Et toi, tu ferais quoi avec le PQ?

— Ok, ok… ça va pas bien, on est d’accord, mais tu ferais quoi toi avec le PQ?

C’est la question que je me suis fait poser à la fin d’un échange avec des amis cette semaine.

Je reconnais que la question est légitime, parce que quand on se permet de critiquer il faut aussi avoir le courage de se mettre en mode proposition.

Alors je veux bien y répondre… mais comme j’ai choisi de prendre quelques distances du Parti Québécois et que je ne veux surtout pas donner l’impression de prendre une position de donneur de leçons, je précise d’entrée de jeu que je formule ma réflexion avec beaucoup d’humilité. Je le fais dans l’espoir de contribuer à une réflexion qui, je le sais, se fait par ailleurs dans les différentes instances du parti… dans un contexte beaucoup plus complexe que le mien.

Cela dit, je ferais quoi du PQ dans la situation actuelle?

Je pense que je commencerais d’abord par reconnaître que les résultats de la dernière élection ne sont pas seulement dus aux circonstances (appel du changement, émergence de Québec solidaire, etc.). Ils ne sont que l’énième (l’ultime?) étape d’un long décrochage du parti, auquel une très large partie de la population ne souhaite maintenant plus être associée.

J’exprimerais ensuite l’absolue nécessité de refonder le parti. Et je mettrais tout sur la table: le programme, la structure et, bien sûr, le nom du parti (dont le changement ne devrait avoir lieu qu’au terme de la refondation, comme un geste symbolique qui marque la fin de la métamorphose, et non le début).

Je mettrais finalement sur la table une proposition de départ pour guider les échanges qui devront guider la refondation. Un texte court, qui devrait énoncer clairement les principes qui devraient être au coeur de la transformation du parti.

Quelque chose comme:

  1. Nous croyons que l’expression culturelle et la fréquentation de la culture doivent être la base de l’identité nationale et de notre vie démocratique.
  2. Nous croyons que l’éducation doit avoir comme premier objectif le développement de la confiance en soi et l’autonomie de toutes les citoyennes et de tous les citoyens.
  3. Nous croyons que le rôle de l’État est de s’assurer que le développement économique de la nation québécoise se fait de façon équitable pour tous les citoyens et pour toutes les citoyennes.
  4. Nous savons que le développement équitable de la société québécoise est dorénavant conditionné par les enjeux associés aux changements climatiques et que cela nous oblige à réfléchir continuellement avec une perspective environnementale planétaire.
  5. Nous croyons que l’indépendance politique du Québec est nécessaire pour pouvoir concrétiser les quatre principes précédents.
  6. Nous reconnaissons toutefois que la souveraineté dont le Québec a besoin pour assurer son développement n’est pas seulement liée à son statut constitutionnel. Sa dépendance croissante à l’égard de certaines entreprises médiatiques, technologiques, pharmaceutiques et agroalimentaires, par exemple, est également préoccupante.
  7. Toutes les personnes qui adhèrent aux six principes ci-dessus sont invitées à joindre le parti pour débattre des meilleures façons de les concrétiser.
  8. Le premier rôle du/de la chef.fe de notre parti est d’arbitrer les débats au sein du parti et d’agir comme porte-parole des décisions qui auront été prises au terme de ces débats.

Je préciserais en conclusion que l’objectif de cette démarche ne doit pas être de plaire à tous les membres actuels du Parti. L’exercice doit avoir pour objectif prioritaire de susciter l’intérêt de celles et ceux qui seront au coeur de la vie démocratique en 2026 et en 2030. Il faut se donner de la perspective!

Inutile de se raconter des histoires: le Parti Québécois ne reprendra vraisemblablement pas le pouvoir en 2022. Il faut maintenant travailler avec une perspective de 8 ans… voire plus.

Pour cette raison, on devrait aussi assumer que ce qui est important pour le Parti Québécois ce n’est pas d’être pertinent à la prochaine session parlementaire, ou même à la suivante. Il ne s’agit plus de gagner la journée, ou d’être au coeur des travaux parlementaires — du moins pas à court terme. Le parti est en convalescence. Il faut travailler sur lui avant de pouvoir prétendre retrouver notre place dans le feu de l’action.

Et, de grâce, ne me demandez pas ce que René Lévesque penserait de ma proposition.

