Mon théâtre matinal

Le 1er décembre, je m’étais donné le défi d’aller marcher une trentaine de minutes tous les matins et d’écrire un court texte à mon retour pour partager mes observations.

Je m’étais promis de faire ça jusqu’au 24 décembre, à la manière d’un calendrier de l’avent. Je ne savais pas à quel point cela allait me réserver des surprises!

L’aventure étant maintenant terminée, je regroupe ici des liens vers l’ensemble des textes. Certains de mes amis y ont vu une sorte de conte de Noël. À vous de juger.

24- Nicolas

Décidément! À l’avenir, quand on va me parler de la magie de Noël, c’est à ce Noël-ci que je vais penser. Noël 2020, le Noël d’une sale année! Qui l’aurait cru?

C’est incroyable ce qui s’est passé ce matin! Yvon et Camille ont été FAN-TA-STI-QUES!

Mais je vais essayer de me calmer un peu pour vous raconter ça du début.

***

Ça n’a pas été facile de me lever, un peu avant 6h, pour aller marcher le 24 décembre. Mais je m’étais donné un défi le 1er décembre, je n’allais certainement pas lâcher si près du but. Alors je suis sorti du lit, j’ai vérifié la température (-8, pas pire), je me suis habillé et je suis sorti, en me réjouissant à l’idée que demain je pourrais rester couché!

En sortant, j’ai remarqué qu’une auto attendait devant la maison. Le moteur tournait. Quelqu’un était au volant en train de regarder son iPhone, ou quelque chose du genre. Quand la personne m’a vu sortir, elle a arrêté le moteur et elle est sortie de la voiture.

C’était mon ami Nicolas Lafleur. Je ne l’avais pas vu depuis longtemps. On allait au secondaire ensemble.

— J’ai découvert tes textes il y a quelques jours, par un ami qui les a partagés sur Facebook. Mais je me suis demandé si c’était vrai tout ça. Alors j’ai décidé de venir vérifier! Et comme je savais où tu habitais, ben me voilà! 

Il avait l’air encore plus surpris de me voir sortir de la maison que moi de le trouver là.

— Tu vois ben que c’est vrai! 6h, je pars marcher!

— Tu ne t’en tireras pas si facilement! Je vais marcher avec toi, si ça te va?

— Avec plaisir mon cher!

C’est comme ça qu’on est parti vers la rue de la Cour, puis Normandie, puis Dijon. 

On se donnait des nouvelles de nos vies respectives quand le visage lui a soudainement changé. Il est devenu pas mal moins loquace. Au bout de la rue de Dijon, les gardiens du Phare, Yvon et Camille, nous attendaient.

— 24 décembre, il fait beau, c’est doux… on a décidé de sortir faire le dernier tour avec toi. Si ça te va!

Leur sourire était magnifique. Tellement en fait que j’aurais dû me douter de quelque chose! Parce que les surprises ne faisaient que commencer!

Dans le haut de la rue de Tilly, monsieur Bonsaï nous attendait aussi. Il s’est joint à nous pour la marche! Et même chose avec Mme Pepperpot!

Comment était-ce possible?

Eh bien imaginez-vous donc que Yvon et Camille, qui avaient fait la marche avec moi il y a quelques jours, et à qui j’avais pointé toutes les maisons où j’avais laissé une carte, ont refait le chemin hier après-midi et laissé une nouvelle note pour proposer une marche collective à tous les personnages de mon récit. Avec leur numéro de téléphone. Et c’est comme ça que tout s’est organisé.

C’est fou d’même! Je n’en reviens pas. Nicolas était sans mots. Dire qu’il s’était levé avec l’intention de me prendre en défaut… pour pouvoir dire sur Facebook que j’avais tout inventé, que je ne sortais même pas marcher. Ben voilà: bien pris qui croyait prendre!

Nous étions donc six marcheurs quand nous sommes arrivés au grand stationnement de l’église. Et là… et là…

Les autres étaient là! 

Roger Lafontaine, l’amateur d’horloges, la mère et ses trois filles… Tous réunis autour du pickup du Père-Noël, qui avait été décoré avec une guirlande lumineuse!

Ils avaient descendu la rue des Écureuils pour nous rejoindre à mi-parcours! Pour célébrer Noël (et la fin de mes marches matinales!) ensemble. C’est’y pas extraordinaire? J’ai les yeux humides en écrivant ça. C’est beau sans bon sens.

Il y avait même un gros thermos de chocolat chaud et des verres pour tout le monde. C’était magique. Vraiment! Je ne sais pas comment je vais pouvoir remercier Yvon et Camille pour tout ça. J’ai pris un chocolat chaud avec le Père-Noël le 24 décembre… je n’en reviens pas encore! 

Après une vingtaine de minutes de réjouissances, j’ai été chassé… amicalement!

— Faut que tu ailles écrire ton dernier texte! On a hâte de lire ça!

On les a salués, Nicolas et moi, et nous sommes repartis vers la maison.

Je n’oublierai jamais ce moment. Tout le monde était souriant, fier d’avoir participé à une folie pas possible. Une folie qu’on aura vécue ensemble. Une folie qu’on sera probablement les seuls à savoir vraie — parce que presque personne ne nous croira quand on va la raconter.

