L’été se poursuit

C’est le retour au travail ce matin, après de très agréables vacances. L’été se poursuivra donc, mais avec d’autres routines. Et un peu plus de contraintes.

J’ai beaucoup aimé faire l’exercice de relecture par lequel j’avais choisi de débuter chaque journée des vacances. Je pense que je vais continuer à le faire… mais vraisemblablement pas au même rythme. Ce sera sur sur Instagram, le moment venu.

D’ici-là, j’ai regroupé les vingt-cinq premières relectures dans un document pdf — à la fois comme une façon de conclure les vacances et pour en faciliter la lecture.

C’est ici pour le télécharger.

Une simple fantaisie?

Il y a quelques jours je me suis presque défait d’un petit livre qui ne me disait rien. C’est Ana qui, au dernier moment, m’a dit « ben voyons! Un livre de Jules Verne qui a pour titre Une fantaisie du docteur Ox… c’est tout toi ça… commence donc par le lire! ».

Ce que j’ai fait. Et je ne l’ai pas regretté! Je peux vous assurer que ce livre va retrouver sa place dans la bibliothèque.

Le livre raconte l’incroyable histoire de la petite ville de Quiquendone, que le docteur Ox a promis d’éclairer, entièrement à ses frais.

Est-ce que la ville de Quiquendone existe vraiment? Jules Verne nous l’assure:

« Si vous cherchez sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, la petite ville de Quiquendone, il est probable que vous ne l’y trouverez pas. Quiquendone est-elle donc une cité disparue? Non. Une ville à venir? Pas davantage. Elle existe, en dépit des géographes, et cela depuis huit à neuf cents ans. Elle compte même deux mille trois cent quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. (…)

Quiquendone existe bien réellement avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles, sa halle et son bourgmestre — à telle enseigne qu’elle a été récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires, invraisemblables autant que véridiques, et qui vont être fidèlement rapportés dans le présent récit. (…) »

Il s’agit d’une ville reconnue pour son calme, avec un maire tout à l’image de sa ville:

« Le bourgmestre était un personnage de cinquante ans, ni gras ni maigre, ni petit ni grand, ni vieux ni jeune, ni coloré ni pâle, ni gai ni triste, ni content ni ennuyé, ni énergique ni mou, ni fier ni humble, ni bon ni méchant, ni généreux ni avare, ni brave ni poltron, ni trop ni trop peu – ne quid nimis -, un homme modéré en tout. (…) Le bourgmestre Van Tricasse était le flegme personnifié. (…) »

Un maire qui avait néanmoins de l’ambition pour sa ville; ce qu’avait très bien compris le docteur Ox.

« Le progrès marche, et nous ne voulons pas rester en arrière! (…) Il faut bien marcher avec son siècle. Si l’expérience réussit, Quiquendone sera la première ville des Flandres éclairée au gaz oxy-hydrique. »

Je crois qu’il est utile de rappeler ici que le livre a été écrit en 1872, que l’ampoule électrique a été inventé en 1878, et que c’est seulement en 1884 — douze ans plus tard — qu’une première ville française a été électrifiée.

Ainsi donc, une usine est construite à Quiquendone et des tuyaux sont posés dans toute la ville. Et c’est à ce moment que des phénomènes surprenants commencent à se manifester.

« — Là, j’ai été témoin d’une altercation telle que… monsieur le bourgmestre, on a parlé politique!

— Politique! répéta Van Tricasse en hérissant sa perruque.

