S’exprimer par son regard

« univers est un miroir où nous pouvons contempler ce que nous avons appris à connaître en nous, rien de plus. »

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Ça fait longtemps que je sais que je dois lire Calvino. Tout m’y porte, et pourtant, je ne m’y étais pas encore consacré.

Deux des livres que j’ai lus au cours des derniers jours ont fait référence à Calvino. Dans Avoir le temps (commenté ici), Pascal Chabot fait référence à Cosmicomics, et dans Moi et Mitterand (très drôle: j’ai adoré), Hervé Le Tellier évoque Marcovaldo.

N’ayant ni l’un ni l’autre à la portée de la main, je me suis tourné vers Palomar, publié en français en 1985. La page de garde de l’exemplaire que j’ai trouvé dans la bibliothèque porte deux inscriptions: « G. De Celles, 21 mars 1998 », avec la calligraphie de ma mère, et « 24 août 2023 », avec celle de ma fille.

« À la suite d’une série de mésaventures intellectuelles qui ne méritent pas d’être rappelées, monsieur Palomar a décidé que son activité principale serait de regarder les choses du dehors. Un peu myope, distrait, introverti, il ne semble pas appartenir par son tempérament à ce type humain qu’on définit habituellement comme observateur. Il lui est pourtant toujours arrivé que certaines choses — un mur de pierre, un coquillage vide, une feuille, une théière — requièrent de lui une attention prolongée et minutieuse, en se présentant à ses yeux: il se met à les observer presque sans s’en rendre compte, son regard commence à les parcourir dans tous leurs détails et il n’arrive plus à se détacher d’eux. Monsieur Palomar a décidé que, dorénavant, il redoublera d’attention : d’abord, en ne laissant pas échapper ces appels qui lui viennent des choses; ensuite, en attribuant à cette opération d’observation l’importance qu’elle mérite. »

C’est un livre incroyable!

Je ne pourrai plus jamais regarder un coucher de soleil sur le fleuve de la même façon sans penser à Palomar. Ni choisir un fromage. Ou encore fréquenter une boucherie. J’aurai un regard neuf sur la lune visible dans le ciel bleu de l’après-midi. Et sur tant d’autres choses.

Se mordre la langue, un texte sur la place du discours et du silence en société est aussi mémorable.

J’hésite à en citer trop d’extraits, de peur de priver de futurs lecteurs du plaisir d’en découvrir les perles.

Au fil des pages, mon regard adoptant celui de Palomar, j’ai remarqué que certains passages du livre avaient été surlignés par ma mère. Je n’y avais pas porté attention au départ parce que le temps a presque effacé la translucide encre jaune.

Le soleil levé et le café ayant fait son effet, je me suis mis à reconnaître les passages qui avaient attiré son attention. Plus tard dans la lecture, j’ai parfois même eu l’impression que des passages avaient été surlignés, même si en m’approchant du papier, j’ai pu constater qu’il n’en était rien. Mon regard soulignait peut-être par là des phrases que j’ai cru qu’elle apprécierait vingt-cinq ans plus tard? Ou que ma fille aurait pu souligner? À moins que ce ne soient les phrases elles-mêmes qui tentaient de me dire quelque chose?

Un mystère sur lequel Palomar aurait sans doute aimé se pencher.

« De l’étendue muette des choses doit partir un signe, un appel, un clin d’œil: une chose se détache des autres avec l’intention de signifier quelque chose… quoi? elle-même : une chose est contente d’être regardée par les autres choses seulement quand elle est convaincue de se signifier elle-même et rien d’autre, parmi toutes les choses qui ne signifient qu’elles-mêmes et rien de plus. »

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À quelque pages de la fin, je me suis dit que j’aurais vraiment aimé lire ce livre bien avant, tellement il pourrait influencer mon regard sur le monde.

Mais je n’ai pas pu regretter très longtemps, puisque Palomar n’a pas tardé à me répondre:

« La vie d’une personne consiste en un ensemble d’événements dont le dernier pourrait encore changer le sens de tout l’ensemble. (…) Quelqu’un, par exemple, qui lit à l’âge mûr un livre important pour lui, au point de dire: « Comment pouvais-je vivre sans l’avoir lu!» et encore : « Quel dommage que je ne l’aie pas lu quand j’étais jeune!» Eh bien, ces affirmations, et surtout la seconde, n’ont pas beaucoup de sens, puisque, du moment où il a lu ce livre, sa vie devient celle de quelqu’un qui l’a lu, et peu importe qu’il l’ait lu tôt ou tard, car même la vie qui a précédé cette lecture prend maintenant dans sa forme la marque de cette lecture. »

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J’ai ajouté « Clément, 2 janvier 2024 » sur la page de garde.

Quand une fin ramène à l’optimisme

La lecture de la dernière édition imprimée du Soleil, et les nombreux documents d’archives qu’elle nous fait découvrir m’ont donné envie de fouiller aussi dans les archives de mon blogue.

Et comme souvent, ça a donné lieu à un fascinant enchaînement de découvertes et de réflexions.

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J’ai commencé par relire ce texte publié sur mon blogue il y a vingt ans dans lequel, coïncidence, je me réjouissais justement d’un éditorial du Soleil !

Comme je n’en citais que quelques extraits, je me suis tourné vers BAnQ pour le lire en entier. C’est dans l’édition du 31 décembre 2003 (à la page 15).

Un peu plus bas dans la même page, on peut lire le texte d’une étudiante de 20 ans qui partageait son angoisse devant l’avenir.

Cette angoisse exprimée en 2003 m’a semblé devoir être mise en perspective avec l’éco-anxiété dont on parle aujourd’hui fréquemment, particulièrement chez les jeunes.

Je suis de ceux qui pensent qu’il n’est pas utile (pire: qu’il est nuisible) de nourrir l’anxiété devant l’avenir. Ça a un effet démobilisateur. Je crois qu’il est préférable de nourrir l’espoir, de montrer que nos actions sont efficaces, qu’il est possible de changer les choses et qu’on pourra atténuer les effets néfastes des changements climatiques, notamment.