C’est dommage que je n’aie pas pensé prendre une photo, maudit! 

Je n’y ai pensé que sur la route du retour, en croisant le chemin Sainte-Foy. Nicolas n’y a pas pensé non plus. Je pense qu’il le regrette encore plus que moi.

Heureusement qu’il était là! Il va pouvoir confirmer tout ce que j’écris! Il a même accepté que je vous communique son adresse courriel si vous voulez vérifier: nicolaslafleur73@gmail.com.

Non mais… quelle histoire! Je n’aurais tellement pas pu deviner tout ce qui allait arriver quand j’ai commencé ces marches! C’est fou! Magique! Ça donne presque le goût de recommencer… mais demain je vous garantis que je vais rester coucher. J’en ai besoin!

Joyeux Noël tout le monde!

23- La remorque

Ouf, je dois vous dire que ça n’a pas été facile de me lever ce matin. Premier jour de vacances, après un automne de fou, et un mois de décembre terriblement exigeant. J’ai snoozé deux fois le réveil… avant de me dire que je ne pouvais pas faire ça. 

Je ne pouvais pas leur faire ça. Et s’ils étaient à leur fenêtre? Voire qu’ils m’attendaient pour aller marcher?

Je ne pouvais pas vous faire ça, non plus… surtout qu’il y a tout plein de nouveaux lecteurs depuis hier! C’est l’fun!

Alors je me suis botté le derrière, je me suis préparé en vitesse et je suis parti, malgré le froid (décidément, ce matin… ce n’était pas facile). À peine un peu plus tard que d’habitude. 

***

Je pense que je ne suis pas le seul à être tombé en vacances hier. Les lumières des maisons étaient presque toutes fermées. Un jour de semaine. Même chez la mère et ses trois filles (21da), la lumière était fermée. Mais les décorations de Noël extérieures étaient allumées! Je pense que c’était la première fois. Oubli, ou salutation discrète? J’ai choisi la deuxième option!

Je me suis retourné en passant devant chez Roger Lafontaine. Il était à sa table et s’est levé pour me saluer. Je trouve ça merveilleux!

Par la suite, rien à signaler avant d’arriver chez madame Pepperpot (39da). Elle était dans sa fenêtre de cuisine. Je me suis imaginé qu’elle m’avait attendu dans la fenêtre du salon, mais que comme je m’étais fait attendre, elle s’était mise à préparer son déjeuner (madame, si vous lisez ce texte, je m’en excuse!).

Juste à côté (40da), c’est la maison du Père-Noël. Qui l’eût cru: il a un démarreur à distance! Le moteur du pickup réchauffait. Et, plus important encore:  il y avait une remorque attachée à l’arrière. Pour celles et ceux qui douteraient encore que les préparatifs de la grande nuit sont bien en cours… 

Les décorations de la maison de monsieur Bonsaï étaient allumées. Je crois que là aussi c’était la première fois. Ça m’a fait chaud au coeur. Mais lui était visiblement resté couché. Le chanceux. 

En tournant vers la rue Martigny, j’étais un peu triste à l’idée que l’aventure se terminerait bientôt. Dernier jour du calendrier de l’avent demain. Il me semble qu’on commence tout juste à se connaître. Mais je ne vais quand même pas continuer ça tous les jours…

***

Je vous ai déjà parlé de la maison où il y avait eu un incendie quand j’étais petit, au 53ga. C’est là qu’un petit garçon m’avait vu prendre une branche d’arbre cassée pour m’en faire un crayon.

Eh bien depuis deux jours, c’est un garçon d’une vingtaine d’années qui est assis devant la télévision quand je passe. 

Je me suis demandé si ça faisait tellement longtemps que je faisais cette marche que je l’avais vu grandir. Déjà jeune adulte! Incroyable…

Je vous assure que c’est ça qui m’est passé par la tête (les lecteurs qui me connaissent bien ne seront probablement pas surpris!)… mais je vous rassure: je sais bien que ça n’a pas de bon sens. Je me doute bien que c’est probablement un frère, qui étudie peut-être à Montréal, et qui est de retour dans la bulle familiale pour les Fêtes. Ça se peut… n’empêche… c’est tellement l’fun de laisser un peu vagabonder son imagination!

***

Bon… avec tout ça il est déjà 7h30. Je vais publier le texte… et retourner me coucher une petite heure.

22- Invraisemblable!

Je me suis réveillé à 4h45. Trop excité pour me rendormir. 

C’est qu’hier midi j’ai reçu une première réponse aux cartes de Noël que j’ai laissées à quelques portes hier matin. C’est fou d’même! Mme Pepperpot a apprécié la carte!

Et quelques heures plus tard, c’était au tour du cartophile de me répondre. Il s’appelle Roger Lafontaine. Il m’a trouvé étrange (un peu normal, en effet!) mais a dit apprécier mes récits, qui lui ont fait du bien par les temps qui courent. Mieux: il a dit qu’il tenterait de me saluer ce matin!

Leurs réponses sont au bas du texte d’hier pour celles et ceux qui pourraient douter (je comprendrais!).

