Lecture, politique et réseaux sociaux

Je suis vraiment attristé par la controverse autour de la décision de l’Association des libraires du Québec de retirer de certains de ses réseaux sociaux les références à la participation de François Legault à sa campagne Lire en choeur — une si belle initiative!

Les libraires ont joué un rôle essentiel dans cette année difficile. Ils et elles ont fait un travail remarquable, qui est couronné de succès: les livres québécois, en particulier, se vendent comme jamais! Il faut s’en réjouir.

Les gens partagent leurs lectures sur le Web — même le premier ministre! Il faut s’en réjouir! Il était donc normal que l’ALQ l’invite à participer à son projet. On veut développer le goût de la lecture, dans toute la population, il en faut donc pour tous les goûts, et tous les types de livres. 

Mais il y a manifestement des gens qui ne voient pas les choses de cette façon et qui ont décidé de se faire entendre la semaine dernière, pour dénoncer la présence du premier ministre parmi les invités de l’ALQ et, plus encore, certains livres de sa liste de lecture. Des livres qui sont vendus dans les librairies et qui contribuent au débat public.

Je ne sais pas ce qui a pu se passer pour que l’ALQ prenne la décision qui provoque la polémique actuelle, mais je peux faire une hypothèse — suggérée par un ami qui a déjà géré des comptes de réseaux sociaux en situation de crise.

« Quand on n’y est pas préparé ce n’est vraiment pas facile de voir son Messenger, Twitter, Facebook, se remplir de protestation et de haine par centaines de messages, sans arrêt, pendant des heures… on perd de la perspective, et on finit par se résoudre à plier aux demandes pour que ça cesse… juste pour que ça cesse… »

Je ne sais pas si c’est ça qui s’est réellement passé. Mais je pense que c’est plausible et si tel est le cas, cela m’amène à deux réflexions:

Il me semble que l’ALQ pourrait reconnaître, candidement, que ça a été une erreur de réagir comme ça — et rappeler du même coup qu’une des grandes qualités de la lecture, des livres, et des librairies, est de nous aider à prendre un peu de recul sur les événements. Cet événement nous le montre de façon exemplaire. À nous de s’en servir ainsi. 

Cela doit aussi nous rappeler que les réseaux sociaux ne sont pas représentatifs de la société — surtout quand on assiste à ce qui apparaît comme des vagues spontanées d’indignation. Ces mouvements sont de dangereux miroirs déformants. Il faut se méfier du millitantisme-à-fleur-de-peau. Toutes les organisations devraient s’en méfier et se préparer à y faire face. 

Alors grosse accolade à mes ami.e.s libraires, et à l’équipe de l’ALQ. Courage! Je suis convaincu que vous allez vous en relever rapidement si vous reconnaissez sans tarder cette erreur en vous appuyant sur les fondements de votre métier — la diffusion de la culture, de la diversité, de la pensée critique.

On en sortira peut-être tous grandis — grâce à ce remarquable rappel que ce n’est pas parce que les réseaux sociaux s’enflamment qu’il faut s’alarmer.

Keep Calm and Keep Reading.

3 réflexions sur “Lecture, politique et réseaux sociaux

  1. Bon… ton explication du mécanisme psychologique qui a mené l’ALQ à retirer la liste de Legault m’a un peu calmé. Parce que jusqu’à ce que je la lise, ce n’était que colère qui me tenaillait suite à cette ahurissante et révoltante décision.
    Oui, l’ALQ doit rescinder sa décision de retirer la liste de Legault et publier un bref communiqué pour décrire son processus décisionnel, dans un sens et dans l’autre. Ainsi, ceux qui seront victime des wokes pourront peut-être s’inspirer du récit de l’expérience de l’ALQ pour résister à la gangrène qui ronge le monde de l’opinion.

  2. En ce lundi matin, la correction tarde déjà.
    Une feuille de papier froissée peut être remise à plat, mais il y restera toujours une trace. La seule réponse acceptable ici est la démission de la ou des personnes qui ont pris et maintenu cette décision, quelque soit leur état de service et leur niveau de responsabilité à l’ALQ.
    Je suis intraitable sur cette bévue. Elle ne doit pas rejaillir sur l’industrie québécoise du livre dont ces gens font partis. L’imputabilité professionnelle doit avoir un sens et doit s’appliquer ici avec toute sa force.

  3. C’est une bévue de la directrice générale seule. Selon ce que j’en sais, le conseil d’administration a condamné très rapidement sa position

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