Ça m’a fait penser que j’avais vu quelque part sur les médias sociaux, hier, un extrait d’une entrevue de fin d’année avec Steven Guilbeault, dans laquelle il abordait justement cette question. J’ai eu envie d’écouter l’entrevue en entier. Elle est ici.

Le ministre évoque dans cette entrevue les conclusions de la COP 28, qui réitèrent le besoin pour tous les pays d’atteindre la carboneutralité, d’ici 2050. On peut se demander s’il reste assez de temps pour trouver les façons d’y arriver?

À quel point c’est loin 2050?, me suis-je demandé. Calcul rapide: c’est dans 26 ans. De quoi avait l’air le monde il y a 26 ans?

Retour aux archives du Soleil, sur le site de BAnQ.

Comble de la coïncidence: à la une de l’édition du 3 janvier 1998, un article sur les femmes en politique a pour titre: « La parité des sexes: pas avant 2050 ». Il est signé par Julie Lemieux.

J’ai souri en pensant que le conseil municipal de Québec est actuellement composé de 12 femmes et 10 hommes.

Comme quoi certaines choses changent parfois plus rapidement que prévu.

Parmi les autres constats de mon survol de quelques éditions du Soleil publié en 1998? On parlait d’Internet, mais Google n’existait pas (vérification faite: la première référence est le 11 avril 1999, en page 5). Alors pas besoin de dire que tout ce qui a suivi: réseaux sociaux, téléphones intelligents, tablettes, etc. Niet.

Et comme tout est dans tout, c’est grâce à Google que j’ai pu savoir qu’en 1998, Steven Guilbeault, venait tout juste d’être nommé… responsable du dossier des changements climatiques pour Greenpeace. La boucle était bouclée.

Il y a autant de temps qui nous sépare de ce moment, qu’il nous en reste à vivre d’ici 2050. C’est dire…

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Cette déambulation dans les archives m’a rappelé à quel point le temps est une chose particulière.

On peut survoler le Soleil de 1998 sans grand dépaysement (quand on a 50 ans, du moins), parce que certaines choses ne changent pas, ou si peu, en 26 ans. D’autres choses changent profondément, à un niveau qu’on n’aurait même pas pu imaginer — le développement d’Internet, par exemple, qui aura même fini par faire disparaître l’édition imprimée du Soleil.

Il reste 26 ans d’ici 2050… De la même façon, certaines choses qui nous sont familières ne changeront probablement pas beaucoup d’ici là. D’autres sauront nous surprendrons complètement. Lesquelles? Probablement celles auxquelles nous aurons choisi, comme société, de consacrer notre attention et nos efforts.

Je suis convaincu que si nous faisons les bons choix, il y a tout lieu d’être optimiste. C’est toute l’importance de la politique, d’ailleurs.

Nous allons arriver à trouver des façons pour que la Terre reste un endroit où il fait bon vivre pour les êtres humains — et qui sait, peut-être même encore mieux qu’aujourd’hui, parce qu’il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas facile pour tout le monde actuellement…

Aujourd’hui, c’est la fin de l’édition imprimée du Soleil, mais ce n’est pas la fin du monde.

2023 en une image

Depuis quelques jours j’explore BlueSky, une application qui ambitionne de renouer avec la magie du Twitter original — avant que l’influence accordée aux algorithmes dans la circulation de l’information (et l’arrivée de Elon Musk) ne fasse tout déraper. Pour le moment, j’aime bien — à suivre…

Question de pouvoir bien expérimenter, il faut évidemment partager. J’ai donc dans les derniers jours fait quelques tests. Parmi ces tests, quelques partages de lectures. Facilité — j’ai étiré le bras sur la table à côté du divan où je m’installe généralement pour écrire et j’ai tiré un livre de la pile. Photo de la couverture, court extrait, référence. Tiens, Éloge de la parole, par exemple.

En voulant faire la même chose hier, j’ai mis la main sur D’images et d’eau fraîche, de Mona Chollet, où j’ai trouvé en page 3, d’une écriture manuscrite: reçu de Ana, Noël 2022.

— Tiens, il me semble eu j’avais écrit un texte sur mon blogue au sujet de ce livre l’an dernier.

Eh bien oui, le voici.

Ça m’a rappelé que ce texte avait même donné lieu à une série de textes complémentaire au sujet des images qui étaient restées dans mon iPhone au cours des mois précédents.

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Ça m’a donné le goût de faire un tour des photos qui se sont ajoutées à la collection en 2023 — pour voir l’impression qu’elles me laissent, avec le recul que m’offre le 29 décembre.

De 5556 photos de toutes sortes, j’ai retenu 25 photos dont j’ai fait une mosaïque qui constitue quelque chose comme un résumé de l’année de mes 50 ans.

De ces 25 photos, je n’en publierai qu’une ici — parce qu’elle résume bien l’état d’esprit avec lequel je termine cette année… qui aura été mémorable de tellement de façons.

Collages

Je réalise que je n’ai jamais regroupé mes collages ici pour en garder la trace. Ils ont été mis sur Instagram il y a quelques années, mais ce n’est pas la meilleure façon de les archiver de façon pérenne.

Alors en complément de celui de ce matin, voici les photos que j’ai pu rapidement retracer (cliquer pour agrandir).

Ils sont loin d’être tous aussi réussis, mais qu’importe!

Mise à jour du 10 janvier 2025 — une création de 2020 qui remonte à la surface… toujours d’actualité:

Mise à jour du 18 janvier 2025 — quelques créations plus récentes:

Bricolage

Un des grands plaisirs du temps des Fêtes c’est l’existence de moments libres, absolument pas planifiés. Les journées où il n’y pas d’heure.

Ce matin, j’ai survolé les notes quotidiennes que j’ai prises au cours de l’année — dans le but de faire un premier bilan personnel de 2023. J’ai aussi survolé les notes prises à la même période au cours des années précédentes.