Je pense que je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus pour que vous compreniez l’excitation qui m’a réveillé aussi tôt! 

J’étais prêt à partir à 5h15… mais il ne fallait pas que je parte trop tôt… parce que je manquerais probablement le rendez-vous avec monsieur Lafontaine. Jour pair: pour passer devant chez lui à 6h tapant il fallait que je parte vers 5h40, pas avant. J’ai lu Le Devoir en attendant.

En sortant de la maison, j’ai été émerveillé par le paysage. De gros flocons frais tombés formaient une sorte de mousse sur le sol et sur les branches. L’averse était récente parce qu’elle avait même effacé les traces des livreurs de journaux. 

J’avais particulièrement hâte de passer devant chez madame Pepperpot, mais ma première surprise a été au bout de la rue de Dijon. Les gardiens du phare m’attendaient devant chez eux!

Ils sont venus marcher avec moi! Ce sont des enseignants retraités. Lui en français, elle en mathématique.

Je n’en reviens pas encore! 

Nous avons fait tout le parcours ensemble en jasant. 

Ils étaient avec moi pour voir madame Pepperpot me saluer de sa fenêtre, une tasse de café (j’imagine!) à la main. Je pense qu’ils étaient aussi impressionnés — et contents — que moi.

Je vous l’ai dit? Je n’en reviens pas encore!

En montant la rue des Écureuils, suspens partagé… et nous n’avons pas été déçus: monsieur Lafontaine était dans sa fenêtre pour nous saluer. Son chien était sur le perron, toujours aussi heureux de me voir (et apparemment intrigué de me voir accompagné, c’est peut-être moi qui invente ça!).

Au coin du chemin Sainte-Foy, Yvon et Camille (ce sont leurs prénoms) ont tourné à droite pour retourner chez eux — après qu’on se soit souhaité un improbable Joyeux Noël! Et j’ai repris ma route vers la maison, un peu sous le choc de ce qui venait de se passer.

Je me suis tellement précipité sur l’ordinateur pour vous raconter ça que je viens de réaliser que j’ai encore ma casquette sur la tête!

Je pense que je vais aller me faire un café pour me calmer (et peut-être même y ajouter un petit fond de Baileys!).

21- Cartes

Magnifique journée pour marcher! Température très douce, belle neige fraîchement tombée au sol. Une journée parfaite pour distribuer les cartes de Noël que j’ai fabriquées hier après-midi.

Linogravure, comme je l’avais spontanément imaginé. Le pickup du Père-Noël, emporté dans le ciel par un attelage de rennes. Avec un Ho! Ho! Ho! de circonstance ainsi que l’adresse de mon blogue pour que les personnages de mon théâtre matinal puissent découvrir l’histoire qui s’écrit ici depuis le 1er décembre. 

Et comme il pourrait y avoir des sceptiques sur le fait que j’ai bien réalisé ces cartes, en voici une photo.

J’espère que les destinataires apprécieront cette attention, mais je suis évidemment bien conscient que certains pourraient être surpris, trouver ça bizarre, voire pire. 

Je suis un peu nerveux. 

Alors, puisque les personnages liront probablement ce texte (je l’espère), je vais prendre quelques lignes pour m’adresser directement à eux — et tenter d’apaiser un peu ma nervosité.

***

Chers personnages,

C’est pour vous remercier que je vous ai laissé une carte postale ce matin. Parce que vous m’avez fait du bien. J’ai aimé vous voir en décorant vos maisons, démontrer des passions et stimuler mon imagination. J’ai aussi particulièrement apprécié pouvoir saluer certains d’entre vous, avant même le lever du soleil.

Bien sûr, je ne vous ai pas décrit fidèlement dans mes textes (l’ensemble est ici). Je ne vous connais pas. D’une journée à l’autre, vous avez donné forme à des personnages qui m’ont animé l’esprit et fait danser les doigts. Ça m’a fait le plus grand bien de terminer ainsi cette année difficile. Et, bien sûr, je m’en confesse, j’ai quelques fois inventé un peu — mais pas trop!

J’espère que vous avez pu vous reconnaître dans le récit — et que vous aurez saisi mon imagination peut-être un peu débridée, mais néanmoins bienveillante. 

Ça fait drôle de dire ça, mais je vais longtemps me souvenir de vous — même si on ne se connaît pas du tout. Je pense même que je peux dire que je vais m’ennuyer de vous.

***

Pas besoin de vous dire que je n’ai pas observé grand-chose ce matin. J’avais l’esprit complètement absorbé par ma distribution… le petit stress répété de me rendre à la boîte aux lettres sans être remarqué… de me demander ce que je dirais si j’étais surpris… Heureusement: aucun imprévu. Ça s’est très bien passé!

J’aurai finalement laissé neuf cartes: chez la mère et ses trois filles, chez la propriétaire de Milou, chez l’aiguiseur de patins, chez le cartophile, chez l’amateur d’horloges, chez Mme Pepperpot, chez le Père-Noël, chez Monsieur Bonsaï et chez les gardiens du phare. Dans cet ordre, parce que c’est un jour impair.

