Il a venté et il a plu au cours de la nuit. J’en ai eu connaissance en ouvrant la fenêtre aux chats.
J’ai été soulagé de constater à mon réveil que ça avait cessé. Je ne sais pas si ma motivation aurait été suffisante pour aller marcher sous l’averse.
Une fois dehors, l’air était chaud et agréable, mais j’ai souvent dû zigzaguer pour éviter les flaques d’eau. Le bonhomme de neige des voisins s’est effondré dans sa forteresse. Il y avait même un peuplier cassé dans le haut de la grande côte.
(Il est important de préciser ici que le haut de la grande côte ne réfère pas au même endroit tous les jours. En effet, la boucle que je parcours m’amène à descendre et monter une côte chaque matin, mais comme je marche en sens inverse selon les jours, ce n’est pas toujours la même côte…)
Tout au long de ma promenade ce matin, je me suis dit qu’il y avait un petit quelque chose d’étrange dans l’air, comme une ambiance de tout est possible.
Je n’ai donc pas été complètement surpris en découvrant à mon retour que la Grande vague de Hokusai s’était abattue sur mon bureau.
Température très douce ce matin. La balade était agréable.
Jour pair. J’ai donc fait mon parcours dans le sens des aiguilles d’une montre.
Ça m’a donné l’occasion de réfléchir à l’importance de changer de perspective, de savoir adopter un autre point de vue, de prendre le temps de regarder les choses sous un autre angle. De voir l’autre côté de la médaille.
En passant devant le centre communautaire, j’ai regardé à mes pieds pour voir si je ne trouverais pas une autre pièce de monnaie. Rien. Un peu plus loin, en entreprenant la remonté de la grande côte, j’ai constaté que la maison du collectionneur d’horloges avait été vendue. Le temps file…
De retour à mon bureau, j’ai vu Charles sur son socle, près du clavier.
Je lai délicatement retourné, et j’ai eu l’impression d’être transporté ailleurs.
Je suis allé marcher ce matin. J’ai emprunté la même boucle qu’il y a cinq ans. Ça m’a rappelé de très bons souvenirs.
Il y a cinq ans, on était en pleine pandémie. Notre quotidien était devenu surréaliste.
Je travaillais de la maison. On sortait peu. On se couchait tôt. J’avais pris l’habitude d’aller marcher 30 minutes dès mon réveil, question de prendre l’air et de faire un peu d’exercice. Et je m’étais mis à remarquer toutes sortes de choses étonnantes sur mon parcours. Ça avait même donné lieu à un exercice d’écriture qui avait pris la forme d’un calendrier de l’Avent.
Je suis retourné dans les archives de mon blogue ce matin pour retrouver l’origine de Mon théâtre matinal…
…et ça m’a fait réaliser que tout avait commencé le 24 novembre — comme ce matin!
Il y a depuis quelques semaines une microbibliothèque devant la petite chapelle sur le chemin de la Grève. Je prends généralement le temps de regarder ce qui s’y trouve.
Il y avait ce matin quelques vieux exemplaires de Sélection du Reader’s Digest. Fin des années 80, début des années 90.
J’ai pris celui de janvier 1990 (en pensant à la chanson de Jean Leloup) et je l’ai feuilleté en marchant. Fascinant!
J’ai pensé écrire un texte pour résumer l’impression que ça m’a laissé, mais ne sachant pas trop par où commencer… j’ai plutôt choisi de faire un collage à partir du contenu du magazine.
Une microbibliothèque, c’est une invitation au partage, après tout!
J’irai porter quelques livres tout à l’heure pour me faire pardonner cette audace. Peut-être devrais-je aller porter aussi mon collage?
Je trouve ça fou de voir tant d’échos avec l’actualité actuelle. Comme un étrange rappel que, dans l’histoire, certaines choses avancent, puis reculent, voire se répètent…
Désespérant? Je ne crois pas.
Beaucoup de choses se sont améliorées depuis trente-cinq ans… mais c’est rarement de ça qu’on parle le plus.
On doit apprendre à mieux diriger notre attention.
