Un après-midi sur les lacs

J’utilise le kayak de l’œuvre de Torres comme passage vers le souvenir d’un superbe après-midi sur les lacs Laberge, à la base de plein-air de Sainte-Foy. Au bout de la rue Laberge. C’était en juillet 2012.

Le bruit des pagaies qui remuent la surface de l’eau.

Les gouttes froides sur les pieds.

Le plastique chaud.

Les voix qui s’éloignent et se rapprochent.

Le ciel bleu.

Le chant des oiseaux.

Le confort de l’ombre sous les saules.

La crainte d’échapper mon iPhone.

Les fonds vaseux.

Les ménés.

La complicité.

Et les fesses mouillées.

Collier

Écrire plus souvent, plus spontanément (et peut-être sur des sujets moins sérieux). Pour remettre la machine en marche, utiliser quelques prétextes. Comme une photo tirée des archives, presque au hasard.

C’était le 11 novembre 2014 — il y a trois ans.

Mikado s’était invité à la maison depuis à peine plus d’une semaine. On venait de décider de l’héberger. On croyait qu’il allait accepter de porter un collier. C’était mal le connaître.

On a dû lui acheter trois colliers, dont il s’est chaque fois débarrassé très rapidement.

— Pas de collier! Je ne vous appartiens pas. Je n’appartiens à personne. Je serai avec vous tant que j’aurai envie d’être avec vous.

Depuis ce temps, on lui ouvre la porte chaque fois qu’il le souhaite, sans poser de questions. Et il revient chaque fois. Parce qu’il a faim, évidemment, mais peut-être aussi parce qu’il a envie de nous revoir. Je l’espère.

C’est une des seules photos que nous avons de Mikado portant un collier.

Je m’en réjouis.

Le loup et le chien. Version féline.

Une coincidence sidérante


En juillet j’ai publié un court texte inspiré d’une photo que j’avais prise à bord d’un train. J’y réfléchissais sur ce que la photo pouvait révéler du contexte dans lequel elle avait été prise.

Ce matin, un commentaire s’est ajouté au bas du texte. Il a été rédigé par un ami ingénieur civil qui venait de voir mon texte et la photo (pourquoi aujourd’hui? allez savoir!):

Salut Clément, ta photo parle plus que tu penses… la petite pancarte blanche à gauche me dit que tu étais au point milliaire 102.38 de la subdivision Drummondville…c’est-à-dire peu à l’est du rang 7 à Saint-Germain de Grantham.

Pas mal!

Une heure plus tard je reçois un SMS du même ami, accompagné d’une photo:

Incroyable! J’ai été pris dans le train cette semaine à cause d’un accident et j’ai pris une photo du train qui attendait derrière le mien.  Regarde mon commentaire sur ton blogue à propos de ta photo du mois de juillet, puis regarde ma photo… à côté du train à gauche…

Non… c’est pas possible… que je me suis dit.

Eh ben oui! Les deux photos ont été prises à quelques mètres une de l’autre!

Bernard qui découvre aujourd’hui mon texte sur une photo prise il y deux mois… y repère une minuscule affiche blanche… réalise qu’il a pris une photo dans le train cette semaine… vérifie s’il y a une affiche semblable dans sa photo… les compare… et… bingo!

Je n’en reviens tout simplement pas!

C’était quoi les probabilités que le train s’arrête là, que Bernard soit dans le wagon de queue, que la présence inhabituelle d’un autre train l’amène à prendre une photo, qu’il découvres mon texte, remarque l’affichette, retourne à sa photo, y trouve une affichette semblable dans le cadrage, et que les deux soient lisibles…?

Le train de 5h53


J’aime travailler dans le train. Surtout quand il fait beau, comme aujourd’hui. 

La lumière est magique si tôt le matin. Par la fenêtre, tout est brillant. C’est inspirant. 

Le fleuve était particulièrement beau. À l’étale. Un miroir. 

