117 Nord

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Je suis passé à la Librairie Vaugeois hier soir pour chercher quelques livres que j’avais fait mettre de côté. Juste avant de payer, Marie-Hélène m’a dit que j’avais un crédit-fidélité accumulé de 21$.

— Est-ce que tu veux l’utiliser pour réduire la facture ce soir?
— Non, rajoute donc 117 Nord à ma facture à la place, s’il te plaît.

De retour à la maison, je me suis servi une Vire-Capot et j’ai plongé dans la lecture du premier roman de Virginie Blanchette-Doucet, née en 1989, à Val-d’Or. Et j’ai passé à travers. Quelle écriture!

Le roman est composé d’une succession de courts textes qui nous transportent de Val-d’Or à Montréal, à Val-d’Or, à Montréal… de façon souvent désordonnée, toujours très syncopée. Il y a quelque chose qui rappelle le rythme des réseaux sociaux, de SnapChat ou des nouvelles Stories d’Instagram, dans ce récit. C’est très visuel et même, plus généralement, très sensuel.

«Il faut en moyenne six heures de Montréal à l’entrée de Val-d’Or. (…) Il n’y a rien, ou presque, que des arbres sur des kilomètres, à n’en plus finir. (…) Je n’avance pas, je tire à moi l’horizon.»

«J’ai eu le coeur qui débattait pour une paillette dans la poussière.»

Ou cette extraordinaire description de l’onde de choc, au moment où une explosion planifiée dans la mine fait trembler la ville:

«Un chien aboie. Au musée, dans une vitrine, une roche veinée d’or fait un vingtième de tour vers la gauche. La bibliothécaire se penche pour ramasser un livre tombé d’un rayon.»

Ce moment aussi:

«Ceux qui sont venus frapper à ma porte ne faisaient pas partie des miens. Ils ne connaissaient pas les mots ni les codes. (…) Ils n’avaient rien à m’apprendre; je les attendais. Mains propres, chemises et papiers blancs avec des mots simples, cartes du village en douze exemplaires marqués de flèches et de couleurs. Nouveaux plans de quartiers, promesses de nouveaux établissements, bibliothèques, écoles, lieux du futur, à prix d’or. (…) Toutes les maisons du côté ouest de la 117 devaient être déplacées.»

Et, peut-être, plus encore, la description de la maison démolie, tissée de souvenirs, que j’ai trouvé particulièrement touchante. C’est à la page 48. Je vous la laisserai découvrir.

***

Il y a vraiment de très beaux souvenirs d’enfance dans ce livre, même quand ils sont tristes. Il y a des drames aussi. À la fois personnels et collectifs. «L’Abitibi est trop belle et trop dure.»

La mine est un personnage omniprésent dans ce livre. Envahissant.

Tellement envahissant qu’à mon réveil ce matin, elle était à la une des journaux — dans la réalité:

Canadian Malartic: la minière n’a pas payé d’impôt pendant des années

Canadian Malartic n’a pas encore payé d’impôt sur le revenu

Quelques recherches m’ont aussi guidé vers ça:

Mine à ciel ouvert à Malartic: la poussière angoisse les citoyens

Demande d’injonction contre la mine d’or de Malartic

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Je souhaite à tous ceux et celles qui porteront attention à l’actualité qui concerne cette mine dans les prochains jours de trouver aussi le temps de lire 117 Nord.

Je pense que c’est important parce que cette maison démolie, simplement parce qu’elle était du bon ou du mauvais côté de la route 117 — là où il fallait creuser, c’est aussi chacun de nos projets. C’est aussi le Québec.

«Dans dix, cent ans, ils auront peut-être aussi besoin de démolir la tienne. Ou bien elle restera perchée, avec ses souvenirs, avec les passages répétés de ta mère devant la porte de ta chambre pour te dire de lâcher ton vélo et de venir manger, au bord d’un trou si grand qu’on dirait à la fois rien et le désert.»

 

Au sujet de 117 Nord, lire aussi:

Virginie Blanchette-Doucet: les discrets de la 117 Nord | Natalia Wysocka | Journal Métro

La faille | Christian Desmeules | Le Devoir

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