Ça m’a rappelé le plaisir que j’ai à faire des collages. Mon activité des dernières années: prendre un exemplaire de magazine (le plus souvent le New Yorker) et faire un collage à partir des images que je trouve à l’intérieur. Et seulement ces images. Un exemplaire, un collage.

Et comme y’a pas d’heure aujourd’hui, je me suis dit pourquoi pas?

Alors hop! Colle, ciseaux, le New Yorker du 4 octobre 2021 trouvé au bas de la bibliothèque… et 45 minutes de méditation créative plus tard, voilà!

Quel titre donner à cette petite œuvre?

Après un instant de réflexion, ça s’est imposé à moi…

La conscience de l’occasion.

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Un complément tout indiqué à mon texte d’hier, évidemment.

De quoi ce moment est-il l’occasion?

À la recherche d’un fil conducteur pour mon année 2024 (au lieu d’une simple résolution — merci Ana pour la suggestion!), j’ai lu aujourd’hui Avoir le temps, essai de chronosophie, de Pascal Chabot (présentation vidéo ici).

L’auteur fait dans ce livre un survol de quatre grands rapports au temps: le Destin, le Progrès, l’Hypertemps et le Délai — avant d’en proposer une cinquième, qu’il propose comme une forme de synthèse: l’Occasion.

Le Destin nous place dans un rapport de fatalité essentiellement déterminé par le passé.
Le Progrès nous place dans un rapport ouvert avec le futur en faisant une plus grande place à liberté.
L’Hypertemps se manifeste comme une présentification de l’histoire marquée par l’omniprésence du temps à travers les écrans, les horaires et le phénomène du crédit (en mobilisant aujourd’hui les ressources du futur).
Et le Délai, dont l’essence est d’analyser sous l’angle « du temps qui reste », à la manière d’un un compte à rebours qui nous approche d’une fatalité.

Ce quatrième rapport au temps, de plus en plus présent dans l’inconscient collectif, notamment dans le contexte des changements climatiques, pose particulièrement problème à Pascal Chabot:

« La récente prise de conscience du Délai fait naître des sentiments inédits. (…) J’aimerais par exemple nommer afuturalgie la douleur de se sentir privé de futur. Le Délai (…) a un retentissement émotionnel et affectif profond, qui peut s’accompagner d’angoisse ou de découragement. (…)

« Quel retournement curieux, que de voir des adolescents qui n’ont même pas eu le temps d’éprouver quelque nostalgie, faire déjà profession de foi afuturalgique! Avoir le sentiment de n’avoir pas de futur quand on n’a pourtant que cela, voilà la grande perversité de l’époque, qui doit nous rendre très prudents et même sceptiques dans la manière d’user de cette catégorie.

« Le plus élémentaire des devoirs envers la jeunesse est de ne pas lui livrer un manque d’avenir, ni concrètement – ce qui signifie qu’il faut agir –, ni intellectuellement, ce qui nous oblige à déboucher l’horizon, à investiguer pour savoir si d’autres schèmes temporels peuvent naître, car le Délai ne peut être le dernier mot.

« La responsabilité morale des intellectuels est ici engagée. Il y a comme un crime contre la jeunesse que de lui répéter qu’elle est la génération des tard-venus, des héritiers du monde de l’abondance qui n’en profiteront pas, ou encore des avant-derniers. »

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Pascal Chabot rappelle d’ailleurs tout au long du livre, de diverses façons que « des rapports divers à la liberté, à l’égalité et à la qualité sont en jeu derrière [ces différents rapports au temps], et [qu’il] est important de savoir choisir et favoriser. »

Dans le dernier chapitre, il porte notre attention sur le fait que le Destin, l’Hypertemps et le Délai sont en fait trois images de la fatalité, à la différence du Progrès, qui n’y participe pas. Et tout en reconnaissant que le Progrès n’est pas non plus une panacée, « ayant été la matrice d’une lecture triomphale de l’Histoire dont on a souligné la violence », il plaide « qu’il est essentiel de souligner que les qualités humanistes qu’il porte sont précieuses et doivent être cultivées. »

La question, « cruciale pour qui n’accepte pas la fatalité », devient alors de trouver « Comment réactiver le Progrès en le réorientant ? Comment sauver le Progrès de ses errements sans le sacrifier sur l’autel des culpabilités passées ? ». Ou, dit autrement « comment faire progresser notre conception du progrès ? »

Et c’est là qu’intervient à son avis le rôle de la philosophie — de la chronosophie — dont le mode de pensée doit être l’Occasion:

« L’Occasion est le moment opportun, que les Grecs appelaient kaïros. Ils avaient compris que si l’Occasion est un schème temporel, car rien ne concerne autant la chronosophie que de savoir comment agir et à quel moment, elle n’est en rien comparable au passé, au présent ou au futur. L’Occasion est comme une sortie du temps. C’est pour cela qu’elle est le temps philosophique par excellence : elle suppose le surplomb que la philosophie peut lui donner. (…)

« L’Occasion, c’est le temps philosophique de la résolution. La prise de conscience d’une fenêtre d’opportunité, qui signifie qu’il faut agir. »

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La lecture de Avoir le temps m’a donné envie de prendre un engagement envers moi-même.

Celui de me demander, aussi souvent que possible, de quoi le moment présent pourrait être l’occasion? — comme une façon d’éviter que le rythme du quotidien détermine à lui seul mon emploi du temps.

Conclusion de tout ça: le fil conducteur de mon année 2024 sera le désir de cultiver une conscience de l’Occasion.

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Photo: un ex-libris fabriqué pour moi par Capucine Baz-Laberge

D’une chose à l’autre

Bon, ben… je n’aurai pas complété mon défi d’écriture sous forme de calendrier de l’Avent. Force est de constater qu’il me manquait de disponibilité d’esprit. Partie remise…

J’ai reçu pour Noël un livre qui est le fruit d’un autre beau défi d’écriture qui ne se prend pas trop au sérieux: Ma vie en t-shirts, de Haruki Murakami.

