L’école en réseau

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Ça a vraiment été un plaisir de revoir Thérèse Laferrière cet après-midi au WAQ. Ça devait bien faire une dizaine d’années que je ne l’avais pas vue (et dire que j’avais commencé une maîtrise avec elle il y a… vingt ans… ouf!).

Et le plus surprenant, c’est que j’ai quand même eu l’impression de reprendre une conversation qui n’aurait été suspendue que quelques instants. Fascinant!

La conviction de Thérèse, son engagement et sa détermination sont chaque fois une grande source d’inspiration. En prime: notre échange a fait remonter à mon esprit plusieurs concepts qui pourraient bien m’être utiles dans les prochains mois.

Pour résumer sa présentation en quelques mots:

Le plus important pour le développement de la culture de réseau dans une école c’est de passer d’un «qui sait?» individuel à une prise de conscience collective de «ce que la classe/communauté connaît» — et d’être capable de partir de là pour planifier l’apprentissage des élèves.

C’est quand il soutient ce processus que le numérique est le plus prometteur en éducation.

J’en suis convaincu.

Si j’étais ministre de l’Éducation

J’ai retrouvé, grâce à Mario, le texte d’une présentation que j’ai faite il y a plus de dix ans sous le thème «si j’étais ministre de l’Éducation…». Je le racontais hier, en complément à ce court texte que j’avais écrit sur mon blogue en 2004 . L’exercice avait pour but d’alimenter la réflexion des membres des différentes commissions du Conseil Supérieur de l’Éducation.

Le texte fait 10 pages (en version pdf) et il est complété par une fausse page couverture de La Presse — qui m’a bien fait rire (voir la fin du document).

Je reprends ci-dessous quelques extraits du document qui me parlent encore particulièrement, pour toutes sortes de raisons, presque treize ans plus tard.

Je reprends aussi des extraits de quelques commentaires qui m’avaient été formulés à l’époque et que je trouve encore très justes aujourd’hui (peut-être même plus importants encore).

Je dois dire que je ressors de cette relecture un peu perplexe, parce que je suis incertain des avancées réelles du système scolaire depuis 2004 — au regard des enjeux que je soulevais dans ce texte, du moins.

D’un côté je me dis qu’il faut absolument réinvestir dans l’école (en faire une priorité, consacrer des efforts, de l’argent, choisir la beauté), et d’un autre côté je me dis que tout cela est vraiment très lourd, et qu’on n’arrivera pas à accorder à l’éducation toute la place qui lui revient dans la société si on mise tout sur l’école (amusant, d’ailleurs, que Mario publie, aujourd’hui même, un texte dans lequel il interpelle directement le ministre actuel).

Tout ça me donne vraiment envie de replonger aussi dans tout ce qui entoure le concept de cité éducative. Je me dis que j’ai peut-être laissé ça en plan un peu trop longtemps.

***

EXTRAITS DU TEXTE

Au sujet de l’éducation, de la politique, du sens…

…parmi tous les sujets qui m’intéressent, ce qui me préoccupe le plus actuellement, «dans tous les ordres d’enseignement, c’est le moral des troupes. (…)»

«…ce qui m’inquiète c’est de voir que plusieurs de ces personnes sont fatiguées ou démotivées. Si c’est parfois la lourdeur et la rigidité du système scolaire qui les accablent, je pense que ce qui a l’effet le plus néfaste sur leur « goût de l’école » c’est la perte de sens. (…)»

«…le système scolaire subit indûment les influences des grandes entreprises, de puissants lobbys et du monde politique et qu’ils en sont réduits à préparer les enfants pour un monde qui se définit hors de l’école et de leur contrôle (…)»

«… on a [parfois] l’impression que l’école est à la remorque de la société, on se laisse tirer, sans grande motivation. (…)»

«Le milieu éducatif est (…) très exigeant pour ses acteurs, et cela ne risque pas d’aller en diminuant, comme me l’a déjà rappelé amicalement hier le ministre des Finances (…) [c’est] d’abord et avant tout sur la motivation des gens qu’il faut miser pour aider les principaux acteurs de l’école à développer ou à retrouver le goût de s’engager, le goût du changement et un intérêt pour l’innovation. (…)»

«…il est urgent de redonner un sens aux gestes pédagogiques. (…)»

«Ça nous amène à reconsidérer la dimension politique de l’éducation. Parce que même si c’est un peu tabou, il n’y a pas d’éducation, sans projet politique. Tous les grands pédagogues l’ont bien montré: on enseigne avec des valeurs, avec des projets, à partir d’une conception de l’être humain et des rapports sociaux. (…)»

«Les profs n’ont pas à accepter le monde tel qu’il est, ils peuvent contribuer, modestement, à le changer.»

«[Je fais l’hypothèse que] une école dont le vécu quotidien, les pratiques pédagogiques et les choix administratifs sont cohérents avec des valeurs affirmées et partagées par ses principaux acteurs est un endroit où on a « le goût de l’école » parce qu’on sait que ce qu’on y fait est important, pour soi, pour la communauté et pour la société dans son ensemble.»

«Je vous demande un avis très vivant (…) Un avis qui emprunterait à la fois au Rapport Parent, au magnifique Être et avoir, de Nicolas Philibert, et à Comme un roman, de Daniel Pennac. (…)»

Au sujet des technologies à l’école:

«La logique qui préside au développement des logiciels libres est assez simple: vous pouvez utiliser le fruit de mon travail si vous rendez le fruit du vôtre accessible aux autres aux mêmes conditions. (…)»

«[Ils sont à l’origine] de ce qu’on appelle aujourd’hui la « culture de réseau » (…) c’est une culture qui est en train de bouleverser le monde, de l’industrie musicale (…) au processus démocratique, en passant par les rapports entre l’école et son milieu (d’où le projet de faire de Québec une cité éducative) et jusqu’à la manière dont est produit le matériel didactique dont se serve les enseignants. (…)»

«La question est de savoir si on souhaite investir dans une infrastructure qui permet au système scolaire québécois de se bâtir une expertise pour être en mesure d’adapter des logiciels libres à ses besoins ou de maintenir les écoles dans un état de vulnérabilité où quelques entreprises privées (…)»

«Une fois dans le domaine des valeurs et de l’éthique (et de la pédagogie!), ce genre de question trouve réponse rapidement et suscite le consensus de la majorité des enseignants. Mais encore faut-il poser la question de la bonne manière (…)»

En référence aux risques que de manipulation système électoral des États-Unis devant l’évolution des technologies (un écho particulièrement douloureux à 12 jours de l’investiture de Donald Trump):

«Si on souhaite que la population du Québec soit moins dupe que la population américaine sur ce genre de sujet, nous avons intérêt à remettre à l’ordre du jour la dimension politique de l’éducation… et nous assurer que les enseignants et les élèves comprennent les dimensions morales de ce genre de questions. C’est la démocratie qui en dépend.»

