Au sujet des valeurs (et de l’identité)

J’ai fait au cours des derniers jours un survol approfondi des quelques 1700 textes que j’ai publiés sur mon blogue depuis 2002. Ça m’a permis d’identifier quelques fils conducteurs — et de mieux comprendre mon exaspération devant l’apparente stagnation du Québec dans au moins trois domaines:

  • L’éducation
  • L’environnement
  • Les technologies numériques

Un quatrième élément apparaît progressivement comme un autre fil conducteur — d’abord en filigrane puis beaucoup plus clairement, souvent en réaction à l’actualité. Il s’agit des questions en rapport avec l’identité nationale.

Ces quatre fils conducteurs seront dans les prochaines semaines autant de pistes pour guider mes lectures.

***

Au sujet de ces questions autour de l’identité et des valeurs sur lesquelles elle s’appuie, j’ai beaucoup apprécié ce texte de Jean Bédard, publié le 14 décembre dernier: Le problème actuel de l’identité.

Extraits:

«L’identité d’un peuple n’est pas fondée sur la génétique de la fatalité et de la paranoïa, mais sur une compréhension éclairée des problèmes actuels. (…)

Pour les populations qui fuient la pollution, la misère ou la violence, il ne s’agit pas de choisir un pays qu’ils aiment, mais de sauver leurs vies et celles de leurs familles. Cela veut dire que des cultures se retrouvent maintenant dans l’obligation de vivre avec d’autres sans s’être mutuellement choisies. (…)

Soit qu’on s’attaque aux causes de ces migrations, soit qu’on accepte de partager l’espace et la richesse (…). Mais les causes… Elles sont énormes… Elles remettent en question tout le système économique et la complicité politique qui maintiennent ce système fondé sur le déséquilibre social et la défaillance démocratique. (…) L’insécurité accélère la tendance des États-nations à se fermer sur elles-mêmes. (…)

Mais comment rester décontractés lorsqu’on se sent menacés? Comment passer de la peur à l’action éclairée? L’insécurité nous ramène sur nous-mêmes, nous referme, au moment même où nous aurions le plus besoin de notre sérénité psychique pour voir correctement ce qui se passe et agir correctement. (…)

La banque de solutions que nous avons développée dans le passé, la banque d’explications que nous avons élaborée autrefois, et même nos vieilles visions du monde qui donnaient du sens à nos vies, cela ne suffit plus, cela n’est pas assez, cela ne nous permet pas d’inventer des solutions nouvelles vis-à-vis des problèmes nouveaux. Le monde change trop vite sous tous les aspects : scientifique, technique, social, économique, politique, religieux… (…)

C’est ici que deux conceptions de l’identité culturelle s’affrontent :

– l’identité fermée (mais peut-on ici parler d’identité?) qui repose sur des valeurs fermées, la mémoire et la tradition, le réflexe de chercher dans le passé ce qui pourrait faire face à l’avenir;

– l’identité ouverte qui repose davantage sur l’intelligence que sur la mémoire et qui peut inventer des solutions nouvelles pour résoudre des problèmes nouveaux. (…)

On peut faire un traité des valeurs fermées, on peut construire sur elles des lois, des règlements, en faire une charte, mais on ne peut pas faire cela avec des valeurs ouvertes. (…)

Quand on regarde avec des valeurs fermées, on a des attentes précises et on compare. Ce type de valeur produit une satisfaction de conformité. (…) Elles donnent du sens, oui, mais à l’intérieur d’une vision du monde déterminée. (…)

Les valeurs ouvertes, de leur côté(…) vivent dans l’expérience directe avec la réalité. Elles se révèlent dans la rencontre et non pas avant elle. (…) Elles donnent du sens, oui, mais pas à l’intérieur d’un système de pensée, elles donnent du sens vis-à-vis de l’expérience de la réalité mouvante et changeante. (…)»

Photo: Oeuvre de John Goba, vue au Musée de la Fondation Louis-Vuitton, à Paris, en 2017.

