La gare

Hall de la gare du Palais, à Québec. Et la valise comme trait d’union avec l’image précédente.

La photo a été prise de la mezzanine. Je pourrais me tenir là pendant des heures et regarder les gens entrer et sortir de la gare. Parfois très relaxe, parfois pressés, voire inquiets — comme cet homme, au premier plan, qui regarde sa montre (alors qu’il y a une très belle horloge juste au dessus de sa tête!).

C’était le 11 décembre 2013 et ce n’est pas pour prendre le train que j’étais à la gare ce jour-là. Plutôt pour une réunion, dans une petite salle qui était autrefois occupée par la billetterie de la gare. Je m’en souviens très bien. C’était une réunion compliquée. Sur la photo complète ont peut d’ailleurs voir trois des participants à la réunion qui tiennent un conciliabule (j’adore ce mot) à l’entrée de la salle.

Je suis repassé dans ce hall hier après-midi, l’esprit beaucoup plus léger.

Défilé

Du manche du parapluie à la canne. Le 6 janvier 2013. À Montevideo.

Jour de défilé dans les rues de la villes. De la musique, des fanfares, des tambours, des drapeaux de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Du monde. Beaucoup de monde! Pas de chars tirés par des camions bruyants et polluants… rien de très compliqué ou de très coûteux. La fête, spontanée et sans prétention. Et pourtant, il s’en dégageait une énergie incroyable, inoubliable.

Cet homme est mon souvenir le plus vif de ce défilé. Sa démarche aux limites de la danse, son intense présence, sa poésie politique. C’est peut-être l’homme du Monopoly, le riche banquier? Une représentation de l’exploiteur de la nature? Les branches dans sa valise. Le haut-de-forme métallique. La chemise blanche et le veston noir qui constrastent avec les couleurs de la fête? Sa présence attirait tous les regards. Les deux photographes visibles sur la photo en témoignent.

Le peuple qui acclame en riant un symbole de l’économie capitaliste? Remarquez… peut-être que je délire.

En arrière-plan, sur le mur, on devine une injonction: Attention! Et la présence de cet arbre, au centre de l’image.

Quoi qu’il en soit, c’est une image qui m’interpelle de façon toute particulière à un moment où je fais le choix de décrocher progressivement de la politique partisane à laquelle j’ai cru et dans laquelle j’ai investi tellement d’énergie au cours des dernières années.

Je regarde cette image et je me dis que le Québec mise parfois trop sur le spectacle et pas assez sur la fête. Qu’on confond peut-être l’événement et sa mise en scène. Qu’on se demande trop souvent de quoi ça aura l’air à la télévision plutôt que si c’est une bonne idée pour le vrai monde.

En politique, et plus largement aussi.

Résistance

C’est une scène que j’ai photographiée sur l’esplanade devant le Centre Pompidou, à Paris, en 2007. C’est une photo que j’affectionne particulièrement et qui est liée à la précédente par l’ordinateur, qui est au centre de l’image dans les deux cas.

C’est un aimant placé sur le frigo, qui a été imprimé à partir d’Instagram il y a quelques années, qui l’a ramenée à mon esprit ce matin. En sortant le pot de lait pour me faire un bol de céréales, à 4h45, pour tout dire.

C’est une image qui représente bien ce qui est en train de devenir ma résolution de fin d’année 2017: éviter les polémiques.

Éviter d’y porter trop d’attention, bien sûr (ce qui est déjà un défi, dans l’environnement médiatique dans lequel on est ), mais aussi — surtout! — éviter de les alimenter (ne serait-ce que presque malgré moi, par un usage trop spontané des réseaux sociaux).

Rester à l’abri des polémiques donc, pour protéger mon attention et diriger mon énergie intellectuelle là où ça peut faire une véritable différence. Là ou des résultats sont possibles.

La polémique est une arme de distraction massive.

Le parapluie un symbole de résistance.

Loin?

Du gilet rouge à la chemise rouge, me voilà à Paris, en 2006 ou 2007, dans notre appartement de la rue de Dijon, dans le XIIe.

Je travaillais (manifestement très concentré!) sur je ne sais quel dossier. Probablement quelque chose en rapport avec l’arrivée du Kindle d’Amazon (dont on a souligné les dix ans la semaine dernière).

Devant moi, c’est mon fils qui joue à Coco Crazy avec une de ses cousines… à distance! C’était possible grâce à une des premières webcam de Apple. Les temps ont bien changé… elles sont maintenant miniaturisées et intégrées jusque dans le plus petit appareil. Le geste que fait Étienne, en tournant la tête, pour montrer le contenu de l’œuf à sa cousine sans le voir lui-même, me semble encore plus adorable aujourd’hui.

À cette époque, on savait par coeur les jeux qui pouvaient se jouer à distance et ceux pour lesquels ce n’était pas possible.

Chaque séance de jeu donnait lieu à de très beaux moments de communion entre les enfants.

Et dire que tout cela leur semblait naturel.

