commentaire.

Et sa réponse est venue. Et quelle réponse! Je n’en attendais pas tant!

Tout ça mis ensemble fait un remarquable survol des enjeux associés à l’écriture publique, sur le Web, dans un contexte éducatif. À conserver précieusement.

Répertoire de fils RSS éducatifs

Pierre Lachance a été très productif cette semaine pour concrétiser les souhaits qui se sont exprimés sur son site. Le résultat est impressionnant: un répertoire dynamique de fils rss éducatifs québécois. Mieux: un répertoire qui génère lui-même des fils rss plus précis (ou plus larges)!

Ainsi, il devient possible de s’abonner d’un seul coup à une trentaine de fils RSS éducatifs, ou à un fils qui regroupe les carnets associés à un mot clé précis (fonction encore en rodage).

J’ai hâte de voir l’usage qui sera fait de cette nouvelle ressource. Je ne pense pas que ce sera un outil utilisé par les « maniaques », ni par les « débutants », mais ça peut sans doute être un outil d’éducation efficace afin d’illustrer le monde qui se développe autour des blogues éducatifs et de permettre aux gens d’en saisir la richesse.

Peut-être un peu comme la carte des ressources éducatives de l’Infobourg québécois l’avait fait pour les sites Web éducatifs il y a quelques années (1996, déjà!). Je le souhaite en tous cas.

Merci à Pierre et à tous ceux qui l’ont accompagné dans cette réalisation.

Mise à jour: Wow! Je viens de trouver quand même une utilité majeure du système… l’outil de recherche offert à droite. Fantastique!