S’aérer l’esprit

Du temps pour lire… et pour lire varié! Ça a pas mal été ça le programme des derniers jours.

Parmi ces lectures:

Football Fantaisie, de Zviane — Ça passe du farfelu à la critique sociale avec une incroyable agilité: brillant!

Chez les deux pieds sans plumes, de Pierre Morency — Récit? Poésie? Qu’importe! C’est une magnifique galerie de personnages, avec des illustrations de l’auteur (qui m’ont parfois rappelé les gravures de Roland Giguère). Il y a ceux qui disent «les gens», souvent avec mépris, sur les réseaux sociaux, et il y a Pierre Morency. Un grand bonheur! Un livre à relire, pour philosopher un peu; idéalement accompagné d’un lapsang souchong et une tranche de budín inglés.

J’en appelle à la poésie, de David Goudreault — dans la nouvelle collection Les grandes voix, des Éditions des 400 coups. «J’en appelle à la poésie du territoire à choisir et inventer de Miron à celui occupé des dernières Premières Nations (…) J’en appelle à la poésie… pour chuchoter du Roland Giguère à l’oreille de la misère».

Et finalement,

Inconnu à cette adresse, de Kathrine Kressmann Taylor — une nouvelle épistolaire qui se déroule au début de la seconde guerre mondiale, mais dont la lecture peut aussi nourrir une réflexion plus générale sur les processus par lesquels certaines personnes sont amenés, encore aujourd’hui, à adhérer à des courants politiques extrémistes.

Actuellement en cours de lecture:

Too Dumb for Democracy?, de David Moscrop — une suggestion de Bianca Wiley, sur Twitter, plus tôt ce matin. «When a group of people must decide on something, process may be the only thing that you can all agree on. And, that is a start — an imperfect start that may lead to other issues down the road, but a start nonetheless.»

Jours 17 et 18

Hier soir et ce matin j’ai lu L’Espèce fabulatrice, de Nancy Huston. 

Je me demande pourquoi je ne l’avais pas lu avant — tellement c’est une lecture essentielle!

Le livre explore le rôle fondamental du récit — et de la fiction — pour l’être humain. L’autrice explique comment notre identité est, en elle-même, un récit. Elle est le résultat de ce qu’on choisit de retenir de notre vie, de ce à quoi on a donné un sens.

C’est un livre sur l’importance du roman et de la lecture dans le développement de notre civilisation. L’importance de développer le plaisir de la lecture chez les enfants aussi, forcément.

Nancy Huston survole les raisons qui nous amènent à s’associer à des récits plus qu’à d’autres (histoire, religions, politiques, etc.), et comment les récits auxquels nous sommes confrontés influencent nos identités individuelle et collective.

C’est un livre très agréable à lire et qui jette un éclairage fascinant sur notre époque — et en particulier sur ces derniers mois/années, qui peuvent apparaître de plus en plus surréalistes. Il me semble plus pertinent encore qu’à sa publication, en 2008.

J’ai trouvé que l’Espèce fabulatrice amenait un éclairage fascinant sur:

  • Sur ce qui a pu aider Trump à accéder au pouvoir;
  • Sur la nature les mouvement conspirationnistes — aux États-Unis, mais au Québec aussi;
  • Et même sur les étranges convictions des flat earthers — par exemple.

C’est un livre qui aide à comprendre aussi pourquoi le discours scientifique, à lui seul, ne suffira pas pour susciter une mobilisation suffisante pour faire face aux changements climatiques — et pourquoi on aura absolument besoin des romanciers, et d’autres spécialistes du récit, pour y arriver.

C’est un livre profondément humaniste, que j’ai trouvé plein d’espoir.

Un livre important. Un livre qui fait du bien.

***

Évidents échos entre l’Espèce fabulatrice et les propos d’Andrian Rivierre auxquels je faisais échos il y a quelques jours

Aussi au Petit manuel de résistance contemporaire de Cyril Dion, lu il y a deux ans. La page Wikipédia consacrée à l’Espèce fabulatrice m’apprend d’ailleurs que le livre aurait fortement influencé la scénarisation du film Demain, qui m’a beaucoup marqué en 2015.

Ça m’a aussi ramené aux échanges auxquels avait donné lieu ma participation à une rencontre de Ciné-Psy, en rapport avec le film Qu’est-ce qu’on attend?, en 2018…

…et, plus largement au mouvement des villes en transition, initié par Rob Hopkins, qui a récemment publié l’excellent From What is to What if (en français: Et si…on libérait notre imagination pour créer le futur…).

Très inspirant tout ça! 

Jours 12 et 13

6h30 — Deluxe, Fleetwood Mac

Il fait noir longtemps à cette période de l’année! Le soleil n’en finit plus de se lever…

Hier après-midi j’ai fait un grand ménage du cabanon pour faire de la place à tout ce qu’il faut ranger pour l’hiver. J’ai fait ça en écoutant un très intéressant dialogue entre Édouard Hermet et Adrian Rivierre sur le thème construire des récits positifs.