C’est sur le chemin de la Grève que j’ai marché ce matin, parce que la marée était haute. Le plus souvent, c’est en fin de journée qu’on fait cette marche: du chalet, vers l’est, jusqu’à la traverse de poules, et retour. Un peu moins de 4 km.
Un peu passé les filets de pêche à la fascine, je me suis encore une fois demandé à quoi pouvait bien servir cette petite antenne installée en bordure du fleuve. D’une fois à l’autre, je fais des hypothèses, sans jamais avoir réussi à les confirmer. Cette fois, je me suis même approché pour voir si je pouvais trouver quelques indices. Mais non, le secret semblait confiné à cette mystérieuse boîte bleue…
C’est un peu plus loin sur ma route que je me suis dit que ChatGPT pourrait peut-être, lui, m’aider à trouver une piste. Je suis donc retourné sur mes pas, j’ai pris une photo, et je lui ai soumise. À quoi peut servir cet équipement?
Et voilà! Enfin, une bonne hypothèse! Cette antenne pourrait bien faire partie du réseau Motus — un réseau d’observation d’oiseaux migrateurs.
Il s’agit d’une antenne de réception qui détecte des signaux émis par de petits émetteurs posés aux pattes de certains oiseaux, dans le cadre de divers projets de recherche.
Est-ce que ça se qualifie pour un objet trouvé, et pour lui faire une place dans cette série de textes? Quand c’est quelque chose qui se trouve sur notre chemin… dont on cherche la fonction depuis des années et qu’on la trouve enfin… je pense que oui!
De retour au chalet, j’ai passé un bon deux heures à explorer le site Web, comprendre le fonctionnement du réseau, comment il pourra me permettre de suivre certaines espèces, voire certains spécimens…
Déjà que j’aime analyser les infos disponibles sur les bateaux qui passent devant le chalet… voilà que je viens de découvrir une belle nouvelle source de données. Il faudra que je rassemble tout ça éventuellement…
Ma déception, c’est qu’il semble que cette station n’est plus en fonction. La plus proche qui est fonctionnelle cette année est à Kamouraska.
Ce sont des stations associées au projet EC.Quebec-St.Laurent, qui s’intéresse particulièrement aux oiseaux suivants:
Bécasseau maubèche
Bécasseau semipalmé
Bécasseau à croupion blanc
Tournepierre à collier
Bécasseau variable
Pluvier argenté
Bécassin roux
Courlis corlieu
Petit Chevalier
J’ai accroché sur le nom Tournepierre.
Quel beau nom… surtout quand on lui ajoute le mot intrépide:
***
Je pense que mon objet trouvé d’aujourd’hui n’a sans doute pas fini de révéler ses secrets… et de me fournir de l’inspiration…
Aujourd’hui, 100 jours nous séparent de l’élection municipale du 2 novembre.
Ça veut aussi dire qu’il s’est écoulé 1355 jours depuis la dernière élection. Et que ça fait 1348 jours que je suis directeur de cabinet de Bruno Marchand.
Je prends l’occasion pour faire une brève réflexion sur cette aventure politique et ce qu’elle m’a appris jusqu’à présent.
***
Ça commence dès le soir de l’élection, au cours de laquelle nous n’avons jamais concédé la victoire, malgré les premiers résultats et les prévisions des commentateurs, parce que notre analyse nous disait que ce n’était pas terminé. La suite appartient à l’histoire. Il faut faire confiance à notre jugement.
On l’oublie parfois, mais le soir de l’élection, notre équipe ne comptait que 7 élu.e.s sur 22. Nous étions très minoritaires au conseil municipal — et avec une équipe inexpérimentée. Il a fallu trouver des façons de travailler avec les oppositions. L’agilité est plus forte que l’intransigeance.
C’est bien l’agilité, mais, quand c’est une exigence quotidienne, ça requiert beaucoup d’énergie qui ne peut pas être consacrée à autre chose. Il fallait réussir à obtenir une majorité avant de risquer de s’épuiser. On l’a fait patiemment, en montrant qu’on pourrait faire plus ensemble, que chacun de son côté. Le pragmatisme est plus fort que le dogmatisme.
Travailler avec une équipe de plus en plus diverse comporte son lot de défis. C’est stimulant parce que les points de vue sont plus nombreux, mais ça suppose aussi plus de discussions et, parfois, des compromis qui nous confrontent. Il est important de ne jamais perdre de vue la vision qui nous guide.
