
Dès que je suis sorti de la maison, j’ai réalisé que l’ambiance était différente. Le son de la porte qui ferme derrière moi m’a semblé amplifié.
L’air aussi était différent. J’ai eu l’impression qu’il était immobile. Aucun vent. Aucun mouvement. J’avançais dans un monde plus fixe que d’habitude. Et tous les sons étaient effectivement amplifiés, à commencer par mes pas sur la neige durcie.
Le bruit des voitures au loin. Les moteurs des avions à l’aéroport (à quelques kilomètres), la sirène d’un bateau sur le fleuve (quelques kilomètres dans la direction opposée), les thermopompes sur le côté de quelques maisons, les voitures au loin, des jappements qui ne m’auraient probablement pas rejoint les autres matins. Fascinant.
Toute ma promenade, j’ai tendu l’oreille. Ce matin le décor était sonore.
J’ai réalisé après une vingtaine de minutes que cela avait eu pour effet de me faire baisser les yeux. J’ai marché en regardant au sol devant moi, le regard sur les traces laissées par les passants au cours des derniers jours.
Il y avait une infime couche de neige sur le sol. Ça m’a fait penser à la substance que les enquêteurs saupoudrent sur une scène de crime pour repérer les empreintes.
Ça m’a fait réaliser à quel point il est difficile de masquer ses pas en hiver.
Comment faire? Par où passer?
J’ai repensé à une image que j’ai vue récemment — je ne me souviens plus très bien où — de contrebandiers qui s’étaient inventé des bottes dont les semelles laissaient des traces de vaches dans les champs pour se rendre à leur réserve d’alcool pendant la prohibition.
Mais si je voulais plutôt éviter de laisser des traces?
C’est dans le bas de la rue de Tilly que j’ai compris. L’épandeur de sel était passé un peu plus tôt pour éviter que la côte ne soit trop glissante. Le centre de la rue était noir, sans neige, alors qu’en bordure, c’était encore recouvert de neige.
Je pense que pour brouiller les pistes, les fugitifs doivent emprunter les côtes.
Un de ces jours,ilva te falloir des ailes, tu devrais commencer à voler si tu ne veuxpas laisser des traces… mais je trouve que les traces sont un signediscret que tu n’es pas seul, qu’il y a d’autreshumains qui ont passé, et qui passeront après toi, et ils trouveront TES traces. Et nous aussi, nous serons là, grace à toi, et tes « narrations » généreuses…