Au fil des pages, l’auteur décrit sous forme de chroniques les t-shirts qui composent sa collection: leur histoire, d’où ils viennent, pourquoi il les a achetés, s’il les porte ou non (et pourquoi), etc.

Un passage a particulièrement piqué ma curiosité:

« Lequel de mes T-shirts a le plus de prix pour moi ? Je crois que c’est le jaune, celui qui porte l’inscription « Tony Takitani ». Je l’ai déniché sur l’île Maui, dans une boutique de vêtements d’occasion, et je l’ai payé un dollar. Après quoi j’ai laissé vagabonder mon imagination: quel genre d’homme peut bien être ce Tony Takitani ? J’ai écrit une nouvelle dont il était le protagoniste, nouvelle qui a ensuite été adaptée en film. Tout cela pour un dollar ! »

Je suis donc parti à la recherche de cette nouvelle, que j’ai trouvée sur le site du New Yorker. Elle a été publiée en 2002 et a simplement pour titre Tony Takitani.

C’est l’histoire d’un homme qui tombe en amour avec une jeune femme qui affectionne les vêtements de luxe de façon obsessive. Jusqu’à ce que… non, je ne vous le dirai pas… surtout qu’au moment où on pense que c’est la fin, eh bien non… un grand malaise vient s’ajouter.

C’est une histoire intrigante… que je trouve encore plus fascinante en sachant qu’elle trouve son origine dans un simple t-shirt jaune dont l’inscription avait particulièrement piqué la curiosité de Murakami.

« …plus tard, j’ai entendu dire qu’il s’agissait d’un T-shirt en rapport avec des élections. House désignait la Chambre des représentants (House of Representatives), et le « D» indiquait qu’il s’agissait des démocrates. Tony Takitani était l’un des candidats du Parti démocrate. Un jour, après la publication de ma nouvelle et sa traduction en anglais, j’ai reçu une lettre d’un homme qui me disait qu’il était Tony Takitani. Il ajoutait qu’il n’avait pas été élu mais qu’entre-temps, il était devenu avocat; il connaissait de beaux succès. »

Je me demande quel genre d’histoire un auteur pourrait inventer s’il trouvait un t-shirt avec mon nom écrit dessus.

Soutenir un mouvement politique

Quelle aventure! — c’est ce que je me dis spontanément quand je pense aux deux dernières années.

Deux années absolument passionnantes, avec l’extraordinaire groupe d’élu.e.s et de collègues qui forment l’équipe du cabinet de la mairie. 

Au cours de ces deux années, nous avons dû découvrir, apprivoiser et maîtriser la complexité que ça représente de faire de la politique aujourd’hui.

Parce que ce n’est vraiment pas facile d’exercer la responsabilité du pouvoir politique dans un contexte où tout semble favoriser la polarisation et les controverses.

Ce n’est pas facile de privilégier le long terme, de miser sur le dialogue et la pédagogie. Pas facile de cultiver la conviction que les consultations et les débats peuvent faire naître des consensus, pas seulement confirmer ou amplifier les divisions.

Ce n’est pas facile, mais c’est incroyablement satisfaisant!

Tellement que deux ans plus tard, nous sommes plus convaincus que jamais de la force de cette approche. On constate tous les jours que c’est la meilleure façon de rassembler, de mobiliser et de responsabiliser. C’est la meilleure façon de faire en sorte que tout le monde se sente concerné par notre avenir collectif.

Il n’y a plus aucun doute dans notre esprit: il est toujours préférable d’avancer, au risque de se tromper et de devoir ajuster par la suite. Parce que devant tous les défis auxquels nous sommes confrontés, il faut chaque fois privilégier le mouvement, plutôt que le statu quo.

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Ma récente participation au dévoilement de la chaise des générations qui est destinée à l’Assemblée nationale m’a ramené à l’esprit la perception que j’avais de la politique québécoise il y a cinq ans. Très négative, pessimiste, cynique. J’avais l’impression que les gens se mobilisaient seulement contre les choses — et moi aussi.

C’est un énorme changement avec ce que je constate aujourd’hui. 

Question de point de vue? Peut-être, mais je me réjouis tous les jours de voir de plus en plus de personnes et de groupes se manifester de façon positive: en faveur des choses. Je constate que de plus en plus de citoyens prennent l’initiative d’appuyer publiquement le maire et les conseillères et conseillers de Québec Forte et Fière pour défendre la pertinence de nos projets. Et ça fait une énorme différence. C’est extrêmement motivant.

Non seulement ça aide à faire naître des projets et les idées, mais je crois que ça change aussi profondément la psychologie collective. C’est stimulant. Ça donne du courage. Ça aide à croire que le changement et l’innovation sont possibles. Ça crée des conditions favorables pour envisager le futur de façon positive. Ça chasse l’anxiété paralysante.

On aspire même à ce que cette énergie et cet optimisme inspirent par-delà les limites de la ville de Québec.

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Il faut évidemment du courage pour se battre en faveur du tramway — contre vents et marées — et pour travailler à l’expansion des transports collectifs et de la mobilité active, parce qu’on croit à l’importance de transformer rapidement la mobilité partout dans la ville, tant pour des raisons économiques, qu’écologiques.

Il en faut aussi pour faire face à la crise du logement et aux changements que ça va impliquer dans l’aménagement de la ville.

Même chose avec le défi de soutenir le développement économique de la ville et l’accompagnement des entreprises, tout en préservant les milieux naturels et la biodiversité.

On est déterminé à faire preuve de courage pour stimuler le développement d’un nouveau tissu économique à Québec: l’économie circulaire, des technologies vertes et susciter des innovations dans la poursuite de la carboneutralité. Et faciliter du même coup l’émergence de nouveau leaders, hommes et femmes, pour notre ville.

