J’ai regardé le face à face entre Pauline Marois et François Legault, plus tôt ce soir, à la télévision.
J’ai été impressionné, une fois de plus, par Mme Marois — par son attitude, son aplomb et son habileté. Par la cohérence de son parcours politique aussi, qui m’a paru à plusieurs reprises transcender son discours. Surtout par cela, peut-être, d’ailleurs.
On peut critiquer ce que dit cette femme, on peut ne pas être d’accord avec certains de ses choix, mais on ne peut pas douter de son intégrité. Son cheminement est rigoureux et il témoigne d’une exceptionnelle détermination.
Consterné par les invraisemblables analyses (j’hésite même à employer ce mot) de certains des commentateurs choisis par TVA pour décortiquer le face à face, je me suis mis à la recherche d’un peu de lecture afin terminer ma journée de façon un peu plus stimulante — avec l’idée de chercher à comprendre encore un peu mieux la femme derrière la candidate; la femme qui sera vraisemblablement la prochaine première ministre du Québec.
Mes recherches m’ont mené à un livre d’Anne-Marie Villeneuve, publié en 2003 par les Éditions Québec Amérique: Paroles de femmes — entretiens sur l’existence. Disponible en version numérique, j’ai pu l’acheter, le télécharger aussitôt et le lire immédiatement. Fantastique!
L’entretien de l’auteure avec Pauline Marois m’est apparu très intéressant. Il m’a semblé témoigner efficacement, en une cinquantaine de pages, de plusieurs des valeurs qui la guident.
J’en ai retenu quelques extraits.
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Au sujet de son attitude:
Courber l’échine, ce n’est pas mon genre. Je suis une fonceuse, même si parfois je trouve la côte à monter difficile et si je vois aussi les écueils. Je ne suis pas inconsciente de ce que je suis, de mes failles et de mes défauts. On en a tous, c’est comme ça. Quand les gens disent que je suis ambitieuse, je réponds «oui, je le suis». Je n’ai pas peur de l’ambition parce qu’elle fait réaliser de grandes choses quand on s’en sert pour changer la société, pour proposer des façons différentes de faire, pour réaliser ou atteindre des objectifs qui sont sains, qu’ils soient sur le plan social, sur le plan économique ou sur le plan culturel.
Au sujet des exigences de la politique
En politique, on a malheureusement toutes sortes de compromis à faire, ça fait partie de cette vie. Si on ne l’accepte pas au départ, on sera frustré tout le temps, on sera toujours de mauvaise humeur et moi, je ne veux pas dépenser d’énergie négative. Souvent, dans le travail que nous faisons, nous devons critiquer ceci ou cela. Une fois que c’est fait, c’est derrière nous. Utilisons notre énergie, notre talent, notre intelligence, notre créativité à bâtir quelque chose et non pas à continuellement critiquer autour de nous ou à remettre en question le passé qui ne peut être changé. Je pense qu’il faut être capable de regarder dans le rétroviseur pour faire des analyses, tirer des leçons, mais je suis une femme qui regarde en avant, là où l’on peut encore changer les choses.
Au sujet du sens des responsabilités
On vit dans une société où l’on fait des compromis pour trouver notre confort et notre bonheur, pour établir les relations les plus harmonieuses, les plus intéressantes et stimulantes possible. Le chacun pour soi, c’est l’anarchie finalement. À mon avis, certains créateurs doivent aller au bout de cela. Mais lorsqu’on est dans des organisations de type public, politique, social ou autre, quand on est à la tête d’institutions ou d’organismes et qu’on assume des responsabilités au nom de quelqu’un d’autre, je pense que ça prend un minimum de retenue.
Au sujet de la sincérité
J’ai la conviction profonde qu’il faut que notre société améliore le sort des plus mal pris d’entre nous. Je pense qu’on doit toujours, comme gouvernement, avoir en tête la recherche de la justice, de l’équité, et aussi la recherche d’une plus grande solidarité entre les gens. On doit pouvoir soutenir, aider ceux qui sont marginalisés, ceux qui sont sur le bord de la route. Il y a toutes sortes de façons de le faire; mon gouvernement a parfois fait des gestes avec lesquels je n’étais pas d’accord, j’aurais probablement agi autrement. Mais à partir du moment où on est franc avec la population, je peux vivre avec cela, tant que les valeurs fondamentales auxquelles je crois sont respectées.
Au sujet de l’action politique
En politique, quand on prend des engagements, c’est parce qu’on veut les réaliser. Je crois que les politiciens sont plutôt de bonne foi, mais souvent leurs rêves se heurtent aux contraintes, à la réalité, à des difficultés bien concrètes et, à partir de là, ils doivent faire des compromis.
Que faire pour revaloriser l’action politique aux yeux de la population québécoise? Il faut peut-être aller davantage chercher le point de vue de la population. On appelle ça la démocratie participative.
Au sujet de la vie, et de nos rêves
J’aime la vie et j’aime ce que je fais. Même si parfois je trouve ça dur et que je suis obligée de me bousculer, il reste que j’ai choisi de changer le monde, et s’il y a un métier ou s’il y a un lieu où c’est possible de le faire, c’est bien là où l’on prend des décisions, en politique. Je réalise donc mon rêve de jeunesse.
Et finalement, la réponse qu’elle donne à la question suivante — et qui me semble éclairer de façon particulièrement intéressante certains des choix qu’elle a faits au cours des derniers mois.
À un jeune qui viendrait vous voir et qui vous dirait «Madame Marois, moi, je veux changer le monde», que répondriez-vous?
Je lui dirais: «Allez-y! Rêvez! Imaginez! Provoquez-nous! Choquez-nous!» S’ils ne nous choquent pas à vingt ans, ils ne nous choqueront pas à cinquante, hein! J’aime ça que des jeunes pensent comme ça, qu’ils n’acceptent pas les faits. Des fois, mes jeunes à la maison se fâchent. Je ne suis pas d’accord avec leur point de vue, mais j’aime qu’ils en aient un, même s’il n’est pas le mien. Même s’ils me choquent un peu de penser comme ça, ça me stimule. Ils voient la vie autrement que je ne la vois, leur façon de juger des événements est différente de la mienne. Je trouve qu’ils ont des idées, des projets, des rêves et il faut en avoir à vingt ans si on veut avoir une influence à un moment donné dans la vie et que la vie soit meilleure dans vingt, trente, quarante ans.
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Paroles de femmes
Entretiens sur l’existence
Auteure: Anne-Marie Villeneuve
Éditeur: Québec Amérique
Date de parution: Octobre 2003
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