Ça va bientôt faire six mois qu’on se relaie pour le rendez-vous sandwich du vendredi midi devant l’Assemblée nationale. On est pas mal fier d’avoir réussi à passer à travers la saison froide… et on espère que de nouveaux participants se joindront à nous avec le retour du beau temps.
Parce que s’il y a une chose qui est claire, c’est qu’on n’arrêtera pas. Parce que depuis six mois, les sources de cynisme n’ont pas diminué. Au contraire. Il s’en est ajouté toutes les semaines.
Pire: les démonstrations que le système est cassé se multiplient elles aussi. La frustration qui a été à la source de nos rendez-vous est en train de se transformer en perte de confiance dans nos institutions. C’est grave.
Dernier exemple en lice: l’invraisemblable histoire d’un accusé de meurtre qui est libéré parce que l’État n’est pas arrivé à organiser un procès dans des délais raisonnables. C’est énorme!
Devant pareil raté de l’État, les élus devraient tout mettre en oeuvre pour protéger la confiance des citoyens envers le système de justice. Tout.
Au lieu de ça, le premier ministre a choisi de faire une déclaration-choc:
«[on ne peut pas] retirer volontairement et délibérément des droits aux gens (…) la clause dérogatoire c’est l’équivalent de l’arme nucléaire en matière constitutionnelle»
On est loin de l’empathie. Loin du monde. Loin de la réalité.
Surtout quand on sait que le gouvernement, dirigé par le même premier ministre, n’a pas hésité à reconduire l’utilisation de la clause dérogatoire dans la loi sur les régimes de retraite qu’il a fait adopter en 2014.
La déclaration apparaît encore plus abusive quand on sait que des clauses dérogatoires sont présentes dans 41 lois qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale — et dont plus d’une dizaine sont toujours en vigueur. Arme atomique? Sérieusement?
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Il est de plus en plus urgent que ceux et celles qui nous dirigent — tous les élus de l’Assemblée nationale, de tous les partis — renoncent aux déclarations-chocs et réduisent au minimum les tiraillages inutilement partisans. La priorité est de remettre en ordre les affaires de l’État. Il est urgent de faire le nécessaire pour que les citoyens retrouvent la confiance dans leurs institutions… sans laquelle tout ira forcément de plus en plus mal.
Quand on est même plus capable d’organiser de procès pour les personnes qui sont accusées de meurtres, ça devient indécent de se chicaner pour des peccadilles (ou même pour des sujets d’importance secondaire) dans le seul but de passer devant l’autre aux nouvelles de 22h, ou pour obtenir 1 pourcent de plus dans le prochain sondage.
La population sent bien que l’heure est grave. Ce serait bien qu’on sente que les politiciens le sentent aussi. Et qu’ils agissent en conséquence.
Je garde confiance, par choix.
Je veux croire que le réveil politique aura bientôt lieu et que l’Intérêt commun va finir primer sur les intérêts partisans.
Ça pourrait par exemple commencer par une meilleure coordination / complicité des partis d’opposition, qui ont trop souvent l’air de se battre les uns contre les autres au lieu de travailler ensemble pour forcer le gouvernement à faire mieux.
Je reste malgré tout optimiste. Par choix. Je croise les doigts… et je mange des sandwichs le vendredi midi. Ça aide. Essayez, vous verrez!