La conclusion d’un texte d’opinion publié aujourd’hui dans Le Devoir me fait réagir:
« [André Boisclair] sait rassembler les diverses générations de Québécois pour les mettre en route et les inspirer. »
ll me fait réagir parce que sa lecture s’inscrit dans la suite de quelques messages échangés par courriel avec des amis au cours des derniers jours. Des échanges qui avaient eux-mêmes été initiés par la lecture de deux autres textes, qui m’ont franchement agacé :
L’affaire André Boisclair — C’est ma génération que vous attaquez!
Course à la direction — Boisclair veut rajeunir le Parti québécois
Extrait: «C’est pourquoi je veux passer du temps auprès des jeunes pour essayer de les convaincre de faire le pas. Les chiffres sont justes, et c’est pour cette raison que je veux agir», a expliqué M. Boisclair, qui bénéficie de l’appui de 13 leaders, anciens et actuels, du mouvement étudiant. » (Note: le texte d’appui est ici, précédé d’un communiqué)
Ainsi donc, cette amie me disait:
« Je pense que le regard porté sur notre génération par les babyboomers est infantile. En ce sens que à 35 ans voire 40 nous sommes des jeunes en début de carrière et que nous avons des croûtes à manger avant d’être vraiment pris au sérieux… »
Ce avec quoi j’ai le regret d’être d’accord. Sauf que! Sauf que quand on fait le lien entre ce triste constat et l’affaire Boisclair, alors là, je décroche. Carrément!
Mon opinion n’est pas encore tout à fait claire, mais je trouve que dans le cas qui nous intéresse c’est précisément André Boisclair qui a alimenté cette déplorable image de la génération à laquelle j’appartiens, et, ce, en plaidant que sa consommation de cocaïne, à presque trente ans — alors qu’il était ministre! — « était une erreur de jeunesse ». Batinse!
Si on veut être pris au sérieux à 32 ans, on a vraiment, mais alors vraiment pas besoin qu’un aspirant premier ministre de quarante ans laisse entendre pour sa défense qu’au début de la trentaine « on est encore dans la fin de l’adolescence »! Vraiment pas! On a besoin de gens qui assument fièrement qu’à 25, 26, 28, 30 ou 35 ans on est responsable de ses actes et capable d’agir en adultes!
En d’autres mots, je pense que dans cette histoire André Boisclair a clairement desservi la cause des jeunes.
Je suis de ceux qui croient qu’il n’y a rien comme assumer ses responsabilités pour mériter de prendre la place qu’on croit nous revenir.
Je trouve dommage qu’on soit apparemment encore obligé de se rabattre sur une forme de « solidarité de convenance » en appuyant politiquement des jeunes simplement parce qu’ils sont jeunes.
Cela dit, il y a peut-être bien d’autres raisons pour appuyer André Boisclair. J’ai personnellement fait un autre choix.
P.-S. Sous un tout autre angle, mais toujours sur l’affaire Boisclair, le texte de Jean-Claude Leclerc, également dans Le Devoir d’aujourd’hui, est particulièrement intéressant.
«On a besoin de gens qui assument fièrement qu’à 25, 26, 28, 30 ou 35 ans on est responsable de ses actes et capable d’agir en adultes!»
Je suis tout à fait d’accord ! Et j’ajouterais : qui s’assument et sont reconnus comme tel, de qui ont s’attend à ce qu’ils se comportent de manière responsable. Voici d’ailleurs un bout d’un commentaire envoyé à Richard Martineau :
[…]
Ce qui est fascinant, de vous, de beaucoup de gens, c’est le double standard. On a tellement envie de lui – parce qu’il a une belle gueule, parce qu’il est sympathique – qu’on est prêt à lui pardonner n’importe quoi.
De Monique Simard à Jean-Louis Roux à Marie Malavoy, la salle est pleine de gens qui, pour le meilleur ou pour le pire, ont dû battre en retraite sous la pression après des révélations douteuses.
Mais Dédé, c’est pas pareil, c’est la jeunesse…
Votre discours me fait mal au coeur parce qu’il est, peut-être malgré vous, extrêmement méprisant et infantilisant. Vous avez une norme pour les «adultes», et une norme pour les «jeunes», ces incapables, ces sans moyens, ces sans voix, sans expérience et sans jugement… ces pauvres petites bêtes ! Ils veulent diriger la boîte? Bof! on peut quand même tout leur pardonner, ils sont «jeunes»…
eurk!
Moi je veux entendre un futur Premier ministre. Et y’aura pas de passe-droit, pas de prime à l’urne parce que le candidat n’a pas quarante ans et qu’il a le sourire Colgate.
Si, à l’occasion, une problématique a avantage à être abordée sous l’angle générationel, en général nous versons dans la plus parfaite bêtise face à cette question.
Le texte « L’affaire André Boisclair — C’est ma génération que vous attaquez! » en est une parfaite illustration. Quant à l’idée de prétendre qu’une personne de 25 ans puisse être trop jeune pour être responsable cela me paraît parfaitement absurde. Tout autant que de prétendre qu’une personne de 55 ou 60 ans est une personne finie, tout juste bonne à prendre sa retraite et à errer entre la vraie vie et la vraie mort.
Il ne s’agit pas de gommer les différences génératinnelles. Elles existent. Qu’une personne de 25 ou 30 ans ne puisse pas compter sur l’expérience acquise par une personne de 50 ou 55, règle générale, c’est parfaitement compréhensible. On pourrait citer maints autres exemples de ces différences. Mais faire de la discrimination sur la base de l’âge reste de la discrimination, que la personne visée ait 25 ou 60 ans.
De grâce épargnons-nous les « tasse-toi mononcle que je prenne ta job » et les » ta y’eule ti cul t’as encore le nombril vert ». Cet antogonisation des générations me hérisse car j’ai pu constater maintes reprises les conflits parfaitement inutiles qu’elle a pu générer dans certains milieux que j’ai cotoyé et que je cotoie encore. C’en est devenu un lieu commun qui légitimise les préjugés les plus absurdes, les clichés les plus bêtes et les généralisations les plus abusives; concernant les vieux profs et les jeunes profs, les adultes et les ados, les jeunes syndiqués et les vieux syndiqué, et ainsi de suite ad nauseam.
Quant à « l’affaire Boisclair » il faut être prudent. La question de la « jeunesse » d’André Boisclair est en grande partie affaire de perception. À ma connaissance, Mario Dumont est plus jeune qu’André Boisclair. Or, dans l’état actuel des choses, je crois qu’il serait perçu comme un vieux.
Veullez excuser le ton un peu brutal de ce commentaire. Ce n’est pas dans mon habitude. Mais, vraiment, l’antagonisme générationnel… j’en ai plus que marre. Je considère que c’est une plaie sociale comme chaque fois où l’on veut « démoniser » l’Autre. À cet égard, je m’efforce de garder présent à l’esprit que nous sommes tous l’Autre d’un Autre.