 

EXTRAIT DES COMMENTAIRES REÇUS

De Mario Asselin:

«Vous allez me permettre de vous suggérer une reformulation plus en lien avec le petit côté subversif que je vous connais; il en est encore temps, M. le ministre (…) [il faut organiser le travail en fonction (…) des besoins des élèves dans le système scolaire (…) [plutôt que] des droits et prérogatives des travailleurs. (…)

«Je sais que je n’occupe pas votre fonction et, que de ce fait, je n’ai pas à être politiquement correct, mais si vous m’écoutiez, vous iriez jusqu’à demander de dire s’il est pensable et souhaitable d’imposer dans nos écoles des valeurs comme le respect et l’amour du vrai du beau et du bien?»

De René Audet:

«…il ne me paraît pas utile, voire pertinent de remonter aussi haut (le Conseil supérieur de l’éducation) pour traiter des moyens à mettre en place pour « reconnecter les principaux acteurs de monde scolaire avec les valeurs et les finalités de l’école » (c’est communautairement qu’il faut agir, à hauteur humaine, et non à coups d’avis et de discours pleins de bonne volonté).»

De François Guité:

«…il ne faut pas se contenter que de la finalité de la politique ministérielle. Il faut aussi garder en tête la finalité du développement humain, laquelle doit toujours avoir préséance sur la première. Je fais bien sûr aux grandes dimensions de l’être humain : cognitif, affectif, social, physique et spirituel. Dans l’ensemble de ton propos, on sent une préoccupation pour le développement harmonieux de toutes ces dimensions, sauf un : la santé physique. Et pourtant, les besoins sont criants. (…)

«…je regrette [par ailleurs] que tu n’aies pas manifesté une intention de décentraliser l’organisation scolaire. Pourtant, n’es-tu pas l’ardent défenseur des communautés en tant que creuset d’apprentissage ? Bien sûr que oui. Alors, pourquoi ce silence?»

La faute des réseaux sociaux

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L’examen de fin d’année de mathématique a beaucoup fait parler de lui. Le Devoir y consacre un (autre) article ce matin.

Le ministère revoit l’examen de maths | Le Devoir | 9 juin 2016

L’essentiel de l’article tourne encore autour du trop grand niveau de difficulté de l’examen, mais c’est la fin de l’article qui attire surtout mon attention.

On y apprend que toute une partie de l’épreuve a été annulée pour cause de «violation de confidentialité à la suite de l’article du Devoir et des réseaux sociaux, c’était trop d’information en circulation» — alors que toutes les écoles n’avaient pas encore fait passer l’examen.

Je comprends aisément que du moment où on constatait que certains élèves avaient eu accès à certaines questions avant de s’asseoir devant leur copie, c’était devenu une question d’équité… ce que je ne comprends pas c’est qu’on ait pu penser que c’était une bonne idée de planifier une épreuve nationale uniforme qui n’aurait pas lieu en même temps pour tout le monde… en 2016!

La responsable de la sanction des études précise:

« On est devant une nouvelle réalité avec les réseaux sociaux, l’information circule davantage alors on doit adapter nos façons de faire à la situation actuelle. »

Nouvelle réalité. C’est là que ça bogue.

Ce n’est pas une nouvelle réalité. C’est une réalité. Point. C’est écrit, décrit, commenté, expliqué, dans de très nombreux rapports — et même dans des rapports du ministère de l’Éducation! Et, cela, depuis plusieurs années.

Plus encore: c’est une évidence dans la vie de tous les jours, autour de chacun de nous: dans les autobus, dans nos maisons, à la télévision, dans les restaurants. Partout.

Déjà en 2009, Internet était tellement présent dans la vie des ados québécois, qu’un site web français avait détecté un afflux anormal de visiteurs dans les jours suivant la distribution du cahier de préparation de l’épreuve obligatoire de français de la fin du 1er cycle du secondaire. J’y avais fait référence dans la conférence d’ouverture de l’AQUOPS en mars 2010 (l’image du haut du texte et celle ci-dessous sont d’ailleurs extraites de cette présentation).

Six ans plus tard. On plaide encore la nouveauté.

Il faut le dire clairement: la seule chose que cet échec dans l’application de l’examen démontre (à nouveau) c’est l’extrême lenteur de certaines de nos institutions quand il devient nécessaire de s’adapter.

Ce n’est pas la faute des réseaux sociaux. C’est la faute de ceux qui croient encore pouvoir faire comme s’ils n’existaient pas.

Il faut arrêter une fois pour toutes de parler des réseaux sociaux comme d’une nouvelle réalité.

Il faut arrêter de plaider (même de bonne foi) la surprise devant la vitesse de transformation de la société. Il faut commencer à s’y intéresser. Vraiment. Et y mettre ressources et efforts en conséquence.

Si on veut vraiment éduquer, aider et accompagner les jeunes, il faut d’abord comprendre le monde dans lequel ils vivent et se développent.

C’est une urgence. Surtout pour le ministère de l’Éducation.

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Vivre ensemble

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C’était la rencontre de parents ce soir à l’école primaire d’une de mes filles. Elle située dans un quartier de Sainte-Foy qui est de plus en plus multiethnique. Le gymnase était bondé. Les directrices, les enseignantes, quelques enseignants, et surtout des pères et des mères — dont certaines portaient un voile. C’était beau. La rentrée scolaire m’émeut toujours.

Quelques heures plus tôt, le gouvernement du Québec avait soumis au débat cinq propositions devant mener à la rédaction d’une Charte dans laquelle serait affirmé la laïcité de l’État et réaffirmé le caractère fondamental de l’égalité homme-femme. L’espace public s’était aussitôt embrasé, les médias (et les médias sociaux) privilégiant très souvent l’expression des opinions les plus extrêmes, en dépit de toutes les nuances qui s’imposent lorsqu’on aborde un sujet aussi sensible.

J’observais ces immigrants, plus ou moins facilement identifiables, portant ou pas de signes religieux visibles, et ce n’est pas les propositions de Bernard Drainville qui me rendaient inconfortable. Pas du tout! C’était plutôt l’immaturité dont nous avions collectivement fait preuve au cours des heures et des jours précédents. À croire que nous avions abandonné toute raison pour tomber dans le simplisme, les insultes et le jeu des bons et des méchants. Jusqu’à oublier que si pour bien vivre ensemble il faut, bien sûr, des règles claires, il faut aussi (surtout!) de l’écoute, du respect et du temps pour considérer le point de vue de l’autre. C’est d’ailleurs ce qu’on enseigne aux enfants à l’école: « la curiosité intellectuelle, les connaissances et la sensibilité nécessaires pour contribuer à bâtir un monde meilleur et plus paisible, dans un esprit d’entente mutuelle et de respect interculturel ».

Ce soir, j’ai eu le goût de dire aux parents immigrants, et en particulier à ceux qui portaient des signes religieux visibles, qu’ils sont bienvenus dans notre quartier et que j’apprécie leur participation à la vie de cette école où nos enfants inventent, ensemble, le Québec de demain.

J’ai eu envie de leur dire de ne pas accorder d’importance aux réactions excessives dont les médias se sont fait l’écho depuis quelques jours. J’ai eu envie de leur dire que les polémistes allaient bien finir par s’épuiser, que la raison allait bientôt reprendre ses droits et que nous pourrions commencer à discuter sereinement des règles qui nous permettront de bien vivre ensemble, à long terme, dans le respect des valeurs de chacun.