« Adrien est un expert de la mise en récit, de la prise de parole en public et auteur. Avec Adrien, nous avons exploré de nombreuses thématiques liées à nos imaginaires collectifs et la mise en récit de futurs souhaitables pour nos sociétés. »

Et en fin de journée j’ai (finalement) commencé la lecture de Le Pire n’est pas certain, de Catherine et Raphaël Larrère (dont j’avais découvert le livre dans un texte de l’Obs auquel j’ai fait référence il y a un mois). Extraits: 

« Cette fois encore, nous ne voulons pas nous laisser épingler d’un côté de l’opposition entre les optimistes béats (on s’en tirera toujours avec une solution technique) et les pessimistes farouches (l’effondrement est pour 2030, peut-être même avant). Aux premiers, nous objectons qu’il y aura bien des catastrophes, aux seconds que le pire n’est pas certain et que les possibles restent ouverts. »

« Une des principales raisons du succès de la collapsologie est son innocuité politique. Si l’on veut s’opposer à la gestion capitaliste des dégradations écologiques, il n’y a rien à attendre de la collapsologie. Il faut s’interroger pour savoir si d’autres mondes sont possibles et à quelles conditions ils peuvent advenir. C’est pourquoi il importe que l’écologie et l’ensemble des luttes sociales et des expériences qui portent sur la défense et l’amélioration des milieux de vie ne se laissent pas absorber dans un courant qui, finalement, dessert leurs objectifs. »

***

La collapsologie est un courant de pensée qui prétend qu’il est trop tard pour renverser les changements climatiques, qu’on ne peut dorénavant plus échapper à la catastrophe — à l’effondrement de la société — et qu’il ne reste plus qu’à s’y préparer. C’est noir, très noir… et ça ne met pas du tout dans une disposition d’esprit pour rassembler. Ça souffle pas mal sur le chacun pour soi.

Je trouve intéressant que Catherine et Raphaël Larrère soulignent que le succès d’un mouvement peut parfois être lié à son innocuité politique, qu’ils rassemblent parce qu’ils sont en fait des refuges pour se donner l’impression d’agir sans avoir à remettre en question les fondements, les causes des problèmes.

Je me dis que c’est peut-être un peu aussi ça qui explique le succès de plusieurs mouvements complotistes…

Si tel est le cas, il sera sans doute plus efficace de créer des mouvements plus attrayants, plus engageant, plus stimulants (j’ose même un plus l’fun) que les complotistes au lieu de se contenter de les dénoncer.

Il faut trouver dans les prochains mois des moyens que ça devienne plus l’fun de changer réellement le système que de se contenter de s’en indigner.

L’essentiel optimisme

Deux mois que je n’ai pas écrit ici — le temps file! J’ai parfois l’impression que le déroulement du temps s’est transformé cette année: certaines choses vont beaucoup plus lentement, d’autres beaucoup plus vite. Le repères s’effacent… pour le meilleur et pour le pire.

Je me répète souvent qu’il faut prendre ça un jour à la fois, parce qu’il le faut… pour passer à travers — mais je tente de trouver des façons d’apprécier aussi le fait que le moment qui s’impose à nous est aussi une extraordinaire opportunité.

Beaucoup de choses qui nous semblaient immuables sont subitement remises en question. Les dogmes apparaissent sous leur vrai jour. Des idées qui semblaient farfelues il y a quelques mois suscitent l’intérêt et deviennent prometteuses. C’est stimulant.

Il faut donc se rappeler tous les jours que derrière les défis et les épreuves de la vie quotidienne en 2020 il y a heureusement aussi une grande ouverture des possibles pour (re)définir l’avenir que nous souhaitons.

J’ai entendu des gens s’apitoyer sur le sort des jeunes: « pas facile d’arriver dans le monde en 2020 ». Je pense le contraire! 

Celles et ceux qui ont autour de vingt ans aujourd’hui ont la chance de vivre le moment de la vie où les idéaux, les projets et les ambitions sont les plus grands, en plein dans un temps où la société sera plus maléable qu’elle ne l’a été depuis des décennies. Il faut qu’ils en soit conscients — et qu’ils en profitent! Ils vont vraisemblablement avoir la chance de transformer la société en fonction de leurs aspirations! De notre côté il faudra les écouter, nous laisser inspirer et les accompagner. 

Au cours des derniers mois j’ai lu From What is to What if, de Rob Hopkins — une invitation à se projeter dans un futur souhaité et à le décrire pour le rendre plus tangible, plus travaillable, plus engageant.

J’ai lu Humankind, de Rutger Bregman, qui nous fait voir que l’humain n’est pas si vilain qu’on le dit généralement — ou que les médias nous le font souvent croire. Au contraire, l’être humain est très généralement bienveillant et que c’est sur cela qu’on doit miser pour imaginer la suite du monde. 

J’ai aussi lu plusieurs textes de Roman Krznaric, comme celui-ci, qui nous amène à voir le futur autrement et à s’interroger sur le genre d’ancêtres que nous serons pour les prochains humains. Ou celui-là, qui nous invite à nous éloigner de toutes les formes de cynisme.

Je me suis aussi émerveillé de plusieurs courts textes dans différents médias — comme celui qui décrivait, dans Le Devoir, le travail de l’Institut Philosophie Citoyenneté Jeunesse: Nourrir l’espoir, ça s’apprend.

***

Depuis plusieurs semaines, j’ai choisi de lire surtout de textes qui tentent de recréer des conditions favorables pour l’optimisme. Pas un optimisme béat, un optimisme qui reconnaît les défis qui se présentent à nous, mais qui sait que le pire n’est pas certain — comme le rappellent Catherine et Raphaël Larrère. Une conscience qui tente par tous les moyens d’explorer cet espace incertain avec confiance, et avec le sourire.

