Jean-Pierre Cloutier a publié dans les derniers jours un texte au sujet d’une étude du New Politics Institute intitulée Emergence of the Progressive Blogosphere: A New Force in American Politic (aussi disponible en format pdf). L’étude analyse en profondeur 250 blogues politiques, de toutes tendances.
Je retiens particulièrement la fin de son texte, qui fait référence à une annexe de l’étude qui s’adresse aux candidats à des postes électifs…
« Il ne s’agit pas tant pour un politicien, selon les auteurs, de créer son propre blogue, ou d’en confier l’animation à son personnel de campagne. Il est beaucoup plus rentable de chercher à se créer sa propre blogosphère à partir de blogues connus, et de consacrer du temps à ceux et celles qui animent ces blogues.
On suggère aux candidats d’embaucher un coordonnateur de la communication avec les blogueurs et de ne pas le reléguer à des taches de transmetteur de communiqués. Il doit faire partie intégrante des proches conseillers d’un candidat.
Si un candidat a un site Web, il devrait inviter les blogueurs à lui communiquer leurs adresses de courriel et de blogue, et constituer ainsi une liste précieuse de contacts à l’aide desquels il tissera sa propre blogosphère. Il pourra leur faire parvenir des communiquer de presse, les inviter à couvrir des événements de la campagne, leur accorder tous les privilèges habituellement réservés à la presse.
Évidemment, le candidat doit lire les blogueurs qu’il aura ainsi fédérés (on suggère un bon lecteur de fil RSS), il devrait inclure dans sa revue de presse interne et externe (ou sur son site) des extraits des billets publiés sur les blogues, et au besoin commenter en ligne les billets lorsqu’il y a pertinence. »
Je partage tout à fait le point de vue exprimé dans cet extrait… qui s’avère toutefois beaucoup plus facile à prêcher qu’à réaliser concrètement. La culture politique québécoise étant ce qu’elle est…
Mais les mentalités évoluent au contact de la réalité, et à multiplier les exemples, et en prenant la peine d’offrir un accompagnement bienveillant aux politiciens et aux politiciens plus audacieux, on finira par faire des pas importants. Essentiels au développement du Québec, à mon avis.
En tous cas, c’est un texte et une étude qui me seront très utiles dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Exactement, on ne doit pas offrir le service « pour être dans la norme » ou « pour paraître branché ». Ceci implique un réel investissement afin de ne pas laisser les utilisateurs en plan. J’ai laissé un commentaire, et puis rien, cela a une fonction opposée au rassemblement.
Pour bénéficier des avantages intrinsèques à la constitution d’une carnetosphère, il ne faut pas faire les choses uniquement parce qu’il faut les faires. C’est un peu comme les caissières des grandes surfaces. À leur question : « avec-vous, trouve tout ce que vous cherchez? « , si je réponds « non » il y a toujours un grand silence, tout simplement parce qu’on leur a imposé de le demander afin de donner l’impression d’un service « ultra ». Sans plus.
Si les politiciens offrent une promesse de discuter, il faut discuter.
Je signale aussi, sur le même sujet, cette autre contribution d’Éric Noël, sur son blogue personnel:
http://www.blog.profnoel.com/index.php/cyberpolitique?cos=1
On y trouve une renversante information:
« le parti socialiste sautera dans le train en proposant à ses militants de créer gratuitement un blogue depuis son site officiel! »
Je trouve, au contraire, que les suggestions citées sont particulièrement machiavéliques et manipulatoires. Gagner la faveur des blogueurs influents pour profiter de leur réseau d’influence, tout en gardant ses distances, ne fait que cultiver les aspects les plus pernicieux de la politique et du pouvoir, fut-il politique ou économique. Cette façon de faire, suggérée par Jean-Pierre Cloutier n’a rien d’original. C’est en plein ce que la plupart des politiciens américains apprennent actuellement à faire.
En entretenant une coterie de blogueurs (« leur faire parvenir des communiqués de presse, les inviter à couvrir des événements de la campagne, leur accorder tous les privilèges habituellement réservés à la presse »), on perpétue le même rapport presse-politique qu’aujourd’hui.
Personnellement, je préfère un blogue transparent où le public peut laisser ses réactions. Au moins, on sait exactement ce que pense le candidat. Naturellement, je ne suis pas assez bête pour croire que ce blogue sera animé seulement par le politicien en question. Quand je dis « transparent », c’est que j’accepte qu’il délègue l’animation à une équipe de communication où chacun signe de son propre nom. Il faudra bien sûr qu’il intervienne personnellement à l’occasion.
Comme ça, on évitera la récente bourde d’André Boisclair. Je pense que les internautes sont assez intelligents pour comprendre qu’un politicien ne peut pas personnellement répondre à toutes les interventions. Pour ceux qui se font encore des illusions, ce sera l’occasion de faire leur éducation.
Curiosité, curiosité. «Comme ça, on évitera la récente bourde d’André Boisclair». Faut croire que j’ai manqué certains bouts de la télé-réalité Univers politique ;-) De quelle bourde François parle-t-il?
Patrick, c’est à ceci que François faisait référence:
http://www.andreboisclair.ca/blogue/post/index/7/Honntet-et-politique
Note personnelle: les textes de Jean-Pierre Cloutier et d’Éric Noël m’ont aidés à formuler la réflexion suivante:
http://carnets.opossum.ca/remolino/archives/2005/08/engagement_soci.html
Je ne suis pas d’accord avec toi François. Je te trouve très sévère. Trop sévère.