J’ai eu envie de leur citer les paroles de Rachida Azdouz qui mentionnait un peu plus tôt à la télévision qu’il ne faut pas s’inquiéter du débat qui s’amorce: « parce que c’est tout à fait normal dans une société pluraliste de se poser la question du vivre ensemble sur une base régulière [et qu’une] démocratie qui ne se questionne plus est une démocratie qui n’est pas vivante ».

J’ai aussi eu le goût de remercier les enseignantes et tout le personnel de l’école, parce que pendant qu’on débat, c’est grâce à leur engagement quotidien que l’école réussit à accueillir des enfants aussi différents — certains qui ont de la facilité, plusieurs qui ont beaucoup de difficultés, de comportement ou d’apprentissages, des enfants nés ici et d’autres, venus d’ailleurs — et que ça marche! C’est grâce à eux que tout le monde dans ce gymnase, ce soir, était fier de son école.

J’ai eu envie de dire tout ça, mais je ne l’ai malheureusement pas fait. C’est pour ça que, de retour à la maison, j’ai pris le temps d’écrire ce texte.

En souhaitant qu’il trouve son chemin jusqu’à eux.

La cité éducative comme projet de société (et les librairies dans tout ça?)

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Je l’ai dit hier, les points de vue de ceux qui sont en faveur d’une éventuelle réglementation sur le prix des livres neufs et de ceux qui sont contre cette idée me semblent tellement diamétralement opposés qu’ils m’apparaissent presque irréconciliables, du moins à cette étape du débat. Ils s’appuient pourtant sur un certain nombre de constats communs, à partir desquels il sera éventuellement possible d’élaborer un consensus ou de formuler des propositions alternatives quand aux actions qui devraient être entreprises pour soutenir le développement de la lecture et du domaine du livre.

Pour essayer de mettre en perspective ces différents points de vue, et de faire progresser la discussion, j’ai proposé que chacun précise dans quelle vision de la société ses prises de position s’inscrivent. À quel projet de société elles sont appelées à contribuer. Parce qu’il y a forcément un projet implicite derrière tout ça — il me semble.

Avant que la semaine ne recommence, et que les travaux de la commission parlementaire ne reprennent, je consacre quelques instants pour décrire, très succinctement (et donc avec beaucoup de raccourcis, pardonnez-moi) la vision — le projet de société — qui me guide depuis des années et en fonction duquel j’organise forcément une bonne partie de mes réflexions.

* * *

Je rêve de vivre dans une cité éducative (j’en parlais déjà en 2002, en 2003, en 2004) — un milieu de vie à l’échelle humaine où tout serait organisé de  manière de permettre à tous les citoyens d’apprendre quelque chose tous les jours. Apprendre quelque chose, qu’importe quoi, parce ce qui est important, dans ce contexte, c’est d’être en apprentissage.

Être en apprentissage, tous les jours, parce que c’est le meilleur moyen d’être heureux, bien sûr, mais aussi parce que cela m’apparaît de plus en plus nécessaire pour assurer l’équilibre d’une société moderne.

Parce qu’au rythme où les sociétés évoluent aujourd’hui — sous l’influence des changements technologiques, de la globalisation de l’économie, des défis écologiques, des flux migratoires, etc. — leur capacité d’adaptation est constamment mise à l’épreuve. Et pour pouvoir s’adapter continuellement, une société doit pouvoir compter sur des citoyens qui disposent d’une bonne ouverture d’esprit devant la nouveauté et qui possèdent un certain appétit pour l’innovation. Des citoyens qui ne sont pas fermés, d’emblée, à toute nouvelle proposition ou à une approche différente pour aborder un problème récurrent.

Or, être en apprentissage, c’est un projet personnel; c’est se projeter dans le futur; c’est accepter que demain sera un peu différent de ce qu’a été aujourd’hui; c’est imaginer la vie sous de nouveaux angles, avec une autre perspective; c’est accepter d’aborder positivement le changement; c’est fréquenter l’innovation.  Être en apprentissage, c’est cultiver, sur une base personnelle, des qualités qui sont de plus en plus nécessaires quand vient le temps de faire évoluer, collectivement, notre organisation sociale en fonction des défis auxquels nous sommes confrontés.

J’ose faire la relation: moins de gens en apprentissage = moins de gens à l’esprit ouvert = difficultés pour faire accepter de nouvelles façons de voir les choses = difficultés politiques accrues = problèmes sociaux de plus en plus aigus.

Pour que la cité éducative devienne réalité, il est absolument nécessaire de multiplier les contextes d’apprentissage. Il faut réinventer l’école, la décloisonner, lui retirer la responsabilité de tout ce qui peut être appris ailleurs pour qu’elle puisse se concentrer sur ce qui lui incombe vraiment (cela avait été l’objet d’un échange avec Michel Dumais, il y a quelques années). Il faut aussi stimuler les rencontres entre les citoyens, encourager la formation en milieu de travail, élargir la mission des lieux culturels et des événements (musées, théâtre, salles de spectacles, bibliothèques), inciter les entreprises à s’engager davantage dans leur communauté, inviter les médias à jouer un rôle pédagogique accru. Il faut inventer des contextes qui favorisent des rencontres entre les générations, entre les cultures et les religions. Avec l’idée, permanente, d’apprendre les uns des autres, chaque jour de l’année.

Ce projet de société n’est pas nouveau. Edgar Faure, Ivan Illich, Paolo Freire — et bien d’autres — l’ont décrit chacun à leur façon depuis longtemps. Je suis toutefois convaincu qu’il n’a jamais existé de meilleures conditions pour concrétiser cette vision.

* * *

C’est donc avec ce projet en tête que j’interprète les revendications actuelles du monde du livre et que j’analyse les différents points de vus exprimés à leurs sujets.

Avec la conviction que les librairies sont, comme les bibliothèques, chacune à leur façon, des composantes essentielles dans la réalisation d’une cité éducative. Non seulement parce qu’elles contribuent à la diffusion d’un grand nombre de livres qui ne trouveraient pas facilement leur chemin vers les lecteurs autrement (l’exemple de Un dimanche à la piscine à Kigali, de Gilles Courtemanche, donné par Pascal Assathiany à Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit (il faut cliquer à 43:00) est très bon à cet égard), mais aussi (et peut-être surtout!) parce qu’elles sont aussi des lieux de rencontres importants au cœur de la cité. Des commerces dont la présence sur une rue principale multiplie le potentiel éducatif d’un quartier ou d’une ville et contribue ainsi à améliorer, concrètement, la capacité de la société à évoluer sereinement.

Dans cette perspective, la librairie est un commerce qui mérite évidemment une reconnaissance toute particulière — et des appuis qui tiennent compte de cette importance — qu’il s’agisse d’une librairie indépendante ou de la succursale locale d’une chaîne de librairies.

Il ne s’agit pas de privilégier un point de vue idéologique au détriment d’une analyse plus rationnelle de la situation du marché du livre. Il s’agit d’expliciter le référentiel de valeurs à partir duquel j’organise les différentes conclusions, parfois contradictoires, qui découlent de l’analyse des différents points de vue qui sont exprimés sur le sujet.

