Ça fait très longtemps qu’un article de journal ne m’a pas autant choqué. Et pourtant, ce n’est pas parce qu’on manque de sujets d’indignation par les temps qui courent…
L’article nous apprend que la question principale de l’examen national d’histoire de quatrième secondaire sera annulée, par mesure d’équité (comme une autre question, d’un autre examen, la semaine dernière, j’en parlais ici).
Dès le titre de l’article du Soleil, on pointe du doigt une ado comme responsable du cafouillage.
Une ado.
Et pourquoi on dit qu’elle est responsable? Parce qu’elle a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle elle expliquait le raisonnement de son professeur sur ce qui pourrait leur être soumis à l’examen. Pas la question d’examen, un tuyau d’un prof pour bien se préparer à l’examen.
Or, apparemment le prof avait trop bien vu… Conclusion du ministère: à partir du moment où cette vidéo circulait, «les étudiants avaient trop d’information.» On annule tout.
Qui est responsable? Pas le ministère qui a conçu l’épreuve, pas une responsabilité partagée d’un paquet de monde. Non. L’ado.
Sérieusement. Voilà tout un système qui fait porter le poids d’un échec sur une ado.
La conclusion de l’article m’a fait crier:
De toute évidence, l’adolescente est atterrée par la tournure des événements. «Je suis vraiment désolée, écrit-elle. Présentement, je me déteste. Je ne sais plus quoi faire avec toutes les insultes que je reçois par des gens qui ne comprennent pas ma situation. Tout le Québec sur le dos, c’est de quoi.»
«Présentement, je me déteste.»
C’est grave. Très grave.
Je pense que le ministre de l’Éducation devrait appeler cette adolescente et la rassurer. Elle n’a rien fait qui mérite qu’elle se déteste.
Le système scolaire ne devrait, sous aucun prétexte, amener un enfant à dire qu’il se déteste.
C’est notre responsabilité, à tous, d’être garant de cela.
Je vous invite, monsieur le ministre, à prendre le téléphone et à porter rapidement, en notre nom à tous, ce message essentiel auprès de cette jeune fille.
Le problème ce n’est pas l’ado c’est le gouvernement ,imaginez ce que cette jeune fille peut ruminer quand elle est seule, elle a juste saisie un raisonnement d’un adulte, au contraire elle est intelligente et à voulue éveiller les autres élèves au pièges possible d’un examen…je crois que les ministres devraient être plus sensible à la fragilité de l’ego d’un adolescen, au lieu d’essayer de trouver toute sorte manigance qu’un ado peut faire, je penses qu’ils devraient y penser à deux fois, puisque eux-mêmes ne sont pas très très clean!
Tout à fait d’accord avec toi Clément qu’il est choquant que soit pointé du doigt (du moins dans l’article du Soleil) l’adolescente pour le cafouillage.
Je ne suis pas certain que l’on dispose de toutes les informations à ce moment-ci, mais si on élargit au-delà de ce cas particulier, il me semble que plusieurs questions devraient se poser.
1) L’école québécoise (primaire et secondaire) doit former au savoir, au savoir-faire et au savoir-être. En ce qui a trait au savoir-faire, comme société est-ce que l’on veut surtout encourager la compétition et un certain individualisme propice au néolibéralisme ? Ou est-ce que, comme société, on ne veut pas aussi former à la coopération et à la coopétition ? Si les informations sont exactes (je dis bien « si »), il ne s’agissait pas d’une diffusion de la question de l’examen. Mais quelque chose qui s’apparente davantage à une tentative de tutorat élargi par les moyens du web.
2) Des informations disponibles pour le moment, l’étudiante n’a pas diffusé la question à développement de l’examen, mais un tuyau d’un prof pour bien se préparer à l’examen. Si elle avait aidé de ses pairs par le biais du tutorat dans un local fermé, est-ce qu’elle aurait aussi été pointée du doigt ? Ou félicité ? Est-ce la transparence, que l’on veut pointer du doigt comme une tare ?
3) Des informations disponibles pour le moment (et si tel est bien le cas), le prof qui a donné ses conseils pour aider ses étudiants à se préparer n’avait pas eu l’examen du ministère, mais aurait plutôt déduit la question d’une certaine récurrence au ministère. Si le ministère est prévisible, n’a-t-il pas lui-même une responsabilité ? Si un enseignant est perspicace, doit-on considérer sa perspicacité comme une faute professionnelle ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que l’on entend par « professionnalisme » lorsqu’un enseignant du secondaire fait une révision pour préparer ses étudiants à une épreuve nationale du ministère ?
4) Une évaluation doit valider de la manière la plus rigoureuse possible les acquis (connaissances et compétences). Dans l’idéal, même si ce n’est pas nécessairement toujours évident, l’enseignement d’une matière devrait aussi susciter un certain goût à s’intéresser à ce domaine une fois le cours terminé – ici, s’intéresser à l’histoire du Québec. Est-ce que les évaluations qui sont conçues comme succession de pièges/surprises ou course dans un champ de mines sont nécessairement les plus appropriées ? Peut-être que oui, mais peut-on tout de même se poser la question. Habituellement, le professionnalisme fait qu’il y a recherche d’un équilibre entre les devis, la manière et le temps alloué aux éléments enseignés, les évaluations proposées (et leurs contextes de réalisation) et les critères de correction. Hormis pour l’évaluation de la langue qui me semble un cas distinct, est-ce que les examens nationaux du ministère sont nécessairement les plus appropriés d’un point de vue éducatif ?
5) Sans être en aucun cas une excuse, est-ce que les palmarès des écoles ne peuvent pas aussi avoir pour effet pervers d’induire une compétition qui ne favorise peut-être pas toujours l’éducation et l’apprentissage en eux-mêmes et pour eux-mêmes ?
6) Lorsque le ministère évoque l’équité, pour prendre au sérieux ce terme, est-ce qu’il a aussi procédé à une évaluation qu’induisent sur l’équité tous les impacts des mesures de « services adaptés » dispensés en fonction des contraintes matérielles (ex. locaux disponibles au moment x d’une évaluation), juridiques et financières ?
Je n’ai pas de réponses à ces questions. Mais à tous le moins, elles me semblent plus déterminantes que la simple question des médias sociaux, qui ne sont tout de même pas une nouveauté.
Inacceptable qu’on point du doit cette jeune fille. Quel manque d’imputabilité! « Cher jeune fille, je te félicite et bien que je ne puisse comprendre ou savoir comment tu te sens; fais-toi confiance et regarde en avant. Tu n’as rien à te reprocher au contraire, tu as été toi-même et tu t’es exprimé librement. Bravo! »
Ben c’est ça, déresponsabilisons les ados sous prétexte qu’ils sont des ados au lieu de leur apprendre que tous nos gestes ont des conséquences… la publication de quoi que ce soit sur les médias sociaux a des répercussions et même parfois très graves. Mais on vit dans un monde où personne n’est responsable de rien et où on met la faute sur le gouvernement.