J’ai mon voyage

Photo: LesPac

(Suite de la série La valeur des histoires)

Cette valise est une malédiction. Je l’ai achetée l’an dernier sur LesPac. En l’ouvrant, j’ai trouvé une enveloppe. Dans l’enveloppe, une lettre manuscrite:

« Merci d’avoir acheté cette valise, vous me permettrez ainsi de poursuivre l’écriture de mon roman. Chaque personne qui achète la valise doit faire un voyage (un seul!) et remettre la valise en vente après avoir apposé un autocollant dessus. Je surveille chacune de ses mises en vente sur LesPac et je communique chaque fois avec les vendeurs.

Je sais qui vous êtes, l’acheteuse précédente me l’a dit.

Si vous ne respectez pas mes indications et ne réussissez pas à revendre la valise vous deviendrez la victime du meurtrier (dans le roman, évidemment!).

Je compte sur vous pour que l’histoire se poursuive. »

J’ai maintenant fait mon voyage. Je vous offre donc la valise. Pas cher. N’hésitez pas! C’est peut-être votre seule occasion de prendre part à la rédaction d’un best-seller et d’y trouver votre nom dans la liste des remerciements (je compte sur l’auteur pour cela, puisqu’il lira cette annonce). C’est une aubaine!

Je vous en prie, achetez vite cette valise et évitez-moi de devenir la victime du roman. Ce serait trop, je ne m’en remettrais pas. Déjà que j’ai failli mourir dans un grave accident d’auto en rentrant de l’aéroport la semaine dernière…

Je compte sur vous. Vraiment.

Tout un village

Photo: Kijiji

(Suite de la série: la valeur des histoires)

Difficile de croire que cet ensemble de boutons anciens a été récupéré dans une vente de garage particulièrement inusitée, en 1971, dans le village de Saint-Gustave-de-l’Avenir.

Comme le gouvernement avait décrété quelques mois plus tôt la fermeture définitive du village, les citoyens avaient organisé une grande vente de garage, à laquelle tous les résidents des villages avoisinant avaient été conviés.

Tout les Gustaviens ont fait leur part pour que la dernière fin de semaine du village soit mémorable et que tout le monde se quitte avec le sourire malgré la tristesse de devoir abandonner leurs maisons. Le propriétaire du magasin général a offert ses derniers stocks à rabais, le marguillers a vendu les dernières possessions de la paroisse, le forgeron a même spécialement frappé des médailles souvenirs vendues 1$ avant d’éteindre une dernière fois sa forge.

Souhaitant participer à l’événement, le chef de police a décidé de mettre en vente les pièces à conviction qui étaient restées inutilisées dans l’armoire du commissariat. Quelle importance, en effet?… puisque toutes les enquêtes seraient abandonnées.

C’est donc du chef de police que ma cousine a acheté les boutons.

Les boutons étaient alors piqués systématiquement sur un ensemble de tableaux de liège, à la manière d’une collection entomologique. Sous chaque bouton il y avait un petit papier décrivant une personne: « Homme, quarantaine, cheveux blonds, chapeau. » ou « Femme vingtaine, élégante, gants blancs ».

Le chef de police lui a raconté que ces tableaux avaient été trouvés dans l’atelier de la couturière du village. Il n’avait jamais pu prouver sa culpabilité, mais continuait de croire qu’elle avait mis en place un stratagème pour s’enrichir sur le dos des paroissiens.

Il prétendait que la couturière avait un complice, qui profitait de la messe pour couper discrètement les fils d’un bouton sur les manteaux des paroissiens. Le bouton tombé par terre était récupéré à la fin de l’office et identifié à son propriétaire, puis remis à la couturière.

Le propriétaire du manteau se présentait inévitablement chez la couturière dans les jours suivants. Celle-ci fouillait dans ses boutons, et ne trouvant qu’une alternative décevante pour remplacer le bouton, proposait plutôt d’en commander un identique qui pourrait être livré de Montréal ou de Québec dans les quelques jours suivants… moyennant un prix un peu plus élevé (dont elle partagerait évidemment le profit avec son complice).

Je ne sais pas trop à quelle occasion et pourquoi ma cousine a détaché les boutons des tableaux pour les mettre dans ce contenant, mais je trouve fascinant de penser que si l’hypothèse du chef de police était bonne, cet ensemble de boutons est possiblement le plus fidèle témoin de la population de Saint-Gustave-de-l’Avenir, en 1971.