S’agit-il donc de sauver à tout prix les librairies parce que l’avenir du livre en dépendrait? À l’évidence, non. Il faut bien sûr souhaiter qu’elles puissent continuer à jouer un rôle actif dans la diffusion de la création éditoriale, mais il s’agit surtout, pour moi, de pouvoir compter sur elles pour bâtir cette cité éducative. Parce qu’elles ne seront pas, pour cela, remplaçables par les magasins grandes surfaces, qui sont généralement situées hors des milieux de vie et n’offre pas du tout le même potentiel éducatif, simplement parce que les livres y sont vendus au même titre que des chaussettes et sans aucune expertise particulière pour le faire.

Une vision idyllique de la librairie que tout cela? Peut-être un peu. Mais un très beau défi surtout. Le défi  pour les libraires de redéfinir de façon audacieuse leurs relations avec leurs milieux, en imaginant des rapports de complémentarité encore plus fort avec les bibliothèques (qui doivent aussi se réinventer — lire à ce sujet l’excellent texte relayé par Marie D. Martel), les lieux culturels, les écoles, les entreprises et l’ensemble de leurs communautés. En tirant évidemment profit des possibilités que représentent à cet égard l’avènement du Web et du livre numérique.

* * *

Je l’ai dit lors de mon passage à la Commission parlementaire (voir mon mémoire): je suis favorable à la réglementation du prix des livres neufs (selon les modalités proposées dans le cas des livres imprimés, et selon des modalités différentes, pour les livres numériques). Je le suis parce que je pense que c’est une mesure qui peut donner un bon coup de pouce aux librairies — avec notamment pour effet de leur donner un peu de temps pour s’engager encore un peu plus dans la voie de tous ces changements.

Est-ce que la réglementation du prix est une mesure suffisante quand on caresse de telles ambitions pour les librairies? Est-ce qu’elle permettra à elle seule à toute une industrie de faire face à tous les défis auxquels elle fait actuellement face? Évidemment pas! Mais il faut bien commencer quelque part, et rapidement.

Par conséquent, je me réjouirai, bien sûr, si on peut ajouter à cette cette mesure contraignante, dont je souhaite l’adoption, un ensemble d’autres mesures, plus positives, notamment pour valoriser la place de la librairie au coeur de la cité — comme un lieu de rencontre et un espace qui a le potentiel de stimuler l’apprentissage d’un grand nombre de citoyens.

Et au risque que mes lecteurs les plus réguliers me disent que je radote, je mentionne en terminant que le projet 826 Valencia, à San Francisco — et les nombreuses initiatives qui lui sont associées — me semblent particulièrement inspirants pour les libraires qui seraient à la recherche d’un peu inspiration dans le but accélérer un peu leur transformation.

Voilà donc, tel que je l’avais promis, la vision qui me guide quand je parle des librairies. Quelle est la vôtre?

Les technologies de la nouvelle vague informatique

Je suis en train de mettre la dernière main à la conférence que je dois prononcer demain matin dans le cadre du 28e colloque de l’AQUOPS. Je ne peux pas tout garder de mes recherches et explorations préparatoires.

Les quelques lignes ci-dessous sont néanmoins beaucoup trop savoureuses pour que je les laisse retomber dans l’oubli:

Ces technologies de la nouvelle vague informatique, déjà utilisées dans le monde des affaires, entreront, comme toutes les technologies jusqu’à maintenant, dans le monde éducatif… avec un certain délai. Le décalage entre l’arrivée sur le marché, de nouvelles techniques et leur emploi en éducation est, actuellement, de trois à cinq ans. On peut donc prévoir qu’en 1995, les technologies de l’intelligence artificielle seront déjà entrées dans nos écoles.

Puisque ces outils seront là et puisque nous avons encore le choix de leurs utilisations possibles, pourquoi ne pas profiter de ce répit pour fixer nos orientations dans ce domaine et préparer à la fois les applications spécifiques et les personnels

Sinon, avant longtemps, la pression conjuguée des marchands, (prouesses industrielles à l’appui), des ordinomanes, des élèves et des parents leur fera franchir les murs des écoles. Des administrateurs seront tentés de s’en servir pour optimiser l’efficacité pédagogique, c’est-à-dire pour davantage encadrer, uniformiser, robotiser, bref industrialiser l’enseignement car, il faudra bien trouver une raison autre que la hantise de l’analphabétisme informatique.

Il s’agit d’un extrait de la page 76 du rapport du Groupe REPARTIR, publié en 1990.

C’était il y a 20 ans.

De la page aux écrans (conférence pour l’AQUOPS 2010)

Je prononcerai la semaine prochaine la conférence d’ouverture du colloque de l’AQUOPS — un événement qui me tient particulièrement à coeur parce qu’il a été très important dans mon histoire personnelle et professionnelle. Le thème du colloque de cette année est Prendre le temps des TIC.

Le programme annonce:

« PRENDRE LE TEMPS DES TIC, c’est savoir prendre le temps nécessaire à l’apprentissage et à la compréhension des technologies de l’information et des communications, savoir les mettre en relation pour mieux les intégrer à la pédagogie, savoir se mettre à jour. »

Je dois évidemment me plonger dans les prochains jours dans la préparation finale de cette conférence: rassembler les notes que j’ai prises au cours des dernières semaines, faire quelques lectures complémentaires, structurer tout cela, réaliser le support visuel.

Et je me dis ce matin qu’avec tous les moyens de communication et de partage dont nous disposons aujourd’hui, il serait intéressant de compléter cette préparation avec le monde — en sollicitant des idées, des suggestions; en demandant aux personnes qui prévoient être présentes (et à celles qui suivront le colloque à distance) s’il y a des sujets qu’elles souhaiteraient particulièrement voir abordés au cours de cette conférence.

Je reprends donc ici le texte de présentation de la conférence — tel que présenté dans le programme — comme point de départ des échanges qui pourraient prendre forme ici (et sur Twitter, et ailleurs…) cette semaine si l’idée de compléter collectivement la préparation de cette conférence ensemble plaît à quelques autres personnes.

De la page aux écrans

ou comment les profs peuvent être les moteurs de la révolution documentaire en cours autour du livre numérique.

L’école est un espace à la fois ouvert et protecteur, nourri par l’innovation et par la tradition — un espace où l’enseignant est le plus souvent seul avec ses élèves, mais où on attend de lui qu’ils agissent de concert avec leur milieu. Un espace où on s’émerveille du potentiel des nouvelles technologies, mais où on peste aussi contre certains des bouleversements qu’elles provoquent.

L’école est un milieu où on utilise tous les jours des manuels scolaires, des ouvrages de référence et des documents de toutes sortes — des documents de plus en plus souvent numériques. Quels sont les enjeux associés à cette transformation d’un point de vue pédagogique? S’agit-il seulement de reprendre ce qui existe sur papier pour le transposer à l’écran? Non… certainement pas… c’est en tout cas le point de vue que nous présentera Clément Laberge!

À suivre plus tard dans la semaine… Toutes les idées, les souhaits, etc. sont les bienvenus.

