Il est monté dans le bus en chantonnant, pas très fort. Juste assez pour que je l’entende d’où j’étais. Il s’est dirigé lentement vers l’arrière, souriant à chacun des passagers.
Il avait un petit livre bleu à la main, dont il détachait les pages, une à une, avant de les remettre à ses compagnons de voyage d’un geste gracieux.
— Tenez, c’est pour vous… et voilà pour vous… et pour vous…
Le papier était très fin — presque du papier bible. Les caractères étaient élégants.
— Lisez-en au moins quelques lignes, je suis certain que vous y trouverez un mot que vous aimez!
Il m’a remis la page 83.
Coïncidence, j’y ai trouvé le mot truisme, que j’ai utilisé ici il y a quelques jours.
J’y ai aussi trouvé le mot doute, que j’aime beaucoup. Périple et paysage, également.
Arrivé à la maison, j’ai posé la page sur mon MacBook. La texture du papier m’a semblé se fondre naturellement dans l’éclat du métal brossé, comme pour offrir aux mots de nouvelles marges, plus larges. Villages. Hameaux. Paysages.
Le texte respirait mieux ainsi. Et moi aussi.
bizarre bizarre
(tu ne situes pas la scène toi non plus ? chez toi dans le 801 ?)
quand j’avais écrit moi aussi sur le livre de « Raymond » c’est précisément sur ce point que j’avais travaillé : la photo était a priori non localisable, mais un tout petit bout de coin de plaque de rue m’avait permis de remonter le fil, trouver le nom de la personne photographiée sur les registres du commerce, et même un blogueur qui mettait en ligne les photos des démolitions de la rue sans même connaître le nom de Depardon
me souviens aussi de Philippe De Jonckheere repartant faire le long du Rhône même photo exactement que « Raymond » mais à un autre moment de l’année
la résurgence de cette page chez toi est une autre pousse de cette magie spécifique du web
chez moi c’est ici
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2287
Résurgence inattendue — j’avoue que j’avais vu la photo de la page, mais ne l’avais pas lue… Et voir Depardon apparaître, après qu’une étudiante m’ait fait connaître La vie moderne le trimestre dernier, qui m’a laissé une vive impression : des visages creusés par le métier, des paroles brutes, des paysages invraisemblables, cette tension sourde de Depardon entre ses origines et ce qu’il est devenu. Vraiment tout un secteur à explorer, tant les photos que ses documentaires. Merci François d’avoir recollé les morceaux.
oui il y a du Pierre Carles chez ce paysan qu’est Depardon (voir son boulot sur « la ferme » des Garets), cette même souche d’âpreté et d’isolement qui a tendance à se gommer chez nous mais que moi j’ai perçu tout de suite au Québec