On va travailler avec acharnement à revitaliser des rues commerciales délaissées et à soutenir celles qui donnent déjà vie aux quartiers où elles se trouvent.

Et on va mettre la même énergie à accompagner les grands événements culturels et sportifs qui contribuent à notre qualité de vie et au rayonnement de la ville partout dans le monde.

Et ce ne sont là que quelques exemples.

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Pour continuer avec encore plus de vigueur, on aura besoin de soutien. De toutes les formes de soutien. 

Et oui — aussi de soutien financier.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à faire un don à Québec Forte et Fière, et, si le cœur vous en dit, à participer à l’événement-bénéfice qui aura lieu le 15 novembre prochain.

Si vous partagez ma conviction, notre conviction, au sujet de l’importance d’une approche courageuse de la politique; une approche positive, qui donne envie de s’engager en faveur des projets, s’il vous plaît, soutenez financièrement notre engagement.

Je sais que plusieurs craignent de s’associer à un parti politique en faisant un don. C’est pourtant un geste démocratique sain, valorisé par notre système démocratique, qui est basé sur l’existence de partis politiques et qui accorde une place d’importance au financement populaire. Ce n’est pas un geste contre les autres partis politiques, c’est un geste d’encouragement à un groupe dont l’action vous semble importante. Vous pouvez même donner à plus d’un parti politique!

Il ne faut pas craindre de soutenir un parti politique. On devrait au contraire être fier de contribuer de cette façon à la vigueur de notre démocratie.

Alors, si vous êtes fiers du courage dont font preuve le maire, les conseillères et les conseillers, et toute l’équipe de Québec Forte et Fière, s’il vous plaît, ajoutez-y un peu de votre propre courage en cliquant ici pour participer à l’événement-bénéfice du 15 novembre, au coût de 100$, ou en cliquant plutôt ici pour faire un don du montant de votre choix.

Notez qu’il faut résider dans de la ville de Québec pour pouvoir faire un don.

Merci!

Une chaise des générations pour l’Assemblée nationale

J’ai fait pendant des années au moins un aller-retour Québec-Montréal par semaine pour des raisons professionnelles. Mais depuis deux ans, aucun. Ça rendait mon déplacement d’aujourd’hui d’autant plus spécial. Constat: je m’ennuyais du train — même trop lent, même pas assez fréquent.

Il faut dire que l’occasion rendait aussi la chose particulièrement stimulante. J’avais été invité à participer au dévoilement de la chaise des générations qui est destinée à l’Assemblée nationale. Une chaise qui a été réalisée par des jeunes de l’école de la Magdeleine, à Montréal, avec la participation de Marc Séguin, artiste, et la complicité de Frédérique Bérubé, cinéaste (qui a présenté de magnifiques extraits de film). Sans oublier le bienveillant accompagnement de l’inspirante équipe de Mères au front.

Le hall de la Maison du développement durable était plein de femmes et d’hommes de tous les âges, dont il m’a semblé que les yeux brillants témoignaient d’une belle confiance dans l’avenir — si on y travaille bien, solidairement. Il y avait même des représentants des quatre partis politiques présents à l’Assemblée nationale: les députées: Alejandra Zaga Mendez, de Québec Solidaire, Madwa-Nika Cadet, du Parti Libéral du Québec, Agnès Grondin, de la Coalition Avenir Québec, et Méganne Perry Mélançon, pour le Parti Québécois.

On m’avait demandé de raconter l’histoire de la première chaise des générations — celle par laquelle tout à commencé, en 2021, à Québec. Qui aurait pu croire à ce moment que deux ans plus tard, 69 autres municipalités auraient leur chaise des générations, une quarantaine d’autres seraient engagées dans le mouvement, ainsi que plusieurs députés, et bientôt, peut-être, l’Assemblée nationale. C’est vraiment une extraordinaire aventure qui ne fait probablement encore que commencer.

L’histoire de la première chaise, donc…

Il a fallu que je remonte dans mes souvenirs pour trouver ce que je crois être l’origine de cette histoire. Je pense qu’il faut l’associer à une anecdote survenue en 2017.

J’étais devant la télévision, à la maison, à chialer contre l’actualité et sur ce qui se passait à l’Assemblée nationale. Trop de négatif, trop de pessimisme, trop décourageant! À un moment, je me suis exclamé: « Ça n’a pas d’allure! Faut que ça change… S’il le faut, je vais aller manger un sandwich toutes les semaines devant le parlement pour que ça change! ». Ma fille de quinze ans (à ce moment-là) m’a alors regardé dans les yeux et m’a dit: « ok, fais-le si tu es sérieux. ». J’étais pris à mon propre jeu d’éducateur.

Résultat: nous avons été quelques-uns à nous relayer pendant un an, le vendredi midi, le temps de manger un sandwich, à parler de politique positive, de façon de combattre le cynisme et le pessimisme. Constat au bout de tout ça: aucun regret, ça nous a fait du bien, mais notre démarche avait trouvé bien peu d’échos.

Quelques mois plus tard, Greta Thunberg entreprenait la dorénavant célèbre Skolstrejk För Klimat. En s’installant elle aussi, le vendredi, devant le parlement suédois. Puis un peu partout dans le monde. J’ai eu la chance de voir Greta à Stockholm en 2019 — et j’ai été frappé par la force de la parole des enfants, des jeunes; par l’attention qu’elle suscitait, et par le fait qu’il était impossible d’y rester indifférent. On a vu cette force à l’œuvre à Montréal en 2019.

Au même moment, je découvrais les textes d’un philosophe australien, Roman Krznaric, qui portaient sur les dangers du court-termisme. Il insistait sur la nécessité de donner la parole à des représentants des générations à venir pour y échapper. Il nous mettait en garde: il ne faut pas coloniser le futur comme on l’a fait avec les continents, comme si personne n’y résidait. Les enfants vivent dans l’à-venir. Ses textes nous invitent à mener nos vies de manière à être de bons ancêtres. Il donnait des exemples de comment la Finlande avait mis en place un comité de jeunes, Israël un ombudsman des générations à venir, le Pays de Galles un commissaire et comment au Japon on désignait dans certaines consultations des participants avec le mandat de parler au nom des futures générations.

