Je vous fais grâce du contexte qui m’offre l’occasion de lire autant depuis quelques jours — mais j’en profite pleinement! C’est ainsi que j’ai complété ce soir la lecture de La femme qui fuit, d’Anaïs Barbeau-Lavalette.
C’était un très curieux enchaînement après Ma vie rouge Kubrick. Non pas parce que le premier s’était mérité le Prix des libraires en 2014 et que celui-ci s’est mérité le même honneur en 2015, mais parce que ce sont deux histoires dont les personnages sont profondément marqués par les gestes et les choix d’un de leurs grands-parents. Vraiment très profondément.
La femme qui fuit, c’est Suzanne Meloche, la grand-mère d’Anaïs Barbeau-Lavalette. La mère de Manon Barbeau. C’est une femme qui a abandonné ses enfants dans la tourmente sociale et culturelle du Québec de la fin des années 40 et des années 50. Une époque où le premier ministre pouvait ordonner à la police de mettre la sculpture d’une femme nue en prison (!) sous prétexte de son indécence. L’époque du Refus global.
La femme qui fuit, c’est l’histoire, dramatique, d’une famille.
C’est aussi l’histoire, troublante (et incomplète), de l’ouverture du Québec sur le monde — et des conséquences qu’ont dû assumer certains de ses libérateurs.
«On est allé trop vite, trop loin», griffonnera Suzanne Meloche à sa fille, dans un recueil de poèmes, quelques années avant de mourir.
Entièrement écrit au « tu », le récit d’Anaïs Barbeau-Lavalette nous force, page après page, à s’inscrire dans l’intimité d’un dialogue cathartique entre une petite-fille et sa grand-mère. C’est déroutant, touchant, passionnant.
Un très précieux témoignage.
Un livre vraiment inoubliable.
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Il fallait que tu meures pour que je commence à m’intéresser à toi.
Pour que de fantôme, tu deviennes femme. Je ne t’aime pas encore.
Mais attends-moi. J’arrive.