Lentement

C’est l’escalier qui me servira cette fois de trait d’union.

Dans la photo précédente c’est avec empressement que l’escalier était descendu. Dans celle-ci, c’est plutôt avec une lenteur imposée par la fatigue… mais aussi avec une grande sérénité et une attitude contemplative.

La photo a été prise en 2015, après une longue visite en famille au Musée des Beaux-Arts de Montréal.

L’ambiance de cette photo correspond pas mal à mon état d’esprit aujourd’hui… et à comment je me sens au moment d’aborder le dernier droit de l’année 2017.

La course

Les orteils d’enfants qui dévalent l’escalier à la recherche d’œufs en chocolats. Victoriaville, 2012. Il y en avait partout, partout. La magie opérait encore. Et je pense qu’elle opérerait encore cinq ans plus tard! Les enfants croient plus longtemps au chocolat de Pâques qu’au Père Noël.

En 2010, on avait même eu affaire avec un œuf d’autruche. Un vrai!

On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, dit-on. Je ne sais pas si l’expression reste aussi appropriée si on parle d’œuf d’autruche. Faudrait demander à Gulliver.

Ou à Kim Yaroshevskaya, dont je viens tout juste d’acheter le livre. Elle nous inventerait sans aucun doute une très belle histoire autour de ça.

L’écriture nous réserve décidément bien des surprises.

Je réalise que je suis passé du kayak, hier, à Kim Yaroshevskaya, aujourd’hui… de façon totalement imprévisible!

J’aime ça.

Un après-midi sur les lacs

J’utilise le kayak de l’œuvre de Torres comme passage vers le souvenir d’un superbe après-midi sur les lacs Laberge, à la base de plein-air de Sainte-Foy. Au bout de la rue Laberge. C’était en juillet 2012.

Le bruit des pagaies qui remuent la surface de l’eau.

Les gouttes froides sur les pieds.

Le plastique chaud.

Les voix qui s’éloignent et se rapprochent.

Le ciel bleu.

Le chant des oiseaux.

Le confort de l’ombre sous les saules.

La crainte d’échapper mon iPhone.

Les fonds vaseux.

Les ménés.

La complicité.

Et les fesses mouillées.

Beauté plastique

Des bidons, il y en a aussi dans l’œuvre de José Luis Torres. Ici, lors d’une de ses participations aux Passages insolites, à Québec.

Des bidons, mais aussi toutes sortes d’autres objets de plastique coloré: kayak, glissade, poubelles, paniers, cônes. Autant d’autres témoins de la globalisation, de la (sur)consommation et de notre dépendance au pétrole.

Décembre approche. C’est la période de l’année où on consomme le plus: pour décorer, pour recevoir, pour offrir des cadeaux et faire plaisir.

Un Noël sans plastique, en 2017, est-ce que ça se peut? Probablement pas, mais ça peut — ça doit! — certainement être un objectif à poursuivre.

Autrement, l’appréciation des oeuvres de Torres et Hazoumè serait presque indécente.

The medium is the message.

Bidon

Du panier d’oranges, j’emprunte la sphère colorée.

Et je passe à cette photographie d’une oeuvre de Romuald Hazoumè.

Notre parcours dans l’exposition du Musée de la Fondation Louis Vuitton nous avait permis d’apprécier d’autres oeuvres de cet artiste qui utilise fréquemment des bidons d’essence pour fabriquer des masques.

«[les bidons d’essence], cet ustensile au centre de tous les échanges et les trafics des métropoles africaines…», disait une note.

Regroupés sous la forme d’une mappemonde de plus de 2 mètres de diamètre, les masques forment ici une portait saisissant d’une planète devenue dépendante du pétrole.

* * *

Quel autre concept, ou quelle réalité, est-ce qu’on pourrait résumer ainsi, par une habile accumulation d’un seul objet? De quel objet?

Et si je devais résumer la dernière semaine par un seul objet, quel serait-il? La dernière année?

La prochaine année? En cinq objets? Et pourquoi?

Ça fait beaucoup de questions tout ça…

Mais alors, c’est quoi l’objet qui incarnerait le mieux une question?

De quoi pourrait bien avoir l’air une accumulation de questions?

C’est quoi, au fond, l’essence d’une question?

Question bidon?

Peut-être.

Qu’importe, si on s’amuse!

D’une image à l’autre

Deux photos sans lien apparent, pour lequel un élément, plus ou moins évident, servira de fil conducteur. Et chaque fois, se servir de l’image comme un déclencheur — pour écrire quelque chose, parfois même sans rapport avec la photo.

Pour pour amorcer l’exercice, une photo prise l’été dernier à Trogir, en Croatie. Une ville extraordinaire, faite d’un labyrinthe de ruelles et d’un collier de fenêtres. Une ville pleine de surprises et d’invitations.

Comme ce panier d’oranges qui, à plus de 40 degrés celcius, avait des allures d’oasis.

Ce matin, Le Mondepublie à la une le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète.

La Terre est bleue comme une orange.