Un beau désastre

J’aime les coïncidences — surtout les plus imprévisibles. 

J’ai terminé en début d’après-midi dimanche la lecture du plus récent roman de Christine Eddie — Un beau désastre. Le résumé du livre sur le site de l’éditeur présente très bien le récit. C’est un habile roman d’apprentissage avec des personnages pas banals du tout (j’aurais aimé en savoir un peu plus, trop de choses restent en suspend à la fin — il me semble que les personnages ont encore beaucoup à offrir… une suite?). C’est plein d’espoir aussi, ce qui est parfait pour cet étrange été 2020:

« Il parcourait les rues du quartier en s’étonnant de découvrir qu’il était possible, et relativement facile après tout, de changer le monde.»

À un moment du récit, Isa propose à M.-J d’aller vivre au Bouthan:

— Pourquoi? On connaît quelqu’un au Bhoutan?

— Pas encore, mais ça viendra. Regarde!

Elle prit son téléphone, joua des pouces comme une pro et lui tendit l’écran. Il le saisit et lut: Bouthan, le royaume du bonheur. Grand comme la Suisse. Sept cent cinquante mille habitants. Seul pays au monde à avoir remplacé le produit national brut par le bonheur national brut – il relut trois fois cette phrase. Santé et scolarité gratuites. Une gouvernance axée sur le bien-être des citoyens. Protection de la culture et de l’environnement.

Une économie fondée sur des valeurs spirituelles plutôt que sur l’argent…

M.-J. posa le téléphone, médusé.

– Tu es sûre que ça existe vraiment? On dirait que ça se peut pas. »

Une fois la lecture du roman terminé, je suis allé me faire un café, que j’ai bu en feuilletant Le Soleil de samedi. Et là, surprise! Section Voyage, page M39:

Bouthan — au Royaume du bonheur

« Le Bhoutan s’est aussi fait remarquer au cours des dernières années par l’instauration de l’indice du Bonheur National Brut. Selon la volonté du roi, cet indice doit primer sur le produit intérieur brut, communément appelé le PIB. Cette démarche innovante et audacieuse sert au calcul du bien-être des Bhoutanais en priorisant le développement économique et social équitable, la sauvegarde de l’environnement et la promotion du développement durable, la préservation et la promotion des valeurs culturelles et, finalement, une gouvernance responsable. »

Il va vraiment falloir que je visite ce pays dans les prochaines semaines… virtuellement, bien sûr! Du moins pour commencer!

À l’aube

Quelque part en 2019

5h15 — Je monte dans le taxi. Direction la gare, pour un autre aller-retour à Montréal.

C’est de la musique classique qui m’accueille dans la Prius impeccablement propre. Le chauffeur n’a pas l’air d’avoir le goût de jaser. 

Une boule rouge scintillante apparaît soudainement à l’horizon. Je m’exclame:

— Il est spectaculaire le soleil ce matin!

— Ho! c’est vrai!, répond le chauffeur.

Il range aussitôt la voiture sur le côté de la route, ferme la radio, saisit son iPhone et prend quelques photos. C’est surprenant, mais je trouve ça sympathique.

En reprenant la route, le chauffeur me dit « c’est beau la vie…», mais il marque une pause et, au moment où j’allais acquiescer, il précise en soupirant:

— c’est presque beau…

5h23 — Le silence est lourd dans le taxi.

C’est presque beau.

***

Ce texte est le cinquième d’une série de textes pour lesquels je m’inspire des notes que je prends quotidiennement depuis maintenant plusieurs années.

C’est aussi le septième texte de mon défi #100daystooffload.

Les crépuscules…

J’ai terminé hier la lecture de Les crépuscules de la Yellowstone.

Ce n’est pas une fresque historique. Ce n’est pas une biographie. Ce n’est pas un essai politique, ni un roman écologique, pas plus qu’un récit contemplatif. C’est un peu tout ça à la fois. C’est du grand Louis Hamelin.

« Si le Mountain Man revenait aujourd’hui dans son patelin natal de Chambly, à trente kilomètres de Montréal, il pourrait sans doute tendre des pièges dans les fossés d’irrigation de cette plaine fertile où les derniers vestiges de forêt digne de ce nom ont depuis longtemps été rasés et transformés en une mosaïque de champs de maïs, de quartiers résidentiels et de centres commerciaux. En 2019, le castor est partout, profitant du moindre filet d’eau pour ravager trembles et bouleaux. On observe ses chantiers jusque dans les parcs urbains. Depuis que sa peau ne vaut plus rien, il s’est lancé à la reconquête du continent.