— Politique! reprit le commissaire Passauf, ce qui ne s’était pas fait depuis cent ans peut-être à Quiquendone. »

Lentement mais sûrement, les esprits se sont enflammés:

« Mais, phénomène absolument inexplicable, qui eût mis en défaut la sagacité des plus ingénieux physiologistes de l’époque, si les habitants de Quiquendone ne se modifiaient point dans la vie privée, ils se métamorphosaient visiblement, au contraire, dans la vie commune, à propos de ces relations d’individu à individu qu’elle provoque. (…)

« À la bourse, à l’hôtel de ville, à l’amphithéâtre de l’Académie, aux séances du conseil comme aux réunions des savants, une sorte de revivification se produisait, une surexcitation singulière s’emparait bientôt des assistants. Au bout d’une heure, les rapports étaient déjà aigres. Après deux heures, la discussion dégénérait en dispute. (…)

« Mais que se passe-t-il donc? se demandait [le bourgmestre]. Quel esprit de vertige s’est emparé de ma paisible ville de Quiquendone ? Est-ce que nous allons devenir fous? »

Ce n’était évidemment pas que pour le pire. Ce sursaut d’énergie avait aussi des avantages:

« Des talents, qui seraient restés ignorés, sortirent de la foule. Des aptitudes se révélèrent. Des artistes, jusque-là médiocres, se montrèrent sous un jour nouveau. Des hommes apparurent dans la politique aussi bien que dans les lettres. Des orateurs se formèrent aux discussions les plus ardues, et sur toutes les questions ils enflammèrent un auditoire parfaitement disposé d’ailleurs à l’inflammation. Des séances du conseil, le mouvement passa dans les réunions publiques, et un club se fonda à Quiquendone, pendant que vingt journaux, Le Guetteur de Quiquendone, L’Impartial de Quiquendone, Le Radical de Quiquendone, L’Outrancier de Quiquendone, écrits avec rage, soulevaient les questions sociales les plus graves. »

Même la nature s’en trouvait apparement transformée:

« En effet, dans les jardins, dans les potagers, dans les vergers, se manifestaient des symptômes extrêmement curieux. Les plantes grimpantes grimpaient avec plus d’audace.

Les fruits ne tardèrent pas à suivre l’exemple des légumes. Il fallut se mettre à deux pour manger une fraise et à quatre pour manger une poire. »

Tout dans la ville, habituellement si calme, s’accélérait follement.

Même les concerts, qui étaient traditionnellement exécutés plus lentement qu’ailleurs, se mirent à s’emballer. Un soir, un concert qui devait durer six heures ne dura que dix-huit minutes!

« Chanteurs et musiciens s’échappent fougueusement. Le chef d’orchestre ne songe plus à les retenir. D’ailleurs le public ne réclame pas, au contraire; on sent qu’il est entraîné lui-même, qu’il est dans le mouvement, et que ce mouvement répond aux aspirations de son âme (…) »

Sans trop qu’on sache pourquoi, toute cette énergie a même fait réapparaître une querelle vieille de plusieurs siècles avec le village voisin de Virgamen.

« [Il n’y avait aucune arme dans la ville], mais le courage, le bon droit, la haine de l’étranger, le désir de la vengeance [ont tenu] lieu d’engins plus perfectionnés et [pour] remplacer les mitrailleuses modernes et les canons (…) »

Le bourgmestre s’en est trouvé complètement désemparé.

« Mais qu’est-ce que nous avons ? Mais quel est ce feu qui nous dévore? Mais nous sommes donc possédés du diable? »

***

Mais qui était donc le mystérieux docteur Ox qui était à l’origine du projet d’éclairer la ville:

« Le docteur Ox était un homme demi-gros, de taille moyenne (…) Nous ne saurions préciser son âge, non plus que sa nationalité. D’ailleurs, peu importe. Il suffit qu’on sache bien que c’était un étrange personnage, au sang chaud et impétueux, véritable excentrique (…) Il avait en lui, en ses doctrines, une imperturbable confiance.

Toujours souriant, marchant tête haute, épaules dégagées, aisément, librement, regard assuré, larges narines bien ouvertes, vaste bouche qui humait l’air par grandes aspirations, sa personne plaisait à voir. II était vivant (…) bien allant, avec du vif-argent dans les veines et un cent d’aiguilles sous les pieds. Aussi ne pouvait-il jamais rester en place, et s’échappait-il en paroles précipitées et en gestes surabondants. »

Le docteur Ox était évidemment aussi très riche pour pouvoir entreprendre à ses frais l’éclairage de toute une ville.