Je trouvais tout ça très inspirant, mais je n’avais pas de contexte pour mettre ça en œuvre. 

Ça allait changer subitement en novembre 2021, quand Bruno Marchand, fraîchement élu maire de Québec, m’a demandé de devenir son directeur de cabinet — ce que j’ai évidemment accepté avec enthousiasme.

Aussitôt happés par le rythme des événements — un quotidien où tout se présente comme une urgence et où tout sollicite également l’attention… nous avons rapidement compris qu’un de nos plus grands défis serait de cultiver la capacité de prendre du recul, de mettre les choses en perspectives et de prendre des décisions à long terme.

Sans un truc, un ancrage, un symbole fort pour nous rappeler pourquoi on faisait de la politique — nos convictions, nos idéaux, le bien commun — et le courage nécessaire pour prendre les décisions en conséquence… on risquait  de céder à la politique au quotidien et à la tentation de faire des choix en fonction de la prochaine élection. 

C’est à ce moment que les écrits de Krznaric me sont revenus à l’esprit et, avec eux, l’idée d’inviter les futures générations dans un de nos lieux de décisions. Et c’est ainsi que l’idée est née d’ajouter une chaise dans la salle du comité exécutif, pour représenter leur présence et nous rappeler l’importance de penser à eux au cours de nos délibérations. L’idée de la chaise a probablement aussi été inspirée par le travail d’artiste de ma mère, au sein duquel la chaise joue un rôle symbolique très important.

On ne savait toutefois pas à ce moment la forme que cette chaise allait prendre. Nous avons proposé à un groupe d’élèves de l’École Sacré-Cœur, et à leur éducatrice, Noémie Ouellette, de fabriquer la chaise. 

Et ils ont produit une merveille à partir d’une chaise d’occasion, qu’ils ont peinte de couleurs vives, à laquelle ils ont ajouté des branches tombées après un épisode de verglas et de feuilles découpées dans une affiche électorale. Du beau, du sens et de l’imagination. Beaucoup d’imagination — en plein ce dont nous avons besoin pour faire face aux très grands défis qui nous attendent dans les prochaines années — en particulier dans le contexte des changements climatiques. 

Les élu.e.s et les membres du cabinet ont spontanément adopté cette chaise, qui a trouvé sa place au centre de la salle où nous faisons la plupart de nos délibérations. C’est un symbole qui nous aide à faire une forme de politique inspirante, qui a la capacité de réunir et de mobiliser. 

La chaise est tous les jours près de nous et il arrive même qu’on s’y réfère explicitement quand vient le temps de faire les arbitrages qui sont nécessaires pour prendre plusieurs décisions. La présence de la chaise nous aide parfois à faire preuve de courage en faisant pencher la balance du côté de l’avenir, malgré les inconvénients à court terme.

La chaise a peu à peu fait parler d’elle dans les mois qui ont suivi, notamment dans Le Soleil, jusqu’à ce que Nathalie Ainsley communique avec moi pour me dire que Mères au front avait envie de soutenir l’idée et de favoriser sa diffusion partout au Québec. Ce à quoi nous avons évidemment décidé de prêter notre concours avec enthousiasme.

Et c’est là que s’arrête l’histoire que j’avais la mission de raconter aujourd’hui. La suite de l’histoire continue à s’écrire tous les jours, avec des élèves de partout au Québec et avec le soutien de Mères au front (il faut voir la page de leur site web qui est consacrée à la chaise!). Je trouve que c’est à la fois émouvant et une grande source d’optimisme.

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Il va sans dire que je trouverais extraordinaire que la chaise présentée avec forte conviction aujourd’hui par les jeunes de l’école de la Magdeleine trouve sa place à l’Assemblée nationale. J’y crois. La présence des représentantes des partis me donne confiance qu’elle trouvera son chemin jusque là.

Il me semble que ce serait un symbole fort pour la démocratie, pour inviter les jeunes à s’y engager et à croire en sa capacité de changer le monde, pour le mieux.

On en aurait bien besoin à un moment où l’anxiété devant l’avenir risque plutôt de provoquer une spirale de désengagement qui compliquerait encore un peu plus les choses. 

Je suis convaincu que c’est avec le sourire et les yeux brillants, comme ceux que j’ai vus aujourd’hui, qu’on a les meilleures chances de relever les nombreux défis qu’on a devant nous.

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Avant de reprendre le train vers Québec, j’ai accordé une entrevue à Janic Tremblay, qui devrait faire partie d’un reportage sur les chaises des générations pour l’émission Tout terrain (probablement diffusé la fin de semaine prochaine). Nous avons notamment parlé de caractéristiques communes à plusieurs des chaises réalisées par les jeunes. Nous avons aussi abordé le fait que les chaises n’apportent pas de réponses aux élu.e.s — leur présence ne détermine pas leurs décisions… elles permettent surtout de poser les problèmes un peu différemment, en apportant un peu de perspective — et qu’il est important de garder à l’esprit que « les représentants des générations à venir » ne penseront pas tous de la même façon… pas plus que « les jeunes », « les femmes » ou « les aînés », ne forment aujourd’hui des groupes monolithique. À suivre…

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J’ai envie de conclure en partageant un extrait du message que j’ai partagé avec le caucus et l’équipe du cabinet en quittant Québec ce matin — parce que c’est aussi chacune d’elles et chacun d’eux que je représentais à Montréal: 

« C’est un très grand honneur pour moi de vous représenter — de nous représenter, tous et toutes — à cette occasion.

Comme je vous le disais, trop rapidement, la semaine dernière, je vois le mouvement qui naît autour de la chaise comme un reflet de l’influence que notre approche peut avoir par-delà les limites de la ville. Ça témoigne que notre façon de faire de la politique peut inspirer. Si des gens ont envie d’emboîter le pas, c’est parce que vous êtes inspirantes et inspirants à voir aller.