Au pouvoir, on est rapidement confronté à un constat implacable: on ne peut pas tout faire. Chaque décision, chaque action, requiert des ressources, nécessite du temps. Parfois, la nécessité de choisir est évidente, parfois beaucoup moins. Mais ça finit toujours par nous rattraper: on ne pourra pas faire ceci, parce qu’on a préalablement choisi de faire cela. Choisir, c’est renoncer. Toujours.
À cause de choix, de compromis, ou simplement de réalités qui nous dépassent, il arrive qu’on doive défendre des décisions qui nous plaisent moins, voire avec lesquelles on est, personnellement, en désaccord (même si on sait pourquoi, collectivement, on les a prises). C’est une des choses les plus difficiles en politique. Dans ces cas là, il faut savoir faire preuve d’humilité et relativiser: aucune de nos décisions ne porte, en elle-même, l’avenir de la ville. Ce n’est pas chacune de nos décisions qui importe, c’est l’ensemble de nos décisions.
Quel que soit l’accueil qui est réservé à nos décisions, le plus important est de pouvoir les expliquer, le plus simplement possible. C’est la meilleure façon d’éviter une polarisation simpliste « d’accord / pas d’accord ». Beaucoup de monde est prêt à accepter une décision avec laquelle ils ne sont pas d’accord, dans la mesure où ils la comprennent. Il faut toujours pouvoir expliquer pourquoi on fait les choses.
Malgré cela, il faut avoir le courage de faire face à l’adversité. Et dans un environnement médiatique comme celui de Québec, elle s’exprime parfois très rapidement et très vigoureusement. Avec le recul, on réalise toutefois que les protestataires sont moins nombreux qu’on pouvait le croire, et que les gens qui appuient la décision sont généralement silencieux. Être à l’écoute de la population, ça ne veut pas dire écouter seulement ceux qui protestent.
Tous les membres d’une équipe politique ne sont pas mis à l’épreuve en même temps. Chacun son tour aura à vivre des contrariétés et à traverser des moments plus difficiles. Chacun avec son tempérament, ses expériences antérieures et son entourage. L’empathie est indispensable pour maintenir la solidarité au sein de l’équipe.
C’est bien beau l’empathie, mais ça demande aussi du temps. Au moment où on en a le plus besoin, surtout, mais aussi en amont, pour se comprendre les uns les autres, se décoder facilement, connaître les sensibilités (et les forces) de chacun. Ça suppose d’avoir toujours (autant que possible) la patience pour aborder les choses, ensemble, avec philosophie. Il n’y a rien de pire que la fatigue pour nous faire prendre des décisions qui mettent inutilement à mal la solidarité de l’équipe. La gestion de l’énergie (et de la fatigue) est fondamentale.
Le repos, c’est plus facile à dire qu’à faire. Il y a toujours quelque chose pour nous garder actifs, des gens pour nous interpeller. On se sent vite indispensable. Et pourtant. Il faut se rappeler que l’efficacité est plus importante que la disponibilité. Et qu’il y aura toujours des gens pour dire qu’on aurait pu faire (encore) mieux. Le perfectionnisme est un poison.
Même quand on fait tout très bien, on reste dépendant de nombreuses personnes pour mettre en œuvre nos décisions. On a immanquablement besoin de la collaboration d’autres personnalités politiques, d’organismes, d’entreprises, etc. On trouve parmi eux des alliés naturels, d’autres plus circonstanciels, et, même, dans certains cas, des adversaires. Pour réussir à mobiliser toutes les ressources nécessaires à l’exécution d’un plan, il faut que les gens nous fassent confiance. Il faut être fiables et prévisibles avec nos collaborateurs.
Et ça m’amène aux trois derniers apprentissages, plus généraux — et encore les plus importants, à mes yeux:
La légitimité est généralement plus forte que les rapports d’autorité. C’est vrai au sein d’une équipe, c’est vrai aussi avec les collaborateurs et avec tout le monde avec qui on interagit. Ça tient à l’empathie, à la capacité d’expliquer et à la confiance. C’est plus long de faire reconnaître sa légitimité que d’imposer son autorité, et ça suppose parfois un processus décisionnel un peu plus long, mais on y gagne avec le temps.
