Mélimélo numérique (et politique)

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Ma cousine Charlotte a retrouvé il y a quelques jours un document exceptionnel. Des notes rédigées par mon grand-père Léonce en 1956. On peut y lire:

« In this age of automation, one often hears or reads of « electronic brain ». Its possibility is immense. The functions it will perform are said to exceed that of the « human brain ». It remains however dependent on « information » programmed by the latter (…). »

Ses notes témoignent d’un intérêt pour l’intelligence artificielle et les enjeux qui lui sont associés qui est plus grand que celui dont témoigne la majorité des personnes qui nous dirigent aujourd’hui.

Soixante ans plus tard!

Crédits photo:  Charlotte de Celles

***

J’ai participé au Forum Culture + Numérique, qui se tenait les 21 et 22 mars à Shawinigan. Environ deux cents personnes pour deux jours d’échanges, du travail en ateliers et d’intéressantes délibérations.

Au final, toutefois, un constat à nouveau renouvelé: tout le monde souhaite de l’innovation, mais rares sont ceux qui sont prêts à remettre en questions des habitudes, des façons de faire ou des acquis. Un réflexe qui se manifeste aussi immanquablement: toujours demander plus d’argent aux gouvernements. Je me suis montré très critique à ce sujet lors d’une table ronde qui s’est tenue le deuxième jour et ce n’est pas passé inaperçu… (voir la fin de ce texte).

Je suis revenu de Shawinigan plus convaincu que jamais que ce n’est pas seulement en jetant plus d’argent sur les problèmes, en taxant ou en réglementant davantage que les industries culturelles vont réussir à tirer profit du numérique.

Il va d’abord falloir accepter de regarder la réalité en face et d’aborder les problèmes autrement. Avec ouverture, optimisme et ambition.

Je pense que c’est d’ailleurs ce qu’Alexandre Taillefer nous invitait à faire, de façon un peu polémique, lors de la conférence d’ouverture. Et heureusement qu’il l’a fait… parce qu’autrement les médias auraient très peu parlé de l’événement!

***

Un échange avec un ami m’a par ailleurs amené à relire, hier soir, une conférence que j’ai prononcée en 2003 au sujet de la manière dont les technologies de l’information peuvent/doivent influencer notre vision du monde.

Je citais en introduction le Frère Marie-Victorin, qui disait, en 1925:

« Une question angoissante se pose en ce pays: y aura-t-il une science française en Amérique ? […] Parce que nous, les Canadiens français, nous sommes pour bien peu de chose dans toute cette marche en avant des découvertes scientifiques et dans tous ces reculs d’horizon. Le monde scientifique a marché sans nous ; il nous a laissés si loin derrière lui que nous l’avons perdu de vue et que beaucoup de nos compatriotes cultivés le croient petit et de mince importance parce qu’ils le voient de trop loin. La grenouille dans sa mare ignore le grand océan dit le proverbe japonais. C’est un peu notre cas. »

Et je m’interrogeais à mon tour: est-ce que les Québécois allaient être marginalisés dans le monde technologique qui se dessine à l’horizon — faute d’avoir compris les enjeux qui accompagnent l’émergence de la culture de réseau?

Quinze ans plus tard, je me le demande toujours.

Je me le demande chaque fois que je constate qu’on n’a pas encore compris que le numérique n’est pas un sujet parmi tant d’autres, c’est une dimension essentielle de tous les défis auxquels notre société est confrontée. Il est vain de parler de culture, de langue, d’identité, d’éducation, d’économie, etc. sans tenir compte de l’impact du numérique sur les rouages de notre société… et de celles qui nous entourent.

Le numérique nous force à inventer le Québec de demain alors qu’on se contente encore trop souvent de défendre le Québec d’hier.

Le numérique change le contexte dans lequel s’exprime notre identité, comme personne et comme nation. Il modifie le fonctionnement des médias et change la façon dont les gouvernements peuvent exercer leurs pouvoirs et assumer leurs responsabilités.