Il faut s’en souvenir quand on a l’impression d’être embourbés dans des dossiers précis, qu’on fait face à des difficultés qui nous résistent. Parce que notre action dépasse ces frustrations. Nos gestes ont souvent une portée beaucoup plus large qu’on le croit au moment de les poser.

Nos sourires sont plus forts que nos grincements de dents. »

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J’ai vraiment passé une très belle journée. Pleine de sens. C’est précieux.

Bravo et merci aux élèves de l’école La Magdeleine, à tous ceux et celles qui les ont accompagnés — et à Mères au front pour tout le travail, partout au Québec!

Mise à jour:

Le Devoir: Une « chaise » pour représenter les prochaines générations à l’Assemblée nationale

Le rôle de l’imagination

Plusieurs de mes lectures convergent depuis quelques jours… ou peut-être est-ce mon attention qui est particulièrement sélective. Et c’est sans compter sur les amis qui me proposent des textes en réaction aux extraits que je leur partage

Alors, voilà — quelques simples copier-coller pour conserver la trace de certaines de ces lectures.

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Extrait d’un texte de Rebecca Solnit, dans The Gardian, découvert dans l’infolettre Sentiers:

« The skills of real-world superheroes are solidarity, strategy, patience, persistence, vision and the ability to inspire hope in others. The rescuers we need are mostly not individuals, they are collectives – movements, coalitions, campaigns, civil society. Within those groups there may be someone with an exceptional gift for motivating others, but even the world’s greatest conductor needs an orchestra. One person cannot do much; a movement can topple a regime. We are sadly lacking stories in which collective actions or the patient determination of organisers is what changes the world. »

Ça m’a fait penser au Petit manuel de résistance contemporaine, de Cyril Dion, et au film Qu’est-ce qu’on attend, de Marie-Monique Robin.

Je mets ça aussi en relation avec le plus récent texte de Rob Hopkins: Creating space for community imagination.

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Suggéré par un ami: extrait d’un échange de Bruce Sterling dans le State of the World 2023.

« Something else will turn up. I don’t know what it is yet, but, « when you can’t imagine how things will change, things change in ways that are unimaginable. »

I’m old enough now that, in retrospect, I can understand that most of the things that really pleased me were things that I didn’t imagine and I couldn’t foresee. You don’t need to be anxious about the inherent uncertainty of life; the future is unwritten, trend isn’t destiny. You need a certain open-field looseness in the spine-ankles-and-kneecaps there. It’s how to live. It’s fun, even.»

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Et dans la suite de ma lecture des livres de Sylvain Tesson, ici, dans Petit traité de l’immensité du monde:

« Or, l’une des vertus du bon wanderer est de ne rien attendre du chemin qu’il emprunte. À chaque pas il cueille les émotions, il se gorge de nouveautés, mais il n’essaie pas de trouver des correspondances entre ce qu’il découvre et ce qu’il espérait trouver. Il se garde bien d’évoquer trop souvent le souvenir de l’ancien temps sachant qu’il n’éprouvera que de la nostalgie à comparer le présent et le passé. Car le monde qu’on a sous les yeux sera toujours moins beau qu’une photo sépia ou que sa description dans une chronique ancienne. »

Lire la vie

La lumière sur la neige déposée sur les branches devant les vieilles pierres. Beauté éphémère. Photo. Mais avant, quelques messages: prenez le temps de regarder par la fenêtre, c’est beau!

Quelques gorgées de Gyokuro Shuin. Un thé qui a le goût de l’ombre. Bu en bonne compagnie au milieu d’un après-midi chargé, il a aussi le pouvoir de ralentir le temps et d’ouvrir les esprits.

Le portrait d’un homme inspirant qui initie un dialogue introspectif au terme d’une journée qui s’est éternisée.

La voix maternelle qui m’invite à lire un article du Devoir dans lequel on dit que l’importance d’être à l’affût est au coeur du dernier livre de Christian Bobin.

Le téléchargement du livre quelques minutes plus tard.

« La poésie est don de lire la vie. Est poétique toute concentration soudaine du regard sur un seul détail… »

« Une joie éclate dans ton cœur, monte à tes yeux comme une reine sur ses remparts. Sainte odeur du pain grillé, camaraderie du thé noir, la vie n’est qu’un bivouac. »

C’est très beau. Plein d’épreuves aussi.

Parfois un peu pessimiste, mais surtout plein d’espoir.

« Aucune vie n’est vécue. L’explosion commence juste après la mort. Ce qui précède n’est que le grésillement de la mèche. »

Il n’y a pas de fins. Seulement des débuts d’autres choses.

En temps réel

Si j’avais besoin d’un rappel des plaisir que procure l’écriture sur un blogue… la journée d’hier s’en est chargé!

Quelques instants après avoir publié le texte Ma fenêtre, Luc Jodoin a ajouté un commentaire sous le texte.

C’est le fruit d’une relation établie il y a très longtemps — qui s’est activée hier comme par magie. Je n’ai ni vu ni parlé avec Luc depuis des années… il a dû recevoir un courriel l’avisant de ma publication, ou un flux RSS l’a portée à son attention. Des mécanismes beaucoup plus patients que les algorithmes des réseaux sociaux plus modernes.

Dans son commentaire, Luc porte à mon attention un film et un livre:

Smoke — que je mets à mon programme des prochains jours; et

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, de Georges Perec; que j’ai lu hier après-midi.

C’est une quarantaine de pages écrites spontanément dans lesquelles Perec nous offre un enchaînement d’observations, de détails, d’anecdotes, qui fait émerger un curieux portrait de la place devant la Mairie du VIe arrondissement de Paris.

Ça donne l’impression d’y être.

Cette lecture m’a ramené à l’esprit un exercice d’écriture en temps réel auquel je m’étais prêté il y a quelques années (mais combien?) à l’occasion d’un voyage en avion entre Paris et Québec (mais dans quel contexte?).

