Cher Jean-François,
J’ai évidemment lu le texte que tu publies sur ton blogue et dans Le Devoir ce matin. J’admire ta plume et ta détermination, mais tu sais très bien que pour réussir à réaliser ses projets en politique, il ne suffit pas d’avoir raison, il faut réussir à mobiliser autour de soi.
Tu dis croire que «rien [n’est] plus utile que de faire la guerre aux clichés et aux fausses perceptions [au sujet du PQ], qui, malheureusement, semblent dominer le discours».
Rien de plus utile? Vraiment? Il me semble qu’il y a une meilleure manière de redonner le goût au monde de (re)venir militer avec nous. Même moi je suis profondément lassé par ce type de discours…
Je suis d’accord avec toi que certains préjugés nous nuisent mais les gens n’auront pas le goût de revenir simplement parce qu’on travaille à éliminer des préjugés. Il faut plutôt travailler à leur permettre de se former un nouveau jugement, un jugement favorable, basé sur des faits nouveaux, sur l’avenir.
Tu le sais, après dix ans comme président de diverses instances, deux fois candidat et même co-président de la campagne de financement du Parti Québécois, j’ai choisi il y a un an de prendre une pause d’implication. J’en avais besoin, j’étais épuisé, politiquement parlant.
Mais comme on ne sort pas la politique du gars aussi facilement… j’ai continué à observer, à réfléchir et à me demander quelle forme prendrait mon engagement social dans l’avenir. Je ne me suis pas totalement désintéressé du Parti Québécois, mais ça s’en venait bien… lentement mais sûrement. Jusqu’à lundi dernier.
De mon point de vue, le départ de Catherine est la meilleure chose qui pouvait arriver au PQ. On va enfin pouvoir (devoir) sortir du ronronpatapon des dernières années. On est peut-être enfin rendu au moment que je désespérais voir arriver. Un débat, un vrai, sur l’avenir du parti. Je m’en suis même réjoui publiquement…
Et là il s’est passé quelque chose de fascinant: j’ai vu la bulle péquiste se manifester pour tenter de neutraliser ce point de vue qu’elle ne voulait pas entendre: Catherine avait tort, et moi tort de lui donner raison (lui avais-je même donné raison?), ce n’est pas comme ça qu’il fallait voir ça, les statistiques montrent autre chose, l’influence indue des médias, et patati et patata. Plus facile de réagir que d’écouter.
On a beaucoup parlé depuis quelque temps des invraisemblables bulles qui regroupent sur les réseaux sociaux les flat-earthers, et les anti-vaccins, par exemple. Des bulles qui amènent les gens à croire que tout le monde pense comme eux parce qu’ils ne sont presque jamais en contact avec le reste du monde. Tu me suis? Eh bien cette semaine j’ai encore une fois eu l’impression que la bulle péquiste était elle aussi vraiment très très forte, et que son comportement rend le parti de plus en plus repoussant pour beaucoup de monde.
Ce que je trouve dommage avec ton texte de ce matin, c’est que cette bulle va se régaler de tes propos… et que cette bulle risque d’être presque leur seule audience. Résultat: malgré tes bonnes intentions, on s’éloigne d’une solution. Et le Parti Québécois continue à se refermer sur lui-même.
Il faut arrêter de se raconter des histoires: le Parti Québécois s’est servi du rapport de Paul Saint-Pierre Plamondon bien plus qu’il ne l’a accueilli dans la réalité. Ça a été un succès technique parce que la machine a réussi à le faire aboutir sans que cela n’amène trop de changements de fond. Mais le mouvement auquel ça devait donner lieu n’a pas eu lieu. Comment s’en étonner? Paul n’a même pas eu la parole au dernier congrès. On a préféré neutraliser son influence que de s’en faire une force, avec tout ce que cela aurait impliqué.
Tout ça pour dire que j’ai une faveur à te demander Jean-François: est-ce que tu pourrais profiter d’un peu de ton temps médiatique pour aider à faire émerger de nouvelles voix, de nouvelles idées, pour ouvrir les horizons autour du Parti Québécois? Je pense que ce serait plus utile que de nourrir la bulle.
Tu as déjà montré dans le passé que tu es très bon pour sortir des sentiers battus. C’est pour ça qu’on a besoin de toi aujourd’hui.
Amicalement,
Clément