On ne saurait en dire autant des descendants des trappeurs canadiens qui l’ont poursuivi comme une vision jusqu’au coeur des montagnes Rocheuses. »

C’est un peu plus lent et un peu plus pessimiste que le livre précédent de Louis Hamelin, Autour d’Eva (mon commentaire), mais c’est une lecture d’été tout aussi agréable. C’est un roman d’aventure qui se lit lentement, en écoutant les oiseaux. C’est une histoire qui se digère peu à peu. 

Le hasard a fait que j’ai lu le livre en parallèle avec l’écoute du balado Laissez-nous raconter l’histoire crochie. Dans le premier épisode, Marie-Andrée Gill nous invite à repenser l’utilisation du mot « découverte » lorsqu’on parle de l’exploration du territoire nord-américain. Drôle d’écho.

C’est un balado important — qui se digère lentement, lui aussi.

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Ce texte est le sixième de mon défi #100daystooffload

1er juillet

Sept années dans le désordre.

Lire, écrire, popoter, bien manger, jouer en famille. Regarder House of Cards.

Visiter le Moulin à laine d’Ulverton avec une guide exceptionnelle: un vrai paradis photographique.

Manger de la pizza dans la cour avec des amis. Faire des churros.

Acheter de la peinture en aérosol au Canadian Tire. Expérimenter le street art avec le fils.

Faire le projet d’écrire une série de courts abécédaires au cours de l’été.

Faire le projet de mettre dans une bouteille le Labo des histoires, un soupçon de Québec numérique et un peu de 826 Valencia et de bien remuer pour voir ce qui pourrait en ressortir. 

Faire une partie de cartes en famille après un délicieux souper de fettucinne alfredo agrémenté de pétoncles.

Écrire un texte sur mes premières observations après une semaine sans Facebook.

Dessiner des portraits sur mon iPhone.

Lire deux numéros du New Yorker sur des airs de jazz.

Travailler un peu. Passer la tondeuse. Faire un peu de ménage. Se demander qu’est-ce que ça signifie d’être canadien aujourd’hui.

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Ce texte est le quatrième d’une série de textes pour lesquels je m’inspire des notes que je prends quotidiennement depuis maintenant plusieurs années.

C’est aussi le cinquième texte de mon défi #100daystooffload

Vers MEX

Quelque part en 2012

4h30 — Jasette avec un voyageur dans le lobby de l’hôtel. Il travaille dans une mine d’or au Nunavut. À -50 Celcius. Il m’apprend que dans une bonne mine il y a un gramme d’or par tonne de roche. Y’a qu’à savoir le trouver.

5h20 — Le chauffeur de taxi est haïtien — et très volubile. Il m’explique qu’il a choisi ce métier il y a quarante ans pour s’assurer que chaque jour de sa vie serait une comédie. Les gens sont fascinants vous savez...

7h15 — Globe and Mail: une notice nécrologique présente un très bel hommage accompagné de trois photos: dans la vingtaine, la quarantaine et la soixantaine. Belle idée!

7h40 — Tiens, François Legault et sa famille qui partent eux aussi en voyage. Va savoir s’il sera premier ministre un jour…

9h30 — Vibration: coup d’œil sur mon iPhone: deux notifications. Ma sœur me souhaite bon voyage et un dénommé Bontemps me sollicite sur LinkedIn. Ça ne s’invente pas. 

— Tequila y jugo de tomate?

— Oui! Gracias!

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Ce texte est le troisième d’une série de textes pour lesquels je m’inspire des notes que je prends quotidiennement depuis maintenant plusieurs années.

C’est aussi le quatrième texte de mon défi #100daystooffload

Devant le four

Quelque part en 2018.

Fin de matinée. Je prends un café au petit comptoir devant le magnifique four au bois où les clients viennent commander leur pizza.

Ce matin, la pizzaïolo est une belle jeune femme — probablement 18 ans, tout au plus. Très aimable et très souriante. 

La scène est amusante, un vieux couple vient de s’avancer, lentement, difficilement même. Ils sont beaux et complices.

La vieille dame lit le menu à son mari en s’arrêtant parfois pour poser une question à la jeune femme.