La qualité de l’orthographe et la sécurité nationale

Extrait d’un texte de Richard Hétu, dans La Presse:

« Le rapport de la Maison-Blanche confirme la conclusion à laquelle le président était lui-même arrivé mardi : le gouvernement américain possédait suffisamment d’informations pour empêcher le suspect, un Nigérian de 23 ans, de monter à bord d’un avion à destination des États-Unis avec des explosifs dissimulés sur lui. Mais les services de renseignement n’ont pas réussi à analyser ces informations correctement. Des erreurs humaines telles que des fautes d’orthographe ont également contribué à l’échec du système. »

Bel exemple à retenir.

De l’éducation au programme d’Antenne A

Au terme d’une semaine très chargée, je participais hier à une table ronde organisée dans le cadre du festival Antenne A sur le thème Mon enfant 2.0: Le point sur les technologies d’apprentissage. Les autres intervenants étaient Mario Asselin, Patrick Plante et François Guité. C’est Hélène Rioux qui dirigeait les échanges et François X Côté était le coordonnateur de l’événement.

Une table ronde sur l’éducation, un vendredi soir d’automne, sans aucune polémique préalable… et il y avait une quarantaine de personnes dans la salle! Mieux, une trentaine ont participé à distance en visionnant en direct et/ou en réagissant par l’entremise de Twitter. Vrai, vrai! Impressionnant.

Toute l’information et tous les documents présentés ou évoqués au cours des échanges ont été regroupés sur cette page Flickr.

Un enregistrement vidéo de qualité sera bientôt rendu disponible sur YouTube.

Et mes collègues rendront probablement aussi compte de leur expérience sur leur blogue respectif.

Une bien belle expérience en tout cas — et merci à Antenne A et à Télé-Québec pour avoir fait une petite place à l’éducation dans leur programmation.

Une histoire à inventer

J’ai participé jeudi dernier au Camp de lecture numérique organisé pour la deuxième année par le Ministère de l’Éducation (quelques traces laissées sur Twitter ici). La rencontre de trois jours regroupait une soixantaine d’éducateurs d’un peu partout au Québec. J’y ai fait une courte présentation — avec l’aide de mes trois enfants… très agréable expérience! Voici la description que j’avais transmises à son sujet il y a quelques semaines:

Le livre à l’ère de la culture numérique: une histoire à inventer

Le monde du livre change à son tour sous l’influence du numérique. Il change vite, au point de nous donner parfois l’impression de changer à notre insu. Il n’en est pourtant rien! C’est même le moment où jamais pour prendre part à l’histoire du « livre numérique » — en participant à son invention. Littéralement.

À partir d’une présentation de nouveaux supports de lecture, de puissants outils d’édition en ligne et d’étonnantes communautés qui s’organisent aujourd’hui « autour des livres », cet atelier prendra la forme d’une invitation à s’engager, individuellement et collectivement, dans l’invention du nouveau monde du livre — parce que les enjeux culturels, éducatifs et économiques qui lui sont associés sont bien trop importants pour être laissés à d’autres…

Le message que j’avais choisi de laisser en conclusion est essentiellement le suivant:

  • Les technologies sont en train de changer profondément notre conception du livre;
  • Il existe un grand nombre d’outils qui permettent aujourd’hui de réaliser des livres, plus ou moins innovateurs — les éducateurs doivent les connaître, se les approprier, savoir y faire appel;
  • Mais il ne faut pas perdre de vue que quelle que soit la forme qu’on peut choisir de lui donner, un livre demeure une création très complexe et, de façon générale, c’est une erreur pour un éducateur de vouloir « se transformer en éditeur »;
  • Il est préférable d’utiliser tous les outils disponibles dans une perspective de prototypage, pour décrire, par l’exemple, concrètement, sous quelle forme nous souhaiterions que les éditeurs réalisent aujourd’hui les livres dont nous avons besoin dans un contexte pédagogique.

En d’autres termes, j’avais envie de dire que si les technologies sont une extraordinaire occasion d’empowerment (toujours la même difficulté à traduire ce terme) pour les éducateurs au regard de l’édition et du monde du livre… il faut arriver à distinguer ce qui relève de « l’acquisition de la capacité / de l’influence » et ce qui relèverait plutôt du « vouloir tout faire soi-même ».

Je faisais en quelque sorte la proposition d’un nouveau contrat entre éducateurs et éditeurs, s’appuyant sur les technologies — évoquant l’idée d’un laboratoire technologique commun — le web — permettant aux éditeurs de faire ensuite leur travail en tirant profit de toutes les compétences qu’ils savent mobiliser et aux éducateurs de faire leur travail auprès des jeunes (et des moins jeunes).

J’avais promis de rendre disponibles rapidement des liens vers l’ensemble des pages Web que j’ai très/trop rapidement présentées lors de mon intervention. Les voici donc regroupés dans mon compte del.icio.us (tous, exemples de livres électroniques, exemples outils d’édition, et quelques autres).

P.S. Dans un texte intitulé Announcing our new book deal, l’équipe de 37 Signals explique que malgré le très grand succès de leur premier livre, auto-édité il y a quelques années, ils ont choisi de travailler avec un vrai éditeur pour leur prochain ouvrage. Leur démarche est tout à fait dans l’esprit de ce que j’évoquais jeudi: utiliser tous les moyens dont on dispose pour montrer ce qu’on veut faire — faire un/des prototype/s — puis faire appel à de l’expertise spécialisée pour réaliser son projet à pleine échelle.

Éducation et culture: la clé du passage au numérique, c’est le dialogue

Je vis depuis quelques semaines des moments particulièrement intenses au contact des différents acteurs du monde du livre — au Québec, en France, et plus largement, ailleurs dans le monde, notamment à travers la blogosphère. Les bouleversements en cours s’accélèrent et cela provoque toutes sortes de rencontres. Je me répète tous les jours — dans la fatigue comme dans l’ivresse — que c’est un grand privilège de pouvoir ainsi prendre part à des moments où tout est à inventer.

J’avais bien besoin de décrocher un peu cette fin de semaine — j’ai donc déconnecté vendredi soir. J’ai pris du temps en famille, pris l’air, plongé dans quelques livres, et dans les journaux — imprimés — un peu plus à l’abri que d’habitude des distractions inhérentes à la permanence des réseaux. Et ça m’a fait le plus grand bien.

Et puis ce matin, en lisant Le Soleil, café en main, un texte a attiré mon attention jusqu’à me faire reconnecter. Un texte bien loin des grandes analyses sur l’éducation, l’avenir du livre, le statut de l’écrivain, etc., Un texte très humble, qui m’a replongé aux sources de plusieurs de mes engagements personnels et professionnels depuis quinze ans — voire un peu plus. C’est un texte de France Castonguay, de Saint-Laurent-de-l’Île-D’Orléans, que je reprends in extenso ci-dessous, faute d’avoir pu le trouver sur Cyberpress.ca. Je reprends mes commentaires à la suite.

Précieux coup de main d’une grande dame

En lisant mon Soleil dimanche dernier, j’apprends que c’est le 100e anniversaire de naissance de Gabrielle Roy

Aussitôt m’est revenue en mémoire une anecdote concernant cette écrivaine dont j’ai croisé le chemin pour quelques minutes, mais qui me sont restées gravées en mémoire pour toujours.