Ce subtil reflet des lumières dans la fenêtre, comme une empreinte qui révèle que je suis dans un train… même si j’avais choisi de ne pas monter les rails, bien sûr!  Et l’ombre, de ce côté du train, qui trahit la direction que j’empruntais ce matin. On pourrait aussi déduire du paysage l’heure approximative où j’ai pris la photo. Ça parle beaucoup une photo. 

J’arrive à Montréal. 

La journée peut (vraiment) commencer.

Le reflet des mots

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Québec. Janvier. Retour du bureau. Il fait vraiment très froid. Le bus s’est immobilisé quelques instants dans la côte d’Abraham.

Une belle jeune femme noire s’asseoit devant moi. Je la vois de profil. Tuque de laine, capuchon de fourrure, foulard. Elle retire ses gants de cuir révélant des mains parfaitement manucurées et sort un livre aux pages abimées. Ni livre de poche ni grand format. Je ne reconnais pas la maison d’édition. Ça pique ma curiosité.

Je regarde dehors.

Un banc de parc dans la neige à travers la vitre du bus, très sale, et givrée. De la vapeur et de la glace. Le froid visible sous le lampadaire devant Radio-Canada.

Et un reflet qui me saute soudainement aux yeux. Le reflet des pages du livre sur la vitre du bus.

Que peut-elle bien lire?

Impossible de voir la couverture.

Au moment où elle change de page, j’attrape quelques mots de la quatrième de couverture. Je ne vois pas le nom de l’auteur, mais il semble être originaire du Gabon. Des mots et des histoires de chaleur, sans doute.  S’il avait pensé, cet auteur, que je verrais ses mots superposés à un banc de parc partiellement enfouit sous la neige par -27 degrés Celcius!

J’ai finalement réussi à lire quelques mots de plus. Assez pour faire quelques recherches à partir de mon iPhone et identifier le livre sans en avoir vu la couverture.

Ma mère se cachait pour pleurer, de Peter Stephen Assaghle.

Le premier roman d’un auteur gabonais né en 1990 qui est maintenant étudiant à Paris.

Il me restait une vingtaine de minutes avant d’arriver à destination. J’en ai profité pour suivre les méandres du Web afin d’en apprendre un peu plus à son sujet.

J’ai découvert le Gabon en regardant par la fenêtre glacée d’un autobus.

Contrastes

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Il y a des choses qui changent, d’autres pas. Des points de repères dans le temps. J’aime ces contrastes et le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie en regorgent.

Il y a les choses oubliées, négligées, qui perdurent dans l’horizon.

Il y a aussi les choses conservées, mises en valeur, qui amusent le regard et stimulent l’esprit.

C’était il y a quelques jours au déjeuner à Sainte-Anne-des-Monts.

Ça se poursuit aujourd’hui à Carleton-sur-Mer.

Mise à jour, une heure plus tard: comme un étrange écho à ce texte, je viens de trouver une carte postale des années 70 dans le tourniquet de cartes postales contemporaines à la réception de l’hôtel. Une coïncidence presque invraisemblable!

Affichage

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Montréal, rue Ontario, direction Ouest. Un totem de papier m’interpelle. Fragile, magnifique.

Je souris: clin d’oeil inversé à l’image Far West du criminel recherché dont la photo orne les poteaux du télégraphe.

Ici c’est l’identité complexe qui s’affiche au gré du vent sur un mur de la métropole.

Qui es-tu? Qui sommes-nous? 

Le vent souffle.

Qui serons-nous?

Surtout.

Diplomatie

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Nous terminions tout juste la visite de l’ONU — très belle expérience.

De l’autre côté de la rue, au One UN Plaza — siège de la délégation étasunienne à l’ONU — un déploiement sécuritaire: véhicules officiels, policiers, services secrets, quelques journalistes… et quelques badauds.

La curiosité nous porte à attendre, à observer, à tendre l’oreille — à remarquer que de leurs postes d’observation, les agents des services secrets scrutent nos sacs et s’interrogent sur notre parapluie. Les cyclistes sont forcés de quitter la voie qui leur est normalement réservée. Les journalistes reçoivent des appels, les caméramans se déplacent. Les attendus se font manifestent attendre… Mais de qui s’agit-il?