Sauf que le projet d’éclairer la ville cachait sa véritable intention…

Le docteur Ox voulait en réalité faire la démonstration que l’esprit des Quiquendoniens peut être manipulé en dispersant un gaz dans la ville.

« Vous les avez vus, hier, à notre réception, ces bons Quiquendoniens à sang-froid? (…) Vous les avez vus, se disputant, se provoquant de la voix et du geste! Déjà métamorphosés moralement et physiquement! Et cela ne fait que commencer! Attendez-les au moment où nous les traiterons à haute dose ! (…)

N’avais-je pas raison? Voyez à quoi tiennent, non seulement les développements physiques de toute une nation, mais sa moralité, sa dignité, ses talents, son sens politique. Ce n’est qu’une question de molécules… (…)

L’expérience sera décisive (…) nous réformerons le monde! »

***

Je savais que Jules Verne avait été extraordinairement visionnaire au plan scientifique — avec De la Terre à la Lune et Autour de la Lune, notamment — mais à la lecture de ce petit livre, il me semble évident qu’il a également fait la démonstration d’une incroyable clairvoyance sociologique.

Cent cinquante ans plus tard, c’est Elon Musk qui revêt les habits du docteur Ox et c’est Twitter, devenu X, qui joue le rôle du gaz oxy-hydrique. Ni plus, ni moins.

Et pour conclure ce compte-rendu de lecture, je laisserai, comme il se doit, le mot de la fin à l’auteur:

« On a le droit de ne pas admettre la théorie du docteur Ox, et pour notre compte nous la repoussons à tous les points de vue, malgré la fantaisiste expérimentation dont fut le théâtre l’honorable ville de Quiquendone. »

C’était en 1872.

Quelles histoires?

J’expérimente depuis quelques temps Pavillons, qui propose un nouveau modèle de diffusion qui ressemble un peu à des feuilletons qu’il est possible de lire moyennement un abonnement de quelques dollars. Quelque part entre Substack et Patreon, je dirais.

J’ai lu plusieurs « première entrées » de publications. Elles sont toujours gratuites pour nous permettre d’explorer un projet ou de découvrir un auteur ou une autrice.

Je me suis abonné à une publication: Défiler vers le bas, d’Annabelle Nicole. J’ai aussi acheté, à la pièce, quelques entrées d’une autre publication: PHTGRPH, de Benoît Erwann.

Dans cette dernière série, l’auteur redécouvre le contenu de boîtes en carton remplies de photographies oubliés au fond d’une armoire familiale pendant vingt-cinq ans.

Dans la sixième entrée, il écrit:

« Cette boîte, ce coffre-fort sans serrure, contient 1081 tirages, je les ai comptés. (…) En les regardant une première fois un à un, ces tirages m’ont enseigné une chose essentielle : je me souviens des lieux et de quelques personnes, et c’est tout. Aucun détail. Rien. Nada. J’ai rangé la boîte pendant quelques jours, puis je les ai regardés de nouveau. Alors, la mémoire me revenait grâce aux détails, justement, qui apparaissaient enfin dans l’image. Ils révélaient une atmosphère que je pensais oubliée à jamais. Ils me montraient dans mes environnements immédiats, que cela me plaise ou non. Je retrouvais des visages perdus, des rencontres improbables, des objets à première vue anodins, et pourtant tout me parlait, tout me communiquait une part de vie que j’avais rangée sans même m’en apercevoir et que ma mémoire avec choisi d’évacuer. (…) Petit à petit, j’en ai mis de côté dans une enveloppe, ceux des tirages qui m’interpelaient dans leurs détails, qui faisaient remonter à la surface de ma conscience des souvenirs enfouis (…). »

Ça m’a rappelé l’impression que je ressens parfois pendant l’exercice matinal de relectures que je fais depuis le début des vacances (repris sur mon blogue et sur Instagram)

Une forme d’étonnement, quand je tire un livre de la bibliothèque — ou que je vais le chercher au fond d’un des paniers, à côté du canapé, parmi les oubliés.