La valeur des histoires

Photo: Lespac

Je me souvenais d’avoir lu l’histoire d’un homme qui achetait des babioles sur les sites de vente en ligne, ou dans les brocantes, leur inventait des histoires abracadabrantes et les revendait beaucoup plus cher en les accompagnant de cette histoire.

J’avais l’impression d’en avoir même déjà parlé ici, mais je ne retrouvais pas non plus de trace de ce texte… à croire que j’avais inventé ça!

Je suis allé sur le site des PAC pour voir si je ne trouverais pas un objet avec lequel faire la même chose.

C’est pendant l’exploration que m’est revenu le souvenir de la lecture de Wigrum, un extraordinaire livre de Daniel Canty.

Google: Wigrum remolino

Et paf: voilà tous les morceaux du casse-tête qui retrouvent leur place:

Pierre frontalière | 2 août 2014

Le texte, l’histoire, un projet estival… huit ans plus tard, presque jour pour jour. Mieux vaut tard que jamais. On le fait?

Ça me tente! Alors au gré de mes pérégrinations, et/ou de vos suggestions… j’inventerai pendant les vacances quelques histoires à des objets hétéroclites que je trouve inspirants.

Et pour commencer… question de se faire la main… je vais commencer par l’histoire d’un bibelot trouvé sur les PAC.

Description actuelle:

Petit bibelot d’un cochon qui danse le ballet
Hauteur : 3 pouces

Description révisée:

Laissez-moi vous raconter l’histoire improbable de cette figurine de porcelaine qui a été rapportée de Séoul par Madame Josette Lafrance à l’occasion de son voyage de noce avec Monsieur Jacques Bérubé, en 1950.

Les nouveaux époux séjournaient à l’Hôtel Myeongdong, dont la salle de spectacle devait accueillir une version spéciale des Trois petits cochons produite par les Grand ballets canadiens. La pièce, amusante, était le résultat d’un pari amical perdu par le directeur des Grands Ballets. Elle ne devait être jouée qu’un seul soir et suscitait un grand intérêt chez les amateurs. Malheureusement, la représentation n’a finalement jamais eu lieu à cause du déclenchement de la guerre de Corée.

Mme Lafrance a rapporté la figurine dans sa fuite après le premier bombardement. Elle s’est dit qu’elle pourrait lui porter chance pour la suite de son mariage, malgré l’échec du voyage de noce.

Le couple a vécu heureux jusqu’à leur décès, presque simultané, la semaine dernière, à l’âge de 93 et 95 ans. Ils ont eu trois enfants, qui ont chacun eut trois enfants à leur tour.

Cette figurine a toujours occupé une place centrale dans la mythologie familiale, mais tout le monde croyait qu’elle avait été perdue depuis longtemps. C’est l’aînée, Julie, qui a retrouvé la figurine dans le fond de la sacoche de sa mère dans les jours suivants le décès.

La figurine a vraisemblablement été produite à la main. Aucun autre exemplaire n’a été retrouvé à la suite du bombardement de l’hôtel, le 25 juin 1950. Celle-ci porte le numéro 404, qui se trouvait à être aussi le numéro de la chambre d’hôtel occupée par les nouveaux époux.

Les enfants ont pensé coller la figurine sur le couvercle de l’urne funéraire qui contiendra les cendres de leur mère, mais se sont dit qu’il vallait mieux qu’elle puisse continuer à porter chance à quelqu’un d’autre.

Il ne reste plus qu’à savoir qui sera cette personne…

Et si c’était vous?

Lettre à Jean-Paul L’Allier

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J’apprends dès mon réveil le décès de Jean-Paul L’Allier. Avec une très grande tristesse. Il était une de mes grandes inspirations. Un de mes modèles, depuis très longtemps.

J’avais fait il y a quelques années l’exercice de lui écrire une lettre, comme un exercice de réflexion personnelle — imaginant l’inviter à la première réunion de mon Conseil d’administration virtuel.

La lettre est ici:

Première convocation pour la réunion… | 18 juillet 2011

Je crois même lui avoir transmis, réellement, cette lettre par la suite.

Merci pour tout Monsieur L’Allier.

