J’ai d’abord cru qu’il faudrait réagir aux arguments des opposants à une éventuelle réglementation du prix des livres neufs — selon des modalités qui restent à définir, rappelons-le, bien qu’il existe un consensus à cet égard au sein de l’industrie (pendant neuf mois, en permettant 10% de rabais, pour le livre papier et numérique — proposition que je nuance pour ma part en ce qui concerne le livre numérique, pour lequel je propose d’autres modalités).
Mais une semaine après le début de la commission parlementaire, je réalise que c’est peine perdue. Pas parce que les opposants sont tellement nombreux, ni parce qu’ils disposent de tribunes privilégiées, ni parce que leurs arguments sont trop forts ou trop faibles. Simplement parce que vu la nature des discours adoptés, on part tout simplement de trop loin pour se rejoindre quelque part avant la semaine des quatre jeudis.
Je pense maintenant qu’il faut changer d’approche si on veut que tout cela nous permette d’arriver à quelque chose et obtenir des résultats concrets.
Je (re)pars donc du constat qu’il y a un large consensus qui émerge des mémoires et des articles qui ont été publiés sur le sujet au cours des derniers jours:
- L’analphabétisme demeure un problème au Québec
- Il est essentiel de cultiver le goût de la lecture chez tous les citoyens
- Il est nécessaire, pour cela, de rendre les livres plus accessibles
- Et de préserver la diversité de la création éditoriale
C’est déjà pas pire… Un peu vertueux, sans doute, mais cela reste un bon de point de départ.
Alors, comment on fait pour éviter d’en rester à des vœux pieux et faire converger les discours des uns et des autres vers des actions concrètes? — avec des visées à court, moyen et long terme — en évitant le piège de ne rien faire parce qu’il n’existe pas de moyen pour tout régler d’un seul coup.
Certains affirment qu’il est essentiel de réglementer le prix des livres pour « donner un coup de pouce » aux librairies indépendantes parce qu’elles sont essentielles pour assurer une bonne diffusion à une grande variété de livres, faire connaître de nouveaux auteurs et offrir des conseils personnalisés aux lecteurs.
D’autres affirment qu’il faut au contraire favoriser par tous les moyens la concurrence pour favoriser une baisse du prix des livres et permettre ainsi à plus de gens d’acheter des livres.
Et plusieurs (sinon tous) affirment que le livre numérique a un rôle à jouer dans « ça », sans trop savoir comment — ou même pouvoir l’exprimer clairement.
Dans ce contexte, je me dis que si on veut avancer, il faudra que chacun fasse l’effort de mettre en perspective les affirmations qui apparaissent contradictoires en les situant dans un projet de société un peu plus large — auquel les observateurs du débat pourront plus facilement s’identifier, voire adhérer. Parce qu’on ne déploie assurément pas toute cette énergie, de part et d’autre, uniquement pour une question de prix des livres. Il y a plus, forcément… parce que ce serait beaucoup trop irrationnel… ça ne me semble pas possible.
Je vais donc essayer de donner l’exemple en décrivant dans un prochain texte la vision de la société qui éclaire ma position dans ce débat. Toujours avec l’idée de contribuer à susciter les échanges et de faire avancer la discussion.
Et si je reste seul à le faire… ben coudonc… ça m’aura au moins permis de mettre de l’ordre dans mes idées.
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P.S. Inutile de me dire que j’ai une approche pour le moins idéaliste, voire romantique, du débat politique. Je suis bien conscient que la politique impose parfois aussi de jouer en coulisses et de retourner les coups — et je ne dis pas que je ne le ferai pas aussi — mais je refuse que ça se résume seulement ça!