La solidarité est la valeur cardinale de toute action politique. On ne peut pas agir ensemble, pour mettre en œuvre un projet, une vision, dans la durée, sans une bonne cohésion à travers les épreuves. Cette cohésion est une affaire de confiance des uns envers les autres, bien plus que d’allégeance à une personne en particulier. Il faut toujours touver des façons pour rester solidaires.
Et finalement, le plus important du plus important:
Le plaisir est un élément indispensable à la réalisation de toute grande ambition politique. Si on n’a pas de plaisir, on ne peut pas réussir à donner envie aux gens de nous suivre. Sans plaisir, on perd aussi le sens du pourquoi on fait ça… et de pourquoi on s’impose tous les défis et les épreuves qu’il faut franchir pour concrétiser nos idéaux.
Le plaisir, c’est d’ailleurs probablement ce qu’il y a de plus important à retenir pour pouvoir atteindre nos objectifs au cours des 100 prochains jours!
C’est hier matin que j’ai trouvé cet objet sur la grève. Il a mis du temps à me dévoiler son histoire. Je m’en suis même blessé le pouce. Et ce n’est qu’en me réveillant ce matin que j’y enfin pu y voir plus clair.
J’ai d’abord cru à une pièce rouillée, vestige d’un bateau qui aurait fait naufrage il y a très longtemps.
J’ai aussi fait l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une plaque de métal comme celles qui ceinturent les coffres remplis de monnaies et de pierres précieuses (le coffre de la malédiction?).
Mais dans les deux cas, j’étais incapable d’expliquer comment cette chose, très lourde, et donc loin de flotter, avait pu s’échouer là, rapportée par les vagues.
Pendant que je le manipulais dans tous les sens, hier soir, un petit éclat de rouille est tombé, me donnant idée: et si je frappais dessus pour libérer son secret?
C’est donc à grand coup de marteau que j’ai fait tomber une bonne partie de la rouille qui se trouvait à la surface, révélant un peu plus clairement la forme de l’objet.
Il y avait dans l’atelier de la poudre noire partout. J’ai poursuivi en enduisant la pièce de Jig-a-loo avant de frapper à nouveau. J’avais les mains d’un charbonnier quand, à ma grande surprise, j’ai réussi à libérer un beau gros rivet. Du très beau travail de forge (le rivet, pas mon gâchis dans l’atelier!).
À force de grattage et de sablage, j’ai réussi à distinguer de petits tressages de fils sur les deux côtés de la pièce. Vraisemblablement des câbles métalliques.
Le soleil s’étant couché, en manque d’éclairage, je suis rentré.
Je me suis à peu près lavé les mains avant de passer deux heures à regarder des forgerons partager leurs savoir-faire sur Youtube.
J’ai ainsi pu apprendre comment on fabriquait les rivets, comment on les installait à chaud pour relier les pièces de métal d’un bateau ou d’un pont. J’ai appris que le type de rivet que j’avais devant moi a été abandonné au début du XXe siècle. Et que les câbles tressés sont devenus courants seulement à la fin du XIXe siècle. Ce qui situerait probablement la pièce retrouvée entre 1850 et 1925. Il y a plus de cent ans…
Et elle s’est retrouvée sur la grève pile au moment où je suis passé!
J’ai ensuite fait des croquis de ma compréhension de la pièce et j’ai demandé à ChatGPT de me la représenter. Ça m’a donné des illustrations imparfaites, mais que je trouve plausibles.
La conception de ces images m’a aussi éclairé sur l’usage potentiel de la pièce. Pour attacher une ancre? Pour retenir quelque chose à un bateau? Ou sur un quai? Ou une partie d’un pont suspendu?
Sauf que, même si ça s’éclaircissait peu à peu, je me butais encore et toujours à la même question: comment expliquer son arrivée sur la grève?
J’ai décidé de dormir sur ça.
Et je n’ai pas été déçu!
***
Imaginez-vous donc que j’ai rêvé qu’en frappant doucement sur l’objet, plutôt que de libérer une épaisse poussière noire, la surface se défaisait par fines couches, libérant de minces écailles verdoyantes.
