
Aujourd’hui, 100 jours nous séparent de l’élection municipale du 2 novembre.
Ça veut aussi dire qu’il s’est écoulé 1355 jours depuis la dernière élection. Et que ça fait 1348 jours que je suis directeur de cabinet de Bruno Marchand.
Je prends l’occasion pour faire une brève réflexion sur cette aventure politique et ce qu’elle m’a appris jusqu’à présent.
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Ça commence dès le soir de l’élection, au cours de laquelle nous n’avons jamais concédé la victoire, malgré les premiers résultats et les prévisions des commentateurs, parce que notre analyse nous disait que ce n’était pas terminé. La suite appartient à l’histoire. Il faut faire confiance à notre jugement.
On l’oublie parfois, mais le soir de l’élection, notre équipe ne comptait que 7 élu.e.s sur 22. Nous étions très minoritaires au conseil municipal — et avec une équipe inexpérimentée. Il a fallu trouver des façons de travailler avec les oppositions. L’agilité est plus forte que l’intransigeance.
C’est bien l’agilité, mais, quand c’est une exigence quotidienne, ça requiert beaucoup d’énergie qui ne peut pas être consacrée à autre chose. Il fallait réussir à obtenir une majorité avant de risquer de s’épuiser. On l’a fait patiemment, en montrant qu’on pourrait faire plus ensemble, que chacun de son côté. Le pragmatisme est plus fort que le dogmatisme.
Travailler avec une équipe de plus en plus diverse comporte son lot de défis. C’est stimulant parce que les points de vue sont plus nombreux, mais ça suppose aussi plus de discussions et, parfois, des compromis qui nous confrontent. Il est important de ne jamais perdre de vue la vision qui nous guide.
Au pouvoir, on est rapidement confronté à un constat implacable: on ne peut pas tout faire. Chaque décision, chaque action, requiert des ressources, nécessite du temps. Parfois, la nécessité de choisir est évidente, parfois beaucoup moins. Mais ça finit toujours par nous rattraper: on ne pourra pas faire ceci, parce qu’on a préalablement choisi de faire cela. Choisir, c’est renoncer. Toujours.
À cause de choix, de compromis, ou simplement de réalités qui nous dépassent, il arrive qu’on doive défendre des décisions qui nous plaisent moins, voire avec lesquelles on est, personnellement, en désaccord (même si on sait pourquoi, collectivement, on les a prises). C’est une des choses les plus difficiles en politique. Dans ces cas là, il faut savoir faire preuve d’humilité et relativiser: aucune de nos décisions ne porte, en elle-même, l’avenir de la ville. Ce n’est pas chacune de nos décisions qui importe, c’est l’ensemble de nos décisions.
Quel que soit l’accueil qui est réservé à nos décisions, le plus important est de pouvoir les expliquer, le plus simplement possible. C’est la meilleure façon d’éviter une polarisation simpliste « d’accord / pas d’accord ». Beaucoup de monde est prêt à accepter une décision avec laquelle ils ne sont pas d’accord, dans la mesure où ils la comprennent. Il faut toujours pouvoir expliquer pourquoi on fait les choses.
Malgré cela, il faut avoir le courage de faire face à l’adversité. Et dans un environnement médiatique comme celui de Québec, elle s’exprime parfois très rapidement et très vigoureusement. Avec le recul, on réalise toutefois que les protestataires sont moins nombreux qu’on pouvait le croire, et que les gens qui appuient la décision sont généralement silencieux. Être à l’écoute de la population, ça ne veut pas dire écouter seulement ceux qui protestent.
Tous les membres d’une équipe politique ne sont pas mis à l’épreuve en même temps. Chacun son tour aura à vivre des contrariétés et à traverser des moments plus difficiles. Chacun avec son tempérament, ses expériences antérieures et son entourage. L’empathie est indispensable pour maintenir la solidarité au sein de l’équipe.
C’est bien beau l’empathie, mais ça demande aussi du temps. Au moment où on en a le plus besoin, surtout, mais aussi en amont, pour se comprendre les uns les autres, se décoder facilement, connaître les sensibilités (et les forces) de chacun. Ça suppose d’avoir toujours (autant que possible) la patience pour aborder les choses, ensemble, avec philosophie. Il n’y a rien de pire que la fatigue pour nous faire prendre des décisions qui mettent inutilement à mal la solidarité de l’équipe. La gestion de l’énergie (et de la fatigue) est fondamentale.
Le repos, c’est plus facile à dire qu’à faire. Il y a toujours quelque chose pour nous garder actifs, des gens pour nous interpeller. On se sent vite indispensable. Et pourtant. Il faut se rappeler que l’efficacité est plus importante que la disponibilité. Et qu’il y aura toujours des gens pour dire qu’on aurait pu faire (encore) mieux. Le perfectionnisme est un poison.
Même quand on fait tout très bien, on reste dépendant de nombreuses personnes pour mettre en œuvre nos décisions. On a immanquablement besoin de la collaboration d’autres personnalités politiques, d’organismes, d’entreprises, etc. On trouve parmi eux des alliés naturels, d’autres plus circonstanciels, et, même, dans certains cas, des adversaires. Pour réussir à mobiliser toutes les ressources nécessaires à l’exécution d’un plan, il faut que les gens nous fassent confiance. Il faut être fiables et prévisibles avec nos collaborateurs.
Et ça m’amène aux trois derniers apprentissages, plus généraux — et encore les plus importants, à mes yeux:
La légitimité est généralement plus forte que les rapports d’autorité. C’est vrai au sein d’une équipe, c’est vrai aussi avec les collaborateurs et avec tout le monde avec qui on interagit. Ça tient à l’empathie, à la capacité d’expliquer et à la confiance. C’est plus long de faire reconnaître sa légitimité que d’imposer son autorité, et ça suppose parfois un processus décisionnel un peu plus long, mais on y gagne avec le temps.
La solidarité est la valeur cardinale de toute action politique. On ne peut pas agir ensemble, pour mettre en œuvre un projet, une vision, dans la durée, sans une bonne cohésion à travers les épreuves. Cette cohésion est une affaire de confiance des uns envers les autres, bien plus que d’allégeance à une personne en particulier. Il faut toujours touver des façons pour rester solidaires.
Et finalement, le plus important du plus important:
Le plaisir est un élément indispensable à la réalisation de toute grande ambition politique. Si on n’a pas de plaisir, on ne peut pas réussir à donner envie aux gens de nous suivre. Sans plaisir, on perd aussi le sens du pourquoi on fait ça… et de pourquoi on s’impose tous les défis et les épreuves qu’il faut franchir pour concrétiser nos idéaux.
Le plaisir, c’est d’ailleurs probablement ce qu’il y a de plus important à retenir pour pouvoir atteindre nos objectifs au cours des 100 prochains jours!