Les suggestions citées ne sont peut-être pas aussi audacieuses que d’autres que nous pourrions imaginer, nous qui baignons dans cet univers depuis plusieurs mois. Mais elles restent à mon avis des pas importants par rapport à la culture politique actuelle.
Quand tu dis « qu’en entretenant une coterie de blogueurs […] on perpétue le même rapport presse-politique qu’aujourd’hui », je ne peux qu’être en désaccord. C’est négliger le fait que les blogueurs écrivent essentiellement sur une base personnelle. Ils ne sont pas à l’emploi d’une entreprise de presse, ou pire, prisonnier de « la convergence médiatique ». Ils sont aussi plus nombreux, d’avis plus divers, et possèdent des lectorats plus variés que les quelques médias qui sont habituellement soignés par les machines politiques. Les blogues multiplient aussi les lieux d’échanges démocratiques. Je ne pourrais que je réjouir que le Parti Québécois décide, par exemple, d’inviter une vingtaine de blogueurs (d’orientations politiques variées) à couvrir la présente campagne à la chefferie, en leur facilitant la vie par l’envoi de communiqués, la possibilité d’accès aux candidats, etc. Et je pense que ça changerait dramatiquement la manière dont la campagne serait à son tour traité par les « médias traditionnels ». Tu ne crois pas?
Évidemment, je souhaite aussi qu’à ces méthodes renouvelées s’ajoutent ce que tu appelles « des blogues transparents ». Pour moi, l’un n’empêche pas l’autre.
Et peut-être que l’un peut constituer une première étape, et l’autre le véritable progrès? Je ne sais pas. Je continue à réfléchir.
Sévère… certes. Trop… je ne crois pas. En ce qui me concerne, je me considère plus prudent que sévère. L’histoire nous a trop appris comment le pouvoir corrompt pour qu’il en soit autrement avec les blogues dans le paradigme politique actuel. Quand les enjeux sont si importants, je préfère agir en cerbère et me tromper que de pécher par naïveté, cette naïveté qui n’est que la forme idéaliste de l’ignorance et dont se repaît le pouvoir. Par ce mot (naïveté), je vise davantage de quelconques lecteurs que les blogueurs avertis. Néanmoins, je me suis empressé de réagir à un billet qui ne présentait qu’un côté de la médaille. À ce stade de l’émergence politique des blogues, une position trop apologique est à la fois prématurée et dangereuse.
L’idée de croire que les blogueurs préserveront leur virginité morale dans le pandémonium des organisations électorales constitue, à mon avis, une périlleuse illusion. Je me souviens encore de l’idéal de pureté qui animait les étudiants quand j’ai entrepris des études de journalisme (que je n’ai pas poursuivies). Et pourtant, la plupart ont été happés par la dynamique des médias. Je n’ai pas lieu de croire qu’il en sera autrement des blogueurs invités par un parti politique à couvrir une campagne électorale. Il serait naïf de croire que les organisateurs politiques ne procéderont pas à une sélection desdits blogueurs. Après coup, un filtrage s’opérera en fonction de l’acceptabilité des reportages. La critique ne saurait dépasser le seuil déterminé par les détenteurs du pouvoir. Sur ce plan, je ne crois pas que les blogueurs réussiront à faire mieux que les journalistes (pourtant aguerris) et les éditorialistes. Ils succomberont, eux aussi, à la compétitivité, aux comparaisons des statistiques de lectorat, aux impératifs de la gloire, à la course aux privilèges et, dans certains cas, à la tentation de la publicité. En bout de ligne, quelques irréductibles se démarqueront, qu’on tentera de marginaliser. Mais somme toute, à la longue, aboutirons-nous à une situation bien différente de celle qui prévaut ?
Non, je maintiens que la blogosphère sera plus efficace en se tenant à l’écart. C’est justement à cause de cette terrible indépendance que les partis politiques cherchent à l’attirer dans leur giron. Mais là aussi, je ne me fais pas d’illusion ; je sais pertinemment que plusieurs se laisseront séduire.
Comme toi, je pense que « d’inviter une vingtaine de blogueurs (d’orientations politiques variées) à couvrir la présente campagne à la chefferie […] changerait dramatiquement la manière dont la campagne serait à son tour traitée par les « médias traditionnels » » (quoique je biffe « dramatiquement »). Mais le fait que cela ne se fera pas prouve exactement mon point : le pouvoir n’est pas disposé à donner carte blanche à la diffusion de l’information. Je ne peux résister une petite boutade sur ton emploi du conditionnel, qui est le temps de prédilection des illusions.
Le plus important, dans cette divergence d’opinions, c’est que nous partagions le même but. Quant aux moyens d’y parvenir, j’espère sincèrement que tu as raison, et que je me goure. Ce ne sera pas la première fois ;-)
Je lance un ballon.
Et si pour la prochaine campagne électorale, la vingtaine de blogeurs (d’orientations politiques variées) ne sera-t-elle pas issue d’une initiative populaire?
Ce la pourrait donner le ton concernat le cybercarnet et la politique…
Bien d’accord avec Éric. Et des campagnes électorales, il n’en manque pas à l’horizon!
Du même souffle, je relance ici cette idée… qui date pas mal, et qui est « prisonnière » d’un texte plein de coquilles, mais pour alimenter la réflexion je le « garoche » ici en attendant de le revoir sur la forme et sur le fond.
http://carnets.ixmedia.com/remolino/archives/001315.html
Les choses ont bien changées, techniquement du moins, depuis la formulation de cette première ébauche.