Je garde précieusement aussi les textes qui aident à redéfinir la manière dont on aborde nos plus grands défis — qui sont bien plus interreliés qu’on pourraient spontanément le croire. Les changements climatiques, qui sont en fait le reflet à l’échelle planétaire des injustices et des inégalités sociales, comme le rappelle Eric Holthaus. Saisir cette complexité ne devrait pas nous accabler — au contraire, elle nous permet de voir des moyens insoupçonnés d’agir sur des problèmes qu’on a trop longtemps vus s’additionnant les uns aux autres.

Pour relever les défis qu’on devra relever dans les prochaines années il va falloir de l’audace, de la cohésion, de l’engagement et de la mobilisation. C’est un mouvement collectif qui doit se mettre en marche. Et pour cela, il faut de l’optimisme. 

Les humains se serrent les coudes et travaillent ensemble lorsqu’ils croient dans un monde meilleur. C’est à nous de tracer aujourd’hui les contours de ce monde et de montrer qu’il est possible.

Écoute planifiée dans les prochains jours: un entretien de France Culture sur le thème Peut-on retrouver de la légereté?, avec le philosophe Vincent Delecroix, Blandine Rinkel, écrivaine et artiste et Hubert Reeves, qui n’a plus besoin de présentation. Une suggestion de Sébastien Provencher — merci!

Un beau désastre

J’aime les coïncidences — surtout les plus imprévisibles. 

J’ai terminé en début d’après-midi dimanche la lecture du plus récent roman de Christine Eddie — Un beau désastre. Le résumé du livre sur le site de l’éditeur présente très bien le récit. C’est un habile roman d’apprentissage avec des personnages pas banals du tout (j’aurais aimé en savoir un peu plus, trop de choses restent en suspend à la fin — il me semble que les personnages ont encore beaucoup à offrir… une suite?). C’est plein d’espoir aussi, ce qui est parfait pour cet étrange été 2020:

« Il parcourait les rues du quartier en s’étonnant de découvrir qu’il était possible, et relativement facile après tout, de changer le monde.»

À un moment du récit, Isa propose à M.-J d’aller vivre au Bouthan:

— Pourquoi? On connaît quelqu’un au Bhoutan?

— Pas encore, mais ça viendra. Regarde!

Elle prit son téléphone, joua des pouces comme une pro et lui tendit l’écran. Il le saisit et lut: Bouthan, le royaume du bonheur. Grand comme la Suisse. Sept cent cinquante mille habitants. Seul pays au monde à avoir remplacé le produit national brut par le bonheur national brut – il relut trois fois cette phrase. Santé et scolarité gratuites. Une gouvernance axée sur le bien-être des citoyens. Protection de la culture et de l’environnement.

Une économie fondée sur des valeurs spirituelles plutôt que sur l’argent…

M.-J. posa le téléphone, médusé.

– Tu es sûre que ça existe vraiment? On dirait que ça se peut pas. »

Une fois la lecture du roman terminé, je suis allé me faire un café, que j’ai bu en feuilletant Le Soleil de samedi. Et là, surprise! Section Voyage, page M39:

Bouthan — au Royaume du bonheur

« Le Bhoutan s’est aussi fait remarquer au cours des dernières années par l’instauration de l’indice du Bonheur National Brut. Selon la volonté du roi, cet indice doit primer sur le produit intérieur brut, communément appelé le PIB. Cette démarche innovante et audacieuse sert au calcul du bien-être des Bhoutanais en priorisant le développement économique et social équitable, la sauvegarde de l’environnement et la promotion du développement durable, la préservation et la promotion des valeurs culturelles et, finalement, une gouvernance responsable. »

Il va vraiment falloir que je visite ce pays dans les prochaines semaines… virtuellement, bien sûr! Du moins pour commencer!

Les crépuscules…

J’ai terminé hier la lecture de Les crépuscules de la Yellowstone.

Ce n’est pas une fresque historique. Ce n’est pas une biographie. Ce n’est pas un essai politique, ni un roman écologique, pas plus qu’un récit contemplatif. C’est un peu tout ça à la fois. C’est du grand Louis Hamelin.

« Si le Mountain Man revenait aujourd’hui dans son patelin natal de Chambly, à trente kilomètres de Montréal, il pourrait sans doute tendre des pièges dans les fossés d’irrigation de cette plaine fertile où les derniers vestiges de forêt digne de ce nom ont depuis longtemps été rasés et transformés en une mosaïque de champs de maïs, de quartiers résidentiels et de centres commerciaux. En 2019, le castor est partout, profitant du moindre filet d’eau pour ravager trembles et bouleaux. On observe ses chantiers jusque dans les parcs urbains. Depuis que sa peau ne vaut plus rien, il s’est lancé à la reconquête du continent.

On ne saurait en dire autant des descendants des trappeurs canadiens qui l’ont poursuivi comme une vision jusqu’au coeur des montagnes Rocheuses. »

C’est un peu plus lent et un peu plus pessimiste que le livre précédent de Louis Hamelin, Autour d’Eva (mon commentaire), mais c’est une lecture d’été tout aussi agréable. C’est un roman d’aventure qui se lit lentement, en écoutant les oiseaux. C’est une histoire qui se digère peu à peu. 

Le hasard a fait que j’ai lu le livre en parallèle avec l’écoute du balado Laissez-nous raconter l’histoire crochie. Dans le premier épisode, Marie-Andrée Gill nous invite à repenser l’utilisation du mot « découverte » lorsqu’on parle de l’exploration du territoire nord-américain. Drôle d’écho.

C’est un balado important — qui se digère lentement, lui aussi.