Mais comment ce livre a bien pu aboutir ici? Ou dans quel contexte est-ce que j’ai bien pu lire ça?

Je dois alors partir à la recherche d’indices.

Une inscription sur la première page? Des annotations? Une facture qui fait office de marque page? Une carte postale? Une étiquette de prix à l’arrière du livre indiquant le nom de la librairie? Une recherche sur mon blogue ou dans mes notes personnelles m’aide aussi parfois aussi à trouver une première piste pour reconstituer le contexte.

Et si une chose est plus claire pour moi que jamais c’est qu’il faut écrire dans les livres! Ou au moins y glisser des documents. Il faut se l’approprier, l’enrichir d’un contexte — s’assurer d’en faire le témoignage d’un moment, en faire une clé mémorielle. Comme une photo peut le faire.

C’est comme ça que je considère les gribouillages qui témoignent de mes relectures. Ils s’inscrivent dans cette dynamique d’appropriation — même si je sais qu’ils sont choquants aux yeux de certains.

De mon point de vue, ils ne sont pas un affront fait au le livre, au contraire! C’est un honneur qui se trouvera à lui garantira une place dans ma bibliothèque pour longtemps.

Parce que ce matin, je regarde ma bibliothèque et je me demande si les livres qui ne me disent rien y ont encore leur place? Ou en tout cas, s’ils ne me disent rien et que j’hésite à m’en départir, est-ce que je ne devrais pas au moins écrire la raison de cette hésitation sur une petite carte et la glisser entre les pages? Ce qui donnerait déjà un sens à leur présence parmi les autres?

***

Je tire trois livre au hasard de la bibliothèque pour faire l’exercice.

117 Nord, de Virginie Blanchette-Doucet, chez Boréal — Je me souviens très bien de l’avoir lu et apprécié. Catherine Voyer-Léger y fait d’ailleurs référence dans un court texte publié dans le dernier numéro de Lettres Québécoises.

Étiquette au verso: Librairie Vaugeois, août 2016. Mon nom est inscrit sur la première page, avec un ancien numéro de téléphone, ce qui me fait croire que je l’ai déjà prêté. Un signe d’appréciation. Aucune annotation toutefois. Un petit tour dans les archives de mon blogue me rappelle que j’avais fait un texte à son sujet le 26 août 2016. Je vais d’ailleurs l’indiquer sur la première page.

Comme je l’avais manifestement beaucoup apprécié je me suis demandé si Virginie Blanchette-Doucet avait écrit un autre roman depuis. Réponse positive de Google: Les champs penchés, en 2023. Surprise: la couverture me semble être une photo de Mériol Lehmann, un photographe que j’aime beaucoup. Impossible d’en avoir la confirmation sur le site de l’éditeur. Direction prêtnumérique.ca… le livre est disponible… téléchargement… confirmation! La photo s’intitule: arbres, chemin saint-jacques, saint-pierre. Une belle coïncidence. Et tant qu’à avoir téléchargé le livre, je le lirai dans les prochains jours.

Voilà que mon histoire partagée avec le livre s’est enrichie. Il mérite donc plus que jamais sa place dans la bibliothèque.

***

La Classe de neige, d’Emmanuel Carrère, chez P.O.L. — Je me souviens très bien de l’avoir lu, avec plaisir, et un certain malaise. Pourquoi? Ce n’est plus très clair. La couverture est sale (taches de jus d’orange?), la tranche est usée… il a dû se balader pas mal. À l’intérieur, page 145, un signet vintage illustré d’un cardinal en vol. Aussi, page 95, le bandeau qui ornait le livre pour souligner que le Prix Femina lui avait été accordé. Et page 47, trois signets Larousse « À: … De: … » aux couleurs de Noël.