Ces écailles tombant sur la table, se sont progressivement transformées en rivière, jusqu’à ce qu’il ne me reste plus entre les doigts que les arêtes d’un poisson métallique.
La voilà donc l’explication!
Il s’agit d’un vieux poisson qui a nagé jusqu’à la rive avant de s’échouer, mort de peur.
Un doré qui dérivait, et qui, malgré des nerfs d’acier, a eu la trouille.
La récolte de ce matin m’impose au moins un deuxième texte aujourd’hui. Impossible de laisser ce manche de pelle sans histoire…
Remarquez bien, je dis manche de pelle, mais ça aurait aussi bien pu être un manche de fourche.
Sauf que je l’ai fait expertiser, et il s’agit bien d’un manche de pelle. Une pelle très spéciale, qui sert à creuser à la recherche de trésors.
Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que le manche d’un outil aussi spécial se retrouve là, sans son outil — donc dénué de toute utilité? Sans raison d’être?
Et qu’est-il arrivé au chercheur de trésor?
À la recherche d’une explication, je me suis souvenu qu’il y avait eu un gros orage à l’aube ce matin. Alors que la météo n’en prévoyait pas.
Ça m’a fait penser que ce que j’avais cru être un événement météorologique était probablement plutôt le résultat d’une malédiction.
On imagine aisément l’homme (ou la femme d’ailleurs!), touchant à son but après plusieurs jours à parcourir la grève avec une mystérieuse carte à la main, convaincu d’avoir trouvé l’endroit marqué d’un X, enfonçant sa pelle dans le sol d’un geste vigoureux avant d’être foudroyé par un éclair. Ça t’apprendra!
Lui, vaporisé. La pelle, fondue. Et le trésor toujours enfoui, son mystère à nouveau protégé.
Mais quel danger! Imaginez si des enfants allaient jouer à cet endroit…
Que faire?
Je n’étais quand même pas pour aller creuser moi-même pour déterrer le trésor. Beaucoup trop risqué.
Marquer plutôt l’endroit d’une affiche « attention danger! »? Encore eut-il fallu expliquer la nature du danger. Ça aurait été difficile à croire.
C’est en regardant plus attentivement le manche, sa couleur et sa forme que l’idée m’est venue.
Vous ne trouvez pas qu’avec un peu d’imagination on peut y voir le signe « vous êtes ici », qui est utilisé par Google Maps et autres services semblables? Regardez bien…
J’ai donc fabriqué un signe beaucoup plus grand, que j’ai collé sur le manche, et que je suis allé planter dans le sol, à l’endroit où je l’avais trouvé ce matin. À l’endroit où le trésor se trouve.
Je fais le pari que les personnes qui le verront, lors de leur promenade sur la grève, seront amusées en constatant qu’elles sont effectivement ici.
Il est probable qu’elles aient même le goût de se prendre en photo à côté du symbole.
Personne ne se doutera que, ce faisant, elles auront évité d’être foudroyées par une malédiction…
Je suis content — ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de sauver des vies!
C’était un matin particulièrement calme au bord du fleuve. J’ai longuement observé une famille de canards (un adulte et quatorze petits!) qui plongeaient tour à tour pour petit-déjeuner. J’ai aussi entendu un phoque au loin — sans réussir à le voir. Et j’ai fait une belle récolte d’objets inspirants.
J’ai trouvé particulièrement amusante cette étiquette transparente trouvée à travers les algues.
La présence d’un ruban gommé, aussi transparent, permet de déduire que l’image était collée sur quelque chose. On devine bien le sens du message…
La façon dont est placé le papier collant me porte à croire que l’image était destinée à être vue de cette façon, avec le petit bonhomme à gauche de l’image.
Je me suis quand même demandé si ça pouvait être l’inverse.
Et c’est en retournant l’étiquette que ça m’a frappé… l’image devenait beaucoup moins naturelle. Ça m’a fait réaliser que, sur presque toutes les toilettes, la poignée — la chasse d’eau — est installée à gauche du réservoir, quand on lui fait face.