J’espère vraiment qu’ils apprécieront cette petite attention — et qu’ils l’interpréteront bien…

20- Synchorisation

J’ai pensé appeler ce texte oeufs et bacon, parce que cette odeur m’a titillé les narines (avec plaisir!) à deux reprises pendant ma promenade matinale. 

Mais un mot est venu voler le show: synchorisation.

Définition: « la synchorisation désigne le processus par lequel les relations spatiales sont reconfigurées en fonction des transactions informationnelles. » (source)

En gros, la synchorisation est à l’espace, ce que la synchronisation est au temps. C’est Michel Lussault, professeur à l’École supérieure de Lyon qui l’a dit dans la balado que j’écoutais ce matin.

Ça m’a frappé parce qu’au fond, quand on y pense, c’est un peu ce que j’ai fait depuis le 1er décembre: faire se rencontrer dans un lieu — un parcours, puis un blogue — des personnes, des actions, des histoires, qui auraient autrement existées dans l’ignorance les unes des autres. Je leur ai inventé un espace commun. 

Ce qui signifie qu’on ne s’est pas seulement beaucoup amusé… nous avons vécu ensemble une expérience de synchorisation! Ça fait beaucoup plus sérieux tout à coup.

Mais bon, trêve de théorisation, il y a beaucoup plus important! 

Fort de mon expérience d’hier matin, où j’ai osé interrompre (brièvement) mon parcours pour retrouver le sens de ma marche, ce matin j’ai trouvé le courage de sortir carrément du parcours (sur une cinquantaine de mètres) pour aller voir devant l’école primaire, où quelque chose a attiré mon attention.

En m’approchant, j’ai d’abord vu deux très beaux personnages fabriqués de retailles de tissus installés sur les côtés de l’escalier. Sympa! Puis, une série de très beaux bonshommes de neige devant les fenêtres des classes. Et finalement des lumières de Noël, débranchées, installées sur la rampe de l’escalier. Et des traces de pas, partout partout partout autour.

Je pense qu’il y a eu là un spectacle pour souligner le retour des enfants à la maison pour la pause des Fêtes — qui sera prolongée cette année à cause de la pandémie. J’imagine la scène: les enfants qui courent, les parents à deux mètres les uns des autres, dans le froid, mais souriants, fiers d’être passé à travers… Bravo aux enseignants et à tout le personnel de l’école… et merci pour votre travail exceptionnel avec les enfants cet automne!

***

Après avoir repris ma route, j’ai pu voir un marcheur s’arrêter quelques instants pour se recueillir devant la statue de la Vierge Marie, à côté de l’église.

Son chien en a profité pour faire un petit pipi, pas discrètement du tout, au pied du buisson situé juste à côté.

Je me suis demandé lequel des deux était reparti le plus soulagé.

P.S. Si rien ne vient troubler mon programme, je devrais fabriquer cet après-midi les cartes de Noël que j’espère pouvoir distribuer dès demain à quelques endroits sur mon parcours. À suivre…

19- Pelure

Hier soir on s’est offert une soirée vraiment relaxe — on en avait bien besoin. Malgré le froid, on est allé marcher dans le Vieux Québec. Avec la neige tombée cette semaine et les décorations de Noël c’était magnifique! Et le chocolat chaud au retour était succulent.

Alors pas besoin de dire que j’étais particulièrement bien sous les couvertes ce matin… mais je suis quand même allé marcher. Ana m’a clairement dit que je ne pouvais pas ne pas y aller: « il est passé 7h… il y a des gens qui attendent déjà ton texte! ». Vous la remercierez!

Je suis parti avec une clémentine dans ma poche, que j’ai épluchée en me gelant les doigts. Que faire des épluchures? Hop, dans ma poche de pantalon, qui gardera probablement l’odeur de ma marche matinale pour quelques jours.

Et là, et là! Merde! Après 5 minutes de marche j’ai réalisé que je n’avais pas entrepris ma marche dans la bonne direction. C’est le 19 et j’avais tourné à gauche sur la rue de la Cour — sans doute distrait par mes pelures de clémentine.

Que faire?

Est-ce que je devais compléter ma marche à l’envers? Mais alors, est-ce que je devrais inverser aussi demain pour équilibrer tout ça?

Ou alors, je tournais à droite au bout de la rue Dijon, pour emprunter le chemin Sainte-Foy sur une centaine de mètres et tourner à gauche sur la rue des Écureuils pour retrouver mon chemin? Mais alors, il y a un bout du parcours que je n’aurais pas fait, et un autre que je me trouverais à faire deux fois.

Le choix était difficile et je n’avais que quelques minutes pour le faire, l’intersection Dijon et chemin Sainte-Foy approchait.

C’est le ciel qui m’a guidé. Les teintes rosées étaient magnifiques sur l’horizon est. J’ai donc tourné, pour pouvoir le savourer pleinement. Et j’ai repris ma marche dans le sens indiqué pour un jour impair.

Cette distraction mise à part, une seule chose a attiré mon attention aujourd’hui, dans le bas de la rue de Tilly. Quand je suis passé devant chez lui, le Père-Noël embarquait dans un gros pickup…

Le Père- Noël se déplace en pickup! Fini le traîneau et les rennes?