Le contraste est frappant: les deux femmes penchées l’une vers l’autre. Au moins soixante ans les séparent, mais elles ont le même regard pétillant. 

— Calabrese c’est quoi?

La jeune femme explique doucement… un peu trop doucement.

— Pardon? 

La vieille femme s’approche, se penche et tend l’oreille. La jeune femme parle un peu plus fort et simplifie son explication:

— C’est très piquant!

Elle est manifestement convaincue que ce n’est pas un bon choix pour son interlocutrice — mais elle est aussitôt surprise par sa réponse:

— Alors c’est parfait! C’est ce que nous allons prendre! — ravie en regardant son mari, qui confirme d’un grand sourire satisfait.

Il n’y a rien comme une pizza piquante pour rendre heureux!

Ce texte est le deuxième d’une série de textes pour lesquels je prévois m’inspirer des notes que je prends quotidiennement depuis maintenant plusieurs années.

C’est aussi le troisième texte de mon défi #100daystooffload

St-Pancras

Quelque part en 2017.

Tout juste arrivé à St-Pancras.

Trop tôt pour un verre de bulles. Dommage, c’eût été beau clin d’œil au rendez-vous surprise avec Ana — il y a combien d’années déjà?

Je me suis installé au petit bar à expresso.

Je suis bien. J’adore les gares. À toutes les heures.

Devant moi, dans l’immense espace, la sculture d’un homme qui regarde au loin l’air inquiet. Je m’y reconnais. Et pas que moi — parce que quelque chose d’inquiétant est en train de se passer, l’impression d’un glissement, comme si l’avenir était en train de nous échapper. Mais pourquoi? Et que faire?

La rencontre avec F.S. il y a quelques jours m’a fait du bien. Il m’a dit une chose qui me reste à l’esprit: «Quand j’ai quitté cet emploi mes efforts étaient dispersés — j’avais trop de projets. La vie m’a forcé à choisir. Ça n’a pas été facile, mais je sais maintenant que j’ai fait le bon choix parce que tout s’est mis à être beaucoup plus facile. Je me suis mis à rencontrer des personnes inspirantes, les événement se sont enchaînés plus naturellement et chaque jour est devenu stimulant. Je m’épanouis.»

Notre échange m’a fait réaliser que j’ai eu la chance d’être très souvent dans un contexte où les choses se passent ainsi — et que c’était peut-être un peu moins le cas aujourd’hui. Je pense que c’est un rappel qu’il va falloir que je me reconnecte: que je retrouve mon fil conducteur — mon prochain fil conducteur.

Il y a de plus en plus de voyageurs sur le quai de la gare. J’ai beaucoup d’affection pour celles et ceux qui ont des allures de globetrotters, l’air heureux n’importe où, qui parlent et qui rient avec un peu tout le monde. Je m’interroge sur les autres, l’air renfrogné, manifestement pressés, la valise à la main comme un fardeau. Ont-ils vraiment la vie qu’ils souhaitent? Et moi?

Me revient à l’esprit un texte que j’ai lu dans Le Monde il y a quelques jours. Son auteur s’interrogeait sur la place que prend le travail dans la définition de notre identité. Heureusement, je l’ai découpé et glissé entre deux pages du dernier roman de Kim Thuy. 

Il me rappelle maintenant où j’en suis dans ma lecture de Vi.

Ce texte est le premier d’une série de textes pour lesquels je prévois m’inspirer des notes que je prends quotidiennement depuis maintenant plusieurs années.

C’est aussi le deuxième texte de mon défi #100daystooffload

Fête nationale

Cette année, je n’ai pas tellement le coeur à la fête. Je trouve qu’on a eu, collectivement, un très dur printemps — et pas grand chose pour se réjouir. Les événements nous ont bien fait voir l’ampleur du travail qu’on a devant nous pour bâtir une société plus juste. Franchement, j’ai déjà été plus fier de notre État. Je n’ai pas grand chose à ajouter que ce que j’ai dit dans les textes que j’ai écrit depuis le mois de mars.

Alors pour éviter de tomber dans le radotage et pour essayer de renouveler mes pistes de réflexion — pour changer d’air — je vais probablement utiliser mon blogue un peu différemment dans les prochains mois.

Je publierai un peu de tout et de n’importe quoi, juste pour le fun, pour écrire. 

Dans l’esprit du défi #100daystooffload… que je compte bien relever!