J’ai vérifié sur les sites Web des centres de rénovation… et c’est effectivement le cas. Plus de 80% des toilettes, je dirais (quand elles n’ont pas plutôt un ou deux boutons sur le dessus).
Je me suis demandé pourquoi et, d’une chose à l’autre, j’y ai consacré plus d’une heure.
Je l’ignorais, mais c’est une question qui fait véritablement débat. Et comme dans tous les grands débats, il faut être vigilants, distinguer le vrai du faux, savoir reconnaître les sophismes et se méfier de l’éloquence. Gros dimanche matin, me direz-vous…
Eh bien sachez qu’il y a des gens qui prétendent que c’est une question de quincaillerie: parce que, si elle était placée de l’autre côté, l’écrou qui tient la poignée aurait tendance à se dévisser.
Il y en a d’autres qui arguent que c’est une simple question d’efficacité industrielle, pour simplifier la production des pièces.
D’autres évoquent des raisons d’hygiène, parce que la majorité des gens sont droitiers et, comme ils s’essuient les fesses avec la main droite, il est préférable de tirer ensuite la chasse de la main gauche.
J’ai lu des histoires plus acadabrantes aussi, parfois liées à l’histoire, et aux ancêtres de la toilette modernes, pour lesquelles on changeait l’eau en tirant sur une chaînette installée très au-dessus de la toilette.
Il y a même des gens qui affirment, à travers tout ça, que c’est Léonard de Vinci qui est l’inventeur de la toilette avec une chasse d’eau. Sauf que j’ai découvert qu’ils ne font en réalité que perpétuer un célèbre poisson d’avril de Martin Gardner, dans Scientific America, en 1975 (il avait même créé pour l’occasion un faux dessin du célèbre inventeur!).
Toutes ces recherches m’ont ramené à l’esprit une autre question du même genre, qui est toujours restée en marge de mon esprit depuis la rénovation de la cuisine à la maison, il y a sept ans.
Vous avez déjà vu un four à micro-ondes qui s’ouvre vers de gauche à droite, vous? Pourquoi?
Eh bien imaginez-vous donc que c’est un autre sujet de vigoureux débats sur le Web… entre autres parce que de nombreuses personnes ne réalisent cela, comme moi, qu’après avoir reconfiguré leur cuisine, et que l’ouverture de la porte de leur microondes provoque un problème ergonomique important.
J’ai lu bien des explications, mais aucune ne m’a vraiment convaincue. On a bien trouvé des façons pour rendre les portes de frigos réversibles, après tout.
Mais je m’égare…
Heureusement, ça n’aura pas été du temps perdu.
Devant toutes ces choses qui ne sont pas réversibles, je pense que je peux répondre à la question qui me hantait depuis hier.
Je ne suis manifestement pas de l’autre côté du miroir…
Il s’agissait que j’écrive, hier, que j’avais l’impression qu’il y avait moins de détritus sur la grève que les dernières années (et que je m’en réjouisse), pour que le fleuve me donne une leçon.
Il y avait vraiment beaucoup de déchets de plastique sur la grève ce matin.
Heureusement, parmi les détritus, il avait un sac de plastique intact. J’ai donc pu ramasser tous les débris que j’ai trouvés. Ce faisant, j’ai vu au loin la dame d’hier matin. On s’est salué d’un geste du bras.
Résultat de la cueillette: deux douilles de balles de fusil, des morceaux d’emballages de toutes sortes (de la barre de chocolat au sac de fertilisant agricole), un bouchon de bouteille de 7up et un mystérieux petit bout de plastique… beaucoup plus inspirant que tout le reste.
Je me relis et je m’interroge: déchets, détritus, débris… quelles différences?
Petit tour au dictionnaire: un déchet, c’est quelque chose dont on choisi de se débarrasser — ça se situe dans le présent; un détritus, c’est quelque chose qui a été abandonné et qui a accumulé les saletés dans son parcours — c’est un déchet qui a de l’histoire; un débris, c’est brisé, c’est un fragment de détritus — c’est une histoire à inventer.
Voilà qui est plus clair. Après quatorze textes, il était temps!
Alors, pour en revenir au débris de plastique: il a l’allure d’un chapeau de champignonet à l’intérieur on peut lire « 360 », mais écrit pour devoir être lu à l’envers. C’est étonnant.