J’avais 14 ans à l’époque et j’avais un travail de français à faire, concernant une partie de son roman La petite poule d’eau.

En étudiant sa biographie, j’avais découvert qu’elle était marée à un médecin de Québec. Comme j’éprouvais certaines difficultés à bien saisir le texte, j’ai pris la décision de l’appeler. Ce qui fit très facile, car son mari était dans le bottin téléphonique( tout en pensant bien que mes chances étaient plutôt minces qu’elle daigne me consacrer du  temps). À ma grande surprise, c’est elle-même qui ma répondu au téléphone et elle a patiemment répondu à mes questions. Après avoir raccroché, je n’en croyais toujours pas mes oreilles… Ces quelques minutes m’ont aidée à mieux comprendre son texte et m’ont été dune grande utilité pour terminer mon travail.

À la remise des travaux, mon professeur de français m’a indiqué, devant toute la classe, que je n’avais pas bien saisi le texte et que mon travail, somme toute, ne méritait pas une bonne note. J’ai attendu la fin du cours pour le rencontrer en privé et lui dire que j’avais communiqué avec Gabrielle Roy et qu’elle m’avait beaucoup aidée à saisir e sens de son texte! Je lui ai expliqué ma démarche et l’ai invité à l’appeler pour confirmer directement avec elle que nous avions bien eu cette conversation.

Cette très brève conversation avec cette grande dame a tout de même changé ma vie et m’a fait comprendre:

* Que le jugement que les autres portent sur notre travail peut parfois être complètement erroné, et qu’il ne faut pas trop s’en faire avec cela. Surtout si on est convaincu de l’avoir bien fait.

* Que d’avoir rencontré mon professeur en privé, pour lui expliquer la situation, au lieu d’essayer de l’humilier devant la classe, m’a apporté son plus grand respect.

Ces leçons de vie me servent encore aujourd’hui, même après plusieurs décennies.

Pour cela, merci encore, chère Gabrielle Roy.

— France Castonguay, Saint-Laurent-de-l’Île-D’Orléans

J’aime beaucoup ce texte parce qu’il illustre remarquablement que c’est dans le dialogue que la culture prend tout son sens, et tout particulièrement dans un contexte éducatif. C’est une conviction qui était à la base de  mon choix d’étudier en enseignement, qui était également à la base de mon intérêt immédiat pour le Web et de mon choix à participer à la mise en place de l’Infobourg, ainsi que de celui de travailler spécialement avec le monde de l’édition. Une conviction qui s’est renforcée lors de mon passage en France, et qui est au cœur de ma manière d’envisager l’avenir du livre dans un environnement culturel de plus en plus numérique. Une conviction qui s’incarne aussi dans mon engagement autour du projet de faire de Québec une cité éducative. Une conviction qui me ramène aussi fréquemment à l’œuvre de Paolo Freire.

Le témoignage de Mme Castonguay montre bien la valeur que peut avoir le contact avec l’auteur d’un texte. Il montre bien, aussi, que cela n’est pas seulement rendu possible depuis l’avènement d’Internet. Mais comment ne pas s’émerveiller devant tous les contacts que le Web facilite ou rend possible avec les auteurs des livres qui nous passionnent ou sur lesquels nous devons travailler, dans un contexte scolaire, notamment? Et devant tous les apprentissages et les projets dont ils peuvent être la source? Comment peut-on imaginer l’avenir de l’école sans tenir compte de telles possibilités?

Est-ce que, bien plus qu’un passage d’un support à l’autre, ou d’une forme matérielle à une autre, dématérialisée, ce n’est pas sous l’angle de nouveaux dialogues autour des oeuvres qu’il faudrait envisager la transformation actuelle du monde du livre? Je le crois. Profondément. C’est d’ailleurs ce qui me fait croire que tous les métiers qui sont fondés sur la médiation, sur le relationnel et sur le conseil peuvent particulièrement gagner dans ce nouvel univers littéraire. C’est une partie du message que j’ai souhaité laisser aux libraires, plus tôt cette semaine, notamment.

Dans un univers numérique, la clé du succès, c’est le dialogue. Dans le monde du livre, cela suggère le dialogue avec un auteur vivant, certes, mais aussi avec d’autres lecteurs, ou d’autres participants à l’écosystème qui prend forme autour d’une œuvre. Par conséquent, par delà les infrastructures, les formats, les modèles commerciaux, etc. ceux qui réussiront le mieux seront ceux sauront tirer profits des dialogues — par tous les moyens; par ceux qui leur conviennent, ne serait-ce que par courriel, par un blogue, etc. Qu’ils soient auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, etc. Je m’émerveille d’ailleurs en voyant apparaître, chaque jour, de nouvelles initiatives qui s’inscrivent dans cette dynamique conversationnelle.

À moyen terme, je suis persuadé que les initiatives qui contribueront à favoriser les dialogues ont plus de chance de réussir que les autres. C’est même, je crois, la meilleure grille d’analyse pour faire des choix, tant éditoriaux, que techniques ou commerciaux — en particulier dans le monde du livre.

* * *

Si j’étais toujours enseignant, je m’empresserais de coller ce texte sur la porte de mon local, pour qu’il serve sans cesse de rappel aux élèves:

La culture est quelque chose de dynamique — vous en faites partie — vous disposez de moyens de communication extraordinaires — servez-vous-en! — communiquer avec les gens qui s’adressent à vous, à travers les médias, les livres ou autrement, quels qu’ils soient — interpellez votre entourage— posez-leur des questions — demandez qu’on vous explique — donnez votre opinion.

Je crois que c’est seulement de cette façon que les technologies du numérique — et que la culture, dans un environnement numérique — pourront devenir des outils de liberté et de solidarité; et non pas seulement de nouveaux vecteurs de la société de consommation.

À défaut d’avoir une porte de classe où afficher ce texte, je vais de ce pas le placer sur la porte du réfrigérateur familial. C’est dans le même esprit que je le dépose ici.

Au sujet des pratiques culturelles des jeunes

Le ministère de la Culture de France vient de publier un court document sur les pratiques culturelles des jeunes.

Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ? — Culture prospective, n° 1, janvier 2009, PDF, 8 p.

Si le document n’apporte rien de fondamentalement nouveau par rapport aux classiques du genre (Tapscott, Prensky, etc.), il a néanmoins le mérite de décrire efficacement le contexte dans lequel l’école et les médiateurs culturels traditionnels — ainsi que les créateurs — doivent aujourd’hui repenser leurs actions. Extraits:

la révolution numérique a bouleversé les usages et modes de consommation culturels, particulièrement auprès des jeunes générations, nées dans un univers où l’accès à l’information, au savoir et à la culture est numérique. (…)

Les mutations des modes de consommation – consommation à la demande, convergence des usages sur un même support qui facilite un temps multitâche, développement de l’éclectisme, de la curiosité et de la consommation culturelles – engendrent dans les jeunes générations une redéfinition de la labellisation au détriment de l’institution et au profit de l’individu et des réseaux.

