Le plus vite possible

Vue de la fenêtre de mon bureau à l’Hôtel de ville de Québec

3 février, déjà!… Il n’y a pas à dire, l’année 2024 est repartie sur les chapeaux de roues. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose d’effréné dans l’air. Quelque chose dont on devrait se méfier.

Alors par ce beau samedi matin, je prends le temps d’y réfléchir un peu — et je me réjouirai si les commentaires de lecteurs venaient nourrir ma réflexion.

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Il est plus évident que jamais que nous faisons face, comme société, à d’immenses défis: de profondes transformations économiques, l’adaptation aux changements climatiques et la crise du logement, entre autres choses. À l’évidence, aucun de ces défis ne pourra être réglé d’un coup de baguette magique. Aucun geste isolé ne peut offrir une solution suffisante. Il va falloir coordonner un vaste ensemble d’actions et faire preuve de détermination dans leur mise en œuvre. C’est une période exigeante et complexe pour exercer le pouvoir. Très stimulante aussi, heureusement!

Il faut aussi constater à quel point l’action politique se réalise aujourd’hui dans un environnement médiatique qui, pour toutes sortes de raisons, impose un rythme élevé et qui nourrit plus facilement les controverses qu’il ne met en valeur les délibérations, la collaboration et les compromis qui en découlent — qui sont pourtant les indispensables rouages de la démocratie. Les médias ne sont pas des observateurs neutres de la dynamique politique, ils en sont aussi des acteurs — et leurs choix influencent le cours des choses. Il faut en être conscient, et s’adapter à cette réalité. Parce que ça fait partie de la game…

Dans ce contexte, il me semble plus déterminant que jamais que les acteurs politiques cultivent des espaces-temps propices à la réflexion et qu’ils privilégient une communication qui vise à susciter l’adhésion plutôt que de souffler sur les divisions. Ce n’est pas toujours facile, notamment parce qu’il faut, pour ça, accepter de prendre un peu de recul avant de réagir, alors que tout le monde attend une réaction, maintenant, tout de suite.

Ce matin, je me dis que ce début d’année frénétique est un bon moment pour se rappeler l’humilité qui devrait habiter les politiciennes et les politiciens: ils ne peuvent pas réaliser seuls les changements qu’ils initient. Le succès de leurs actions reposent surtout sur les citoyennes et les citoyens — et les entreprises et organismes dans lesquels ils travaillent et s’engagent.

Le premier rôle des hommes et des femmes politiques c’est de créer les conditions favorables au changement. C’est de réunir des conditions qui permettent à tout le monde d’avoir confiance que leurs actions comptent et peuvent faire la différence. Ils peuvent le faire en adoptant un discours fort, inspirant et déterminé, ils peuvent aussi le faire adoptant des lois et des règlements, mais le moyen le plus efficace reste probablement de valoriser l’engagement du plus grand nombre. Parce que si on ne le fait pas, et qu’on prive les gens de leur influence, comment s’étonner qu’ils se réfugient dans la protestation?

Pour cette raison, je pense que quand on a le privilège d’exercer le pouvoir politique, notre plus grande responsabilité c’est de nourrir la confiance dans la démocratie — en valorisant le dialogue, en créant des conditions favorables aux débats et en privilégiant des processus qui permettent de faire des essais et d’apprendre des erreurs. Il faut garder à l’esprit que c’est de cette façon qu’on pourra identifier et mettre en œuvre le plus vite possible des solutions.

En démocratie, l’objectif ne peut pas être l’unanimité, ni même le consensus. L’objectif c’est que les décisions nécessaires se prennent aussi rapidement que possible, dans le cadre de processus qui visent à susciter l’adhésion.

Je nous souhaite à tous cette sagesse en 2024 — parce qu’autrement, il y a plus de chances que les prochains mois nous essoufflent qu’ils nous permettent d’avancer vers un monde meilleur.

4 réflexions sur “Le plus vite possible

  1. Bonjour Clément,
    Ce n’est pas facile de laisser un commentaire spontané! Mais votre réflexion me mène directement à la décision du chef de la CAQ de supprimer le financement populaire. Comment alors, sans ce moyen concret, un sympathisant peut-il se sentir impliqué? Même si c’est un petit montant, c’est un lien dont le donateur veut suivre les effets.
    Pour réagir sur le rôle des médias… de plus en plus de personnes se détachent des médias généralistes ou encore des médias publics. Chacun vit dans sa réalité dans sa bulle, parfois dans une chambre d’écho.
    Je vous admire d’être en politique et de garder votre regard critique et clairvoyant. Merci.

  2. Dans la période actuelle, il est évident qu’il est très difficile de valoriser le débat politique. Rapidement la personne est classée dans une optique partisane. J’admire des journalistes de la trempe de Josée Legault, Antoine Robitaille et autres qui nous aident à mieux décortiquer les enjeux politiques. La parole aux citoyens et citoyennes est peu présentes dans nos média. Une belle initiative de notre conseillière municipale, Isabelle Roy, je crois. Une rencontre annuelle pour faire état de son mandat. Les élus politiques à tous les niveaux ne sont pas obligés de tenir au moins une rencontre annuelle auprès de leurs citoyens et citoyennes pour rendre compte de leur mandat au service du bien commun. Ce n’est pas le gouvernement de la CAQ mais le gouvernement du Québec. une faute très présente dans nos médias et cela fait qu’il devient justifié qu’il agisse ainsi pour ses intérêts partisans.