***

Ce texte est le sixième de mon défi #100daystooffload

Lire, l’été

Il n’y a rien comme lire bien installé à l’ombre pendant que le soleil prend soin de la cour et que les chats se prélassent pas trop loin.

Les derniers jours ont été très japonais, coïncidence de suggestions d’une amie et de l’arrivée d’un livre commandé à la librairie il y a plusieurs semaines:

Un amour inhumain — j’ai adoré, je n’en ai pas terminé avec cet auteur!

La Cantine de minuit, tome 1 — wow! la suite est déjà réservée à la bibliothèque.

Chiisakobé, tome 1 — je vais poursuivre avec un autre tome… pour voir.

Beaucoup de rattrapage dans les magazines aussi, entre autres avec le New Yorker, dont je retiens particulièrement ce très étrange portrait d’Emmanuel Macron. Quelques bons articles sur la course à l’investiture démocrate aussi. Il se passe des choses très inspirantes de ce côté-là.

Lecture actuellement en cours: L’ombre de l’Olivier, de Yara El-Ghadban — dont une récente entrevue à Dessine-moi un dimanche m’avait littéralement fasciné (partie 1, partie 2). Comment est-ce possible de ne pas connaître une telle auteure qui vit à Montréal?

Heureusement, l’été ne fait que commencer.

Le plus beau voyage

«Comme voyageuse, je veux garder confiance.»

À la lecture du Devoir hier matin, je me suis dit que je devais lire sans tarder le plus récent livre de Josée Boileau: J’ai refait le plus beau voyage. Je l’ai acheté dans l’après-midi et j’en ai aussitôt commencé la lecture — que je viens de terminer.

La description que Dominic Tardif en a faite était assez juste: «un portrait affectueux mais pas jovialiste du Québec contemporain».

Josée Boileau dit avoir commencé à rédiger le livre à un moment où «collectivement, je n’avais pas le moral». Je trouve que c’est une très belle expression, dans laquelle je me suis d’ailleurs aisément reconnu. Ça ressemble beaucoup à l’état d’esprit qui m’a amené à rédiger il y a quelques mois mon histoire personnelle du Québec de 1989 à 2019.

«J’ai eu très envie de me brasser la morosité.»

En une douzaine de courts chapitres, Josée Boileau nous amène explorer, très simplement, ce qui pourrait révéler certains des traits de caractère les plus fondamentaux de la nation québécoise.

J’ai terminé la lecture de J’ai refait le plus beau voyage dans une curieuse sérénité. Je dis curieuse parce que c’est un sentiment qu’il n’est pas commun de ressentir au contact de l’actualité, où on porte plus volontiers attention sur les sources de tensions et sur ce qui va mal.

Je me suis demandé en tournant la dernière page si la lecture me laissait sur ma faim, ou si c’était autre chose qui me laissait ainsi sur une impression d’être comme en suspens.

Est-ce que ça va si bien au Québec? Qu’est-ce qui va bien? Est-ce que ce qui va mal exige qu’on y porte autant d’attention? Est-ce que l’auteur est complaisante par rapport à la situation? Et moi, le suis-je? Ou, au contraire, est-ce que je laisse trop mon regard être guidé par les polémiques médiatiques? Au risque de perdre de vue l’essentiel?

Qu’est-ce qui distingue le Québec aujourd’hui? Qu’est-ce qui nous rassemble? Est-ce que ça reste plus fort que ce qui nous sépare? Je le crois — et plus fermement qu’avant d’entreprendre la lecture. J’en remercie l’autrice.

Et à quoi tient donc la «cohabitation tranquille» à laquelle nous tenons tant, et que les visiteurs apprécient spontanément? Si je devais résumer en quelques mots, au terme de ma lecture, je dirais: convivialité, saisonnalité, solidarité et résistance. À méditer.

J’ai refait le plus beau voyage n’est pas un livre qui dit quoi penser; c’est un livre qui nous invite à nous interroger sur le regard qu’on porte quotidiennement sur la société québécoise. C’est une perspective qui surprend — ce qui démontre bien à quel point c’est devenu important.

«Si les gens s’attendent à des prises de position extrêmement fermes, ce n’est pas le bon livre pour eux.»

L’Entre-deux-mondes

« Écrire son journal, c’est avant tout écrire sur son époque. »

J’ai lu avec un beaucoup de plaisir cette semaine L’Entre deux mondes — Journal des années 2016-2018, de Dominique Lebel.

Dès les premières pages, j’ai apprécié l’écriture: très personnelle, concise, engagée. Il faut dire que pratiquant moi-même le journal personnel depuis plusieurs années, j’ai pu aisément m’associer à la démarche de l’auteur… et apprécier le défi que cela représente de tenir journal avec autant d’aisance (ça m’a d’ailleurs fait aussi réfléchir sur ma propre écriture).

« Lorsqu’on écrit, tout semble en lien avec tout. »

Il faut dire que les années qui sont racontées dans ce livre ne sont pas banales: élection de Trump aux États-Unis, apparition de Macron en France, référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, démission de Pierre-Karl Péladeau, élection de Valérie Plante, élection de Jean-François Lisée comme chef du Parti Québécois, triomphe de la CAQ, effondrement du PQ… entre autres choses.

Passant élégamment de l’observation sociale et politique à l’introspection, le texte trace à la fois un portrait de notre époque, de son auteur et du rôle ambitieux qu’il s’y voit jouer.

