Parmi les réactions à mon texte d’hier, une invitation à relire un livre qui est sur ma table de chevet depuis plusieurs mois — depuis un souper très agréable, et très stimulant, avec son auteur, sur la rue Saint-Denis, à l’automne 2010.
Je m’y suis replongé rapidement ce soir — en mode survol — avant d’y consacrer, sans doute, un peu plus d’attention dans les prochains jours (et d’avoir, peut-être, la chance de contribuer à le rendre disponible en version numérique).
Je vous en fais cadeau de quelques extraits (pour le moment, parce que j’y reviendrai assurément):
Des idées pour un monde meilleur
Attendons-nous une révolution? J’en doute. Qui dit révolution dit désordre et qui dit désordre dit insécurité, tension et angoisse. Nos dirigeants nous ont suffisamment démontré que le désordre crée un stress économique qui déstabilise nos sociétés. Pour la majorité, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il vaut mieux ne rien changer plutôt que de provoquer de l’insécurité économique. C’est un slogan à la mode. Notre quotidien est en jeu. Et le quotidien implique un certain niveau de vie que nous ne sommes pas prêts à remettre en question pour aller vers de nouvelles idées, si alléchantes soient-elles. (…)
Je ne crois pas à la pertinence des modèles uniques et des doctrines à toute épreuve. Je crois à la nécessité des interactions de multiples idées qui font jaillir de nouvelles compréhensions du monde. Je crois également que tout commence par l’individu et que tout se termine par lui et en lui. S’il faut croire en une révolution, alors il faut croire en celle de l’individu. Mais l’individu est un être d’interactions. De plus, il est singulier et universel. (…)
La nécessité d’un leadership inspirateur
Cette société sir le qui-vive manque de leaders, ces personnes qui mobilisent, qui inspirent et qui indiquent des voies à suivre. Actuellement, nous sommes gouvernées par des personnes qui, majoritairement, collent au discours dominant sans égard aux effets de ce discours. Elles voient dans ce discours , non pas ses effets pervers, mais la solution pour régler les problèmes. [ainsi] de nouvelles stratégies apparaissent pour faire porter l’odieux de la situation sur les citoyennes et les citoyens.
Un décideur n’est pas automatiquement un leader. L’inverse est également vrai. Majoritairement, les décideurs actuels gèrent en s’inspirant du discours dominant. Ils font probablement leur possible, mais la bonne volonté, je l’ai déjette dit, n’est pas suffisante. Il faut porter un autre regard sur la société et sur les individus qui la composent. (…)
Les politiciens se sont moulés à ce même discours dominant. Il suffit d’analyser les prises de position actuelles pour constater l’ampleur de ce phénomène. C’est comme si toutes les décisions à prendre passaient par le même filtre. Il est rare que les politiciens adoptent un discours différent. Et quand ils le font, ils sont généralement assez timides. Quand certains s’y aventurent, ils sont déclarés irresponsables. C’est comme si le fait d’avoir des convictions différentes de celles véhiculées par le discours dominant entraînait directement l’irresponsabilité. Une société qui se ferme à l’exploration de nouvelles options est menacée d’entropie.
Cette adoption aveugle du discours dominant est le signe d’une profonde insécurité chez les décideurs. Dans les périodes d’insécurité, la tendance est de se raccrocher au connu et de développer de nouveaux conformismes. Au lieu d’explorer de nouvelles avenues, ils remanient sans cesse le même discours. (…)
Au cours des périodes troubles, les véritables problèmes se manifestent dans toute leur acuité. Mais les décideurs ont souvent les mains liées, tant par les influences extérieures que par l’architecture des valeurs dominantes. (…)
Notre société qui vacille a un urgent besoin de nouveaux leaders. Ils devront venir de tous les milieux de l’activité humaine et non uniquement de la classe politique. (…) Traditionnellement, le leader est celui qui a un pouvoir de commandement, qui indique la voie à suivre. (…) Ici, j’introduis un autre style de leadership, celui qui transforme parce qu’il inspire. (…) C’est un leadership de soutien. (…) C’est un pouvoir d’influence sans attente de résultats.
Cette approche de l’intervention remet fondamentalement en question le fait que nous devions toujours poursuivre des objectifs prédéterminés, ceux-ci étant trop rigoureux pour suivre le mouvement naturel de la vie. Il peut y avoi refficience sans poursuite d’objectifs prédéterminés et univoques. (…)
Le leader transformationnel influence parce qu’il est, mais il ne se présente pas comme l’exemple à suivre. Il refuse le dogmatisme. Il rejette les voies uniques. Il propose des directions, mais il laisse à l’autre le pouvoir de la décision. Il suscite, mais il relativise. Il souient ses idées et ses valeurs, mais il ne les impose pas, tout comme il ne veut pas que les autres lui en imposent. Il prend position, mais il admet qu’elle est une possibilité parmi d’autres. Il agit mais sans perdre de vue le cadre de référence qu’il a choisi.
Source: PAQUETTE, Claude, Des idées d’avenir pour un monde qui vacille, Québec Amérique, 1992, 358 pages.
Image: Extrait de la couverture.