Surprise en page frontispice, une dédicace:

Pour Ana et Clément, en espérant qu’ils approuveront le choix de Sofia et seront touchés par cette triste histoire — en tout ou en partie. [signature illisible], Montréal, 18.11.95. 

Les archives de BAnQ m’ont permis de confirmer que la date correspond bien à celles du Salon du livre de Montréal en 1995, dont Emmanuel Carrère était un des invité.

Et effectivement, avec un peu d’imagination, la signature pourrait bien être « Emmanuel ». Impossible de confirmer par des images comparables sur le Web… qu’importe, c’est la meilleure hypothèse pour le moment.

C’est donc vraisemblablement un livre qui nous a été offert à Noël 1995, par la mère d’Ana, Sofia — qui en aurait fait l’achat au Salon du livre de Montréal.

Ça fait pas mal de liens vers pas mal de souvenirs!

Je constate par ailleurs qu’il n’y avait rien aucune référence à Emmanuel Carrère sur mon blogue… avant aujourd’hui! Je vais d’ailleurs ajouter une référence au présent texte sur la troisième de couverture avant de replacer le livre dans la bibliothèque… parce qu’il n’y a plus aucun doute qu’il y mérite sa place!

***

Une fantaisie du Docteur Ox, de Jules Verne, aux éditions Mille et une nuit — J’ai beau lire la quatrième de couverture, je ne me souviens pas de l’avoir lu. Aucune d’annotations, pas de papiers glissés entre les pages. Une étiquette de prix, que j’avais manifestement transféré du dos du livre au revers de la couverture: 4,50$ à la Librairie Garneau. Probablement à la succursale des Halles de Sainte-Foy (devenu Renaud-Bray en 1999). Mais il ne me dit vraiment rien.

Je vais donc le placer dans une boîte de livres à donner.


Post scriptum: ma relectrice préférée m’a ramené à l’ordre: — Pas question que tu te départisses d’un livre de Jules Verne, à plus forte raison s’il a pour titre « Une fantaisie… »! C’est tout toi ça! Commence donc par le lire, on en reparlera ensuite.

Il se pourrait bien que son histoire soit en train de s’écrire, lui aussi… À suivre…

À mes pieds…

Je tondais le gazon hier après-midi.

Dans l’allée graveleuse qu’on emprunte pour accéder au chalet, quelque chose a soudainement attiré mon attention. Probablement une remarquable étoile végétale. Mais je n’en étais pas sûr. Qu’est-ce que ça pouvait bien être?

J’ai pris une photo:

J’ai jeté un coup d’œil rapide à la photo avant de remettre mon iPhone dans ma poche. Elle m’a rappelé certaines photos de Mériol Lehmann. C’était peut-être ça?

Après avoir terminé la corvée, j’ai observé la photo plus attentivement. Je m’y suis même perdu en constatant le nombre et la variété des espèces, les quelques fleurs, la vie, la mort, l’éclaircie ensoleillée.

J’ai même esquissé un projet: enfouir légèrement le cadre d’une ancienne œuvre d’art dans l’allée pour voir évoluer une section de la végétation au fil du temps, avec tous les honneurs qui lui sont dus. Je me suis dit que d’autres avaient dû y penser avant. Mais l’avaient-ils fait?

J’ai demandé à Google ce qu’il voyait dans cette photo. Puis à PlantNet. J’ai fait un voyage au pays des mauvaises herbes.

Et d’une chose à l’autre, une plante s’est mise à susciter particulièrement mon attention. Là, juste sous l’étoile dont l’esthétique était probablement à l’origine de ce voyage.