 

 

Objet 11

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Cette lettre de Pierre Boucher aux prétendants à la mairie de Québec a survécu à tous les élagages de la bibliothèque depuis dix ans, probablement parce que je souhaiterais écrire éventuellement quelque chose de ce type — notamment pour de stimuler les réflexions du mouvement politique dans lequel j’ai choisi de consacrer du temps, en faveur de l’indépendance du Québec.

Pas que ce livre soit particulièrement un modèle, plutôt une inspiration.

Lettre aux prétendants à la mairie de Québec | Pierre Boucher | Septentrion 

La lettre a été écrite en 2005, au moment où Jean-Paul L’Allier quittait la mairie de Québec, après 16 ans à diriger la ville. Occasion idéale pour un grand brassage d’idées.

«Les conditions sont réunies pour qu’on assiste à l’émergence d’une nouvelle dynamique politique (…) Peut-être sommes-nous au début d’un temps nouveau.» 

«J’ai voulu cette lettre ouverte dans l’espoir que mes concitoyens prennent part, avec entrain, aux débats qu’elle suscite! Des débats publics qui ne feront pas l’unanimité, mais qui contribueront à départager l’essentiel de l’accessoire, le sérieux de la fumisterie, les horizons profonds de la courte vue, la conviction de l’ambition.» 

«N’est-il pas souhaitable que les débats publics sur la ville soient alimentés non seulement par des tribunes téléphoniques et les émissions d’affaires publiques, par les chroniqueurs et les éditoriaux de la presse écrite, mais aussi par des contributions personnelles de longue maturation?» 

Le texte de Pierre Boucher est souvent un peu trop prétentieux (voire carrément pontifiant), mais le propos est direct, concret, et interpelle tout de même efficacement à la fois les candidats et les citoyens lecteurs. C’est une grande qualité.

Aux candidats: «L’important, en sollicitant les suffrages de vos concitoyens, c’est de démontrer pourquoi, plus que quiconque, vous feriez un bon maire, c’est de présenter l’essentiel de ce que vous voulez faire et — ne n’oubliez pas — de dire pourquoi vous voulez le faire. N’allez surtout pas vous réfugier derrière des slogans du genre « nous vous promettons du changement » ou «nous sommes prêts»; les citoyens savent qu’en grattant la pelure de cette propagande politique on découvre tristement le vide.» 

Aux citoyens: «…méfiez-vous des prétendants qu’on vous vendra, joliment ficelés, comme des produits de consommation (…) Ne soyez pas crédules face à ceux qui concentreront leurs engagements autour de faits divers, qu’ils qualifieront avec le plus grand sérieux de phénomènes de société pour justifier l’insistance qu’il mettent à s’en faire des champions.» 

Ce qui est amusant quand on relit un peu sur les réactions que le livre avait suscitées, c’est de se rappeler à quel point les choses ne se sont pas déroulées comme prévu pour la succession de Jean-Paul L’Allier. En avril 2005, on annonçait un duel entre Claude Larose et Marc Bellemare, donné gagnant avant même d’annoncer officiellement sa candidature. C’est finalement Andrée Boucher qui est devenue mairesse le 19 novembre.

Lettre aux prétendants à la mairie de Québec – En attendant Marc Bellemare | Le Devoir | 23 avril 2005

 

Je conserve ce livre à la portée de la main notamment parce que le Parti Québécois tiendra bientôt un congrès pour se donner d’un nouveau programme, vraisemblablement au début de l’année 2017, ce qui signifie que l’année 2016 offrira un contexte idéal pour un grand brassage d’idées. Peut-être sommes-nous au début d’un temps nouveau.

Je souhaite évidemment que les débats se soient le plus ouverts possibles, sans tabous, aucun.

Je compte bien y prendre part activement.

***

Trouvé dans le livre en guise de marque-page: une photocopie d’un article eSchool News reprenant les grandes lignes d’un discours de Bill Gates au sujet des défis auxquels sont confrontés les High Schools des États-Unis. Pourquoi? Je ne sais pas. Je devais lire sur ce sujet au même moment.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

Objet 10

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Il faut de la fantaisie, un peu de folie, aussi dans un espace de travail — pour le plaisir… et (surtout?) pour se rappeler qu’il ne faut jamais se prendre trop au sérieux. Banane le chien est là pour ça!