Malgré mes efforts — j’étais malheureusement incapable de retrouver le texte.

J’ai donc écrit à René Audet, qui me semblait la personne la plus susceptible de se souvenir du contexte de cet exercice.

Quelques minutes plus tard, bingo! Il me renvoyait un lien vers le texte — que j’avais écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture dont il était l’initiateur… il y a dix ans!

Le textes est ici (il faut descendre un peu dans la page): YQB.

René a du même coup porté à mon attention une fascinante version numérique de Lieux, de Georges Perec. Exploration à poursuivre dans les prochains jours.

Et ça, c’est encore sans compter l’invraisemblable expérience de ChatGPT à laquelle m’a convié Martin Lessard ce matin à partir de la vie (réelle, imaginée — ou un peu des deux) de Ted Worthington! Autre exploration à poursuivre dans les prochains jours…

Tout ça grâce à la photo d’un noeud papillon!

Le plaisir de l’écriture sur un blogue, je vous disais…

Mise à jour:

Sébastien Provencher porte à mon attention You.comun outil de recherche + intelligence artificielle (quel sens donner à tout ça?)… qui a permis de trouver cette vidéo de Ted Worthington expliquant comment nouer un noeud papillon! Identifiée à partir de cet hommage formulé par un ami.

Quelques livres lus en 2022

J’ai pris le temps ce matin de survoler l’ensemble des entrées dans mes notes personnelles et sur mon blogue en 2022. Exercice de rétrospective.

Parmi les constats: quelques-uns des livres que j’ai lus au cours de l’année ont laissé une impression assez forte pour se mériter une référence dans ces notes.

Je les regroupe ici — pour le plaisir du partage.

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Gens du Nord, de Perrine Leblanc

Baldwin Styron et moi, de Mélikah Abdelmoumen

Là où je me terre, de Caroline Dawson

The Gatekeepers, de Chris Whipple

L’apiculture selon Samuel Beckett, de Martin Page

Les deux pieds sans plumes, de Pierre Morency

Nébulosité croissante en fin de journée, de Jacques Côté

Le rouge idéal, de Jacques Côté

Les épreuves de la vie, de Pierre Rosanvallon

Le courage de la nuance, de Jean Birnbaum

À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust (toujours en cours!)

Impressions et lignes claires, de Edouard Philippe et Gilles Boyer

Réparer la ville, de Sylvain Grisot et Christine Leconte

D’images et d’eau fraîche, de Mona Chollet

S’abandonner à vivre, de Sylvain Tesson

Sept principes parmi vingt-cinq… de 2018 à 2022

En février 2018, j’ai fait référence ici à un texte de John Perry Barlow, dans lequel il établit une liste des 25 principes qui guident sa vie.

J’en avais retenu sept qui me parlaient plus à ce moment.

J’ai refait l’exercice aujourd’hui, sans regarder ceux que j’avais retenus il y a quatre ans. Constat: la sélection témoigne d’une certaine stabilité (heureusement!) mais aussi de quelques changements (à réfléchir).

Voilà le résultat:

Les 25 principes:

John Perry Barlow’s 25 Principles of Adult Behavior

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Ma sélection de 7 principes parmi les 25, en 2018:

1. Be patient. No matter what.

3. Never assume the motives of others are, to them, less noble than yours are to you.

4. Expand your sense of the possible.

7. Tolerate ambiguity.

8. Laugh at yourself frequently.

10. Never forget that, no matter how certain, you might be wrong.

16. Reduce your use of the first personal pronoun

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Ma sélection de 7 principes parmi les 25, en 2022:

1. Be patient. No matter what.

3. Never assume the motives of others are, to them, less noble than yours are to you.

4. Expand your sense of the possible.

5. Don’t trouble yourself with matters you truly cannot change.

7. Tolerate ambiguity.

10. Never forget that, no matter how certain, you might be wrong.

22. Foster dignity.

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Et vous?

La chaise du temps

Photo fournie par Noémie Ouellette

Ça fait déjà un peu plus d’un mois que j’exerce le rôle de directeur de cabinet pour le maire de Québec. Ce n’est pas la quantité de travail qui m’a frappé le plus (je m’y attendais pas mal!), mais plutôt la variété des sujets abordés et, plus encore, le rythme auquel ils se succèdent.

Les conseillers et conseillères municipales, le maire, et le personnel du cabinet sont soumis à un véritable déferlement de dossiers. C’est fascinant.

Dans un tel contexte, c’est un incessant défi de garder une vue d’ensemble, de faire des choix qui s’inscrivent dans une vision à long terme et d’agir avec de la perspective.

J’ai déjà fait référence ici aux réflexions de Roman Krznaric sur le défi de tenir compte de l’avenir dans l’exercice de la démocratie.

J’avais partagé ces réflexions avec le maire dès ma nomination et nous avons rapidement choisi de placer dans la salle du comité exécutif un élément symbolique pour nous rappeler que toutes nos décisions sont susceptibles d’influencer les générations à venir.

François Bourque raconte dans sa chronique de ce matin la fabrication de ce symbole, qui fera son apparition dans la salle du comité exécutif la semaine prochaine.

Je trouve que de voir les enfants à l’œuvre — et leur sourire! — ajoute beaucoup de sens à la démarche. Très très grand merci aux enfants et à Noémie Ouellette, éducatrice spécialisée, grâce à qui l’idée est devenue réalité.

Dorénavant, quand nous ferons un tour de table au cours de nos délibérations, leur magnifique chaise sera là pour éviter qu’on oublie de tenir compte de l’impact de nos décisions sur les générations à venir.

Un rappel toujours utile, particulièrement quand le temps nous file entre les doigts.

Le choix de la chaise comme symbole se trouve aussi à faire un clin d’œil à ma mère, dont la démarche artistique accorde une place importante à la chaise.

Oeuvre de Geneviève DeCelles