Les instances de transmission culturelle que sont l’école et les équipements culturels sont donc confrontées à des bouleversements affectant les fondements de leur action (…) Elles sont appelées à revisiter leur modèle de médiation pour l’adapter aux jeunes générations, afin de favoriser l’émergence d’une culture de demain et pour permettre la transmission d’un patrimoine culturel, lui-même en voie de redéfinition.

Et à propos de la lecture:

Les générations successives sont de moins en moins lectrices de livres, alors que d’autres formes de lecture s’y substituent, modifiant le modèle implicite qui a été celui de la lecture linéaire, littéraire. Les formes de la lecture se modifient : dans les jeunes générations, la lecture de magazines et de presse se substitue à celle de livres, et l’on a bien du mal à prendre en compte l’ampleur croissante des lectures sur écran. Que l’on songe que les moteurs de recherche, premiers outils utilisés sur l’internet, ont remplacé dans bien des cas la consultation des encyclopédies et ouvrages thématiques, et l’on aura une idée des basculements à l’oeuvre…

Merci à François Bocquet.

Ma participation à la journée sur la persévérance scolaire

logoperseveranceJ’ai participé hier à la journée de concertation régionale sur la persévérance scolaire. J’y ai fait de très agréables rencontres. Tant au point de vue personnel que professionnel. Les gens qui s’engagent socialement dans des dossiers comme celui de la persévérance scolaire sont généralement des gens aussi inspirants que passionnés. On ne perd jamais son temps à les côtoyer — même quand on aurait aussi beaucoup à faire au bureau. Très égoïstement, une journée comme celle-là c’est aussi une sorte de ressourcement, ça (re)ground. Les gens d’affaires devraient y participer plus souvent, en plus grand nombre, et de façon beaucoup plus assidue.

J’ai bien sûr pris quelques notes, mais comme je crois que plusieurs éléments de compte rendu ou de témoignage seront bientôt placés sur le site de l’événement — perseverancecapitale.ning.com — je vais privilégier dans un premier temps de faire dans les prochains jours des liens vers ces documents.

On peut déjè signaler deux textes déjà publiés par des participants à la journée d’hier:

Celui de François Guité: Journée de concertation sur la réussite scolaire
Et celui de Mario Asselin: World Café, concertation et persévérance scolaire

Chose certaine, je lève mon chapeau aux organisateurs, et en particulier à la Conférence régionale des élus de la Capitale Nationale et à Grisvert — la formule de la journée était audacieuse et c’est, de mon point de vue, une grande réussite. Plus de participation, moins d’exposés; plus de partage, moins de réponses toutes faites. On est sur la bonne voie. Merci!

Seul petit bémol — le communiqué officiel est malheureusement très straight et ne rend pas compte de ce qui s’est passé entre les gens, du partage et de l’engagement qui s’est manifesté — je trouve cela un peu dommage. Trop de chiffres, pas assez de passion. J’aurais aussi trouvé pertinent un lien avec Québec Horizon Culture.

Je place plus bas le texte de la courte intervention que j’avais été invité à faire au début de la journée, comme cinq autres personnes, afin de témoigner de mon appui, comme entrepreneur, à la démarche proposée.

Lire la suite de « Ma participation à la journée sur la persévérance scolaire »

De la persévérance scolaire à Québec Horizon Culture

Au moment de planifier la semaine, encore très chargée, qui s’amorce — et un peu plus loin, le mois de février qui se pointe déjà le bout du nez — je prends quelques instants pour réfléchir au sujet de deux événements auxquels j’ai choisi de faire une place dans mon agenda — l’un porte sur la persévérance et la réussite scolaire, l’autre sur le développement de la ville de Québec grâce à la culture.

* * *

Il y aura d’abord, ce mercredi, une journée de concertation sur la persévérance scolaire dans la région de Québec — un événement très important auquel devraient participer près de 300 personnes, et dans lequel je reconnais une philosophie très proche de l’idée de cité éducative :

La nécessité de tenir un tel événement trouve sa source dans les deux constats suivants :

  • les défis associés à la persévérance et la réussite scolaires sont complexes et ne pourront pas être résolus sans un effort concerté de tous les acteurs régionaux;
  • le développement social et économique de la région de la Capitale-Nationale dépendra de la présence d’une relève compétente, éduquée et dotée d’une forte capacité d’innovation. (…)

Près de 300 personnes provenant de commissions scolaires, d’entreprises privées (particulièrement en science et technologie), de cégeps, d’universités, de centres de recherche, d’organismes communautaires, d’organismes de développement régional, etc. Une trentaine d’élèves du secondaire et du collégial participeront également à la journée.

(source: perseverancecapitale.ning.com)

La formule retenue pour l’événement est très ouverte, le site Web contient beaucoup d’information et pourrait servir d’embryon à un réseau qui pourra durer bien au-delà de la journée de mercredi. J’apprécie que l’accent a moins été mis sur la communication — en terme de relations publiques — que sur « la conversation, le partage, l’apprentissage et la mise à profit de l’intelligence collective des gens qui y seront réunit ».  L’animation de la journée, dont au moins une partie a été confiée à mes amis Philippe Dancause et Jean-Sébastien Bouchard, chez Grisvert, devrait aussi être particulièrement stimulante. J’ai vraiment très hâte de vivre cela.

* * *

Cela contraste un peu avec Québec Horizon Culture — auquel je participerai aussi, le 16 février, et qui réunira probablement autant de monde. Dans ce cas, on sent une volonté d’encadrement beaucoup plus forte, tant en ce qui concerne l’organisation que la communication. Ce n’est certes pas un problème en tant que tel — mais c’est néanmoins ce qui m’a amené à lancer un appel à ceux et celles qui s’intéressent à l’avenir de la Capitale nationale du Québec, et à la place que la culture peut/doit prendre dans son développement, afin qu’ils commencent à s’exprimer dès maintenant, sur le Web — en préparation de l’événement.

Je crois qu’il est indispensable que des messages moins institutionnalisés se fassent entendre en prévision de l’événement — parce que Québec demeure une ville où la culture est encore, trop souvent, une affaire d’institutions (je le perçois comme cela, en tout cas).

Je souhaiterais personnellement que des appels très clairs se fassent entendre dans les trois prochaines semaines — et lors de l’événement — en faveur de l’entrepreneuriat culturel, sous toutes ses formes et pour des projets de toutes tailles.

* * *

Ce n’est toutefois pas les différences entre ces deux événements qui motivent la rédaction de mon texte de ce soir. Ce sont plutôt les similitudes que je perçois entre les deux événements, mais pour lesquels je déplore de ne trouver aucune référence.

En consultant la documentation relative à chacun des événements, et leurs sites Web respectifs, on pourrait croire qu’aucun lien n’existe entre eux. C’est probablement vrai en terme d’organisation, mais il me semble évident que plusieurs des thèmes abordés sont très proches — ou très interdépendants.

Dans un cas, on cherche des moyens de garder les jeunes accrochés à l’école — et plus largement à la société en générale.

Dans l’autre, on tente de mettre en place des conditions qui stimuleront la participation des jeunes à la vie culturelle de la région de Québec.