Vous voyez ces petites feuilles qui ressemblent à celles de la sauge. En zoomant dans l’image, on voit qu’elles sont recouvertes de longs poils. J’ai appris que c’est l’Épervière piloselle. On l’appelle parfois aussi Oreilles de souris.

C’est une plante fascinante:

« Elle s’accommode de n’importe quel sol et sait se faire de la place. Pour cela elle a un secret. Elle élabore au niveau de ses racines une toxine qui empêche le développement des autres végétaux. Elle peut ainsi former des tapis denses et serrés. Cette technique anti-concurrence a ses limites. Lorsque la piloselle a envahi un espace, elle risque à la longue de s’empoisonner elle-même. » (source)

Imaginez-vous donc qu’au Moyen-âge, on utilisait même le jus de cette plante pour prédire le sort des malades: la mort s’il vomissait après l’avoir bu et la guérison dans le cas contraire.

Qui aurait pu prévoir qu’il y avait là, à mes pieds, pendant que je passais la tondeuse, la réponse aux mystères de l’existence?

Pas étonnant que ça ait pu attirer mon attention!

Un après-midi de marche

Il y a une illusion dans l’idée de tomber en vacances. Je pense qu’on entre plutôt en vacances, progressivement, comme on entre dans la mer, ou dans une piscine.

C’est un état d’esprit, pas une switch on/off.

Pour moi, la créativité est certainement une composante de la transition recherchée.

Alors après des mois à surligner et annoter pour extraire l’essentiel d’un texte, j’ai eu envie de tirer un livre au hasard de la bibliothèque, de l’ouvrir à une page tout aussi aléatoirement, et d’en réorganiser les mots de manière à les transformer en quelque chose d’autre.

Comme une autre forme de collages.

C’est un premier essai. Je pense qu’il y en aura d’autres.

Le livre, pour cette fois, était De la marche, de Henry David Thoreau, aux éditions 1001 nuits.

***

Je me suis aussi lancé dans une autre exercice d’écriture estival — sous forme d’infolettre. À la fois pour le plaisir d’écrire et pour continuer mon exploration de Substack comme outil de diffusion. Si vous avez envie de suivre cette exploration, c’est par ici.

***

Mise à jour du 12 juillet — j’ai tenté l’expérience avec un livre de recettes, pourquoi pas? Alors, inspiré par Pizzas, dans la collection L’école de la cuisine italienne, chez Phaidon… voici ma création du jour:

Mise à jour du 13 juillet — à partir de Un promeneur en novembre, de Gilles Archambault, chez Boréal:

Mise à jour du 14 juillet — à partir de Les États-Unis du vent, de Daniel Canty, chez La Peuplade:

Mise à jour du 15 juillet — à partir de Traversée de Paris, de Marcel Aymé, chez Folio:

Mise à jour du 16 juillet — À partir de Les Politiques, de Aristote, collection Le monde de la philosophie, chez Flammarion:

Mise à jour du 17 juillet — À partir de Tintin au Tibet, de Hergé, dans un format réduit, chez Casterman:

Mise à jour du 18 juillet — À partir de Mademoiselle Rouge, de Michel Garneau, chez VLB éditeur:

Mise à jour du 19 juillet — À partir de Le monde fascinant des insectes, de Jean-Pierre Bourassa, aux éditions Multimondes:

Mise à jour du 20 juillet — À partir d’un gallon de peinture Benjamin Moore:

Mise à jour du 21 juillet — À partir de Une main encombrante, de Henning Mankell, dans la collection Policiers, au Seuil:

Mise à jour du 22 juillet — À partir du feuillet d’instructions du Scrabble resté sur la table hier soir:

Mise à jour du 23 juillet — À partir de Éveil à Kitchike — la saignée des possibles, de Louis-Karl Picard-Sioui, aux éditions Hannenorak:

Mise à jour du 24 juillet — À partir de Le pas du lynx, de Joana de Fréville, aux éditions Les Allusifs:

Note: à la suite d’une suggestion de Capucine, j’ai amélioré la présentation des Relectures sur Instagram, en y ajoutant le texte, réaméagé, sous forme d’une deuxième photo (il suffit de glisser vers la droite, comme ici, pour la relecture d’aujourd’hui).