« Il est l’homme qui sait parler à la fois à l’oreille des politiques et à celle des gens d’affaires. Une espèce en voie de disparition. » (Au sujet de Vernon Jordan, ancien conseiller de Bill Clinton)

Le style est naturel. Décomplexé. Pas de fausse humilité ici. J’aime.

J’ai craint un moment que la description de l’univers social très privilégié dans lequel évolue Dominique Lebel et son choix de citer abondamment les grands auteurs puissent nuire à son propos en empêchant plusieurs lecteurs de s’y reconnaître ou de s’y associer, mais ce n’est pas le cas. Je pense que le pari est réussi: la qualité littéraire du livre porte avec succès le récit qui nous est proposé. À mesure qu’on avance dans la lecture, l’auteur devient naturellement le personnage d’un récit qui nous est familier.

Il y a deux ans j’avais lu Dans l’intimité du pouvoir, du même auteur.

L’entre-deux-mondes m’a semblé bien supérieur, tant sur la forme que sur le fond. J’en recommande la lecture sans hésitation.

« Les « entre-deux-rendez-vous » sont très présents dans ma vie. Cette vieille peur d’être en retard, de ne pas être au bon endroit. Le monde entier semble en ce moment « entre deux ». »

Image: modification d’un extrait de la couverture du livre.

Petit manuel de résistance contemporaine

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J’ai lu hier, d’une traite, le Petit manuel de résistance contemporaine de Cyril Dion (aussi co-réalisateur du film Demain). 

J’en retiens quelques éléments: 

Devant l’ampleur des défis auxquels nous faisons face, le changement personnel est nécessaire, mais pas suffisant.

Le défi est donc de convaincre une majorité de personnes de prendre part à des changements collectifs.

La politique, telle qu’elle se pratique aujourd’hui, n’arrive plus à susciter cette mobilisation.

Il est nécessaire de trouver de nouvelles façons de se projeter dans l’avenir, donner forme à de nouveaux récits communs, auxquels les gens vont pouvoir s’associer et qui vont permettre d’inscrire les actions individuelles dans un mouvement.

D’où le titre, brillant, de la section 3: Changer d’histoire pour changer l’histoire et le rappel que le changement de la dynamique politique est d’abord et avant tout une bataille culturelle:

«Nous avons besoin de rêver, d’imaginer quelques maisons nous pourrons habiter, dans quelles villes nous pourrions évolue (…) de quelle façon nous pourrions vivre ensemble (…) Petit à petit [des] récits d’un genre nouveau pourraient mâtiner nos représentations, contaminer positivement les esprits et, s’ils sont largement partagés, se traduire structurellement dans des entreprises, des lois, des paysages… (…) Ces récits peuvent évidemment être portés par des artistes (…) mais les récits ne se bornent pas aux artistes. Chaque entrepreneur qui invente une nouvelle façon de conduire son activité, chaque ingénieur qui (…), chaque économiste qui (…), chaque élu qui (…), chaque personne qui (…) raconte à sa manière une histoire qui peut inspirer son entourage, si tant est qu’elle ne cherche ni à convaincre ni à évangéliser.»

Je vois dans la fin de cet extrait un rappel, pertinent et nécessaire, que le dogmatisme et le prosélytisme nuisent au changement plus qu’il ne l’aide.  

«Choisir est épanouissant. Inventer est fichtrement excitant. Sortir du conformisme renforce l’estime de soi. Être bien dans ses baskets est contagieux. Résister, en ce début de XXIe siècle commence donc, selon moi, par refuser la colonisation des esprit, la standardisation de l’imaginaire.»

La conclusion du livre m’a par ailleurs ramené à l’esprit une conviction que j’avais un peu mise de côté depuis quelques années — et qui me revient en force aujourd’hui: c’est au niveau des villes que les changements sont le plus susceptibles de naître. Mais comment?

«Nous savons qu’agir individuellement en sera pas suffisant et que nous ne pouvons pas compter sur la bonne volonté des responsables politiques. Ils n’ont que peu de pouvoir sans nous et nous avons un impact limité sans eux. Notre seule issue est de construire des espaces de coopération entre élus, entrepreneurs et citoyens. Pour cela, les récits, les histoires, sont certainement le catalyseur le plus efficace.»

Et le plus important:

«Notre énergie ne peut venir que de notre enthousiasme, de notre aptitude à être la bonne personne au bon endroit, à exprimer nos talents, à faire ce qui nous passionne et nous donne envie de nous lever, chaque matin.»

L’histoire de mes dents

Saviez-vous qu’à Cuba, au milieu du dix-neuvième siècle, il y avait des lecteurs dans les manufactures de tabac? En effet, «afin d’atténuer l’ennui du labeur répétitif, quelqu’un faisait la lecture à voie haute pour les autres travailleurs pendant qu’ils confectionnaient les cigares.»

C’est de cela que s’est inspiré Valeria Luiselli pour écrire L’histoire de mes dents:

«…j’ai décidé d’écrire pour les ouvriers un roman à épisodes, qui pourrait être lu au fur et à mesure à haute voix dans l’usine. (…) Les séances de lectures étaient enregistrées puis m’étaient envoyées à New York. Je les écoutais, notais les commentaires des ouvriers, leurs critiques et tout particulièrement leurs bavardages informels après la lecture et la discussion. J’écrivais ensuite l’épisode suivant, le leur envoyait et ainsi de suite. Ils ne me voyaient jamais, je ne les voyais jamais. Je les entendais et il me lisaient.»