Ça n’a absolument aucune importance.

12 réflexions sur “Et toi, tu ferais quoi avec le PQ?

  1. Bien d’accord, surtout avec «Il faut travailler sur lui avant de pouvoir prétendre retrouver notre place dans le feu de l’action». Un peu de «silence public» fera beaucoup de bien.

  2. Quelle belle réflexion!
    Le Bloc qui tient un exercice de réflexion en ce moment (trop pressé, mais bon), pourrait aussi s’en inspirer.
    Dans un contexte de refondation, il faudra se donner des principes opérationnels consensuels et rassembleurs qui libéreront le parti de positions et réflexes historiques peu adaptés au contexte actuelle.
    Parmi les premiers principes (a discuter mot par mot) devrait apparaître celui de la démocratie (interne et externe) ainsi que le respect des institutions démocratiques et étatiques. Ce principe pris pour acquis, mais sournoisement menacé, nous distingue de QS (souveraineté socialiste et « démocratie de la rue ») et de la CAQ (Parti au fonctionnement interne autoritaire).
    J’ai hâte de lire plus de commentaires!

    En passant, le congrès régional de refondation du Bloc, c’est demain 12h au Centre Claude-Allard à Ste-Foy!

  3. J’ai perdu foi en ce parti et de te lire me redonne confiance dans le fait qu’il pourrait y avoir une voie différente à créer, avec ces idées à développer et avec une énergie renouvelée. Mais je suis tout à fait d’accord que le PQ est un grand malade en convalescence. À cet moment-ci je suis tres attentive au gouvernement élu. Je vois de nouvelles personnes, une approche qui ressemble à ce que sommes comme société. Élire 75 députés, c’est représentatif. Ce qui me préoccupe c’est le clivage entre la région de Montréal et le reste du Québec. Ce qui suscite ma curiosité c’est la relation Québéc/ Ottawa avec Legault (fond d’independantiste) et Trudeau (avec ADN multiculturel fédéraliste) dans un contexte d’élection fédérale.

  4. Tu vois à long terme, c’est… rare. Je trouve apaisant de te lire. Rassurant.

    J’ai eu envie de dire que je ne suis pas convaincue « que l’éducation doit avoir comme premier objectif le développement de la confiance en soi et l’autonomie », mais en y pensant un peu, oui, je placerais assez haut la débrouillardise (appelons-la autonomie, je veux bien, mais elle a l’avantage d’être polyvalente et de pouvoir s’adapter à un avenir inimaginable vu d’ici). Pour la confiance en soi… là, le système actuel partirait de très très très très loin. Dans ma petite réalité un peu marginale, les enfants que je vois qui débordent de confiance en soi… sont éduqués à la maison! ;-)

  5. Merci de partager tes réflexions…j’aimerais t’apporter quelques questions qui me préoccupent présentement…Que répondre aux 700,000 électeurs et électrices qui ont fait confiance au Parti Québécois pour se débarrasser des Libéraux et pour embarquer dans le train de l’indépendance en 2022??
    Est-ce que Jean-François Lisée n’était pas le meilleur chef pour faire avancer le Québec????Est-ce que le programme du P.Q. n’est pas le meilleur programme pour lutter contre Énergie Est et pour lutter contre les changements climatiques? Quel est notre niveau d’engagement envers le programme actuel du P.Q.? Le P.Q. a soudainement changé d’idées car elles ne sont plus populaires…alors leur vote pour un député ou pour un candidat ne sera pas respecté?????

  6. @Patrick Je ferai éventuellement une suite, mais pour le dire simplement/rapidement, ce sont les points 3 et 7 qui me semblent faire défaut chez QS.

    Dans le premier cas, ma perception est que la contribution / le potentiel que les entreprises privées représente n’est pas reconnu à sa juste valeur. Peut-être que je me trompe? Tu crois?

    Dans le deuxième cas, je pense que ni QS ni le PQ actuel (ni même aucun parti présent à l’Assemblée nationale actuellement) n’est à la hauteur de mes attentes. Je souhaite l’émergence d’un parti qui verra comme une richesse la diversité des points de vue (à gauche comme à droite) et qui consacrera ses énergies à bâtir publiquement des consensus plutôt que de les consacrer à entretenir l’illusion que tout le monde est d’accord sur tout. Mon prochain engagement partisan sera dans un parti qui aura la force de dire «si vous êtes d’accord sur cette vision, vous n’avez pas à être d’accord sur tout, sur les moyens de mise en oeuvre, et vous pouvez le dire — c’est comme ça qu’on va rallier des gens».

