Quitter inopinément

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Je vais peut-être en surprendre plus d’un, mais je partage une bonne partie de l’analyse qui a amené Stéphane Gobeil à accepter de se joindre à la Coalition Avenir Québec pour conseiller François Legault.

Mais attention — ne me faites pas pour autant dire ce que je n’ai pas dit!

Je suis d’accord sur une partie de l’analyse qu’il énonce sur son blogue, mais je ne le suis pas du tout le moyen qu’il prend pour y répondre.

Je suis d’accord sur le fait que la dynamique politique actuelle risque de nous condamner à des gouvernements par défaut à répétition — simple résultat de la division des voix irréconciliables avec celles du Parti libéral. Et ce n’est pas bon pour personne. Ça me semble une évidence.

Je le disais d’ailleurs dans un texte publié hier matin, bien avant d’apprendre que Stéphane rejoindrait François Legault:

« On ne peut tout simplement pas se retrouver à l’aube de l’élection de 2018 dans la même configuration qu’aujourd’hui avec Option nationale, Québec Solidaire, la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois qui présentent des candidats dans toutes les circonscriptions, sans aucune coordination ou stratégie commune. Faut qu’on se parle et, plus encore, qu’on fasse le nécessaire pour pouvoir travailler ensemble.» (source)

La journée ne m’a pas fait changer d’idée, bien au contraire.

Stéphane Gobeil dit:

« J’ai acquis la conviction que pour briser le monopole libéral, il faut unir les caquistes et les péquistes de bonne volonté derrière un projet nationaliste alliant fierté et prospérité. Cela prendra du temps et nous devrons bâtir des ponts. Pour ma part, j’ai décidé de commencer à le faire dès maintenant, en me joignant à la Coalition Avenir Québec.» (source)

Je pourrais aussi bien dire à mon tour:

«J’ai acquis la conviction que pour briser le monopole libéral, il faut unir les caquistes et les péquistes de bonne volonté derrière un projet nationaliste alliant fierté et prospérité. Cela prendra du temps et nous devrons bâtir des ponts. Pour ma part, j’ai décidé de continuer à le faire en travaillant activement au renouvellement du Parti Québécois et à faire naître la possibilité de pactes ou de coalitions entre les partis qui n’ont pas baissé les bras devant l’histoire en se résignant au statu quo constitutionnel.».

Comme indépendantiste, je déplore évidemment la décision de Stéphane Gobeil, mais je n’y vois pas une catastrophe non plus. Il ne faut pas exagérer. Je m’inquiète même davantage de la réaction démesurée de certains de mes amis péquistes devant cette décision. Il faut se rappeler qu’il y a eu bien d’autres défections dans le passé, et des bien plus significatifs, dans tous les partis (dont Dominique Anglade récemment) et alors? On ne peut pas souhaiter un grand brassage de cartes et ne pas accepter des changements de cap occasionnels.

Ça peut être désolant de se le rappeler, mais la réalité c’est que dans l’état actuel notre mouvement ne rallie pas assez de monde pour pouvoir former un gouvernement — et il se trouve que c’est une condition préalable à nos aspirations. Alors il va bien falloir accepter d’essayer quelque chose de nouveau si on veut obtenir des résultats différents dans le futur.

Deux restaurants sur la même rue ne se font pas toujours une concurrence destructive, c’est même parfois le meilleur moyen d’attirer du monde pour souper dans le quartier.

2016 sera une grosse année de débats au sein de notre parti — mais on le savait déjà bien avant hier. On aura un congrès dans quelques mois, un nouveau programme à adopter. Et c’est un moment privilégié dans la vie d’un parti. Pas seulement un mauvais moment à passer. Si on s’engage avec détermination dans cet exercice nous ne pourrons en sortir que renforcés. Mais pour cela il faut arrêter de réagir et se remettre à proposer.

Alors ne nous laissons pas distraire. On a un pays à faire. C’est un projet simple, clair, stimulant.  Sauf qu’on ne peut quand même pas nier que les deux dernières élections ont fait la démonstration qu’il faudra vraisemblablement apprendre à tisser des alliances et à conclure des pactes avec d’autres partis si on veut y arriver.

Stéphane peut bien faire ce qu’il lui plaît. Je reste pour ma part convaincu que c’est en m’engageant au Parti Québécois que je pourrai contribuer le plus concrètement à favoriser l’émergence d’une coalition sans précédent au profit d’un Québec beaucoup plus fort.

Qu’est-ce qui a changé, au fond, hier par rapport aux principaux défis que nous avons à relever? Je vous le demande.

Peut-être même qu’on a avancé un petit peu.

Dans leurs plus récents textes, Daniel Leblanc, du Globe and Mail, et Michel Hébert, du Journal de Québec, croient «qu’il est en train de se passer quelque chose au PQ ». Je le pense aussi. Un profond renouveau est en cours.

2 réflexions sur “Quitter inopinément

  1. Ton billet m’inspire une réflexion que je te soumets en forme de question.

    Le PQ a incarné durant plus de 25 ans une vision sociale-démocrate de la vie en société. L’indépendance étant le moyen ultime pour avoir le maximum de contrôle sur les moyens de mettre en place notre vision du vivre ensemble. Pourquoi n’entend-on jamais de questionnement sur cette orientation sociale-démocrate qui était au cœur de l’identité du Parti Québécois?

    Les idées sociales-démocrates ont du mal à se défendre aujourd’hui face aux assauts puissants des lobbies néo-libéraux et à la pression des marchés financiers. La crise du PQ n’est-elle pas aussi en bonne partie liée à cette crise de légitimité des politiques sociales-démocrates? Le PQ ne peine pas qu’à justifier l’indépendance, il est actuellement incapable de projeter sa propre identité politique, de bien l’argumenter, de la renouveler.

    Ne crois-tu pas que l’avenir du PQ, si tant est qu’il en ait un, passe plus dans la consolidation de sa vision sociale-démocrate que dans la réaffirmation de son projet d’indépendance?

  2. @Yves

    J’ai pris le temps de réfléchir un peu à ta question. Je vais y répondre, brièvement, en trois temps.

    D’abord en reconnaissant volontiers que tu as raison de dire que le positionnement du Parti Québécois par rapport à la sociale démocratie est plus flou que par le passé — et que ça fait certainement partie des difficultés auxquelles il est confronté.

    Ensuite pour souligner, parallèlement, le défi de définir ce que ça signifie concrètement d’être social-démocrate en 2016, dans la réalité économique et politique que nous connaissons. Un gros exercice s’impose là. Et pas que pour le Parti Québécois — pour de nombreux partis d’inspiration sociale démocrates en occident. Tu ne crois pas?

    Finalement pour dire que je ne crois pas que l’avenir du PQ passe davantage par la consolidation/clarification de sa vision -démocrate que dans la réaffirmation de son projet d’indépendance. Je crois que ces deux enjeux sont très étroitement liés — ne serait-ce parce que tout débat entre la gauche et la droite (et donc aussi sur la sociale-démocratie) est piégé dans le cadre constitutionnel actuel. Si Ottawa nous confisque les moyens de développer les programmes qui devraient incarner des politiques sociales-démocrates, on peut ben jaser tant qu’on veut… va falloir d’abord faire l’indépendance pour débattre ensuite d’un projet de société pour lequel nous aurons les moyens de nos ambitions.

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