Le moulin

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Ulverton Woolen Mills
Duval & Raymond propriétaires

L’affiche est usée par le temps. Elle nous accueille à l’entrée du moulin à laine devenu attraction touristique. C’était une superbe journée de juillet.

Les lieux sont enchanteurs. La lumière danse. Le contraste de la nature et des machines est fascinant. Un lieu d’histoire qu’on découvre avec l’aide d’une guide extraordinaire. On boit ses paroles, et beaucoup d’eau, parce qu’il fait vraiment très chaud.

C’est une histoire industrielle. Une histoire de prise en main et de fierté. L’histoire d’un village dont les entrepreneurs se frappent malheureusement aux premiers signes de la globalisation du commerce. Une histoire avec des intrigues aussi: un pont couvert détruit, reconstruit, incendié par des voyous, avant d’être reconstruit. Encore et encore. Une histoire d’espoirs et de coups durs, comme toutes les grandes histoires.

C’est aussi l’histoire des francophones qui doivent faire des affaires en anglais pour survivre, tant bien que mal, aux lois de la jungle.

C’est aussi l’histoire d’un village qui reprend en main un moulin abandonné, en perdition, et qui le reconstruit pour en faire quelque chose de grand, un témoin, un symbole, un cri:

On ne se laissera pas tondre la laine sur le dos!

C’est bien ça qu’on dit, je crois, quand on n’est pas des moutons. Et on est pas des moutons.

C’était le premier juillet. Je me souviens.

Écrire. De plus en plus.

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Dix minutes pas plus, c’est un exercice. C’est ce que je fais aujourd’hui. Écrire 750 mots par jour, c’en est un autre, je le fais depuis le 2 janvier, avec beaucoup de plaisir, à partir du site 750words.com. Très ludique, stimulant. J’aime beaucoup.

Pour écrire 750 mots par jour à travers le reste, il faut évidemment écrire très librement et spontanément, alors ça donne parfois un peu n’importe quoi. Mais qu’importe puisque ce n’est pas pour partager. Je vois ça comme une séance de gymnastique intellectuelle (et de réchauffement pour les doigts… le plus souvent en début de journée).

Je vois déjà beaucoup d’avantages… ça déconstipe… ça devient plus facile d’écrire. Les mots coulent plus naturellement, les doigts suivent plus aisément.

Mon exercice quotidien m’amène à formuler plus simplement des textes un peu plus longs. Ça délie les idées. Le défi est de garder les idées simples, de maintenir un rythme et d’essayer d’établir, idéalement un trait d’union, d’un jour à l’autre.

Je ne sais pas trop où ça m’amènera, mais je regarde avec un certain intérêt le Prix du récit de Radio-Canada. On verra dans les prochains jours si les idées qui me viennent à l’esprit arriveront à prendre forme.

Qui sait…

Ce serait un beau défi à relever…

De l’air chaud sur le coude

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Il devait avoir à peine plus de vingt ans. Les cheveux bleu clair, peignés de façon extravagante. Un regard perçant aussi, avec des sourcils abondants et une barbichette d’une vingtaine de centimètres, taillée en pointe. Plus quelques boucles d’oreille. Il aurait très bien pu être un personnage tout droit sorti de l’univers de Lemony Snicket.

Le coiffeur avait certainement plus de soixante-dix ans, l’air conservateur. Il commençait tout juste la coupe quand je suis arrivé.

Les cheveux bleus sur la cape noire et sur le plancher de tuiles blanches.

Les doigts ridés dans la tignasse colorée.

Et leur échange que j’avais grand plaisir à écouter. Si différents, et pourtant.

Dernier petit coup de séchoir, j’observe que le vieux coiffeur teste la chaleur de l’air en la dirigeant d’abord à l’intérieur de son coude.

Ce jour-là, l’expérience rencontrait l’audace.

Le cassoulet du nouvel an

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C’est devenu une tradition.

Dans les jours précédents, trouver des lingots. C’est chaque fois l’occasion de redécouvrir plusieurs petites épiceries, passant d’une à l’autre pour trouver les indispensables fèves. Cette année j’ai trouvé à l’Épicerie européenne, sur la rue Saint-Jean.

Le 30 décembre, avant d’aller se coucher, mettre à tremper. Le bruit des fèves qui tombent dans le fond du pot de terre cuite (je fais exprès pour les laisser tomber de haut: c’est plus mélodieux). Et dans celui du chaudron métallique. Plus grave, en accord. Couvrir abondamment d’eau froide, sans se priver du plaisir de passer les mains dans l’eau froide et les fèves.