À moins… à moins…
À moins que cela révèle que je suis, à mon tour, passé de l’autre côté?
Il faudra que je reste attentif à d’autres indices…
J’ai vraiment l’impression qu’il y a moins de détritus sur la grève que les dernières années. Je m’en réjouis, mais ça fait aussi moins d’objets trouvés…
Ce matin j’ai donc décidé de marcher en sens inverse, vers l’Ouest, dans l’espoir de repérer des objets qui traînent peut-être depuis un peu plus longtemps. Ça n’a pas vraiment été plus fructueux, mais ça m’a donné l’occasion de discuter avec une dame qui se baladait aussi sur la grève.
— Vous cherchez quelque chose?
— Toujours un peu… je suis curieux.
— Quelque chose en particulier?
— Non… juste quelque chose d’inspirant… ça peut être un peu n’importe quoi. J’écris ensuite des textes à partir de ce que je trouve.
J’ai bien vu sa surprise. Elle ne s’attendait visiblement pas à ce genre de réponse.
— Vous cherchez quelque chose d’inspirant? Sur la grève? À cette heure matinale?
— Oui…
— (visiblement perplexe)
— Et vous, que cherchez-vous?
— Rien, je prends l’air. Simplement.
— Je ne vous crois pas… vous êtes forcément à la recherche de quelque chose…
— Je ne crois pas, mais vous me faites douter…
Nous avons éclaté de rire.
Elle s’est laissée prendre au jeu, et m’a tendu le bras pour m’offrir quelque chose.
— Alors je vous offre ce petit morceau de verre bleu que j’ai ramassé par là, il y a quelques minutes. Vous y trouverez peut-être une source d’inspiration!
— Bien sûr! Merci. Il y a assurément quelque chose à écrire à son sujet. Je vous dirai…
Nous nous sommes salués avant de reprendre notre route en directions opposées.
Je me suis assis un instant sur un rocher pour bien observé mon cadeau.
Probablement le bas du col d’une bouteille. En verre bleu. Ce pourrait être une bouteille de bière 1664, ou d’eau minérale… mais ce pourrait aussi être un fragment du flacon d’un produit médicinal.
On peut y distinguer un G, suivi d’un point, d’un espace, puis d’un O. Et un peu plus bas, les lettres IAS.
Je suis resté tellement longtemps sur le rocher à chercher ce que ça pouvait bien être, et l’inspiration qui s’y cachait, que la marée a beaucoup monté, à mon insu, et j’ai dû marcher dans l’eau pour retrouver la rive.
Mais j’ai trouvé!
« …G. O… » comme dans « REG. OZ », comme « Regular Once ».
Et « …IAS…» comme dans « ENTHOUSIASM ».
Je crois qu’il s’agit d’un morceau d’un très vieux flacon qui contenait quelques onces d’enthousiasme!
Je trouve ça tout simplement incroyable!
De retour au chalet, j’ai pris le temps pour peindre une représentation de la bouteille complète.
Pas d’objet trouvé aujourd’hui, plutôt jeu en famille, sieste, un peu de lecture… et des contacts fréquents avec l’équipe qui coordonne les actions de la ville pour faire face au déluge.
Ça commence à être difficile de nier l’existence des changements climatiques quand on voit se multiplier ces pluies aussi abondantes que rapides — et leurs conséquences dans les villes, qui n’ont pas été conçues pour y faire face.
Ça me ramène aussi à l’Affaire Savignac, un roman que j’ai lu dans les derniers jours, qui a été écrit par le maire de Bordeaux.
