L’interminable série de portes m’avait effrayé dès ma sortie de l’ascenseur. D’autant qu’elles étaient toutes fermées et que l’éclairage du couloir dans lequel je devais m’engager était déficient. J’ai été spontanément projeté dans l’hôtel où Barton Fink s’est échoué en manque d’inspiration. Le bruit provoqué par la fermeture de l’ascenseur n’a fait qu’amplifier cette impression.
Je n’ai trouvé pour seul signalisation que de petits panneaux dorés négligemment fixés à la hauteur du regard. L’inscription était là, sur la porte où j’avais été convoqué: Direction de la délivrance.
Que pouvait-il bien y avoir derrière cette porte? Je n’étais pourtant venu que pour me faire arracher une dent. C’est du moins ce que je croyais.
Délivrance: Action de délivrer.
Délivrer: remettre quelque chose. Peut-être. Mais quoi? Pourquoi? Un certificat de naissance? de décès? un permis? Je n’avais pourtant besoin de rien.
Délivrer: libérer. Perspective enivrante, certes, mais de quoi allais-je donc être affranchi? De quoi étais-je dépendant? ou captif? voire prisonnier? Avais-je été dirigé à cet endroit sous prétexte de soins dentaires afin de dissimuler d’autres motifs? Lesquels?
J’ai hésité de longues minutes, la main sur la poignée, le souffle court.
La perspective de me retrouver devant le Directeur du Service de la validation et du contrôle avant la délivrance m’angoissait profondément. Trop kafkaïen.
Je n’ai jamais ouvert cette porte. J’ai préféré m’enfuir.
Deux ans plus tard, je doute même qu’elle ait existé.
Mais il y a cette photo qui semble l’attester.