Écrire à l’oral

J’ai bien vu poper dans mon univers informationnel, hier, une foule de réactions à un texte de Christian Rioux, publié dans Le Devoir. Mais ce n’est que ce matin que j’ai pu lire le texte en question: La société des blogs. Un texte qui remet en cause la qualité de ce qui s’écrit pour le Web — c’est ce qui a choqué une partie de la blogosphère. Pas moi.

Non pas que je pense que Christian Rioux a raison, mais je lui accorde tout à fait le droit de secouer les puces de ceux qui écrivent pour le Web s’il le juge nécessaire.

Bien sûr, je trouve qu’il fait preuve d’une généralisation abusive et je trouve qu’il parle un peu trop à travers son chapeau, mais je sais qu’en un millier de mots il faut parfois faire quelques raccourcis. Je pense aussi qu’il a choisi la provocation et je ne lui reproche pas puisque j’ai toujours apprécié l’écriture pamphlétaire. Et puis, de toute façon, je me fous un peu de ce que Christian Rioux pense de la blogosphère. Tant mieux pour lui s’il trouve ailleurs tout ce dont il a besoin pour alimenter sa vie sociale et intellectuelle (dont ses textes témoignent bien de la richesse). Pour ma part, j’ai besoin de ma blogosphère pour y arriver.

La lecture de ce texte m’a surtout fait penser à deux autres textes qui m’ont meublé l’esprit au cours de la semaine — le premier m’est arrivé par le Web, de Montréal, l’autre par mon iPod, des banlieues de Paris.

D’abord un texte de Sébastien Provencher, intitulé A New Year’s Resolution: More Blogging, Less Tweeting, dans lequel il aborde le rôle des différentes formes d’écriture Web dans sa vie intellectuelle — personnelle et professionnelle (Sylvain Carle a publié un complément intéressant à ce texte). Ce texte m’est revenu à l’esprit parce que j’il me semble évoquer, d’un autre point de vue, certaines des idées développées par Christian Rioux, notamment le fait que chaque espace d’écriture a ses forces et ses faiblesses, auxquelles sont associées des contraintes qu’on accepte ou non, comme scripteur.  Une différence importante toutefois: Sébastien Provancher peut parler à la première personne, il a essayé les deux types d’écriture sur lequel il porte son regard; alors que Christian Rioux ne s’est pas aventuré dans la blogosphère, son point de vue est celui d’un observateur.

Le deuxième texte qui m’est revenu à l’esprit est celui d’une chanson de Grand Corps Malade, intitulée J’écris à l’oral, dans laquelle il raconte sa découverte de la poésie, un soir d’octobre sans histoire sur le macadam fatigué du trottoir en pente de la rue des Dames.

Je pense que pour plusieurs jeunes et moins jeunes, la blogosphère est un remarquable espace de découverte de l’écriture — un lieu semblable à ce bar qui a permis à Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, de découvrir les vers et la musique. Et je ne peux que m’en réjouir.

Moi j’oublierai jamais l’année où j’ai choppé le virus,
Quand tu trébuches sur un hasard et que tu tombes sur un bonus
Ces soirées où l’on se livre, ces moments où l’on se lève
(…)
Ces soirées sont toujours là mais le mieux c’est quand tu fais
connaissance.

On peut écouter cette remarquable chanson en suivant ce lien…

Diderot: Sur ma manière de travailler

Un commentaire publié sur ce blogue au cours des derniers jours m’a amené à faire quelques recherches au sujet de Denis Diderot — l’encyclopédiste.  Pour mon plus grand plaisir, ma mère s’y est mise aussi… et je dois admettre que c’est elle qui a fait la découverte la plus intéressante — et par des méthodes plus traditionnelles que les miennes, dans sa bibliothèque personnelle de vrais livres imprimés (!). À tout seigneur tout honneur.

Dans ce texte intitulé Sur ma manière de travailler, Denis Diderot explique à Sa Majesté Impériale, Catherine II, ce qui est au cœur de sa méthode d’écriture. Il évoque aussi — surtout! — le rôle de la publication, de la consultation, du commentaire et de l’emprunt dans l’élaboration de la pensée. Et c’est là que le texte constitue, à bien des égards, il me semble, une véritable Charte pour les blogueurs.

Il m’a fallu un peu de temps pour retrouver le texte en question sur le Web, mais j’y suis arrivé (ouf!)… grâce à Google BookSearch. J’en reproduis l’essentiel un peu plus bas.

De façon plus précise, notons que le texte que ma mère avait dans un premier temps repéré dans la revue Parachute (numéro 56), était une reproduction extraite des Oeuvres complètes (Éd. Lewinter, Paris, Le Club français du livre, 1971, v. X, p. 772-775). Le texte aurait été écrit autour de 1773.

La version que j’ai trouvée, presque identique, est tirée d’un exemplaire de La nouvelle revue, publiée en 1883 — qui est détenue par l’Université d’Oxford et qui a été numérisée par Google le 6 septembre 2007 [page couverture du livre | début de la citation]

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