C’est une forme de huis clos écologiste très bien tourné, qui évite de tomber dans une conclusion inutilement pontifiante (après nous l’avoir habilement fait craindre!). C’est aussi un plaidoyer efficace pour une écologie du réel:
« L’écologie du réel, me dit-il, c’est la négociation plutôt que l’obligation, la conversation plutôt que la contrainte. Forcer les gens à adopter de nouveaux comportements, cela ne marche plus et cela provoque parfois l’effet inverse. (…)
L’écologie du réel, ajouta-t-il, c’est privilégier l’échange plutôt qu’imposer autoritairement des mesures qui seront incomprises parce qu’on n’aura pas pris le temps de les expliquer. (…)
L’écologie du réel, conclut-il, c’est respecter les traditions tout en les adaptant au goût du jour et aux contraintes économiques de l’époque. »
Pierre Hurmic plaide l’urgence d’agir, mais aussi la nécessité d’une approche plus collective, et surtout plus positive:
« Cela fait trente ans qu’on nous accuse et qu’on nous culpabilise, mais cela ne marche pas. Oh, bien sûr, on s’est habitués à faire des gestes pour la planète. Mais où est l’adhésion? Pourquoi tant de contraintes? Pourquoi rendre la protection de l’environnement si sinistre et culpabilisante? »
***
La meilleure façon d’adapter nos villes aux changements climatiques, c’est probablement d’en faire un projet stimulant, plutôt qu’une contrainte.
Cette nécessité de transformer la ville, doit aussi être perçue comme une opportunité pour la rendre plus agréable à vivre. C’est une belle occasion pour la réparer de certains défauts qui ont pu apparaître au fil des ans.
L’adhésion de tous et chacun aux actions par lesquelles devra se faire cette transformation ne peut bien sûr pas être obtenue du jour au lendemain. Elle sera le résultat de conversations et de débats — mais c’est une exigence qu’on doit s’imposer… sans pour autant en faire un préalable à l’action.
Les élections qui auront lieu cet automne, dans toutes les villes du Québec, seront assurément de belles occasions pour débattre de tout ça.
J’ai vécu une aventure ontologique au bord du fleuve ce matin.
C’est bien la dernière chose à laquelle je m’attendais!
J’ai d’abord cru ne rien rapporter. La marée était redescendue, puis remontée pendant mon sommeil… repartant avec une bonne partie de ce qu’elle avait pu déposer à mon intention.
***
J’ai mis mes pieds à l’eau et j’ai fixé l’horizon. Les cormorans pêchaient. J’ai essayé de ne penser à rien — de faire le vide.
Je pense que c’est à partir de là que tout s’est compliqué. C’est bien connu, la nature a horreur du vide…
En reprenant ma marche, j’ai trouvé une magnifique embarcation. Toute faite de bois de grève. Grandiose. On pouvait s’y asseoir aisément à quatre. Elle avait un moteur et une magnifique figure de proue.
Je me suis interrogé: était-ce un objet trouvé? Qu’est-ce qui définit un objet trouvé?
J’ai été sorti de mes questionnements par l’arrivée d’un matelot d’une dizaine d’années, accompagné par sa mère. On a jasé un peu. L’enfant m’a présenté son bateau avec autant de précisions que d’enthousiasme.
Au terme de la conversation, il était devenu impossible de qualifier cette œuvre d’objet trouvé.
En me retournant, j’ai vu dans le sable une petite tige de verdure triomphante à travers le sable.
Un objet trouvé? La nature peut-elle être qualifiée d’objet? Trouvé?
Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, mais je me suis penché et je l’ai cueillie.
Et j’ai été puni.
De retour au chalet, j’ai fait quelques recherches. J’ai appris qu’il s’agit d’une tige de scirpe maritime. Et on indique clairement « qu’il vaut mieux ne pas la cueillir ».
Cueillir, contradictoire de trouver?
J’ai continué à réfléchir.
***
J’ai dû me faire un deuxième café et retourner sur la grève. Et cette fois j’ai trouvé un objet. Aucun doute!
Un petit bout de plastique transparent avec un fragment d’étiquette.
Sheh, comme Sheherazad — comme une marque de tahini tunisien, dont j’ai pu trouver des images sur le Web, mais que je n’ai trouvé en vente nulle part au Québec. Aurait-il traversé l’océan pour se rendre jusqu’ici?
Sheherazad, comme dans les contes des Mille et une nuits, surtout!
« Les Mille et Une Nuits sont un exemple souvent cité du procédé de mise en abyme, car il raconte l’histoire de Shéhérazade, qui raconte l’histoire d’un personnage, qui parfois va conter quelque chose à son tour. » (source)
Comme je vous raconte des histoires d’objets trouvés, qui racontent eux-mêmes une histoire…