Objet 6

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Je ne suis pas sûr de me souvenir de comment ce document s’est frayé un chemin jusqu’à ma bibliothèque. Je l’ai probablement acheté au Colisée du livre il y a de nombreuses années. D’un déménagement à l’autre, j’aurais eu de nombreuses occasions de m’en débarrasser, mais je lui ai chaque fois retrouvé une place de choix sur une tablette.

Il suffit en effet que je relise quelques paragraphes du texte de Jacques-Yvan Morin sur lequel s’ouvre ce numéro de la Revue d’histoire de l’Amérique française pour me convaincre de le conserver précieusement, comme un indispensable témoin des origines du mouvement indépendantiste québécois. C’est un texte qui agit généralement sur moi comme une grosse tape dans le dos (voire même, parfois comme un coup de pied au cul) pour poursuivre mon engagement politique.

Dans ce texte qui reprend une conférence prononcée le 30 avril 1966, Jacques-Yvan Morin, décrit les origines du concept de statut particulier, «dans plusieurs états et empires du passé et au cours de la plupart des grands réaménagements politiques des Temps modernes », et en particulier dans le cadre de l’Empire britannique.

Il aborde évidemment le cas du statut particulier du Québec au sujet duquel il conclut:

«Les défenseurs d’un statut particulier moderne pour le Québec veulent élargir cette notion et y faire entrer un certain nombre de compétences qui relèvent à l’heure actuelle du Parlement fédéral; ils proposent également de redéfinir le mode de participation du Québec au fonctionnement des organes centraux de l’État fédéral. J’estime, pour ma part, qu’une solution de ce type s’impose, si l’on veut vraiment faire en sorte « que la Confédération canadienne se développe d’après le principe de l’égalité des deux peuples qui l’ont fondée ». 

Le statut particulier du Québec doit être consacré tôt ou tard par le droit constitutionnel écrit. Certes, cette idée ne manque pas d’éveiller de fortes résistances au Canada anglais, mais telle est pourtant la condition d’un juste équilibre entre les deux nations canadiennes. Un observateur de l’extérieur, le journaliste Claude Julien, écrivait récemment à ce propos que les réalistes devront reconnaître que le Québec possède de fait une situation particulière méritant d’être consacrée par un statut particulier. Le refus d’un tel aménagement, ajoute-t-il, précipiterait l’éclatement de la Confédération et cet éclatement serait la fâcheuse conséquence non pas tant du séparatisme québécois que de l’incompréhension des anglophones, qui en porteraient l’entière responsabilité.» 

Jacques-Yvan Morin avait 35 ans quand il a écrit ce texte. Il a par la suite présidé les États généraux du Canada français, ce qui l’a amené à se joindre au mouvement souverainiste. Il est élu député de Sauvé en 1973. Il a agit comme chef de l’Opposition officielle jusqu’à l’élection de René Lévesque en 1976, puis assume les responsabilités de vice-premier ministre, de ministre de l’Éducation, de ministre du Développement culturel et scientifique et de ministre des Affaires intergouvernementales sous les deux gouvernements du Parti Québécois. Il a aujourd’hui 84 ans.

Jacques-Yvan Morin | Fiche biographique | Assemblée nationale

Ce document est dans ma bibliothèque pour me rappeler que les revendications du Québec ne datent pas d’hier, et que si elles s’inscrivent plus que jamais dans le fil d’une histoire très contemporaine — elles reposent néanmoins sur l’existence d’une relève politique qui tarde à s’organiser.

Parce que je me dis que si Jacques-Yvan Morin pouvait écrire en 1966 que:

«… depuis quelques années se fait jour au Québec l’opinion selon laquelle le Québec doit posséder un véritable statut particulier qui lui permettrait d’obtenir toute l’autonomie dont il a besoin comme « foyer national » du Canada français. En 1956, le rapport de la Commission Tremblay déclarait  que le Québec constitue notre « milieu politique fondamental » parce que , comme communauté humaine, il n’est assimilable à aucune autre « ni par les origines, ni par la religion, ni par la culture, ni par l’histoire de la grande majorité de la population, ni en conséquence par la plupart de ses institutions juridiques et sociales ». C’est pourquoi la Commission en vient à la conclusion que le Canada français a besoin d’un territoire où il puisse librement s’exprimer et bâtir ses propres structures institutionnelles.»

…il faudrait bien qu’en 2016 — 50 ans plus tard! — on arrive enfin à définir rapidement une nouvelle démarche, particulièrement claire et rassembleuse (et donc pas que franco-blanche-catholique), afin de faire de ce «milieu politique fondamental» un véritable pays.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

 

 

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