Mise à jour du 25 juillet — À partir de Vernon Subutex, de Virginie Despentes, au Livre de Poche:

(Cliquer ici pour le voir sur Instagram)

Mise à jour du 26 juillet — À partir de Plateforme, de Michel Houellebecq, chez Flammarion:

Mise à jour du 27 juillet — À partir de la Une du Devoir de ce matin…

Mise à jour du 28 juillet — À partir de La théorie des jeux, de Gaël Giraud, dans la collection Champs Université, chez Flammarion:

Mise à jour du 29 juillet — À partir de La désobéissance de l’architecte, de Renzo Piano, aux éditions arléa:

Mise à jour du 30 juillet — À partir de Churchill, de François Bédarida, chez Fayard:

Mise à jour du 31 juillet — À partir de L’énigme du retour, de Dany Laferrière, chez Boréal:

Mise à jour du 1er août — À partir de Contes et légendes de la Côte-du-Sud, de Gaston Deschênes et Pierrette Maurais, chez Septentrion:

Mise à jour du 2 août — À partir de Accident nocturne, de Patrick Modiano, chez Folio:

Mise à jour du 2 août — À partir de Camarade, ferme ton poste, de Bernard Émond, chez Lux:

Mise à jour du 4 août — À partir de La liste de mes envies, de Grégoire Delacourt, chez JC Lattès.

Artifice


Ce sont les herbes hautes qui ont d’abord attiré mon attention. À contre-jour, elles donnaient l’impression d’un feu d’artifice miniature.

Je me suis demandé de quoi ça pouvait avoir l’air vu du sol, pour un insecte ou un petit mammifère.

Il y a aussi les nuages au loin, au-dessus de Charlevoix, comme on les voit sur les photos du mont Fuji.

Et la plaine, couverte de foin de mer, où viennent se nourrir les oiseaux à chaque marée basse.

Mais c’est en dirigeant mon regard vers la petite maison blanche, sur la pointe, au fond, à gauche, que la contemplation s’est transformée en divagation.

Vous avez vu cette petite affiche?

Face au fleuve.

Sur laquelle ne figure aucun message.

Est-ce qu’il y en a déjà eu un? Quel pouvait-il être?

Un avertissement? Terrain privé? Danger de baignade? Nid de pluviers?

Une invitation? À la contemplation? Observez un moment de silence? Prenez le temps de siffler? Pensez à un être cher?

À moins qu’elle n’ait été mise là délibérément pour qu’on y affiche un message? Comme un petit babillard? Qu’est-ce que je pourrais bien agrafer sur ce panneau?

De la poésie? Un vers de Roland Giguère? Les mots-flots viennent battre la plage blanche où j’écris que l’eau n’est plus l’eau sans les lèvres qui la boivent.

Ou, avec ironie: « Vous avez un nouveau message »? Ou l’image d’une notification de Radio-Canada sur l’écran de mon téléphone?

Et vous qu’est-ce que vous écririez à cet endroit? De quelle façon choisiriez-vous d’intervenir dans le moment que les passants vivent à cet endroit?

À moins que…

À moins que cette absence de message…

À moins que ce ne soit justement ça le message?

Bonne conduite

J’ai déjà mon arbre préféré sur l’autoroute 20. Autour du kilomètre 358, côté sud. Mais ce n’est pas de lui que j’ai envie de vous parler aujourd’hui.

Ce dont je veux vous parler, c’est quelque chose qui m’a sauté aux yeux pour la première fois aujourd’hui.

Le voyez-vous sur la photo?

