Ça s’est passé en France, mais ça nous concerne tous: la démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre d’État à la transition écologique et solidaire du gouvernement d’Emmanuel Macron.
Le geste est spectaculaire, sans préavis, en direct à la radio, mais ce n’est certainement pas ça qu’il faut en retenir.
Il ne faut pas se contenter du clip qui circule le plus, qui dure presque trois minutes, et encore moins de celui de 30 secondes. Il faut regarder et écouter attentivement au moins les 20 premières minutes de la version longue, qui en dure quarante au total. C’est vraiment très dur.
Son constat est implacable: la dynamique politique actuelle s’avère incapable de répondre aux enjeux écologiques auxquels nous sommes confrontés.
Il ne comprends pas notre indifférence collective devant le réchauffement climatique, qu’il présente comme «la voie tragique dans laquelle s’est engagée l’humanité».
Et malgré la bonne volonté de ses ex-collègues (qu’il continue d’admirer et à qui il s’excuse d’imposer «un geste pas très amical») il arrive à la conclusion que le fonctionnement actuel du gouvernement est incompatible avec l’urgence de la situation (ce n’est manifestement pas différent ici).
«Je me suis surpris, des fois, par lassitude, à baisser les bras.»
Se sentant en danger de «se résigner aux petits pas», il a préféré démissionner — pour ne pas devenir complice d’une forme d’aveuglement devant l’ampleur et l’urgence du défi écologique.
«J’espère que mon geste ne sera pas inutile».
Voyant cela, on ne peut pas faire autrement que de se demander ce qu’en pensent les chefs des partis politiques qui sollicitent notre confiance dans le but de former le prochain gouvernement du Québec.
Je pense même qu’on doit leur demander très directement ce qu’ils en pensent: en leur écrivant, en les interpelant sur les réseaux sociaux, en demandant aux journalistes de les interroger sur le sujet — et exigeant du consortium de télévision qui prépare le débat des chefs qu’il prévoit un segment sur le réchauffement climatique et ses conséquences prévisibles pour le Québec.
Et attention! Les chefs devraient éviter de tomber dans trop partisanerie. Ça les disqualifieraient parce que Hulot le dit clairement: l’attitude partisane n’est pas étrangère à l’impasse dans laquelle nous sommes.
«La diversité [des points de vue] est tellement importante dans notre société. [Il faut arriver à] s’enrichir de nos différences plutôt que de les confronter en permanence.»
En sommes, ce que Hulot nous dit aujourd’hui, c’est qu’on ne pourra pas se sortir du bourbier dans lequel on se trouve sans apprendre à mieux coopérer. En politique aussi. Surtout en politique, peut-être.
Alors, qu’est-ce qu’on attend?
Il y a longtemps que j’avais entendu un politicien avoir des propos aussi durs, lucides et directs sur nos défis écologiques immédiats. Je retiens cette phrase: « alors que la planète devient une étuve [la situation] mérite qu’on se retrouve et qu’on change d’échelle, qu’on change de scope, qu’on change de paradigme. »
Il n’est même pas défaitiste. Au contraire, les yeux rivés sur l’avenir et l’action.
En l’écoutant l’entrevue ce matin, je m’étais dit qu’on devrait la faire tourner en boucle à nos chefs de partis. Mais lorsque, au lendemain de sa conférence sur les mérites du covoiturage, on entend Lisée s’en prendre à QS à propos de son calendrier pour éliminer les voitures à essence, on a un autre bel exemple comme cette fichue partisanerie nous conduit directement dans l’oeil de la tempête climatique.
«…dans l’œil de la tempête climatique. » — j’adore l’expression!
J’aime bien que tu interpelles aussi les représentants des médias dans ton texte, Clément. Dans l’entrevue avec Nicolas Hulot, qui a été selon moi d’une franchise et d’un aplomb dont nous devrions nous souvenir longtemps, il était parfois un peu sidérant d’entendre Lea Salomé l’interrompre pour lui rappeler les limites du système, voire sa naïveté de vouloir changer les choses, comme s’il s’agissait d’un devoir de rigueur journalistique.
Avant même les sorties des chefs de partis les uns contre les autres, il fallait entendre aujourd’hui les railleries des journalistes et des commentateurs sur certaines propositions (dont celle mentionnée par Yves)…
La phrase mentionnée par ywilliams est également celle qui m’interpelle le plus aussi. Faut changer d’échelle. (facile à dire, pas facile à faire, mais faut commencer par s’en rendre compte…)
Changer d’échelle: pour aller dans des approches plus globales ou plus locales? (je sais la question est inutilement dichotomique).
Mais ça veut dire quoi, changer d’échelle, pour toi? Pour vous?
Impasse politique ou impasse démocratique? Faut-il »faire tourner en boucle » l’entrevue à nos chefs de partis ou à tous les électeurs? Qui a élu Trump? Qui a élu Ford? Qui fait en sorte que Trudeau recule à une vitesse grand V sur ses promesses en matière environnementale? Je sais. Il faudrait que les politiciens soient plus courageux que nous le sommes individuellement. #Colère Laurent.
Changer d’échelle… «Facile à dire, pas facile à faire» que je disais. J’sais pas. J’ai toujours été de ceux qui sont convaincus qu’on va trouver des solutions technologiques ou techniques à nos problèmes… qu’on peut continuer à croitre et qu’en innovant on va s’en tirer. Peut-être que changer d’échelle c’est de réfléchir ça autrement…
Changer d’échelle, comme il le dit, c’est de penser différemment la croissance, l’économie, nos besoins. Et ce changement ne doit pas venir que des politiques; il doit être voulu et compris par tous, par le citoyen. Mais, comme il le dit aussi, on est même pas capable de ramasser nos mégots par terre. On part de loin.
Pour réussir le combat pour stopper le réchauffement climatique et le déséquilibre écologique général, le premier geste à poser n’est pas de nature écologique. Il est économique. Il est illusoire de penser réussir l’essentiel virage sans D’ABORD changer le système économique actuel dont la «stabilité» repose sur une instabilité structurelle, soit une croissance minimale d’environ 2% chaque année. C’est par cette croissance que l’humanité court à sa perte. Il faut réussir à poser les principes d’un système économique où la stabilité reposera sur une croissance d’environ 0.15%. Et ça, ce n’est vraiment pas simple. Tant que ce ne sera pas réussi, nous nous rapprochons du mur, ce mur étant formé du climat, de la pollution, de l’épuisement des ressources, de l’extinction des espèces vivantes et de quelques autres maux, cimentés par la surconsommation.
Économie, écologie, consommation (et sur-consommation), croissance…
Hélas, depuis que «L’ÉCONOMIE» est la seule «règle» et que tout se mesure et (surtout) se chiffre, nous avons tous perdu nos repères… HUMANISTES.
Donc, plus de rêve, plus de vision, plus de solidarité, pas plus de cohésion non plus.
Non, je ne suis pas optimiste.