Et c’est ainsi qu’est née l’aussi invraisemblable qu’amusante histoire de Gustavo Sánchez Sánchez, alias Grandroute — le meilleur commissaire-priseur au monde. La description qu’en fait l’éditeur sur son site Web donne une très bonne idée de l’originalité de l’histoire.

Alexandre Jardin aimerait sans aucun doute profondément ce personnage:

«Grandroute était un de ces esprits amples et éternels. Sa présence était parfois menaçante — non parce qu’il représentait une véritable menace pour qui que ce soit, mais parce que, comparés à sa féroce liberté, tous les paramètres que nous utilisons normalement pour mesurer nos actions paraissent triviaux. Grandroute avait plus de vie en lui que l’homme ordinaire.»

Je pense que Fred Pellerin aussi apprécierait aussi beaucoup ce livre.

Si c’était possible, il faudrait organiser un rendez-vous entre Grandroute et Wigrum, un autre extraordinaire personnage, lui aussi collectionneur d’objets et de récits, imaginé par Daniel Canty (j’ai adoré Wigrum, au sujet duquel j’avais écris ce texte il y a quatre ans). Ces deux personnages sont faits pour se rencontrer. Ces deux auteurs aussi, peut-être.

En résumé, j’ai tout aimé de ce livre: l’exentricité, l’humour, l’écriture et la description du processus de création, que j’ai trouvé très inspirant.

Ce livre terminé, je vais pouvoir aller faire mon tour à la Librairie Vaugeois pour participer à la fête annuelle du livre québécois, parce que c’est le 12 août!

AJOUTune heure après la publication:

Comment en pas m’émerveiller de l’invraisemblable coïncidence de découvrir maintenant cette vidéo qui présente une collection étonnante de la Bibliothèque publique de New York?

Destruction de Paul Gouin

J’ai lu au cours des derniers jours Destruction de Paul Gouin, une fiction historique écrite par Claude Corbo et publiée chez Del Busso.

Le récit décrit la situation politique du Québec entre 1933 et 1936. Le Parti libéral est alors au pouvoir depuis près de 40 ans. C’est Taschereau qui est premier ministre. La corruption plane sur les affaires publiques.

Comme aujourd’hui, une bonne partie de la population croit qu’il faut renverser les libéraux. Duplessis vient d’être élu chef des conservateurs. Paul Gouin vient de fonder l’Action libérale nationale. Ils partagent tous les deux le même objectif et vont s’entendre (en pleine campagne électorale) sur une stratégie de collaboration pour espérer remplacer le gouvernement Taschereau.

Ils n’y arriveront pas du premier coup… et nommé chef de l’opposition (même s’il a fait élire moins de députés que l’ALN), Duplessis va littéralement manger Paul Gouin à l’Assemblée nationale et progressivement rallier presque tous les députés derrière son leadership. Il gagnera finalement haut la main à la deuxième occasion (Gouin renonce même à présenter des candidats à cette élection devant la force de Duplessis!).

Gouin est présenté dans ce livre comme un politicien idéaliste, vertueux, qui veut faire de la politique autrement — une politique positive et constructive.

À l’inverse, Duplessis est décrit comme un politicien pragmatique, efficace et prêt à jouer cochon s’il le faut. Et qui arrive à ses fins.

***

C’est une lecture que j’ai trouvé très intéressante. La forme du livre est d’ailleurs très agréable — quatre courts textes de natures variées: journal personnel, notes, monologue, discours.

J’ai évidemment trouvé très difficile de constater (une fois de plus!) à quel point l’histoire se répète et, par conséquent, d’imaginer un peu plus facilement le genre de stratégies qui sont probablement déjà/encore à l’oeuvre en préparation de l’élection du 1er octobre. Je vous laisse lire le livre pour les découvrir.

J’ai trouvé peut-être encore plus dur de voir aussi clairement la manière idéaliste de faire de la politique se faire écraser par une forme de politique beaucoup plus crasse. Mais bon, c’est ça qui est ça…

Heureusement, j’ai trouvé aussi dans cette lecture une source d’espoir en constatant que plusieurs des idées que Paul Gouin a pu brasser pendant cette période ont quand même fini par prendre forme dans le Québec d’aujourd’hui.

Comme quoi, tout n’est jamais vraiment perdu.

De l’avantage d’être né (à un moment précis)

Il y a dix ans, j’ai été marqué par la lecture de Outliers — de Story of Success, de Malcom Gladwell.

Gladwell explique dans ce livre que les raisons habituellement données pour expliquer le succès exceptionnel de certaines personnes sont trompeuses. Selon lui, les avantages qu’un contexte très particulier a pu procurer à ces personnes expliquent souvent beaucoup mieux leur succès que des talents innés.

« In Outliers, I want to convince you that these kind of personal explanations of success don’t work. People don’t rise from nothing. (…) in fact they are invariably the beneficiaries of hidden advantages and extraordinary opportunities and culturels legacies that allow them to work hard and make sens of the world in ways others cannot.»

L’auteur donne notamment l’exemple du hockey, dont les meilleurs joueurs sont, dans une proportion anormale, nés dans les deux ou trois mêmes mois de l’année. Évidemment parce que le processus de sélection avantagent indûment les enfants nés à cette période de l’année… un avantage qui se répète tous les ans pendant toute leur formation. C’est un peu la même chose avec l’école, d’ailleurs, ajoute-t-il.

De la même façon, plusieurs des créateurs des plus grandes entreprises informatiques actuelles sont nés autour de 1955: Bill Gates et Paul Allen, pour Microsoft, le regretté Steve Jobs, pour Apple, et Eric Schmidt, pour Novell et Google, par exemple.