    Est-ce que c’est clair (sinon, faudra bien que je fasse un texte complet sur le sujet…)

  7. @Pierre — les questions que tu soulèves sont intéressantes, mais je trouve qu’elles s’inscrivent trop dans les suites de l’élection de 2018, alors que je crois qu’il est indispensable de s’inscrire dès maintenant dans la dynamique de 2022, voire de 2026 — et du parcours que le PQ doit faire d’ici-là.

    On fait quoi pour avoir un haut niveau de confiance que nous rejoindrons plus d’électeurs en 2022 ou 2026 que nous avons pu le faire en octobre dernier? Comment on fait pour rejoindre plus de jeunes. Et plus de nouveaux arrivants. Comment on fait pour recommencer à convaincre sur l’Île de Montréal? Dans la Capitale nationale? Pour se libérer de toutes les étiquettes toxiques qu’on s’est laisser coller dessus depuis dix ans? Comment on fait pour recommencer à inspirer?

    D’où va venir le leadership pour aborder ces questions-là?

  8. J’ai l’impression qu’ils.elles sont ouverts à l’apport de l’entreprise quand ils.elles (j’essai de ne pas être patriarchique ;) ) croient y voir un citoyen en affaire, dès que c’est plus gros et «sans visage», ça va moins bien. Il y a probablement un gros paquet d’entreprises entre le petit commerce de quartier et Lavalin qui pourraient, en effet, être mieux comprises et supportées.

    Pour le 7, je suis d’accord conceptuellement mais j’ai beaucoup de difficulté à imaginer ça en fonction.

  9. @Patrick: pour le 7, je tenterai de faire un texte plus précis sur le sujet dans les prochaines semaines — ça me semble de plus en plus fondamentale d’imaginer des façons de mettre ça en oeuvre concrètement.

  10. Ça faisait un bout que je n’avais pas visité ton blog et je suis content de constater que tu es toujours aussi actif et que tes réflexions sont toujours aussi pertinentes! Pour ma part, ça fait aussi un bout que je pense que notre démocratie et notre modèle de gouvernance semblent « malades »!…et ce à plusieurs niveaux de notre société! Il y a là, à mon avis, une très grande place à l’innovation pour bousculer notre modèle démocratique actuel! Comment?… je ne le saie pas vraiment! Toutefois, je saie qu’il existe certains modèles européens inspirants, peut-être comme la Suisse, entre autres, où l’implication citoyenne, dans le processus démocratique, assure une certaine continuité dans la vision à long terme de l’émancipation d’un peuple. Dans cette projection, j’imagine les politiciens élus « majoritaires » qui ne se retrouvent pas les seuls maîtres de la joute et de la destiné d’un peuple dans un contexte de vision à court terme basé sur un électorat à 30% de suffrage aux 4 ans! Ce mode « démocratique » actuel m’apparaît très passéiste et moribond! Il me semble aussi que ça fait longtemps qu’on entend les doléances et les lassitudes des gens de cette rhétorique ou « cirque » électoral perpétuel!?! Présentement, la vison et les orientations changent aux grées des partis politiques et des « pseudo courants populaires » qui les conduisent au pouvoir. Peut-être même que la notion de « parti politique » devrait être revue ou simplement abolie pour une autre forme de gouvernance? À mon avis, dans une possible refonte du PQ, je pense, à prime abord, qu’il devrait renaître sous un autre nom avec une approche de gouvernance innovante et aussi vraiment plus radicale sur l’indépendance! Sinon, c’est de la continuité dans le conformiste politique actuel et ça me semble mener nul part!…je rêve peut-être un peu trop fort…mais rassure-toi, je ne fréquente pas la SQDC!!! :-)
    Merci d’offrir cette fenêtre stimulante de réflexions et au plaisir de te lire à nouveau!

  11. @Normand: merci beaucoup pour ce commentaire. Je ne pense pas que tu rêves trop fort. Au contraire. C’est à ce niveau qu’on doit mettre nos attentes si on veut arriver à quelque chose dans les prochaines étapes!

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