J’ai commencé à écrire ce texte dans le train Montréal-Québec. Mon iPhone m’indiquait que nous roulions à 145 km/h. Ça va vite. Mais ce n’est tellement rien. Tout va tellement plus vite que ça… surtout en politique!
La preuve, si on recule un peu:
7 juin 2015 — Il y a exactement un an. C’était jour d’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon. J’étais candidat. Mon principal adversaire était Sébastien Proulx, devenu ministre de l’Éducation depuis. Le travail de toute l’équipe nous avait permis d’obtenir un excellent résultat, en forte progression sur l’élection précédente, mais évidemment pas assez pour gagner. Pierre Karl Péladeau était fraîchement élu chef du Parti Québécois. Si, si, je vous assure, c’était il y a un an!
Et si on recule encore un petit peu plus:
7 juin 2014 — C’était jour de Conseil National des Présidents et des Présidentes du Parti Québécois, à Drummondville. Mon journal personnel indique: «Discours d’adieux très intelligent et très touchant de Mme Marois». Deux mois après une terrible défaite électorale (où j’étais aussi candidat) dont le parti n’a malheureusement pas encore tiré toutes les conclusions. Deux ans seulement… même si tellement d’eau a coulé sous les ponts depuis!
Retour vers aujourd’hui:
7 juin 2016 — aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le Parti Québécois est à nouveau plongé dans une course à la chefferie. J’ai passé la soirée à recueillir des signatures pour la candidature de Véronique Hivon. Cela m’a donné l’occasion de discuter avec pas mal de monde. Il est un peu passé 23h, je suis content. Notre mouvement est vigoureux. Je pense que je peux le dire avec encore plus de confiance que l’an dernier à pareille date.
Je crois que les conditions d’une véritable refondation du Parti Québécois sont enfin réunies. Je l’espère. Sur quelles bases est-ce que ça va se faire? Je ne le sais pas encore. Je crois qu’il est encore beaucoup trop tôt pour le dire.
Plusieurs options s’offrent aux membres. Elles peuvent sembler bien différentes les unes des autres, mais au moins trois me semblent avoir un point commun important:
- Alexandre Cloutier propose que le Parti Québécois continue dans la même voie, mais en faisant mieux;
- Martine Ouellet propose de forcer le rythme en faveur de l’indépendance;
- Jean-François Lisée propose plutôt de remettre prioritairement sur pied l’État québécois;
J’ai plus de mal à décrire la proposition de Paul Saint-Pierre Plamondon (s’il arrive à être candidat), parce que je ne le connais pas encore suffisamment.
De mon point de vue, aucune de ces propositions ne remet fondamentalement en question les dogmes autour desquels se déploie notre espace politique depuis quarante ans. Je pense qu’on pourrait aussi dire la même chose de la proposition de Nicolas Marceau, Alain Therrien, Mireille Jean et Catherine Fournier — mais j’ai besoin d’y réfléchir encore un peu avant de me faire une idée définitive à ce sujet.
J’ai l’impression que c’est comme si on jouait au ballon dans une cour d’école depuis tout ce temps et que, constatant que le jeu a perdu pas mal d’intérêt parce que ce sont toujours les mêmes qui gagnent, Alexandre, Martine et Jean-François se contentaient de proposer de changer les équipes de côté de terrain. Comme si ça pouvait modifier le résultat de la partie suivante.
Jean-François Lisée me répondrait probablement que mon analogie est injuste, parce qu’à la différence des autres, lui saura convaincre quelques joueurs de changer d’équipe pendant le déplacement et que cela lui donnera de meilleures chances de gagner. C’est peut-être vrai, mais ça ne me semble pas très stimulant comme stratégie.
Je trouve que la proposition de Véronique Hivon est radicalement différente.
Je pense que Véronique est celle qui a le mieux compris que les résultats du jeu politique québécois sont devenus tellement prévisibles qu’il a perdu tout intérêt pour pas mal de monde. À preuve, il y a de plus en plus de joueurs qui choisissent de rester sur les lignes de côté et qui se contentent de crier de temps en temps.
C’est pour ça qu’il faut aborder les choses autrement, incarner une autre façon de faire la politique, réformer le système électoral, stimuler la démocratie locale, favoriser la participation des citoyens, etc., sans jamais renier notre désir de faire du Québec un pays — parce que ce n’est pas une coquetterie, c’est une nécessité.
La proposition de Véronique ne consiste pas à changer l’heure du match, la couleur du ballon ou le côté de terrain occupé par chacune des équipes. Elle consiste à transformer le jeu pour qu’il favorise l’engagement d’un plus grand nombre de joueurs, pour leur redonner progressivement le goût de gagner… et de le faire avec nous!
C’est sans doute un peu plus abstrait au départ, un peu difficile à expliquer et un peu plus long à mettre en place, mais je pense que c’est une approche qui est à la fois plus stimulante et plus prometteuse si on veut vraiment sortir du cycle des défaites.
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Le texte lu par Guillaume Vigneault à l’occasion de l’inauguration du local de campagne de Véronique Hivon s’inscrit, lui aussi, il me semble, dans cette perspective:
Y’a une photo, dans le fond d’une boîte… | 5 juin 2016