Pourquoi sont-ils milliardaires aujourd’hui? Parce qu’ils ont eu la chance d’être ados quand l’ordinateur est devenu accessible et que leurs conditions familiales leur ont permis d’y avoir accès rapidement. Ils étaient juste assez âgés pour pouvoir y passer des dizaines d’heures chaque semaine, et pas assez pour avoir déjà des obligations, familiales ou professionnelles, contraignantes. Ils ont évidemment quand même le mérite d’avoir su profiter de cet avantage, mais sans celui-ci, malgré leurs talents, il en aurait sans doute été autrement.

Cela n’empêche donc absolument pas de s’émerveiller du parcours et des réalisations de ces personnes, cela nous invite seulement à les apprécier différemment. Avec une perspective un peu plus sociologique.

Je me souviens qu’il y a dix ans, la lecture d’Outliers m’avais plongé dans une intense réflexion sur les conditions dans lesquelles j’ai grandies — et sur les conditions dans lesquelles je vivais / je vis.

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Ce sont ces réflexions qui me sont revenus à l’esprit au cours des derniers jours en lisant De l’avantage d’être né, de Jacques Godbout. Le Devoir en faisait d’ailleurs une bonne description samedi.

L’auteur trace dans ce livre le récit anecdotique de sa vie («un inventaire systématique de ma vie publique»), au cours duquel on voit littéralement le Québec se transformer d’une année à l’autre (généralement pour le mieux).

La première chose qui m’a frappé au cours de la lecture, c’est la très grande proximité des acteurs de cette transformation. Dans cette version de l’histoire, tout semble possible au Québec. Il s’agit s’asseoir les bonnes personnes autour de la table, d’ouvrir une bouteille de vin, de proposer une idée… et d’oser la réaliser.

L’ouverture (mieux: l’accueil) que fait l’Europe aux Québécois est aussi étonnante. La possibilité, nouvelle, pour ces quelques inventeur du Québec d’aller y chercher fréquemment inspiration, réseaux de contacts et d’influence et essentielle au parcours de l’auteur.

J’avais ressentis un peu même chose lors d’un déjeuner avec Claude Morin et Pascal Assathiany il y a quelques années: le Québec moderne s’est bâti dans un cadre beaucoup plus souple/simple qu’il ne l’est aujourd’hui — où les relations amicales et les complicités intellectuelles étaient probablement bien plus déterminantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Pour le meilleur et pour le pire.

La conclusion de son livre démontre avec éloquence que Jacques Godbout est très conscient de la chance que le lieu et le moment de sa naissance lui a offert pour exprimer ses talents.

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J’ai beaucoup apprécié la lecture de De l’avantage d’être né — même si je suis un peu resté sur ma faim au moment de tourner la dernière page.

J’aurais aimé que Jacques Godbout ajoute un chapitre pour élaborer un peu sur l’interprétation qu’il fait du contexte actuel en comparaison de celui dont il a eu la chance de profiter.

Concrètement, le dernier chapitre du livre s’intitule de l’avantage des octogénaires. J’aurais aimé en avoir un autre pour lire ses réflexions au sujet de l’avantage des quadragénaires (à tout hasard!) en 2018.

Peut-être faudra-il que l’écrive moi-même ce chapitre finalement.

La face cachée de la photo

J’observe (et j’admire) le travail de Francis Vachon depuis de nombreuses années. Son travail de photographe, son travail de chroniqueur/blogueur et aussi son travail de pédagogue.

Francis vient de publier La face cachée de la photo — prendre et diffuser des images en toute légalité, chez Septembre Éditeur. À une époque où on publie tous des photos de tous bords tous côtés, c’est une lecture pertinente pour pas mal tout le monde.

Le livre est pratique, facile et agréable à lire, plein d’exemples concrets, récents et bien choisis. Il est, en plus, rédigé avec une pointe d’humour que j’ai beaucoup appréciée. Je l’ai lu d’un couvert à l’autre, mais il pourrait aussi s’utiliser comme un ouvrage de référence — sur le droit d’auteur de façon appliquée, en particulier.

Exemples tirés de la table des matières:

  • Est-ce que j’ai le droit de prendre une photo ici?
  • Que puis-je prendre en photo dans un lieu public?
  • Que puis-je prendre en photo dans un lieu privé?
  • Qu’est-ce que le droit à l’image?
  • Facebook et les autres réseaux sociaux: le droit à l’image à l’ère numérique
  • Qu’est-ce que le droit d’auteur?
  • Les exceptions au droit d’auteur
  • Violer des droits d’auteur, est-ce vraiment grave?
  • S’inspirer des photos, plagiat ou contrefaçon?
  • Les dix pires excuses pour utiliser des images illégalement
  • À qui appartiennent les droit d’auteurs sur les photos postées sur les médias sociaux?
  • Que faire en cas d’utilisation non autorisée de l’une de vos photos?
  • Des photos qui ne coutent rien, ça existe
  • Une photo de banque d’images, c’est bien, mais pas toujours

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J’ai écrit un autre texte ce matin dans lequel j’ai souligné le parcours inspirant de Samuele et Colombe St-Pierre. Celui de Francis l’est tout autant.

Extrait de son introduction:

«Rien ne me destinait à être photographe. Je le suis devenu à 31 ans alors que je gagnais bien ma vie en informatique.

Rien ne me destinait à développer une connaissance particulière du droit à l’image ou du droit d’auteur. C’est arrivé par la force des choses.