Non… non… je refuse cette image!

La fin du traîneau, peut-être, mais pas pour les rennes!

On verra peut-être passer cette année dans le ciel un gros pickup tiré par un attelage de rennes.

Vous l’aurez appris ici en premier.

18- Une semaine!?!

Moins facile de se lever à 5h30 après une soirée de party de Noël: style 2020… quelques verres de vin avec des amis devant l’écran. Mais j’y suis arrivé! Je suis content! Une courte sieste ce midi? Oui, c’est possible!

Au bout de la rue, j’ai dû regarder sur mon téléphone pour savoir de quel côté tourner. 18. Pair. À gauche. 

Dix-huit! 

Il ne reste plus qu’une semaine avant Noël! Une semaine à mon calendrier de l’avent. Une semaine à mes balades matinales… Le temps file!

Un sentiment d’urgence m’a envahi.

Il ne me reste que quelques jours pour communiquer avec monsieur Bonsaï, le Père Noël, Mme Pepperpot, le collectionneur d’horloges, le cartophile, la mère et ses trois filles, les gardiens du phare, etc.

J’ai identifié un endroit adéquat pour laisser une carte à chacun: boîte aux lettres, essuie-glace de la voiture, etc. Il faudra que je fabrique les cartes au cours de la fin de semaine. J’imagine le dessus avec une linogravure et l’intérieur avec l’adresse de mon blogue et un petit mot. Un mot de remerciement et des voeux de joyeux Noël.

Est-ce que j’oserai le faire? Ce serait dommage de ne pas le faire… Je pense qu’il faut que je le fasse!

***

Ce matin, le chien du cartophile avait un cône de plastique autour du cou. Il était probablement allé chez le vétérinaire hier. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de grave. Je lui ai dit que je le comprenais bien, qu’il y a deux jours, moi aussi je ne voyais que droit devant moi et que je savais que ce n’était pas agréable. Que c’était peut-être même pire pour lui que pour moi.

Il était manifestement content que quelqu’un lui adresse la parole.

Je pense que je vais lui faire une carte à lui aussi.

17- Souvenirs

Un peu moins froid qu’hier ce matin. Et une petite neige qui recouvre les rues. Une toute petite épaisseur d’une neige très légère. J’étais le premier à marcher sur la rue de la Scène ce matin. Avec la musique du Noël de Charlie Brown dans les oreilles.

La neige descendait très lentement du ciel, en virevoltant: un peu à gauche, à droite, encore un peu à droite, non à gauche. Impossible de prévoir la trajectoire des flocons. Ça m’a fait penser à mon jeu préféré dans The Price is Right: Plinko. Ça devait être dans les années 80. 

Devant le 31da j’ai remarqué des traces sur le trottoir. Des traces qui montaient alors que je descendais (c’est un jour impair). J’ai remonté ces traces jusqu’à l’église, où je les ai perdues de vue.

Mais je les ai retrouvées un peu plus loin, dans le grand stationnement, là où mon parcours est le plus improbable. Est-ce que quelqu’un ferait ma marche en sens inverse? La question m’a troublé.

J’ai imaginé toutes sortes de scénarios: est-ce que mes traces d’hier auraient perduré? Peu probable. Est-ce que monsieur Bonsaï serait venu à ma rencontre ce matin, mais que je me serais levé trop tard? Quel dommage! Ou ce ne serait qu’un hasard? Tout aussi improbable, il me semble — ou pas? Croyez-vous?

Essayant de chasser tout ça de mes pensées (je deviens fou avec ces marches matinales — je dois manque de sommeil!), je me suis concentré sur la neige sous les lampadaires. Une neige vraiment comme celles des films de Noël pour enfants.

Alors comme dans les films, j’ai identifié un gros flocon, je l’ai suivi du regard, puis j’ai tiré la langue pour essayer de l’attraper. Victoire! Comme avec les jujubes suédois quand j’étais petit. Et hop!… la parabole… la descente… et glop! — avalé!

Mais je remontais toujours ces pas intrigants. Impossible de ne pas y penser. Des traces de bottes d’homme… qui pourraient ressembler aux miennes… Au point où j’ai dû comparer mes traces avec celles que je remontais. 

Vous ne me croirez pas: elles étaient pareilles! Ça aurait pu être les miennes! Ou était-ce les miennes? Troublant.

J’ai perdu de vue ces traces en tournant sur la rue Normandie.

La musique du Vince Guaraldi trio, Plinko, les films de Noël pour enfants, les jongleries avec les friandises… j’étais décidément dans la nostalgie ce matin. Dans les souvenirs. 

Ben voilà! Les pas… je devais remonter mes propres pas: retour vers l’enfance! Non mais… là, franchement… arrête avec tes interprétations invraisemblables!

Sauf que… sauf que… en arrivant sur la rue de la Scène, j’ai revu mes pas, et je me suis dit qu’il fallait que je sois prudent. Très prudent. Il ne fallait pas briser la ligne du temps. Je voulais être sûr de retrouver qui je suis une fois de retour à la maison…

Je me suis donc assuré de faire converger progressivement la trajectoire de mes pas du retour vers la trajectoire de mes pas au départ…

…et, plus encore, de me retourner pour faire les derniers pas à reculons, en remettant les pieds exactement dans mes traces, jusqu’en haut des deux petits escaliers qui mènent à la porte.

