Je lis depuis quelques jours (sur mon iPhone, lors de mes déplacements et dans les transports en commun) Guy Coulombe, le goût du pouvoir public — un livre de Jacqueline Cardinal et Laurent Lapierre, publié par les Presses de l’Université du Québec.
Je connaissais le nom ce grand commis de l’État, mais pas beaucoup plus. C’est en lisant quelques textes publiés à l’occasion de son décès, la semaine dernière, que j’ai eu envie d’en apprendre davantage à son sujet — et que j’ai découvert ce livre publié tout récemment par les PUQ.
Les auteurs rendent d’ailleurs hommage à Guy Coulombe dans Le Devoir d’hier matin — en présentant notamment ce qu’étaient pour lui les quatre grandes qualités que tout haut dirigeant doit posséder. Une synthèse à lire.
Je n’en suis encore qu’au tiers du livre, mais déjà, je découvre un personnage très inspirant, tant par son parcours professionnel atypique que par le regard qu’il porte sur l’évolution de la société québécoise.
Où j’en suis dans la lecture, je retiens particulièrement l’importance que Guy Coulombe accordait au choix des gestes qu’on pose — parce qu’il faut « choisir ses batailles ».
« …[il faut] savoir distinguer entre l’essentiel et l’accessoire à chaque niveau de responsabilité. Ce qui est essentiel pour un cadre intermédiaire ne l’est pas pour un cadre supérieur. (Le Devoir)
« Il y avait tellement de données détaillées que s’il avait fallu que je commence à lire tout, j’aurais perdu mon temps. Je me suis rendu compte que non seulement c’était pratique d’aller toujours à l’essentiel, mais c’était essentiel de le faire ». (PUQ)
Je retiens aussi l’approche systémique, et l’importance de la planification — pour éviter les conséquences de l’arbitraire.
« …[c’est sous la direction de Michel Bélanger et de Guy Coulombe] que toutes les structures financières d’un État moderne ont été mises en place par l’application du système budgétaire de « planification, programmation et préparation du budget. » (PUQ)
Je trouve habilement formulé le constat qu’il fait sur le Québec des années soixante:
« … il faut dire qu’au Québec, à l’époque, […] il y avait de la place pour ceux qui avaient des ambitions ». (PUQ)
(et me dit qu’on gagnerait à affirmer plus clairement notre volonté de réunir des conditions semblables aujourd’hui).
J’ai aussi surligné à plusieurs endroits dans le texte des passages qui, d’une façon ou d’une autre, mettre en relief la place du pragmatisme dans l’utopie.
« … [parce que] c’est bien beau d’avoir des rêves, mais il faut que ce soit concret, que ce soit appuyé sur une réalité ». (PUQ)
C’est une lecture qui fait le plus grand bien dans cette période où les décisions arbitraires et l’improvisation semble régner dans une multitude de dossiers où on attendrait un fort leadership politique; où les champs d’action (de responsabilités) des fonctionnaires et des élus sont remis en question et où on a parfois l’impression d’avoir perdu tout « point de repère dans le temps » (des objectifs et des projets qui donnent de la perspective aux actions — qui les inscrivent dans le cours de l’histoire et qui nous évitent de succomber aux charmes de la dernière idée à la mode).
C’est un livre qui nous rappelle que la politique ce n’est pas seulement le vaudeville que nous en présentent parfois les médias — c’est aussi des hommes et des femmes qui, chacun à leur manière, orientent le développement du Québec, en donnant forme à des idées grâce à des budgets, des programmes — des actions planifiées guidées par des valeurs fortes.
« Quelles valeurs vous guident ? » — voilà une question qu’on devrait plus que jamais oser poser aux gens qui aspirent à nous représenter.
Et s’il vous plaît, ne nous dites pas seulement ce que vous comptez faire… — dites-nous aussi pourquoi vous souhaitez le faire, et sur quoi se fonde votre décision de le faire de cette façon.
* * *
C’est un livre qui peut à première vue paraître aride, mais qui ne l’est pas — c’est tout le contraire! J’en suggère particulièrement la lecture à tous ceux et celles qui s’intéressent à la tournure politique que le Québec semble être en train de prendre.
Je viens de terminer le livre de Cardinal et Lapierre, et j’en recommande la lecture à tous les gestionnaires. J’ai eu l’occasion de rencontrer ce monsieur lors des travaux de la Commission d’étude sur la gestion des forêts, en 2004, et ensuite pour une entrevue privée en octobre 2005.
Guy Coulombe était un homme fascinant, vif d’esprit, et je suis d’accord avec le texte publié par les auteurs du livre dans Le Devoir du 29 juin 2011: Guy Coulombe était la définition même de ce que doit être un grand commis de l’État. La notion de service public n’aura jamais été mieux expliquée que par cet homme, fils cadet d’une famille d’entrepreneurs de la région de Québec.