Rien me me destinait à devenir auteur. Demandez à tous les enseignants de français de toutes les écoles que j’ai fréquentées.

J’ai toujours été un piètre étudiant en ce qui a trait à la syntaxe et à l’orthographe, mais j’ai toujours aimé écrire. Ainsi, lorsque j’ai décidé de changer de vie en quittant mon emploi de programmeur pour retourner à l’école en photojournalisme, j’ai naturellement voulu documenter le processus sur un blogue. (…) Ce livre c’est un peu de tout ça (…) c’est tout cela résumé en trente quelques mille mots.»

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Et finalement… il serait inutile de cacher l’immense plaisir que j’ai eu en découvrant dans les remerciements, cette phrase de l’auteur:

Merci à Clément Laberge, sans qui je ne serais pas photographe et sans qui ce livre n’aurait pu exister.

J’ai reçu ces remerciements ça comme un précieux rappel d’à quel point il est important d’être généreux d’encouragements et de faire tout ce qu’on peut pour montrer de la confiance dans les gens qui nous entourent. On ne mesure jamais vraiment sur le coup l’importance que de bons mots peuvent avoir pour quelqu’un.

Alors tiens! Pour souligner ça, je vous invite à acheter un exemplaire du livre, à écrire quelques bons mots dedans et à l’offrir en cadeau à une personne dont vous appréciez le regard — et les photos qu’elle partage sur les réseaux sociaux!

Allez savoir quel effet ce geste pourra avoir sur la suite des choses!

Ce que j’ai pensé du livre de Sébastien Proulx

J’ai lu dans les derniers jours Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire. Le livre a suscité quelques réactions positives, mais également de nombreuses critiques assez dures.

J’ai pour ma part apprécié la candeur (un certain abandon des précautions politiques habituelles) avec laquelle le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur s’adresse au lecteur. Je trouve que c’est un choix cohérent avec une phrase importante, qui ne vient que très tard dans le livre: «J’affectionne la philosophie et les gens qui réfléchissent à voix haute».

C’est tout à l’honneur du ministre d’avoir osé réfléchir à son tour à voix haute — en sachant forcément très bien qu’il allait être critiqué pour les incohérences entre le caractère vertueux de son propos et certaines des actions du gouvernement dont il fait partie. Il a osé. Trop peu d’élus le font (et encore moins lorsqu’ils sont ministres). Je pense qu’il faut souligner cela.

Il se trouve des pistes prometteuses dans les propos de Sébastien Proulx, en particulier:

  1. sur l’importance de développer le goût de la lecture au plus jeune âge, de maintenir cet intérêt tout au long de la vie (notamment en valorisant beaucoup plus les auteurs et les autrices)
  2. et sur l’importance de laisser beaucoup plus de latitude aux milieux dans la conduite de l’éducation.

«Le Ministère [doit] mieux soutenir les initiatives du terrain (…) Il doit apprendre à mieux connaître les acteurs et à aller à leur rencontre. Et faire confiance.»

«…il faudra inévitablement s’engager dans une démarche de révision du régime pédagogique, notamment pour y revoir les contenus, mais aussi pour revoir sa structure actuelle, qui ne donne aucune flexibilité au milieu.»

J’ai été par ailleurs étonné par l’importance que l’avènement de l’intelligence artificielle semble prendre dans la réflexion du ministre au sujet de la culture générale. C’est un point sur lequel j’aurais apprécié qu’il développe davantage. Dans un autre contexte peut-être (et pourquoi pas semblable à celui-ci, mais avec un perspective plus «éducative»? une idée pour La Sphère?).

Cela dit, les deux principaux reproches que j’ai envie de formuler à l’auteur sont:

  1. de sous-estimer les conséquences des inégalités socio-économiques en éducation — et le rôle de l’école pour tenter de les surmonter (et, à plus fortes raisons, les ressources que cela exige).
  2. de ne pas suffisamment élaborer (ne serait-ce que sous forme de pistes de réflexion) sur ce que les valeurs et les convictions qu’il plaide pourraient signifier dans la réalité concrète du milieu scolaire. Ça manque d’exemples, de mises en application.

C’est également cette déception (une certaine frustration même) que j’ai eu l’impression de retrouver au cœur du texte publié ce matin dans Le Devoir par deux bibliothécaires scolaires.

Je déplore aussi que le livre ne traite pratiquement que de l’éducation «scolaire». On y trouve très peu de choses sur l’éducation tout au long de la vie, et en particulier pendant notre parcours professionnel — même s’il effleure parfois le sujet, comme dans ce passage:

« Nous sommes dans un contexte favorable aux employés mobiles et aptes à se perfectionner et à apprendre rapidement. Hélas, le Québec compte des milliers de personnes qui sont dépendantes de leur emploi actuel et qui sont fragilisées face à la modernité, au numérique et à l’innovation. »

Ça me semble trop peu vu l’importance du sujet — particulièrement dans le contexte des transformations technologiques qu’il évoque (intelligence artificielle, robotisation, etc.), mais aussi des aspirations de la classe moyenne à améliorer son sort, notamment par de meilleurs salaires et des responsabilités plus stimulantes.

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En conclusion, c’est un livre dont je recommande la lecture sans hésitation parce qu’il invite à la réflexion, suscite des réactions et — plus encore — parce qu’il peut stimuler l’engagement en faveur de l’éducation.

Toutes des choses dont la société québécoise a plus que jamais besoin.