C’est dans le bouillon qu’Ana a fait avec les restes de la dinde du réveillon de Noël que les fèves cuiront le lendemain après-midi. Relation étonnante entre les deux fêtes.

Le 31, pendant que la maison reprend l’odeur de Noël: faire dégraisser les pattes de canard confit, faire revenir le porc et, très rapidement, la saucisse. Vers 15h, monter tout ça, en laissant dépasser les os du canard. Recouvrir de bouillon et d’un peu de gras de canard, au moins sept fois, dans les trois heures suivantes.

Très important de libérer le four avant que les invités arrivent. Pour leur permettre de réchauffer leurs plats. Parce que bientôt il y aura un banquet sur la table de la cuisine. Ce sera un délice pour tous les sens.

J’espère que quand ils auront mon âge, au moment de raconter un souvenir de la maison familial — en dix minutes pas plus! — mes enfants repenseront à cette journée où, tous les ans, leur père passait la journée aux fourneaux, dans des odeurs de dinde et de cassoulet.

De la lumière aux odeurs

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Martine a répondu à mon invitation lancée sur Facebook, pour faire faire des ronds dans l’eau à ces courts textes écrits en dix minutes pas une de plus. Et tant mieux si d’autres se joignent à leur tour: l’écriture est aussi un jeu.

Jeux de mots et d’images | 28 décembre | Été 2011

Ni vu ni connu | 28 décembre | Été 2014

Liés par la lumière de Chicago, nos textes étaient marqués par les souvenirs de voyage.

C’est l’évocation « des odeurs de pizza » dans le texte de Martine qui me ramène au clavier ce matin. Parce qu’en lisant cela, j’ai été immédiatement transporté dans le marché du vieux port de Montevideo.

C’était une journée un peu plus calme d’un voyage très dense. Nous avions déambulé  dans la ville avec Betto en direction du vieux port. Une des promenades au cours de laquelle j’ai pu voir le plus de Street Art. Et de très belles choses — très originales et très variées.

Une fois au marché, impression de remonter dans le temps. C’est sombre, les affiches ont toutes un look vieillot, le mobilier aussi. Il y a foule, partout. De petits comptoirs, des restos dans tous les recoins. Et des effluves gourmands. Les parilla sont pleines. Les odeurs d’asado se confondent avec les vapeurs de sucres des pâtisseries.

Nous avons mangé des milanesas et diverses assiettes d’entrées — pour goûter à un peu de tout. L’ambiance est bonne. Betto a un don pour parler avec les gens. C’est très convivial.

C’est à cet endroit que j’ai appris que la tradition en Uruguay veut qu’on mange des ñoquis (gnocchis) les 29e jours du mois.  C’est ce qui explique que sur presque tous les menus de restaurant là-bas il y a une parenthèse après la ligne de ñoquis: (29 de cada mes).

Et comme nous sommes le 29 décembre, c’est ce qu’on mangera ce soir, à Québec, deux ans plus tard et 10000 km plus au Nord.

Été 2011

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Ce devait être la Gaspésie. Ç’a été Chicago. À cause de la météo.

Seize heures de route pour découvrir une ville extraordinaire. Celle que je préfère de toutes celles que j’ai vues aux États-Unis.

Partout il y à voir: du beau, du vieux, du neuf, de l’espace, des oeuvres d’art.

La lumière adore Chicago. Tout y est plus beau.

On a beaucoup marché: le matin, l’après-midi, le soir — parfois jusqu’à très tard.

Chicago est un merveilleux terrain de jeu pour le regard.

Quand est-ce qu’on y retourne?

Le quai

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J’avais commencé il y a quelques mois une série de textes intitulée dix minutes pas une de plus. Un exercice d’écriture spontanée. Objectif: prendre une photo, spontanément, écrire à partir de celle-ci, aussi spontanément, et publier, dix minutes plus tard. Pas plus. Pas de zèle. Pas de perfectionnisme.

Je réactive aujourd’hui cette série — avec cette photo, prise le 20 juillet 2011. Sur la rue Saint-Paul, en face de la Gare du Palais, à Québec.

On y voit le choc des époques. Les vestiges d’un des quais de bois du premier chantier naval de la Nouvelle-France, conservés grâce aux hasards de la géologie. Des blocs de béton de remblayage. Une pelle mécanique tout ce qu’il y a de plus moderne. D’un jaune violent pour l’histoire.