— On dit que John Kerry est dans cette voiture et qu’il attend l’arrivée d’une délégation syrienne.

Ça a été dit avec un français impeccable.

— Merci! Vous êtes de New York?

— Je suis née dans l’état de New York, mais je vis maintenant à Seattle. Je suis ici seulement pour la semaine. (…) J’espère que John Kerry se montrera bientôt parce je ne veux pas être en retard au théâtre! Et vous, d’où êtes-vous?

— Du Québec, de la ville de Québec. Nous sommes aussi en vacances pour la semaine.

— Ah, le Québec! J’adore la musique québécoise: La Bottine souriante, Vent du Nord… c’est absolument magnifique!

Eh ben, me suis-je dit… Nous sortons des Nations Unies, nous attendons John Kerry pour ajouter un visage à l’apprentissage de la diplomatie auquel nous avons consacré l’après-midi avec les enfants…

    Les questions fusent encore: « Papa, c’est qui John Kerry? C’est quoi un secrétaire d’Etat? Les Affaires étrangères? Hillary Clinton? Pourquoi une délégation syrienne? Pourquoi pas aux Nations Unies plutôt qu’ici, dans l’immeuble étasunien? … »

… et ce n’est pas Céline Dion, Arcade Fire ou même le Cirque du Soleil qui représentent ici le Québec, mais la Bottine souriante et Vent du Nord.

Cela n’enlève rien aux premiers — mais quelle remarquable illustration du fait que la vitalité d’une culture nationale ne saurait être résumée que par le succès de ses mégastars internationales!

La diplomatie c’est la capacité à reconnaître ce qui nous distingue les uns et les autres — ce qui fait de nous des personnes et des nations uniques, nos cultures — pour bâtir ensuite la capacité d’agir ensemble, en s’appuyant sur ce qui nous unit.

Ça été notre résumé de l’après-midi au moment de reprendre notre route sur la 48e rue.

    … et je me suis fait la réflexion que le Québec aura mérité son siège dans la salle l’Assemblée générale de l’ONU quand nous saurons vraiment qui nous sommes et ce qui fait réellement de nous une nation.

Caractère félin

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À travers les masques, les sarcophages et les temples reconstitués de l’incroyable exposition égyptienne du Metropolitan Museum, une minuscule statuette dorée, l’air fier, me défie du regard, une lance à la main, les vêtements portés par le vent.

    — Eh toi… Oui, toi! Je parie que tu t’es fait prendre en photo à côté de Doum Doum au Musée d’histoire naturelle — l’homme de l’Île de Pâques dont Hollywood a fait une vedette… Bravo idiot… ce n’était qu’une reproduction, creuse comme un chocolat de Pâques! Essaie donc d’en faire autant avec moi pour voir!

Je ne sais pas ce qu’elle avait pu traverser comme péripéties pour se retrouver là, 5000 ans après avoir été façonnée… mais une chose est certaine: elle n’avait rien perdu de son caractère!

L’expérience du lieu

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Première visite familiale à Ground Zero et alentours. Nous avons fait, à rebours, le parcours que nous avions fait le 11 septembre 2001 pour fuir la tragédie. En expliquant aux enfants comment tout ça c’était déroulé.

Dans le magnifique lobby de l’Embassy Suite (devenu Conrad Hotel), nous nous sommes remémoré la période entre le choc du premier avion et la chute de la première tour.

J’étais assis là, à ce bar, les yeux rivés à la télévision, essayant de comprendre ce qui se passait là, tout près, de l’autre côté de la rue — moments surréalistes où la logique semblait nous avoir échappé… jusqu’à ce que la terre tremble, que l’écran se ferme un instant et que, l’image réapparaissant, nous comprenions qu’il ne restait plus qu’une tour… et qu’il ne nous restait plus qu’à fuir — ensemble, de préférence, ce que nous avons heureusement pu faire.

Et ces trois hommes au bar, hier, qui buvaient une bière en riant à la fin de leur journée de travail… ils ne se doutaient pas que j’avais une toute autre expérience de ce lieu.

J’ai été fasciné par le contraste.

