Noirs. Quatre à l’extrémité de chaque manche du veston. Invisibles pour qui le porte. Les boutons.
Ils s’étaient posés sur le comptoir au moment de récupérer les cartes d’embarquement, sur les accoudoirs de l’avion, sur les tables des restaurants que j’avais fréquentés. Ils avaient fait chaque fois un bruit imperceptible pour celui qui ne cherche pas à l’entendre. La musique subtile des vêtements. L’usure de leur surface pouvait témoigner de mon parcours dans la ville, de mes rencontres et de mes habitudes. On avait probablement déjà résolu un crime en trouvant un indice caché dans le trou d’un bouton, sur la manche du veston d’un suspect. L’histoire restait peut-être à écrire.
Le fil qui retenait celui-là s’est progressivement distendu et j’ai dû me résigner à le couper, hier soir, de peur de le perdre. Je l’avais mis dans ma poche, avec les quelques centimes qu’il me restait.
Il a fallu que je le dépose ce matin dans un panier au moment de passer la sécurité pour que l’enchantement opère et qu’il me transporte il y a presque cinq ans, à Paris, sur le parvis de l’école, rue de Dijon, au moment où B. s’apprêtait à partir en classe de neige — dans les Alpes — avec sa classe. Elle avait le coeur gros au moment de la séparation. Je lui avais offert un tout petit dé à six faces. Surprise, elle l’avait mis dans la poche de son manteau en souriant et c’est en le tapotant discrètement du bout de ses doigts qu’elle était restée en contact avec moi pendant dix jours, rassurée. J’étais avec elle, même à l’autre bout de la France.
J’avais pris pour elle la forme d’un dé et voilà qu’elle se présentait à moi sous la forme d’un bouton. Une belle complicité.
J’ai remis la monnaie dans ma poche et j’ai gardé le bouton au creux de ma main en souriant à l’agent de sécurité.
— Pour Montréal? c’est par là monsieur.
— Je sais, merci!
Beau texte! Bon retour chez toi et bon anniversaire!
Merci Martine — anniversaire demain… il ne me restera alors plus qu’un an pour préparer mon quarantième…
Petite jeunesse, va! ;)