
Lecture du Devoir avec un café au soleil, à proximité des fines herbes ce matin. Un bonheur.
J’en retiens particulièrement cette réflexion de la présidente-directrice-générale d’Hydro-Québec:
C’est moins le fait que le Québec atteindra ses cibles [climatiques] qui va changer le monde que la façon dont on va le faire. Ça peut devenir une inspiration pour les autres : comment on a mis nos efforts en commun pour atteindre cette cible.
Sophie Brochu
Ça me semble important, parce que ça vient rappeler que la contribution de chacun peut varier dans l’immense défi planétaire qui consiste à faire face aux changements climatiques.
Bien sûr que l’empreinte carbone du Québec est pratiquement insignifiante par rapport à celle de pays comme les États-Unis ou la Chine — mais ça ne veut pas dire qu’il est vain de travailler à la réduire.
Je pense, moi aussi, que la conscience de ça doit, au contraire, nous amener à réaliser que notre responsabilité est peut-être surtout de trouver des façons ingénieuses et ambitieuses pour réduire collectivement nos émissions de gaz à effet de serre — des façons de faire qui pourraient être reproduites ailleurs, où leur portée, leurs effets, pourraient être décuplés.
Ça suppose évidemment de sortir des sentiers battus, d’innover, de ne pas se laisser freiner par le fait que « ça n’a jamais été fait avant » — comme on a su le faire, dans une foule de domaines, lors de la Révolution tranquille. On doit retrouver cet état d’esprit.
Ça met aussi en évidence qu’il est indispensable de trouver le moyen de donner un sens à nos gestes, à nos choix et, plus encore, à nos projets. Il faut trouver des façons d’en faire des récits inspirants, pour toutes celles et ceux qui vivent ici — et beaucoup plus largement.
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C’est peut-être par un effet de contraste avec les propos de Sophie Brochu… mais trouvé vraiment dommage qu’il n’y ait pas beaucoup de ce genre d’inspiration, dans le Cahier Lire.
L’idée était pourtant fantastique: offrir carte blanche à sept auteurs et autrices pour réfléchir à l’après-pandémie. Mais ouf — j’ai trouvé que le portrait qui s’en dégageait était bien sombre.
Heureusement, il y a le texte de Michel Jean au sujet d’une certaine confiance retrouvée par les Innus.
Les communautés innues sortent de la crise sanitaire avec le sentiment qu’elles peuvent décider de leur destin. Qu’elles en ont donné la preuve. Alors que le Québec semble comprendre que les pensionnats autochtones ont fait des victimes sur son territoire aussi, peut-être que les choses seront différentes désormais. Je l’espère.
Michel Jean
Les autres textes sont de Alain Farah, Chloé Savoie-Bernard, Yara El-Ghadban, Samuel Archibald. Il y a aussi une courte bande dessinée de Jean-Paul Eid et Diane Obomsawin.
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Il ne s’agit évidemment pas de présenter le monde d’après de façon exagérément optimiste, voire candide. Il me semble qu’il s’agit plutôt d’essayer de porter sur celui-ci un regard qui prend forme à partir des possibles.
Il me semble qu’il faut essayer de profiter de l’occasion de ce grand brouhaha pour faciliter la formulation de nouvelles utopies… ce qui n’empêche évidemment pas de nier les difficultés qu’il faudra relever pour les réaliser.
Au fond, c’est peut-être un auteur ou une autrice de science-fiction qu’il manquait pour compléter le Cahier Lire.
En tant que lecteur, la science-fiction est une sorte de répertoire des possibles, qui met en scène des mondes envisageables. Les objets techniques utilisés dans ce cadre n’ont peut-être pas de pertinence au regard des connaissances actuelles mais ils ne sont souvent qu’un prétexte pour mettre des humains dans une situation qui ne se produirait pas sans eux. Se pose alors la question de ce qui se passerait s’ils existaient. C’est le fameux questionnement “Et si… ?”.
Roland Lehoucq, dans Usbek & Rica
J’vais te dire… je ne sors pas du foutu tunnel dont on voit supposément le bout depuis si longtemps avec tant d’optimisme que ça. Je n’ai jamais vraiment vu le bout. Et j’ai l’impression que ceux qui gagnaient déjà au jeu des inégalités vont refermer les yeux avec un bonheur paisible et laisser les autres se démerder, comme avant (sauf que les autres vivront dans le pire, pas dans le comme avant). C’est une impression, teintée de ce que j’ai vécu depuis 18 mois et de ce que je vis maintenant, bien sûr, mais…c’est comme ça. Ah oui j’ai lu et vu des idées enlevantes, et de mon côté bien individuel j’ai amélioré certaines choses, mais pour l’ensemble? Mon instinct, c’est de garder les genoux un peu pliés, question de moins souffrir de la claque qui s’en vient sans doute…
Je ne comprends pas cette idée de comparer l’empreinte carbone de pays et de conclure que celle du Québec ou du Luxembourg est insignifiante. Tous les humains sont égaux, non? Et un Chinois moyen émet bien moins qu’un Québécois moyen. Si on découpait la Chine ou les États-Unis en petits pays, les gros pollueurs disparaîtraient, mais la situation serait-elle meilleure? Que nenni!
@Helene — Je ne dis pas du tout qu’il faut mettre de côté nos réserves, critiques, etc. Je pense seulement que d’aborder les choses de façon positive peut contribuer à les faire arriver ainsi. Cela dit, il est indéniablement nécessaire de maintenir un équilibre là aussi.
@Sylvain — Il est vrai que l’émission par personne reste révélatrice de bien des choses, et qu’aucune émission n’est insignifiante. Il me semble qu’il reste que les sociétés étant aussi des systèmes, l’échelle des changements collectifs / nationaux, n’est pas non plus sans intérêt. Quand l’État québécois adopte un changement, cela a globablement moins d’impact que quand l’État chinois le fait, non? L’idée n’est pas de se déresponsabiliser, au contraire!