6 réflexions sur “Au sujet des valeurs (et de l’identité)

  1. Intéressant le concept des valeurs ouvertes qui donnent du sens vis-à-vis de l’expérience de la réalité mouvante et changeante.
    Je crois que le Québec a connu des progrès sociétaux importants au cours des 50 dernières années justement parce qu’il ne s’est pas accroché aux valeurs fermées du temps.
    Le défi identitaire au Québec, selon moi, n’est pas son manque d’ouverture, mais du fait que la forte ouverture qui a fait de nous un des peuples le plus progressistes (au Canada du moins) ; cette forte ouverture est remise en question par des gens souhaitant moins d’ouverture.
    Et pas seulement certaines personnes venues d’ailleurs, il y a des gens au Canada qui souhaitent (à titre d’exemple) la condamnation de l’avortement. Il y a des endroits au Canada où l’égalité homme femme n’est pas celui qui se vit au Québec.
    Alors, continuons de nous appuyer sur les valeurs ouvertes pour poursuivre notre développement, mais ne faisons pas l’erreur de croire que nous sommes « fermés » lorsque nous souhaitons que nos récentes avancées sociétales difficilement acquises soient préservées.
    Qu’en dites-vous ?

  2. Je crois que l’ouverture, c’est quelque chose que l’on peut développer. On nait avec tout à apprendre. Toutes les possibilités sint là, à notre portée.

    Cependant, nous apprenons avec le degré d’ouverture de notre environnement. Nous copions en quelque sorte le comportement de nos parents, amis, et peu à peu, notre esprit endosse l’uniformité du groupe ou s’y contraint par désir d’être du groupe.

    Je crois que dès que l’on choisit d’apprendre en allant à la rencontre d’idées ou de concepts nouveaux, cette ouverture s’accentue. Elle peut aussi être acquise par le biais des expériences de la vie et ce sans même le choisir, le processus en est parfois plus long.

  3. Il est certain que de vivre dans un autre environnement que celui où nous sommes nés, nous permet un regard différent sur autrui. Personnellement, j’ai la chance de vivre quelques mois par année en Europe, depuis déjà 15 ans.
    En gros, cela m’a permis de réaliser que :
    1- Je m’inquiète pour des choses qui n’inquiètent pas du tout, les gens qui vivent dans certains lieux ailleurs.
    2- Des gens qui vivent dans certains lieux ailleurs, s’inquiètent pour des choses qui ne m’ont jamais inquiété.
    3- En général, les citadins sont moins connectés à leur environnement, aux aléas et aux règles de la nature que les non-citadins.
    4- En général, il est plus facile de vivre un certain individualisme dans un milieu urbain.
    5- Les non-citadins sont majoritairement plus attachés à leur histoire, leur origine, leurs coutumes et plus conscients de l’héritage qui leur fut légué.

    Cela fait en sorte, qu’une différence significative s’inscrit entre les pays dont la majorité des citoyens sont urbains et ceux où c’est le contraire. L’italie avec ses 16 000 villages mérite notre attention.

    Cela fait en sorte, que les nouveaux arrivants qui furent des citadins dans leur pays d’origine risquent que trouver que ceux qui les accueillent, sont plus ouverts s’ils sont citadins que, non-citadins.

    Cela fait en sorte que des gens d’ici, citadins depuis toujours, risquent de trouver certains de leurs concitoyens non-citadins moins ouverts.

    Alors, lorsque l’on traite d’identité ouverte et d’identité fermée, cette dimension (urbain, non-urbain) doit être considéré dans notre analyse.

  4. L’«ouverture» à l’autre, aux autres cultures, semble être devenue la vertu cardinale. Soit. Mais je n’ai jamais entendu ni lu quelque définition du résultat à long terme de cette ouverture. Jusqu’où va-t-on dans l’ouverture? Quand devient-elle dilution? Quand devient-elle fusion? Jusqu’où allons nous amalgamer les cultures? Pourquoi avons-nous fait le protocole de Rio su la Biodiversité? Pour préserver cette biodiversité. Alors, devons-nous conserver la diversité culturelle? À quel niveau? À quel prix? Dans quel but? Dans cent ans, y aura-t-il seulement trois ou quatre langues et une douzaine de cultures globales sur la planète? Si oui, sera-ce un désastre ou le magnifique résultat de l’ouverture.
    Peut-on même poser ces question, de nos jours, sans passer pour un taré auprès de certains chantres de l’ouverture?

