(photo complète)
J’aurais pu y être.
C’est l’amour qui m’a sauvé.
J’y étais avec Ana. Elle était enceinte de notre troisième enfant.
Nous avons paressé au lit ce matin-là. Jusqu’à 8h.
Et nous sommes descendus déjeuner au resto de l’Intercontinental — à deux pas des Twin Towers.
C’est là que nous avons vécu notre 11 septembre.
Si nous n’avions pas paressé, par amour, j’aurais été au dernier étage d’une des tours à l’heure du drame — pour voir la ville se réveiller. C’était mon programme initial — Guillaume m’en avait fait la suggestion, la veille, au terme d’une longue marche dans la ville. Il habitait New York depuis quelques années — je découvrais la ville, pour la première fois.
* * *
J’ai vu la destruction, les regards hagards et la peur. Une extraordinaire solidarité entre les gens aussi.
Ça me trotte toujours un peu dans la tête. Pas comme un traumatisme, au contraire: comme une expérience unique qui me pousse à voir les choses autrement, à croire profondément que tout est possible — le meilleur et le pire.
Je constate avec un certain étonnement que j’ai réussi à ranger cette journée parmi les événements positifs de mon histoire personnelle — c’est le moment où j’ai le plus intensément vécu la dynamique complexe entre le moi, le nous familial et l’humain.
J’ai véritablement compris ce jour-là que l’histoire ne s’écrit jamais sans nous. L’histoire, c’est ce qu’on en fait — ensemble. Même l’histoire avec un grand H. Surtout l’histoire avec un grand H.
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tu ne l’évoques pas, dans ce billet qui te ressemble, générosité et pudeur – mais une des choses les plus frappantes qui me restent de ton récit oral, c’est la suppression de toute perception auditive, y compris la mémoire auditive rétrospective
C’est vrai François. C’est une des choses les plus étonnantes dans tout ça. Il n’y a aucun son dans le souvenir de cette journée.
Si, un seul: le cri d’un policier. « Run, run, run, the buildings are going down! ».
Le reste est fait d’images très fortes, de poignées de mains, de l’odeur de la poussière et du goût de l’eau.
j’ai pris l’avion de Paris la veille, et on sentait la nervosité parmi le personnel de l’aéroport. tout ce qui n’était pas Blanc (Arabe, Noir, you name it) était systématiquement vérifié et contre-vérifié, ça m’avait choqué.
le lendemain, dans le loft dans lequel je travaillais dans le vieux-montréal, je constatais l’effondrement des twin towers. disons que je me suis compté chanceux d’être parti de Paris 24 h plus tôt!
Vu d’un autre angle, avec les yeux de quelqu’un qui était là pour les mêmes raisons que nous.
http://www.nouvelles.umontreal.ca/multimedia/forum-en-clips/20100909-le-11-septembre-de-luc-courchesne.html