Il faut savoir que j’ai un faible pour les bananes, et en particulier tout ce qui est farfelu et qui met en scène des bananes. Cela, depuis près de 25 ans (à la suite d’une anecdote familiale à laquelle je ne peux pas faire référence aujourd’hui parce que j’ai promis une trêve à ce sujet entre le 23 décembre et le 4 janvier).

C’est avec en tête cette complicité que ma belle-soeur m’a offert Banane le chien il y a quelques années.

— J’ai vu ça dans un magasin, je me suis dit que c’était complètement absurde. Mais je me suis ravisée… si cet objet existe, c’est forcément pour toi, alors je te l’offre!

Et c’est toute une histoire qui allait commencer.

Banane le chien a fait le tour de la Gaspésie avec nous l’an dernier. On a pris des photos à toutes les étapes, qu’on a partagées sur Instagram. Il a maintenant même ses groupies ici et là.

Sur la photo, il pose avec le collier hawaïen qu’une ancienne collègue de travail m’a offert à son départ.

C’est une banane, c’est un chien, c’est un superhéros!

C’est Banane le chien.


De la série Sur mon (nouveau) bureau

Objet 9

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Si avec l’objet précédent il s’agissait rêver en couleurs. Avec celui-ci on peut même le faire en noir et blanc.

C’est une oeuvre de ma mère, Geneviève De Celles.

Il y a évidemment plusieurs de ses oeuvres dans la maison, en particulier dans la pièce où est installé mon nouvel espace de travail.

Chaises, cerf-volants, équilibristes, profils, portées, mots et horizons nous invitent à la fois à l’enracinement et au voyage. Au Je et à l’Autre.

Ses oeuvres sont aussi là pour me rappeler que tout est matériaux.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

Objet 8

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C’est une bouteille très précieuse. C’est une fiole à idées.

Je l’ai acheté au Musée du verre à Sandwich, Cape Cod. Elle m’a été confiée dans une belle petite boite bleue. Elle portait à l’époque un délicat petit bouchon de liège. Heureusement, je l’ai perdu.

Je dis heureusement, parce qu’en y pensant bien, à quoi pourrait bien servir une bouteille à idées si elle est fermée. Au mieux, cela garderait une idée prisonnière. Au pire, ça éviterait à toutes sortes de bonnes idées d’y entrer.

Délivrée de son bouchon, la fiole peut enfin jouer pleinement son rôle et accueillir des idées afin d’en faciliter le mûrissement et de les laisser s’échapper à nouveau, à la recherche des personnes qui pourront le mieux leur donner vie. On m’a déjà dit que ce sont les idées qui sont à la recherche des gens à travers qui s’incarner, et pas l’inverse.

Une fois entrée dans la fiole — d’un simple geste de la pensée — il suffit de faire tourner doucement l’idée par un mouvement du poignet (comme s’il s’agissait d’un liquide) et de l’exposer à la lumière d’un rayon de soleil. Ainsi enchantée par les reflets colorés du verre (comme on rêve en couleurs), l’idée retrouvera la force nécessaire pour reprendre son vol.

La relaxation que procurent ces quelques mouvements suffit généralement à décongestionner l’esprit de celui qui s’y prête — qui peut alors se remettre à créer. Ce qui fait chaque fois le plus grand bien.

Cette bouteille est magique.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

Objet 7

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Deux pavés rapportés par Ana de Prague, où elle avait été passer quelques jours avec sa mère. Autant que je me souvienne, ils ont toujours été placés un au-dessus de l’autre, comme ça.

Ana m’a raconté les avoir trouvés au coin d’une rue, abandonnés avec quelques autres à la suite de la réparation d’un passage.

Blanc et noir. La rue et Le Château. Le Procès. Kafka. Mai 68. Le communisme. La révolte. La politique. Le quotidien. L’insoutenable légèreté de l’être.

Deux pavés. Tout un monde. Notre monde.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

Objet 6

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Je ne suis pas sûr de me souvenir de comment ce document s’est frayé un chemin jusqu’à ma bibliothèque. Je l’ai probablement acheté au Colisée du livre il y a de nombreuses années. D’un déménagement à l’autre, j’aurais eu de nombreuses occasions de m’en débarrasser, mais je lui ai chaque fois retrouvé une place de choix sur une tablette.

Il suffit en effet que je relise quelques paragraphes du texte de Jacques-Yvan Morin sur lequel s’ouvre ce numéro de la Revue d’histoire de l’Amérique française pour me convaincre de le conserver précieusement, comme un indispensable témoin des origines du mouvement indépendantiste québécois. C’est un texte qui agit généralement sur moi comme une grosse tape dans le dos (voire même, parfois comme un coup de pied au cul) pour poursuivre mon engagement politique.