Ouf! Me revoilà!

16- Froid!

Le froid d’hier n’était qu’un échauffement (!) pour le véritable froid de ce matin. Moins vingt-deux degrés Celsius!

Je me suis bien emmitouflé, trois couches de gilets chauds, mon manteau, deux capuchons, des gants, de bonnes bottes. Et hop! Un beau défi pour commencer la journée!

Premier constat en sortant: mon champ de vision est drôlement rétréci avec ces deux capuchons. Je ne voyais devant moi que sur environ 45 degrés. À peine plus large en tournant la tête parce que le capuchon ne bougeait presque pas. 

Je me suis demandé qu’est-ce que je pourrais bien observer dans ces conditions… pour finalement me dire que c’était l’occasion idéale pour faire ce que je souhaitais faire depuis longtemps: compter les maisons sur mon trajet.

Il y en a 153.

Aujourd’hui, jour pair, je marchais donc en sens horaire. Il y avait 75 maisons sur ma gauche, et 78 maisons sur ma droite.

Le phare de la rue de Tilly était la 26e du côté gauche de la rue. L’église était le 41e immeuble sur la gauche. La maison du cartophile, la 52e sur la droite, et celles de l’aiguiseur de patin la 54e, mais du côté gauche. 

Dans ce système, Monsieur Bonsaï habite au 32gh: 32e maison, sur la gauche, en sens horaire. 

Une adresse qui est équivalente au 44da: 44e maison, sur la droite, en sens anti-horaire.

Je suis content parce que ce nouveau système va me permettre de résoudre un problème qui m’achalait depuis quelques jours. 

En effet, quelques lecteurs m’ont écrit pour me dire qu’ils tentaient d’identifier mon parcours sur Google Maps et qu’ils n’y arrivaient pas. Aucun ne m’a accusé d’invention (crime grave, s’il en est un!), mais il y en a eu pour suggérer que j’avais changé les noms des rues. Bien vu! Heureusement, oui, j’ai pris soin de remplacer les noms de rues sur mon parcours par les noms des rues où j’ai habité depuis ma naissance (plus quelques autres, inventés), de manière à préserver l’anonymat des gens qui inspirent mes réflexions matinales. Mais quand même! Ces lecteurs (de vrais fans!) pourraient éventuellement arriver à faire les contre-substitutions… Il fallait donc brouiller les pistes.

Et voilà! Avec ce nouveau référentiel, je pourrai maintenant joindre l’utile à l’agréable: décrire précisément les lieux, avec rigueur, tout en préservant la vie privée des personnages de mon théâtre matinal.

***

Je ris en me relisant.

Vous croyez que c’est le grand froid qui m’a rendu aussi cartésien?

15- Le vent

Dès 4h je me suis douté que ce serait plus difficile de se convaincre d’aller marcher ce matin. C’est l’heure à laquelle les chats me réveillent habituellement pour sortir. Et ce matin, quand je leur ai ouvert la porte, ils ont rebroussé chemin. Trop froid… et le vent… ouf.

Je suis retourné au chaud sous les couvertes jusqu’à 5h30, j’ai pris mon courage à deux mains, je me suis habillé et je suis sorti. Quand même. Et cette fois les chats m’ont suivi, manifestement rassurés par mon leadership.

La rue était magnifique. La poudrerie avait effacé toutes les traces. Une page blanche. Et sous les lampadaires, l’ombre des branches d’arbre qui dansait élégamment. 

Mes yeux me disaient que j’avais eu raison de sortir, mais mes joues étaient moins sûres. Pas chaud, pas chaud, vraiment pas chaud!

Le vent était particulièrement fort autour de l’église. De grosses bourrasques formaient des lames de neige d’un côté de la rue. Toutes les traces avaient été effacées par la poudrerie. Enfin, presque toutes: le cœur de Capucine était toujours là, les traces de l’enfant avec son traîneau aussi, mais toutes les traces de ceux et celles qui avaient marché dans la rue et sur les trottoirs étaient disparues. Il est clairement mieux de marcher hors des sentiers battus si on veut laisser sa trace. 

Un peu avant le phare de la rue de Dijon, le vent avait cassé une branche du grand érable, devant la maison qui était passée au feu quand j’étais petit. La télévision était déjà allumée. Un petit garçon était devant la fenêtre. Je pense qu’il m’a vu récupérer un bout de la branche, casser les plus petits rameaux, et m’en faire un bâton de marche.

Un bâton de marche… et un crayon! Parce que plus loin, j’ai eu envie de m’en servir pour écrire sur la neige devant quelques maisons.

Il était une fois…

Le vent me souffle à l’oreille…

Quelle histoire!

Marche avec moi…

J’en ai oublié le froid.

Ce sont les chats qui me l’ont rappelé: ils m’attendaient devant la porte à mon retour!

14- Accompagné!

Toute la famille était crevée hier soir. Nous nous sommes couchés très tôt. 