Dans un cas on tente de trouver des moyens pour intéresser les jeunes à l’école en donnant du sens aux activités d’apprentissage, notamment en les inscrivant plus étroitement dans la vie de la Cité.

Dans l’autre, on cherche à développer les publics pour le monde culturel — en particulier chez les jeunes, et notamment en faisant appel à l’école.

Dans un cas, on compte sur un milieu culturellement riche — intellectuellement stimulant — pour donner envie aux jeunes de rester à l’école, à Québec et, plus largement, de s’intégrer harmonieusement dans la société.

Dans l’autre on cherche à développer à Québec un environnement culturel qui sera de nature à donner envie aux jeunes de faire leur vie à Québec et d’y vivre leur créativité, quelle qu’en soit la forme.

Dans un cas on cherche à valoriser les sciences et les technologies à l’école, notamment en les présentant sous de nouveaux visages.

Dans l’autre on cherche à rapprocher le monde de la culture et celui des sciences et technologies pour stimuler l’innovation et le développement économique.

J’arrête là l’énumération, conscient de résumer de façon sans doute un peu simpliste les enjeux identifiés pour chaque événement. Je ne crois toutefois pas trahir l’esprit qui anime les organisateurs, dans un cas comme dans l’autre.

De ce point de vue, il me semble qu’il serait souhaitable que certaines des personnes qui seront présentent mercredi soient invitées à témoigner de ce qui se sera dit lors de cette journée de concertation lors de Québec Horizon Culture — pour qu’on ne perde pas de vue que le milieu de la culture et celui de l’éducation sont interdépendants; et qu’ils se partagent de nombreux acteurs.

Il me semble que ce serait bien que les pouvoirs publics, qui rendent possible les deux événements, s’assurent de les inscrire dans une forme de continuité; qu’ils invitent explicitement les acteurs naturels de chacun à mettre l’épaule à la roue pour relever les défis abordés dans l’autre événement. Les commissions scolaires, par exemple, devraient être interpellées dans le cadre de Québec Horizon Culture. Et, de la même façon, il faudrait suggérer aux organismes et aux institutions qui seront présentes le 16 février de joindre leurs efforts à ceux des signataires de l’entente spécifique pour la persévérance et la réussite scolaires et les cheminements en science et en technologie dans la région de la Capitale-Nationale.

Il faut, pour assurer le développement de notre ville, briser les silos qui nous font aborder les différents axes de notre développement de façon distincte. Il faut miser sur la rencontre des idées. Nous avons avec ces deux événements une occasion en or de le faire — en évitant le piège de trop segmenter éducation et culture.

Je rêve que les politiciens qui s’exprimeront la semaine prochaine, et à la mi-février, fassent preuve d’ouverture et d’audace en rapprochant explicitement les deux événements.

J’aimerais applaudir après les avoir entendus dire qu’on ne peut pas souhaiter améliorer la persévérance et la réussite scolaire sans parler de la place de la culture dans la ville; et qu’on ne peut pas réfléchir à l’avenir de la ville, et à son développement économique, sans se demander comment les institutions et les entreprises culturelles peuvent encore davantage appuyer l’école dans sa mission d’éducation et de socialisation.

Apprendre à attendre

J’ai fait référence hier au texte Je tire ma langue au chat, de Mario Asselin, pour parler de notre relation à l’école. Un autre passage de son texte avait attiré mon attention:

« Je reviendrai plus tard sur la notion « d’éducation au délai » qui me paraît être une autre variable négligée dans les causes possibles des problèmes (s’ils existent) rencontrés. Cette dernière variable est cependant plus liée aux usages éclatés des TIC par les jeunes. »

J’aurais bien sûr pu attendre qu’il revienne effectivement sur le sujet (accepter un délai!), mais j’ai plutôt envie d’alimenter dès maintenant sa réflexion, de lui proposer quelques pistes — parce que je crois moi aussi que « l’éducation au délai » est une dimension fondamentale de l’apprentissage et du développement de l’autonomie intellectuelle… et que la vie dans la cité, pour reprendre mes termes d’hier soir, ne nous aide pas beaucoup à faire cet apprentissage — c’est le moins que l’on puisse dire!

Donc, Mario, je ne sais pas trop à quoi tu pensais en évoquant « l’éducation au délai », mais pour ma part, cela m’a d’abord rappelé l’expérience de la guimauve — the marshmallow experiment [présentation par une journaliste, analyse, référence au texte d’origine, commentaire sur un blogue]:

« Who would ever guess that a brief observation of a four-year old alone with a marshmallow would be an excellent predictor of college entrance exam scores — twice as good a predictor as IQ test scores? In one of the most amazing developmental studies ever conducted, Walter Michel of Stanford created a simple test of the ability of four year old children to control impulses and delay gratification.

Children were taken one at a time into a room with a one-way mirror. They were shown a marshmallow. The experimenter told them he had to leave and that they could have the marshmallow right then, but if they waited for the experimenter to return from an errand, they could have two marshmallows. One marshmallow was left on a table in front of them. Some children grabbed the available marshmallow within seconds of the experimenter leaving. Others waited up to twenty minutes for the experimenter to return.

In a follow-up study (Shoda, Mischel, & Peake, 1990), children were tested at 18 years of age and comparisons were made between the third of the children who grabbed the marshmallow (the « impulsive ») and the third who delayed gratification inorder to receive the enhanced reward (« impulse controlled »). » (source)

Les résultats de l’expérience sont étonnants, la corrélation entre la capacité à gérer l’impulsivité (à accepter un délai) à quatre ans avec les résultats scolaires quatorze ans plus tard est presque invraisemblable:

« The third of the children who were most impulsive at four years of age scored an average of 524 verbal and 528 math. The impulse controlled students who scored 610 verbal and 652 math! This astounding 210 point total score difference on the SAT was predicted on the basis of a single observation at four years of age! The 210 point difference is as large as the average differences between that of economically advantaged versus disadvantaged children and is larger than the difference between children from families with graduate degrees versus children whose parents did not finish high school! At four years of age gobbling a marshmallow now v. waiting for two later is twice as good a predictor of later SAT scores than is IQ. Poor impulse control is also a better predictor of later delinquency than is IQ (Block, 1995). »

Je soumets cela à ta réflexion… et je suis déjà impatient de te lire (vite, la guimauve!)

Et de façon complémentaire, puisque tu fais également un lien, que je trouve à la fois valable et exagéré (les TIC aussi ont le dos large!) avec l’utilisation que les jeunes font des technologies, je te soumets aussi la lecture du Slow Blog Manifesto et de cet article du New York Time, dans lequel on présente quelques-uns de ces adeptes: Blogging at a Snail’s Pace. En voici un extrait:

« A Slow Blog Manifesto, written in 2006 by Todd Sieling, a technology consultant from Vancouver, British Columbia, laid out the movement’s tenets. “Slow Blogging is a rejection of immediacy,” he wrote. “It is an affirmation that not all things worth reading are written quickly.” (…) Ms. Ganley (…) compares slow blogging to meditation. It’s “being quiet for a moment before you write,” she said, “and not having what you write be the first thing that comes out of your head.” »

Alors la guimauve que je t’offre, tu la manges tout de suite ou tu attends?   ;-)