Dans ce texte qui reprend une conférence prononcée le 30 avril 1966, Jacques-Yvan Morin, décrit les origines du concept de statut particulier, «dans plusieurs états et empires du passé et au cours de la plupart des grands réaménagements politiques des Temps modernes », et en particulier dans le cadre de l’Empire britannique.

Il aborde évidemment le cas du statut particulier du Québec au sujet duquel il conclut:

«Les défenseurs d’un statut particulier moderne pour le Québec veulent élargir cette notion et y faire entrer un certain nombre de compétences qui relèvent à l’heure actuelle du Parlement fédéral; ils proposent également de redéfinir le mode de participation du Québec au fonctionnement des organes centraux de l’État fédéral. J’estime, pour ma part, qu’une solution de ce type s’impose, si l’on veut vraiment faire en sorte « que la Confédération canadienne se développe d’après le principe de l’égalité des deux peuples qui l’ont fondée ». 

Le statut particulier du Québec doit être consacré tôt ou tard par le droit constitutionnel écrit. Certes, cette idée ne manque pas d’éveiller de fortes résistances au Canada anglais, mais telle est pourtant la condition d’un juste équilibre entre les deux nations canadiennes. Un observateur de l’extérieur, le journaliste Claude Julien, écrivait récemment à ce propos que les réalistes devront reconnaître que le Québec possède de fait une situation particulière méritant d’être consacrée par un statut particulier. Le refus d’un tel aménagement, ajoute-t-il, précipiterait l’éclatement de la Confédération et cet éclatement serait la fâcheuse conséquence non pas tant du séparatisme québécois que de l’incompréhension des anglophones, qui en porteraient l’entière responsabilité.» 

Jacques-Yvan Morin avait 35 ans quand il a écrit ce texte. Il a par la suite présidé les États généraux du Canada français, ce qui l’a amené à se joindre au mouvement souverainiste. Il est élu député de Sauvé en 1973. Il a agit comme chef de l’Opposition officielle jusqu’à l’élection de René Lévesque en 1976, puis assume les responsabilités de vice-premier ministre, de ministre de l’Éducation, de ministre du Développement culturel et scientifique et de ministre des Affaires intergouvernementales sous les deux gouvernements du Parti Québécois. Il a aujourd’hui 84 ans.

Jacques-Yvan Morin | Fiche biographique | Assemblée nationale

Ce document est dans ma bibliothèque pour me rappeler que les revendications du Québec ne datent pas d’hier, et que si elles s’inscrivent plus que jamais dans le fil d’une histoire très contemporaine — elles reposent néanmoins sur l’existence d’une relève politique qui tarde à s’organiser.

Parce que je me dis que si Jacques-Yvan Morin pouvait écrire en 1966 que:

«… depuis quelques années se fait jour au Québec l’opinion selon laquelle le Québec doit posséder un véritable statut particulier qui lui permettrait d’obtenir toute l’autonomie dont il a besoin comme « foyer national » du Canada français. En 1956, le rapport de la Commission Tremblay déclarait  que le Québec constitue notre « milieu politique fondamental » parce que , comme communauté humaine, il n’est assimilable à aucune autre « ni par les origines, ni par la religion, ni par la culture, ni par l’histoire de la grande majorité de la population, ni en conséquence par la plupart de ses institutions juridiques et sociales ». C’est pourquoi la Commission en vient à la conclusion que le Canada français a besoin d’un territoire où il puisse librement s’exprimer et bâtir ses propres structures institutionnelles.»

…il faudrait bien qu’en 2016 — 50 ans plus tard! — on arrive enfin à définir rapidement une nouvelle démarche, particulièrement claire et rassembleuse (et donc pas que franco-blanche-catholique), afin de faire de ce «milieu politique fondamental» un véritable pays.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

 

 

Objet 5

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J’ai utilisé hier l’expression branler dans le manche pour décrire d’inutiles hésitations. J’en profite pour présenter cet autre objet qui me suit depuis une vingtaine d’années. Un panneau routier indiquant l’entrée de la petite ville de Saint-Jules de Beauce.

J’ai récupéré cette enseigne avec mon ami Bernard, une nuit où nous allions prendre des photos astronomiques.