Une fois qu’on l’a remarqué, on ne peut plus ne pas le voir. Ça m’a obsédé pendant près de 100 kilomètres.

Alors, le voyez-vous?

Je vais vous aider.

Partons de la ligne centrale, pointillée. Que voyez-vous à droite?

Une ligne blanche continue. Exactement!

Et à gauche? Une ligne jaune continue. Exactement!

Ce sont les lignes qui indiquent les limites de la route.

Ce sont aussi les lignes dont se servent les ordinateurs de bords des automobiles modernes pour apporter divers niveaux d’assistance à la conduite — jusqu’au pilotage automatique.

Mais ce n’est pas ça!

Un peu à droite de la ligne blanche? Et à gauche de la ligne jaune?

Voilà!

À gauche de la route, les fleurs sont jaunes!

Et à droite, elles sont blanches!

Un hasard, vous croyez?

Et si c’était pour faciliter le travail des ordinateurs de bord?

Et s’il y avait des graines de plantes dans la peinture, et que les gouttelettes qui s’échappent lors du lignage ensemençaient les fossés de fleurs diverses, selon les couleurs de peinture?

Et si c’était pour permettre aux voitures d’utiliser également les odeurs pour suivre plus efficacement la route?

Je sais, je sais… ça ne fonctionnerait pas toutes les saisons.

Je sais, parfois ce ne sont que des quenouilles, des deux côtés.

Je sais.

Mais ça m’amuse de laisser vagabonder mon esprit quand je conduis.

Le début de l’été

On se disait il y a quelques jours, avec Ana, que depuis que les enfants sont grands, qu’ils ont quitté l’école secondaire, l’arrivée dans l’été est vraiment très différent. La fin des classes manque au rituel qui nous a animés pendant une quinzaine d’années.

Maintenant, c’est la Fête nationale qui lance notre période estivale. C’est à ce moment qu’on entreprend de casser progressivement le rythme pour faire de l’espace pour la paresse, les déambulations et la contemplation.

C’est maintenant!

C’est probablement la raison qui m’a amené, un peu plus tôt, à m’interroger sur la forme que pourrait prendre un nouveau projet d’écriture estival… Et je pense avoir trouvé!

Je vais partir chaque fois d’une photo, probablement prise spontanément — sans soins particuliers — mais dans laquelle se trouve quelque chose qui a attiré mon attention. Cette chose se révèlera, plus ou moins clairement, à la lecture du texte qui accompagnera l’image. Mais attention! Les textes pourront être de nature très variés. Je ne m’imposerai aucune contrainte — quitte à ce que ce soit parfois dépaysant. L’avertissement est peut-être inutile… je n’en sais rien… le projet va s’inventer, prendre forme, au fur et à mesure que les jours passeront.

À quelle fréquence je publierai ces textes? Aucune idée! Ce sera selon l’inspiration.

Seule certitude: ce sera pour moi l’occasion d’aiguiser mon regard, de partager quelques réflexions et… peut-être… un peu de folie!

***

C’est en prenant la photo qui coiffe ce texte que l’idée de la série m’est venue à l’esprit.

C’est d’abord la pivoine, rose, qui a attiré mon attention. Elle semble se camoufler parmi les roses. Clic!

C’est ce qui a provoqué la photo. Mais ce n’est pas ce qui est à la source de ce texte.

C’est en voulant m’approcher pour essayer de comprendre l’enchevêtrement des tiges et des feuilles que je l’ai vue.

D’abord invisible, mais pourtant très active sous mes yeux. Elle ne faisait rien pour se cacher. Elle savait que j’avais toutes les chances de ne pas la voir — comme presque tout le monde qui passait par là. Elle faisait comme si je n’étais pas là. Et moi aussi. Cette coccinelle a-t-elle même eu connaissance que j’étais là?

Bien des choses nous échappent — simplement parce qu’on n’y porte pas attention. C’est vrai de la nature. De la société aussi.