Surprise ce matin… à 5h: Ding! C’était un message sur mon téléphone: « Salut! ». C’était capucine, 18 ans — qui avait été la première à se coucher. « À quelle heure tu pars pour ta marche? ».

Eh bien croyez-le ou non, nous sommes partis marchés tous les deux ce matin, dans le froid. Un bonheur!

Nous sommes partis tellement tôt (un peu avant 5h30), que nous n’avons croisé qu’une seule personne, sur la toute fin. Mais nous avons pu voir le fort de la rue de la Cour, le phare de la rue de Dijon, la maison de monsieur Bonsaï, etc. Je me sentais comme un guide touristique! Il faut aussi souligner l’apparition d’un autre fort (que dis-je, d’une citadelle!) juste un peu avant la rue du Jardin.

Sur la rue de la Paix nous avons observé des traces étranges dans la neige. Après analyse, nous avons conclu que c’était probablement les traces d’un vélo. Mais Capucine s’est quand même empressé d’ajouter que ce pourrait tout aussi bien être un indice de l’existence de petits personnages qui font des boules de neige pendant la nuit. Des schtroumpfs dans mon quartier?! Il faudra que je reste attentif.

Nous avons vu d’autres traces intriguantes que nous avons interprétées comme ayant été laissées par un petit enfant qui tirait un traîneau… mais dont les parents se sont finalement impatientés (les traces s’interrompaient soudainement dans un désordre pas possible. 

— Toutes ces délibérations me donnent vraiment envie de laisser ma trace dans la neige moi aussi!

Et avant même que j’ai eu le temps de réagir, Capucine s’était engagée dans la neige, d’un pas déterminé, pour tracer un grand cœur avec ses pas. 

Un père peut difficilement être plus comblé!

Nous avons par la suite entrepris l’ascension de la rue des Écureuils, sur un trottoir glissant. Nous sommes passés devant la maison dont le garage remplit d’horloges (qui n’avait jamais attiré mon attention jusqu’à hier, mais qui me fait maintenant rêver!). Et comme on pouvait le prévoir, la lumière de la maison du cartophile était encore éteinte. Il n’était que 5h44.

J’ai finalement récupéré la pièce mécanique que j’avais laissé appuyée sur la borne-fontaine hier (pour en faire quoi? Je ne sais pas!) et nous sommes revenus à la maison, tout sourire, ravis par notre promenade.

Je me doute bien que pendant que j’écris ces derniers mots, il y a quelqu’une dans la cuisine qui vérifie régulièrement la page d’accueil de mon blogue pour voir comment je vais raconter tout ça… Ça double le plaisir! Merci Capucine!

13- Déneigement

Il est tombé quelques centimètres d’une neige très lourde au cours de la nuit. Les tracteurs de toutes sortes valsaient dans les rues. Avance, recule, bip bip bip, un petit coup de souffleuse, on repart et on recommence un peu plus loin.

À peu près cinq minutes après mon départ, j’ai trouvé une pièce mécanique dans la rue. Clairement une pièce perdue par un de ces tracteurs. Une tige de métal d’un peu plus d’un mètre, avec deux petites extensions de quelques centimètres, dont l’intérieur est dentelé pour éviter que les pièces ne tournent l’une sur l’autre. Je l’ai appuyée à une borne-fontaine, un peu plus loin, pour qu’elle soit bien visible. Si elle est toujours là demain je la récupèrerai (ce sera alors 5 minutes avant la fin de ma marche, c’est parfait!).

J’ai aussi découvert avec émerveillement qu’une bonne bordée de neige permet d’entrer dans l’intimité de certaines maisons de façon imprévue. En effet, plusieurs hommes étaient sortis pour passer la souffleuse dans leur entrée d’auto… en laissant la porte du garage grande ouverte. Et c’est vraiment fascinant de voir comment les choses y sont rangées (ou pas!).

J’ai pu voir très bien l’intérieur de trois garages. Deux étaient parfaitement en ordre. Propres, éclairés d’une lumière abondante, blanche et froide. Sûrement des dentistes. L’autre était plus dans mon genre: plus ou moins bien éclairé, remplis de boîtes et d’objets variés, des choses accrochées au plafond… et un mur couvert de vieilles horloges de toutes les formes et de toutes les grandeurs! Une bonne trentaine d’horloges je dirais! Je regrette de ne pas avoir pensé vérifier s’il les maintenaient toutes à la bonne heure. C’est intrigant! J’aimerais beaucoup prendre un café avec cet homme. 

Plus loin, c’était opération déneigement dans la cour de l’école. Les enfants auront une montagne pour glisser à la récréation demain. Je suis content pour eux.

Encore un peu plus loin, la voisine du Père Noël était aussi sortie pelleter. Une vieille dame charmante, qui m’a fait penser à Madame Pepperpote.

Au retour, j’ai revu le couple de jeunes bûcherons et leur husky. Je marchais plus rapidement qu’eux. Je les ai évidemment salués au moment de les dépasser. Ils ont continué à marcher derrière moi et ils ont pu me voir entrer dans la maison. Ils savent donc maintenant où j’habite!