Nous avions suivi ensemble un cours d’astrophysique au cégep de Sainte-Foy. Le cours était probablement terminé et nos travaux remis depuis plusieurs semaines, mais nous avions pris goût à ces expéditions — et nous avions identifié le secteur de Saint-Jules comme le plus susceptible de nous offrir des conditions idéales pour l’absence de pollution lumineuse.

Nous y sommes allés plusieurs fois. Un peu plus d’une heure pour y aller, quelques heures couchés dans le champ le regard dirigé vers ciel, une heure pour le retour, et parfois un détour par la Terrasse Dufferin pour assister au lever du soleil en buvant le fond de nos thermos de café.

Ce devait être vers 1995. C’était encore l’époque des films argentiques. Il fallait d’ailleurs avertir les studios de développements que nos films contenaient des photos d’étoiles parce qu’autrement, ils nous revenaient inévitablement non-imprimés avec pour seule note: flou ou sous-exposé.

Un soir, en arrivant à Saint-Jules, nous avons remarqué qu’un nouveau panneau d’accueil avait été installé, et que l’ancienne enseigne, beaucoup plus modeste, était maintenant négligée. Bernard a spontanément rangé sa Toyota Tercel en bordure de la route et mis les quatre-flashers. Nous nous sommes greyés de clés anglaises et sommes descendus dans le fossé pour détacher le panneau du poteau où elle allait autrement être oubliée. C’est ainsi qu’elle a fait son entrée dans notre patrimoine.

Il y avait à cette époque à Saint-Jules une usine de manches à balais (d’où le lien avec le texte précédent!). Elle était située juste avant l’embranchement qui nous amenait au champ où nous nous installions clandestinement. L’usine était devenu le signal que nous étions enfin sur le point d’arriver  aux étoiles.

De mémoire, cette usine a été détruite par le feu il y a quelques années, mais une recherche rapide sur Google me fait croire qu’elle a depuis été reconstruite.

Heureusement pour la suite de l’exploration spatiale.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

 

 

Objet 4

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Une tranche d’arbre.

Et pas n’importe lequel. Un platane parisien. Souvenir de nos trois ans passés en France.

C’était en mai 2008, je crois. On était dans les dernières semaines de notre épopée parisienne. On venait probablement de traverser le parc, côté Cour Saint-Émilion, passant saluer les canards en sortant du métro. Un espace extraordinaire, presque surréaliste, au coeur de Paris.

C’est au moment de traverser la rue Joseph-Kessel, à l’intersection de la rue Paul-Belmondo, qu’on a vu les ouvriers. Ana m’a suggéré d’aller demander une tranche du tronc d’un platane: «ça ferait un beau souvenir de Paris!». Les enfants étaient très enthousiastes. J’étais un peu gêné… je branlais dans le manche… hésitant. «Ça fait pas un peu bizarre d’aller demander ça? ». N’attendant même pas la fin de mes tergiversations, Ana s’est dirigée vers l’émondeur d’un pas décidé. Je n’ai pas entendu ce qu’ils se sont dit, mais j’ai vu le visage de l’homme s’illuminer, la scie rugir… et Ana se retourner, tout sourire, avec son trophée.

Les enfants étaient fiers… de leur mère! Et j’ai immédiatement compris que je venais de me faire servir une remarquable leçon d’initiative — dont j’entendrais probablement parler chaque fois que j’allais à nouveau m’enfarger dans des hésitations inutiles.

Cette tranche de platane élégamment placée dans le haut de la bibliothèque, c’est un souvenir de Paris, bien sûr, mais aussi un rappel de cette importante leçon.

Merci Ana.

 

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

Objet 3

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Un livre tiré de la bibliothèque qui est à ma droite. La désobéissance de l’architecte, une sorte de biographie de Renzo Piano par le biais d’une conversation avec Renzo Cassigoli.

J’ai acheté ce livre en 2007. Fraîchement traduit. Je l’avais lu très rapidement. Curieusement assez peu annoté.

J’avais découvert l’oeuvre de Renzo Piano en visitant le port de Gênes, en 2004 — à l’occasion d’un congrès de l’Association internationale des villes éducatrices. La ville de Québec venait tout juste d’adhérer à cette association dans la foulée du forum annuel de la Chambre de commerce de Québec, qui avait pour thème cette année-là «Faire de Québec une cité éducative», et dans lequel j’avais joué un rôle important.

