Dans un texte intitulé L’avenir de la culture, Simon-Pierre Savard-Tremblay exprimait hier son inquiétude au sujet de l’avenir des expressions culturelles devant le rouleau-compresseur de l’American Way of Life.
«…l’empire américain a envahi les ondes et les écrans et règne sans partage. Il arrive cependant que des industries culturelles d’autres pays parviennent à exporter leurs produits culturels à condition qu’ils soient pensés et mis en marché à travers le prisme de la standardisation américaine.»
SPST reconnaît néanmoins que certaines industries culturelles réussissent pourtant à s’exporter efficacement:
«Il arrive cependant que des industries culturelles d’autres pays parviennent à exporter leurs produits culturels à condition qu’ils soient pensés et mis en marché à travers le prisme de la standardisation américaine.»
Ainsi, pour lui, c’est le mimétisme qui serait dorénavant le secret du succès (commercial?) des productions culturelles.
Je ne nie pas que ça puisse être un élément du succès, mais je pense que c’est une explication nettement insuffisante. Une explication qui, surtout, passe à côté de l’essentiel: la transformation des mécanismes de diffusion de la culture.
Les circuits traditionnels de diffusion de la culture sont en train de se transformer en profondeur. La télé n’est plus ce qu’elle était, la radio non plus. Le Web bouffe les intermédiaires. Les acteurs ont changé.
Dans ce nouvel espace, les états-uniens ne gagnent pas seulement parce que leurs productions culturelles sont attrayantes. Ils gagnent aussi parce qu’ils ont inventé les règles du jeu et qu’ils ont (donc) été les premiers à les maîtriser.
Au coeur des nouveaux circuits de diffusion, il y a les métadonnées qui accompagnent les productions culturelles, c’est à dire les informations qui permettent aux ordinateurs de bien connaître les fichiers qui circulent. Il s’agit d’informations précises, destinées à être comprises par des ordinateurs, dans le but de leur permettre de les organiser adéquatement, de les décrire et les recommander aux personnes intéressées et aux consommateurs.
Si on ne fournit pas ces informations aux ordinateurs, avec le bon vocabulaire et dans la bonne forme, il ne faut pas s’étonner que nos productions restent inconnues. Normal: les ordinateurs par lesquels elles transitent ne pourront pas les mettre en valeur parce qu’ils ne les connaîtront pas suffisamment. Résultat… ces oeuvres mal décrites (ou pas du tout) vont naturellement sédimenter, oubliées par tous les algorithmes qui structurent désormais le Web. Pas de fatalité globalisante là-dedans, juste une mauvaise compréhension des mécanismes techniques qui président aujourd’hui à la diffusion de la création.
S’inquiéter de l’impact de la globalisation et de l’omniprésence des productions culturelles américaines c’est bien. Et c’est sans doute nécessaire. Mais c’est aussi nettement insuffisant.
Par-delà les dénonciations, il va aussi (surtout!) falloir être pragmatique et réclamer haut et fort des investissements publics et privés pour décrire adéquatement le travail de nos créateurs — parce que c’est devenu une condition sine qua non à leur rayonnement.
On est loin de l’optique que tu proposes avec à-propos, avec la Ministre Joly qui ne veut même pas nous faire respecter en forçant les étrangers à inclure la taxe dans le prix, une concurrence déloyale aux-dépens de notre industrie. C’est de la dyslexie fiscale. Quant à espérer la voir comprendre la complexité des enjeux des algorithmes, on repassera. C’est possiblement la véritable raison de son approche tronquée actuelle.