Je suis probablement en train de devenir, moi aussi, un personnage dans les histoires que se racontent les autres matinaux du quartier.

12- L’aube

Samedi, grasse matinée — si on peut dire! Je suis parti un peu avant 7h. Encore une fois, l’impression que rien n’est pareil! On est entre la nuit et le jour. Je suis parti presque dans le noir et je suis revenu à la maison presque le jour. En trente minutes. 

Et que de choses j’ai pu observer! 

Juste en tournant vers la gauche (jour pair!) sur la rue de la Cour, il y avait un grand fort fabriqué de neige. Pas mal beau à part ça! Je ne savais même pas qu’il y avait des enfants qui vivaient là.

À l’autre bout de la rue de la Cour… j’ai vu un homme promener un chien… un chien, ma foi, très semblable à celui du cartophile de la rue des Écureuils. Et si c’était lui? Plus il s’approchait, plus le chien était excité. Ça se pourrait bien que ce soit lui… On s’est salué gentiment. Son sourire m’a fait croire qu’il m’avait reconnu, mais je m’invente peut-être des histoires.

Jusque là je marchais sans musique, mais je trouvais que ça manquait un peu d’ambiance. J’ai donc mis mes écouteurs et choisi la liste musicale L’esprit de Noël, de Apple Music. Et c’est là que ça m’a frappé!

Il y avait si peu de lumières de Noël allumées! Bien sûr, le soleil était en train de se lever, mais même les autres matins, à 6h, il y a tellement peu de décorations allumées en comparaison avec ce que j’ai pu voir hier soir, sur cette même rue de Dijon, en allant faire l’épicerie en début de soirée!

Les gens oublient qu’il y a des marcheurs matinaux! Ça m’attriste. 

À partir de ce moment-là, je me suis mis à porter attention… à voir toutes ces décorations que je n’avais jamais remarquées parce qu’elles étaient éteintes. Et comme il faisait un peu plus clair, j’ai aussi pu observer tous ces personnages des Fêtes en toile translucides et colorée, écrasés dans la neige, dégonflés, près des maisons.

Je marche à l’heure dégonflée.

Heureusement, au bout de la rue de Dijon, il y a un bonhomme de neige qui n’est jamais dégonflé. Je pense que je laisserai une carte dans la boîte aux lettres de cette maison aussi au cours des prochains jours.  Merci, madame, ou monsieur. Merci de penser aux marcheurs matinaux. Votre bonhomme de neige est un phare!

Je dois dire que j’étais un peu surexcité par toutes ces observations… et je pense que ça m’a distrait pendant quelques rues… jusqu’à ce que je réalise que j’allais bientôt passer devant la maison du cartophile. Est-ce qu’il serait là?

Eh bien non! Il n’était pas là!

Pour la première fois: les lumières de la maison étaient éteintes, il n’y avait aucune trace du chien, ni de son maître… Étaient-ils partis marcher? Est-ce que ça confirme que c’est bel et bien eux que j’ai croisés au début de ma promenade? Pour le moment, ça reste un mystère… à éclaircir!

Avouez que c’est tout un début de journée!

11- Écoute

Dès que je suis sorti de la maison, j’ai réalisé que l’ambiance était différente. Le son de la porte qui ferme derrière moi m’a semblé amplifié.

L’air aussi était différent. J’ai eu l’impression qu’il était immobile. Aucun vent. Aucun mouvement. J’avançais dans un monde plus fixe que d’habitude. Et tous les sons étaient effectivement amplifiés, à commencer par mes pas sur la neige durcie.

Le bruit des voitures au loin. Les moteurs des avions à l’aéroport (à quelques kilomètres), la sirène d’un bateau sur le fleuve (quelques kilomètres dans la direction opposée), les thermopompes sur le côté de quelques maisons, les voitures au loin, des jappements qui ne m’auraient probablement pas rejoint les autres matins. Fascinant. 

Toute ma promenade, j’ai tendu l’oreille. Ce matin le décor était sonore.

J’ai réalisé après une vingtaine de minutes que cela avait eu pour effet de me faire baisser les yeux. J’ai marché en regardant au sol devant moi, le regard sur les traces laissées par les passants au cours des derniers jours.

Il y avait une infime couche de neige sur le sol. Ça m’a fait penser à la substance que les enquêteurs saupoudrent sur une scène de crime pour repérer les empreintes.

Ça m’a fait réaliser à quel point il est difficile de masquer ses pas en hiver. 

Comment faire? Par où passer? 

J’ai repensé à une image que j’ai vue récemment — je ne me souviens plus très bien où — de contrebandiers qui s’étaient inventé des bottes dont les semelles laissaient des traces de vaches dans les champs pour se rendre à leur réserve d’alcool pendant la prohibition.

Mais si je voulais plutôt éviter de laisser des traces?

C’est dans le bas de la rue de Tilly que j’ai compris. L’épandeur de sel était passé un peu plus tôt pour éviter que la côte ne soit trop glissante. Le centre de la rue était noir, sans neige, alors qu’en bordure, c’était encore recouvert de neige.

Je pense que pour brouiller les pistes, les fugitifs doivent emprunter les côtes.