Je passais par là tous les jours depuis 2008. L’année du 400e anniversaire de Québec. Pendant trois ans il n’y avait rien là. Seulement terrain vague, sans intérêt en surface.

Puis un grand trou, quelques vestiges, quelques protestations et le cours normal des choses.

Je passe toujours par là tous les jours, devant un immeuble pas laid, mais pas très beau non plus. Anonyme.

16 rue du Père Guérin

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« Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d’Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. » 

(…)

« Dutilleul venait d’entrer dans sa quarante-troisième année lorsqu’il eut la révélation de son pouvoir. Un soir, une courte panne d’électricité l’ayant surpris dans le vestibule de son petit appartement de célibataire, il tâtonna un moment dans les ténèbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du troisième étage. Comme sa porte d’entrée était fermée à clé de l’intérieur, l’incident lui donna à réfléchir et, malgré les remontrances de sa raison, il se décida à rentrer chez lui comme il en était sorti, en passant à travers la muraille. Cette étrange faculté, qui semblait ne répondre à aucune de ses aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu… »

— Marcel Aymé, Le Passe-Muraille.

Il y a aussi à Paris, au rez-de-chaussée du 16 de la rue du Père Guérin, un petit restaurant indien où j’ai plusieurs fois pris un repas, seul, pour réfléchir longuement — le plus souvent à des choix professionnels importants. J’y suis comme dans un sas. Passe-muraille.

Faudra bien que je trouve l’équivalent à Québec avant d’entrer dans ma quarante-troisième année.

 

 

Des mots qui ne veulent plus rien dire…

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CDG-T3. 7h15. Café. Un seul commerce possible.

Une employée. Humeur aléatoire. Service minimal. Mais un slogan corporatif fort, avec des mots puissants, qui font appel au meilleur de l’humain:

L’amour, l’art et la manière

La pub n’a décidément pas peur de dépouiller les mots de tout leur sens.

La liberté, c’est plus qu’une marque de yogourt, disait Falardeau.

Ajout: une amie me rappelle cet excellent texte de Véronique Côté, tout à fait dans le même esprit: L’appel au festin.

Welcome back

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Museum of Science and Industry. Chicago. Été 2011. Une aventure sous terre, avec les petits animaux, les bibittes et autres microorganismes.

Zouiiiiiiittttt… rétrécis à l’entrée. Exploration. Émerveillement. Y croire. Presque.

Vers la sortie, pfffffiouuuuuttt… retour à normal. Drôle d’impression. Déception. Presque.

Rien n’avait changé. Évidemment. Mise en scène. Et pourtant.

Welcome Back.

C’est pas mal comme ça que je me sentais ce soir.

Affichage

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Montréal, rue Ontario, direction Ouest. Un totem de papier m’interpelle. Fragile, magnifique.

Je souris: clin d’oeil inversé à l’image Far West du criminel recherché dont la photo orne les poteaux du télégraphe.

Ici c’est l’identité complexe qui s’affiche au gré du vent sur un mur de la métropole.

Qui es-tu? Qui sommes-nous? 

Le vent souffle.

Qui serons-nous?

Surtout.

Caractère félin

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À travers les masques, les sarcophages et les temples reconstitués de l’incroyable exposition égyptienne du Metropolitan Museum, une minuscule statuette dorée, l’air fier, me défie du regard, une lance à la main, les vêtements portés par le vent.

    — Eh toi… Oui, toi! Je parie que tu t’es fait prendre en photo à côté de Doum Doum au Musée d’histoire naturelle — l’homme de l’Île de Pâques dont Hollywood a fait une vedette… Bravo idiot… ce n’était qu’une reproduction, creuse comme un chocolat de Pâques! Essaie donc d’en faire autant avec moi pour voir!

Je ne sais pas ce qu’elle avait pu traverser comme péripéties pour se retrouver là, 5000 ans après avoir été façonnée… mais une chose est certaine: elle n’avait rien perdu de son caractère!

Le pays des merveilles / 1

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Descendant du bus sur la rue Saint-Paul, je suis passé comme tous les matins devant le stationnement de la Gare du Palais. Pour une dernière fois avant les vacances.

Il faisait très beau. Soleil. Petit vent.

Aucun signe de pluie, et pourtant, le stationnement était couvert d’eau. Pire (ou mieux!): il se remplissait d’eau!

Mon environnement se préparait lui aussi aux vacances!

Demain il y aurait probablement là un lac et un parking à chaloupes.