Les mains en l’air

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À quelques pas de l’hôtel, une boutique d’articles de cuisine. Dans la vitrine, un hommage à Trevor Martin.

Hold hands. Not arms.

Une poignée de main au lieu d’une clé de bras, ou qu’une arme pointée.

Lever la main.
Les mains en l’air.
Tout est dans le nombre…

Singulier pluriel.

La société se bâtit une main à la fois. Jour après jour.

* * *

Et pour ne pas oublier à quel point la pédagogie est nécessaire à la politique — à tout progrès social — et que même lorsqu’on rencontre des difficultés (surtout!) il ne faut jamais perdre de vue les progrès réalisés… Il faut prendre le temps de voir ou de revoir la remarquable intervention de Barack Obama au sujet de Trevor Martin plus tôt cette semaine.

Le bonheur

 

To Happiness. À la craie.

Comme une invitation anonyme, sur un trottoir new-yorkais — au début du mois de juin.

Je l’avais (évidemment) photographiée. Avec ces deux personnes âgées au pas déterminé. Inspirantes.

L’image m’a trotté dans la tête quelques jours. Elle me revient à l’esprit aujourd’hui.

Le bonheur est-ce que ça peut être par là? Est-ce quelque chose pour demain? Est-ce que c’est seulement en vacances?

Je pense que je vais offrir une craie à chacun des enfants et leur demander de la glisser dans la poche de leur pantalon et de la conserver précieusement… pour marquer leur chemin, comme l’a fait le Petit Poucet… mais vers le devant — pour ne jamais perdre de vue où ils s’en vont, quel est leur prochain objectif.

Pour se souvenir que le bonheur n’est jamais acquis, qu’il se trouve dans le mouvement, dans l’apprentissage, dans la rencontre de l’autre, dans la découverte de soi… et que ça, ben, que c’est l’affaire de tous les jours.

Pour se rappeler que c’est à à eux de dessiner les contours de leur bonheur, à tout moment, quel que soit leur âge et où qu’ils soient dans le monde: à New York, à Québec ou ailleurs.

Happiness here. Step Inside.

 
 

Équilibre

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Il avait fallu pour s’y rendre prendre un taxi — un petit taxi — un de ceux qu’on appelait six-fesses, parce qu’on ne pouvait pas s’asseoir quatre sur la banquette arrière. Il fallait alors que C. s’assoit sur moi pour la durée du trajet. La maman en avant, le papa et trois ados en arrière: inoubliable! Et c’était ainsi presque tous les jours à Montevideo. De beaux souvenirs.

Le taxi avait fait une crevaison en route pour le Parc. Il faisait très chaud et il y avait des hordes de moustiques assoiffés partout. Dure journée.

On a entendu les amies raconter comment elles avaient vécu la dictature… comment la famille de l’une avait pu bénéficier d’un asile politique en Ouzbékistan pendant sept ans… et comment le mari de l’autre avait été emprisonné pendant 4 ans. Entre autres choses. Leur sérénité en racontant cela était impressionnante.

Les enfants ont appris que sous la dictature, organiser un pique-nique comme celui-là exigeait une autorisation de la préfecture: nécessaire découverte de ce qui peut arriver quand on néglige la démocratie.

Et il y avait ces balançoires colorées sur lesquelles des dizaines d’enfants s’amusaient avec l’équilibre — déplaçant au besoin le levier sur le point d’appui pour tenir compte du poids de chacun. Sinon, c’est pas l’fun.

L’équilibre. La démocratie. La politique. L’apprentissage. Le jeu.

Et dire que le six-fesses a fait une autre crevaison au retour…

Le pays des merveilles / 1

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Descendant du bus sur la rue Saint-Paul, je suis passé comme tous les matins devant le stationnement de la Gare du Palais. Pour une dernière fois avant les vacances.

Il faisait très beau. Soleil. Petit vent.

Aucun signe de pluie, et pourtant, le stationnement était couvert d’eau. Pire (ou mieux!): il se remplissait d’eau!

Mon environnement se préparait lui aussi aux vacances!

Demain il y aurait probablement là un lac et un parking à chaloupes.