Ne pas en tenir compte, c’est s’assurer de passer à côté des objectifs qu’on poursuit — aussi fermes soient nos convictions et nobles nos intentions.

***

Dimanche c’était le congrès de circonscription du Parti Québécois de Jean-Talon. Une autre journée (ensoleillée, en plus!) consacrée à la politique! Heureusement, un texte de Pauline Marois publié par La Presse nous aura aidés à démarrer la journée. Extraits:

«…la désaffection et le cynisme des citoyens à l’égard de la politique et de la chose publique laissent le champ libre à ceux qui rêvent de s’emparer de ressources et de pouvoirs qui nous appartiennent collectivement. (…)

Nos institutions démocratiques ne peuvent vivre sans celles et ceux qui s’engagent, sans les durs combats qu’impose la lutte partisane, sans les débats qui permettent au peuple de choisir celles et ceux qui voteront les budgets et les lois qui nous permettent de vivre ensemble.

Ce sera toujours grâce à l’action politique que nous pourrons faire des choix de société et, je l’espère, réaliser l’ambition d’un grand nombre de Québécoises et de Québécois de nous donner un jour un pays.»

Au final, ça a vraiment été une très belle journée d’échanges constructifs et respectueux à partir de chacun des chapitres de la Proposition principale. La démocratie à l’oeuvre, avec des gens, qui ont de profondes convictions et qui sont prêts à consacrer du temps pour les faire valoir.

Et nous avons priorisé, comme prévu, huit propositions qui poursuivront leur chemin vers le congrès régional, qui aura lieu le 7 mai.

D’un point de vue personnel, je suis particulièrement heureux de retrouver les trois propositions suivantes dans la liste parce qu’elles témoignent bien de la nécessité de tenir compte de l’évolution technologique pour façonner notre vision du Québec de demain.

à 0239 — Remplacer 2) par:

2) Créer une équipe de choc pour identifier les lois et les règlements qu’il est le plus urgent de mettre à jour pour que l’économie du Québec puisse bénéficier des opportunités offertes par le numérique et de formuler des recommandations précises en prévision de la campagne électorale.

3) Créer un Conseil national du numérique qui relèvera directement de l’Assemblée nationale et qui aura pour mission de rendre public des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société.

à 0278 — Ajouter avant a.

a. Consacrer une part croissante des revenus de l’État québécois qui sont issus de l’exploitation des ressources naturelles au financement d’un programme de recherche et développement destiné à soutenir l’innovation industrielle dans une perspective d’économie circulaire.

à 0742 — Remplacer d. par:

d. Prendre en compte les transformations induites par le numérique qui se profilent pour les entreprises de toute nature pour être proactif sur la structure de l’emploi et d’être « agiles » en matière de formation professionnelle à quelque niveau que ce soit (secondaire, collégial et universitaire) et ce, dans les secteurs les plus vulnérables.

***

Depuis un mois on dirait que chaque jour qui passe me rappelle le besoin, de plus en plus urgent, de faire émerger au Québec un leadership collectif de plus en plus fort en rapport avec le numérique.

Parce que

«…nous ne serons une véritable nation que lorsque nous cesserons d’être à la merci des capitaux étrangers, des intellectuels étrangers, qu’à l’heure où nous serons maîtres par la connaissance d’abord, par la possession physique ensuite des ressources de notre sol, de sa faune et de sa flore.»

Et que, pour le moment, il n’est pas dit que le numérique nous a rapproché de cette aspiration. C’est peut-être même tout le contraire, alors qu’il pourrait en être tout autrement!

De 1925… à 1956… à 2003… à aujourd’hui, je pense qu’il va falloir trouver moyen de s’y mettre un peu plus sérieusement!

Une réflexion sur “Mélimélo numérique (et politique)

  1. Il est urgent que le Québec « plonge » dans l’intelligence artificielle.

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