  3. Une solution à première vue simpliste mais qui pourrait avoir un impact majeur dans le dossier de la crise du logement.
    Malheureusement, nos journalistes se cantonnent dans une position de critiques (il en faut) mais rarement en position de recherche de solutions.
    En voici une:
    La principale dépense en immobilier c’est le financement. Nos grands-parents n’auraient pas fait cette affirmation car avant 1950, le concept de prêt hypothécaire était absent ou réservé à une clientèle très sélect.
    Mais aujourd’hui, personne n’achète une propriété ou ne démarre un projet de construction sans un financement hypothécaire.
    La principale cause de la rareté de logement, c’est que l’offre de nouveaux logements a diminuée substantiellement. Pourtant quand la demande est là, bien concrète, habituellement, le marché veut saisir l’opportunité et augmente l’offre san tarder.
    Pourquoi cette opportunité ne fut pas saisie?
    Parce que la principale dépense (+-70% de la dépenses totale d’un immeuble) dans cette industrie, c’est le financement et cette dépense s’est accrue de 300% en +- 12mois, les taux hypothécaires passant de 2,5% à 7,5%. Il faut remonter è 1982 pour avoir une situation similaire.
    Le programme à créer :
    – La ville de Québec offre de payer la différence de dépenses d’intérêt à tout nouveau projet de logements locatifs d’ici à ce que les taux hypothécaires reviennent à 3%. Ca va prendre 18, 24, 30, 36 ou 42 mois mais il est certain que les taux reviendront à ce niveau.
    – Alors pour une porte de logement qui coûte +- 150K, cela veut dire : 150 X (7,5-3%) X maximum 42 mois. En prenant comme hypothèse que les taux diminueront progressivement sur 42 mois, cette subvention s’élève à +- 12 000$
    – Le Québec et le fédéral pourraient contribuer ou non.
    – Les sommes pourrainet être versé directement à l’institution financière
    – Les revenus de taxes et l’activité économique du résident amoindrirait de beaucoup ce 12 000$
    Vous serez surpris de la réponse, car beaucoup de constructeurs/ promoteurs sont prêts mais les institutions ne veulent pas les financer aux taux du jour.

  4. Clément, une phrase m’accroche et reflète bien le questionnement central que j’explore depuis quelques années:

    «[Les politicien.nes] ne peuvent pas réaliser seuls les changements qu’ils initient. Le succès de leurs actions reposent surtout sur les citoyennes et les citoyens — et les entreprises et organismes dans lesquels ils travaillent et s’engagent.»

    Je suis d’accord que le défi est de placer le décideur au coeur d’une « délibération » avec les citoyens. Malgré la désinformation et la polarisation, je crois tout de même que notre ère nous offre au moins tous les outils pour bâtir un « réseau », un écosystème et une culture de « prise de décision » publique réellement collaborative et participative. Décider alors qu’on est en pleines transformations systémiques doit se faire collectivement. La décision doit avoir encore plus de sens aujourd’hui pour une « masse critique » d’acteurs car les changements, les transformations sont de plus en plus fondamentales. Des paradigmes se confrontent, après tout.

    Vous le travaillez déjà (on le constate dans la culture de la ville, changeante depuis plusieurs années) et vous la constatez sûrement dans plusieurs secteurs – un large réseau de « parties prenantes » (experts, entreprises, organisations ET citoyens-experts) existent dans tous les domaines d’activités, se dotent d’espace « collectif » et sont de plus en plus habitués aux processus de concertation, d’innovation sociale/économique/scientifique, d’incubation, etc. Ce sont des espaces délibératifs ET d’émergences. Y faut mettre le décideur au coeur de ces espaces. Qu’il soit autour de la table, dans les ateliers et « libre » de parler des limites, contraintes, mais aussi opportunités que les leviers du pouvoir. Le décideur aujourd’hui n’est plus (à mon humble avis) un juge. Il est architecte, il est médiateur, il est designer, avant d’être un décideur. Du moins, c’est de cette façon que l’acceptabilité sociale force ce changement de rôle.

    J’ajouterais qu’il est important de bien communiquer les « postures » que la Ville a envers ces transformations. Elle est parfois « porteuse », « facilitatrice » ou « ambassadrice » envers d’autres espaces de pouvoir. On constate beaucoup ce flou dans l’esprit des citoyens et des médias. Ils ne comprennent pas bien ce que la Ville peut faire et s’imaginent facilement ce que la Ville « doit » faire. S’il se mets au coeur des écosystèmes de changements, il devient leader, beaucoup plus que décideur ou « octroyeur » de fonds publiques.

    Bon

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