  5. Je pense que pour parler d’identité et des valeurs, il est nécessaire commencer par définir c’est quoi l’identité, notre identité, l’identité collective et ce sont lesquels les valeurs de cette société (le cas qui nous touche).
    Pour ce qui est les valeurs, il y a quelques années, quand j’avais un peu plus de 4 ans ici, à Québec, j’ai écrit (en espagnol) un texte sur ce que j’avais identifié comme les valeurs de la société Québécoise. L’écrit a été fait pour l’Association des Vénézuéliens à Québec et les valeurs que j’avais observé à l’époque : ponctualité, ordre, confiance (envers les autres), propreté, respect (envers les autres), respect à la privacité, solidarité, égalité (des droits et des devoirs), et liberté. Dans le texte, j’explique c’est quoi que j’avais observé pour chaque valeur. Si tu veux, je peux le copier tel qu’il est ici ou te l’envoyer par courriel.
    Je suis d’accord que les valeurs et l’identité nationale sont des guides qui donnent une cohésion sociale.
    Parfois, certains de ces valeurs peuvent représenter un choque des cultures. Par exemple pour certains groupes d’immigrants, le respect à la privacité peut être perçu comme un manque d’intérêt à socialiser, comme une fermeture. L’écrit a été fait en qualité d’observatrice, sans vouloir émettre des préjugés.
    Souvent, je me demande s’il y a des changements générationnels importants qui sont en train de se faire dans certaines de ces valeurs. Mes rapports sociaux ont été majoritairement faits avec des Québécois de plus de 40 ans.
    Je ne suis pas d’accord avec l’idée des valeurs ouvertes et fermées.je pense qu’on a des valeurs point à la ligne, et que l’importance qu’on donne à ces valeurs peut changer avec nos expériences personnelles ou collectives ou d’une génération à l’autre. Mais la valeur en soi sera la même, elle n’est pas ouverte ou fermée. Par exemple, l’histoire de laïcité « ouverte », je ne la prend pas, c’est laïcité (point) et c’est nous comme société qu’on décide où l’appliquer, comment et où être (nous) plus ou moins flexible face à ce concept.
    Quand on parle d’identité nationale, je pense qu’il est plus difficile à définir, c’est très affectif aussi, je pense. À mon avis, c’est très lié à l’histoire du territoire, de la société où on habite, à nos expériences familiales, à la connaissance de la géographie, des traditions populaires, des arts, sans se limiter au folklore et sans tomber dans les clichés. Pour acquérir et aimer quelque chose, il faut la connaître. Savoir c’est qui s’est passé, et ce qui se passe maintenant est la base pour savoir qui on veut devenir, ça aide à être critique pour nos erreurs, mais aussi à se sentir forts pour ce qu’on a été capables d’accomplir et ça donne confiance en soi comme société. Je pense qu’il est important la connaissance de tous ces aspects mentionnées en haut et quand la société échoue dans ce sens, l’identité est en risque est la cohésion sociale aussi.
    Quand je voyage, j’aime reconnaître dans chaque destin que je suis dans un pays différent, avec des coutumes, gastronomie et une langue différente. C’est en très bonne partie ça l’identité.

  6. Beaucoup de sagesse dans vos propos Marjorie.

    Félicitations!

    Vos propos et vos exemples sont justes et nous aident à bien comprendre la complexité du sujet.

    Votre point de vue, d’une personne née à l’extérieur du Québec, ajoute de la crédibilité à vos propos.

    Cela vous permet une analyse plus fine et l’utilisation de mots justes et nuancés.

    Merci de partager votre expérience et votre interprétation de ce que le Québec vit présentement (vous inclus bien sur).

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