Le résultat de l’élection présidentielle américaine nous a amenés à réfléchir sur le rôle des fake news — sur ce qu’est vraiment une fausse nouvelle et, de façon plus générale, sur l’importance de la qualité de l’information dans une démocratie.
Mais ce qui me reste le plus à l’esprit, deux mois plus tard (à deux jours de l’inauguration du 45e président des États-Unis), c’est l’incroyable influence de l’environnement informationnel dans lequel on baigne au quotidien. Et des moyens dont nous disposons pour aménager cet environnement.
On l’a dit, le fonctionnement de services comme Facebook repose presque entièrement sur des algorithmes. On le dit souvent comme une façon de dire qu’on n’y peut rien, c’est comme ça.
Et pourtant, c’est nous qui nous indiquons à l’algorithme de Facebook, comment nous souhaitons qu’il aménage l’information qu’il nous présente.
Le problème c’est que l’algorithme a l’oreille fine, il entend tout ce qu’on dit, même quand ce n’est pas vraiment à lui qu’on s’adressait.
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Pour l’algorithme, ce qui est important c’est de nous présenter des choses qui nous donnent envie d’interagir avec lui: de cliquer sur j’aime, sur je n’aime pas, de partager des textes et des images.
Et chaque fois qu’on fait ça, on se trouve à parler avec l’algorithme. On l’aide à comprendre qu’est-ce qui peut faire cliquer toujours plus souvent. Parce que c’est ça son rôle.
L’algorithme de Facebook ne veut pas nous informer. Il veut nous faire cliquer — qu’importe sur quoi. Parce que c’est nos clics que Facebook transforme en argent, de toutes sortes de façons.
Cette prise de conscience me fait maintenant hésiter à cliquer sur j’aime. Parce que j’essaie d’abord de réfléchir comme l’algorithme. J’essaie d’interpréter ce que je suis en train de dire en cliquant sur ce petit pouce bleu à l’air inoffensif?
Parce que je suis de plus en plus conscient que je ne suis pas seulement en train de dire à l’ami qui me présente un article de La Presse, par exemple, que j’apprécie ce qu’il a partagé avec moi.
Je suis en même temps en train de dire à l’algorithme que je veux qu’il sache que j’aime ce genre de publication, que j’aimerais qu’il informe tous mes amis que j’ai aimé ce texte et que je compte évidemment sur lui pour me présenter de plus en plus de choses semblables.
C’est pour ça qu’on ne peut pas se contenter de déplorer le fonctionnement algorithmique de Facebook. Parce que c’est nous qui introduisons les variables dans l’algorithme. Nous avons donc une responsabilité dans la composition de notre mur Facebook.
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J’ai été renversé de découvrir, en fin d’année, que j’avais cliqué/partagé/publié 12000 fois sur Facebook en 2016 (c’était indiqué dans le petit bilan de fin d’année). Autant de fois où j’ai nourri l’algorithme, sans trop m’en rendre compte. Docilement.
Alors ne vous surprenez plus si je clique moins souvent sur j’aime sur ce que vous publiez sur Facebook.
Ce n’est pas parce que j’aime moins ce que vous publiez. C’est parce que je suis plus conscient du message que je passe en même temps à l’algorithme:
- svp, répète à tout mon réseau que j’aime ça;
- assure-toi que mes amis voient aussi ce texte ou cette photo;
- et présente-moi le plus souvent possible des choses du même genre.
Si je ne suis pas prêt à dire tout ça à l’algorithme, je ne clique pas.
Parce que je suis de plus en plus conscient que quand je clique, c’est d’abord à l’algorithme que je parle.
J’espère que tu continueras à « aimer » mes billets de blogue, cela dit ;)
Je n’ai cliqué «J’aime» que 17 fois dans l’année. Consciemment. Parce que je résiste carrément à ce que tu identifies dans ton texte. J’ai souvent l’impression que mon abstention est futile, qu’elle équivaut à retirer un seul grain de sable de toutes les plages du monde, mais je persiste.
Et je ne sais combien de temps, ni comment, je vais pouvoir résister au perfide envahissement des Google/Facebook/etc de ce monde. Ils sont si utiles (surtout Google) mais en même temps si pernicieux.
C’est liberticide, mais ce sont des chaînes que la majorité ne voit pas, maquillées qu’elles sont sous leur enveloppe de commodité et de convivialité.
En même temps, j’aime ce que tu écris, et le fait de donner mon appréciation à Facebook permet à tes billets d’être vus par plus de monde. Donc c’est bien. L’effet pervers est peut-être plus dans le « je n’aime pas, ou le Grrrrr », qui donne du poids à une publication que justement je ne veux pas voir circuler.
Autrement dit, je ne pense pas que de participer à la grande foire numérique soit intrinsèquement mauvais, mais il est nécessaire de bien comprendre les impacts de nos clics.
T’es ‘J’aime’ sont souvent pertinent pour nous faire découvrir de bons articles. Il faut continuer de faire circuler ceux là et dire à l’algorithme qu’il doit accorder aussi de l’importance au contenu de qualité. Utilisons donc la fonction judicieusement! (De toute façon c’est un peu poche de voir après coup que tout ton reseau est maintenant au courant de ta vie alors que tu voulais juste dire « j’aime cet article précis dans un contexte precis » et que tout le monde n’à pas besoin de le savoir…)
Ton texte rappelle le fait que non seulement les algorithmes, mais également les gens qui nous côtoient, nous définissent par ce que nous «likons». Et ça m’a fait repenser cette semaine à une de mes citations préférées: «when you don’t create things, you become defined by your tastes rather than ability. your tastes only narrow & exclude people. so create.» C’est Why The Lucky Stiff qui a dit ça il y a plusieurs années, mais ça me semble de plus en plus d’actualité.