Tout dans ce voyage avait été fascinant pour moi: de nouvelles perspectives sur l’éducation, côtoyer Jean-Paul L’Allier quelques jours, la découverte de l’Italie, les rues extrêmement étroites des plus vieux quartiers de Gênes… et l’extraordinaire expérience de son port fraîchement réaménagé, par Renzo Piano — dont j’ai découvert par la suite l’étendue de l’oeuvre et l’influence.

J’ai trouvé fascinant de de réaliser que plusieurs de mes notes de l’époque se trouvent d’ailleurs dans les archives de mon blogue:

AIVE 2004 | Archives de mes notes

Sortant le livre de la bibliothèque, j’ai trouvé un signet à la page 31 — vraisemblablement pour marquer ce passage:

«J’aime le chantier. C’est un lieu extraordinaire, où tout est toujours mouvement, découverte continuelle, invention. Tout ne tient pas dans le projet, c’est faux. C’est le chantier qui te dit où sont les priorités, les choix à faire pour des décisions qui, sur le papier, te semblaient peut-être insignifiantes. Un chantier n’est jamais fini; il est à l’image des bâtiments et de la ville, qui sont des réalisations in-finies ou non finies. […] L’organisation du chantier, en ce sens, au-delà des aspects purement techniques, est devenue partie intégrante de la rencontre entre l’ancien et le nouveau. Là-bas, je n’allume même pas mon ordinateur, alors que, dans mon travail à l’atelier, j’ai besoin de cet outil moderne.»

Cette distinction entre le projet, le chantier et l’atelier, me semble toujours aussi importante.

Ma mère me rappelle parfois qu’enfant, je confondais le mot chantier et le mot sentier.

Mais, justement, sont-ils si différents?

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

 

Objet 2

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Lorsque j’ai publié la photo de mon nouvel espace de travail, quelqu’un m’a demandé «mais qu’est-ce là, sur ta droite? Un taille-crayon?». Bien sûr que non. C’est une vieille caméra!

Kodak Hawkeyes Instamatic Movie Camera Model B

La poignée sous l’appareil contient deux piles AA et peut être repliée. Un seul bouton pour déclencher la captation du film. Une lentille 14mm qui se tourne en fonction de la lumière ambiante, selon les suggestions inscrites au verso de la poignée — gros soleil, soleil, nuageux, beaucoup de nuages, intérieur. En ouvrant l’appareil, un espace pour une Kodak Super 8 Film Cartridge.

Made in Rochester, N.Y., U.S.A. by Eastman Kodak Co. * REG. U.S. PAT. OFF.

C’est un appareil qu’Ana a dû acheter au marché aux puces pour ajouter à notre collection paresseuse de vieux appareils photos et caméras. Pour le plaisir des belles choses ingénieuses et des traces de l’évolution technologique. Parce qu’on est bien loin du iPhone et d’iMovie

On tombe dans un monde fascinant quand on fait des recherches sur ce genre d’objet.

J’ai évidemment trouvé des appareils semblables sur eBay, pour 5$ à 40$. Et même des cartouches de film inutilisées. Je me demande si j’arriverais à les faire développer.

J’ai aussi trouvé au fil de mes recherches des versions pdf de très vieux manuels d’utilisation de caméras fixes (jusqu’aux environs de 1880). Fascinant! Curieusement, je n’en ai trouvé aucun qui offre des suggestions pour faire de bon selfies. Dommage.

On peut lire fréquemment dans ces guides:

When pushing the exposer lever, hold the breath for the instant. 

C’est pour des raisons de santé publique qu’on devrait faire la même chose aujourd’hui.

 


De la série Sur mon (nouveau) bureau

Objet 1

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Sculptée. Par la nature? Par un humain?

Une mitaine? Un paysage? (je devrais peut-être me mettre à sa recherche)

Je l’ai toujours trouvée très belle en tout cas. Et intrigante.

Son poids et sa texture la rendent aussi très agréable à manipuler. Inspirante.

Il me semble qu’elle a toujours fait partie de mon environnement. Elle était sur la tablette d’une petite étagère dans la maison familiale. Je crois que c’est ma mère qui l’a trouvée à l’occasion d’une promenade sur la grève, à Rimouski — où je suis né.

C’est un souvenir. Précieux.


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